dimanche 12 juillet 2009

GAP

Brève :
Le four solaire GAP installé à la maternité de MAKAMBA (sud Burundi) fin 2008 chauffe de l'eau pour les bouillottes des couveuses en panne des nouveaux-nés.
JML

jeudi 2 juillet 2009

CAPI 0409 n°22 - Le néant et l'être affamé

GROUPE D’AUTOFORMATION PSYCHOSOCIALE
Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE: gap.belgique@skynet.be ;
Groupe d'Autoformation Psychosociale : Formations des adultes et actions humanitaires.
L'association de formation des cadres GAP est une asbl spécialisée en management associatif et en prévention des conflits de groupe. Elle se veut résolument sans but lucratif; aussi, lorsqu'elle dégage un quelconque bénéfice, elle conçoit le projet d'une aide humanitaire technique et ciblée au Tiers Monde. Hier, il s'agissait de formations d'animateurs ruraux et d'animateurs de gestion au Mali et aujourd'hui, c'est l'aide à des associations locales à MAKAMBA au sud Burundi. Notre association n'est pas subsidiée par la coopération au développement de Belgique. Le GAP est un opérateur de terrain qui se réclame de l'application des droits de l'homme et ne se réfère à aucune confession et à aucun parti politique.
Site http://soutien.et.autonomie.free.fr

CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle -
SOMMAIRE des précédents articles de cette revue bimensuelle de réflexions pédagogiques du GAP

N°1 – Janv-Fév. 2006 : Qu'est ce que le GAP ?
N°2 – Mars-Avril 06: Le cahier des offres de formation du GAP.
N°3 - Mai-Juin 06 : La colère des enseignants (gestion des conflits – opus 1)
N°4 – Juill.-août 06 : La pensée rationnelle (gestion des conflits – opus 2)
N°5 – Sept.-Oct.06 : Totem et tabou
N°6 – Nov. Déc. 06 : Jalousie et fonctionnement à la croyance (Médiation couple – opus 1)
N°7 – Janv.Fév. 07 : L'Avant-projet pédagogique BURUNDI
N°8 – Mars-Avril 07 : La Dynamique des Groupes, l'organisation sociale et l'homme de la singularité.
N°9 – Mai-Juin 07 : Histoire de vie en groupe et aide sociale (Proposition au Congrès international des professionnels francophones de l'intervention). Pédagogie du projet.
N°10 – Juillet-Août 07 : Rapport d'activité "Enfants de Kayoba" première phase "Voyage d'études et de faisabilité 2007"
N°11 – Sept.Oct.07 : Le chaman et le formateur
N°12 – Nov.Dec. 07 – L'identité personnelle, une insertion sociale ?
N°13 – Janv.Fév.08 – La genèse des alchimistes pour l'éducation à une spiritualité laïque
N°14 – Mars-avril 08 - Le travail des intervenants sociaux (1) : Pour une insertion sociale et multiculturelle citoyenne.
N°15 – Mai-Juin 08 – Le travail des intervenants sociaux (2) : Emploi, travail et méthodes d'intervention.
N°16 – Juillet-Août 08 – Le travail des intervenants sociaux (3) : Fantasme de toute puissance, démocratie ou génocide.
N°17 – Sept. Oct. 08 : La souffrance du désir et le détachement
N°18 – Nov. Déc.08 : Le stress et les consciences
N°19 – Janv-Fev 09 : Le triangle rouge de la lutte contre tous les racismes
N°20 – Mars-Avril 09 : La psychologie des émotions.
N°21- Mai-juin 09 : La raison sensible (combattre les fidèles au nom des infidèles).
N°22 – Juill-Août 09 : Le néant et l'être affamé


CAPI – Cahier d'Autoformation et de Pédagogie Institutionnelle du Groupe d'Autoformation Psychosocial - GAP - N°22 -04/2009 – Juill-Août 2009
GROUPE D'AUTOFORMATION PSYCHOSOCIAL

Jean-Marie LANGE

"Nous ne sommes pas prisonniers du passé, ni de notre histoire, ni donc tout à fait de nous-mêmes. Chacun a le choix, sinon de son présent, du moins du chemin qu'il y suit ou, s'il en a le courage, qu'il y ouvre."(André COMTE-SPONVILLE)[1]

Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE:
gap.belgique@skynet.be ; Site http://soutien.et.autonomie.free.fr

LE NEANT et L'ETRE affamé

"Je ne peux accéder au monde que si je coupe le lien du désir, mais je ne peux y accéder qui si je le conserve"(KOAN de CASTORIADIS)[2]

L'aliénation de l'homme par le travail, une conception de Karl MARX, serait-elle peut-être une vision théologique et mystificatrice qui bétonne la résignation ?

Le moi/Je/EGO est une invention du sujet se prenant pour lui, sans tenir compte de son clivage intrinsèque : l'inconscient et aussi de l'altérité radicale de l'autre, l'opacité d'autrui qui n'est pas nous, le "maléfice de l'existence à plusieurs"(MERLEAU-PONTY). De plus, l'homme qui se prend pour quelqu'un prononce des projets dans l'espace social et ceux-ci une fois exprimés lui échappent avec parfois un retournement ironique du sens. "Vanité, tout n'est que vanité", dit L'Ecclésiaste.

Qu'est-ce que l'essence de l'existence du sujet sinon le présupposé d'un sujet infini face à un humain qui ne l'est pas, un principe que réfutent les athées mais qui, malgré eux, englobe la plupart des réflexions dans la transcendance, même pour eux. Existe-t-il un sujet lucide et transparent à soi ? L'illusion transcendantale et cette transparence sont-elles possibles si on prend en compte l'inconscient ? Ou bien ne pourrait-on formuler un méta-point de vue à cette contradiction entre l'essence et l'existence, celui que l'idée même de sujet ne serait que le produit de son activité/ de son action ? (Nos références pour développer cette perspective seront Jürgen HABERMAS, Cornélius CASTORIADIS et Michel FOUCAULT).

Qu'est-ce que le sujet ?

Les psychanalystes (comme LACAN en particulier) disent que l'homme est un manque à être ! Mais manque à être quoi ? Un Dieu ? Qui parle dans cette croyance primitive ? De même, certains bouddhistes avec le concept du non-être opposent le "néant" du sujet à la réalité concrète des choses que nous ne percevons pas. Pourtant, une dialectique être et non-être supposerait un troisième terme comme
l'incompréhension cosmique hors des concepts du temps et de l'espace ? Ou encore des représentations mentales basées sur une métaphysique occultée ? Les Mélanésiens croyaient bien au Dieu CARGO des avions des blancs…avant internet ?
Par exemple, croire à notre époque que les pierres sont effectivement des pierres de matière, c'est dénier le vide moléculaire. Le néant est un concept réflexif, tout comme le non-être suppute l'être tout court: "tout néant est néant de ce qu'il résulte"(KANT).

Par la peur existentielle de notre néantisation définitive, nous nous représentons un être idéal, sans manque et qui serait la plénitude même. Il s'agit bien là d'une projection imaginaire, d'une matérialisation cérébrale fantasmatique qui s'enracine dans le sentiment de toute-puissance de notre être infantile. Le désir démesuré de l'Idéal du moi nous fera dénié et exclure du conscient tout un pan de la réalité vécue considérée comme intolérable qui peut mener des hommes de pouvoir à des génocides, à rêver au prix de millions de mort à un "Reich de mille ans".

L'inconscient est une source inéliminable d'aliénation qui servira de base à l'hétéronomie ou à son dépassement, l'autonomie dans le sens créé par le sujet à être ou à ne pas être sauf dans notre imaginaire. Un très bon film avec Gérard DEPARDIEU "Quand j'étais chanteur"[3] illustre bien ce leurre fait à nous-mêmes par notre imaginaire. A contrario, nous pourrions faire l'hypothèse que non seulement Dieu n'existe pas mais que l'homme et ses fantasmes n'existent pas non plus. Au lieu de mettre l'homme au centre de l'univers, pourrions-nous le voir tel qu'il est, dans son animalité, et cesser de le conceptualiser en fonction d'un sens ou d'un manque de sens ?

Le sujet et son histoire subjective de vie seraient alors toujours un produit/producteur en évolution créatrice par rapport à sa première mouture, la racine de son être qui serait l'aliénation par le fantasme de toute-puissance.

"On ne peut dire du monde qu'il est "manque de sens" sans montrer que l'on continue à prendre ses désirs pour des réalités. "Le monde n'a pas de sens, cette idée ne signifie que sur fond de cette autre, qu'elle présuppose : "le monde pourrait et devrait avoir un sens". Les attitudes les plus sophistiquées de la philosophie la plus "radicale" perpétuent l'infantilisme le plus archaïque. Le monde, objet que l'on nous a donné, n'est pas ce qu'on voulait. Un monde correspondant à notre désir nous était dû. Un tel monde "aurait un sens" – c'est-à-dire viendrait à sa place, dans le terrier phantasmatique creusé par le désir, viendrait s'insérer là où il faut, sans excès ni défaut, dans le schème projectif qui constitue le proto-sujet."[4]

Qu'est-ce que le nombril illusoire de l'univers ?

L'homme est un être de désir qui le signifie et l'objet manquant est le désir toujours insatisfait. Le pari de la raison prenant en compte l'inconscient est de comprendre que le monde n'est pas objet de mon désir mais radicalement autre. Le sens imaginaire premier articulé sur le désir doit disparaître afin que puisse émerger un sens second, nous dit Mélanie KLEIN. Soit une adéquation toujours provisoire, une liaison toujours remise en question entre les produits fragmentaires de ma raison humble et la matière, phénomène vivant à la sensibilité altérante à la place de la rigidification de mon imaginaire aliénant.
C'est ce qu'explique le sociologue Pierre BOURDIEU dans "La misère du monde" : l'enfant qui rate ses études va intégrer en lui l'image de quelqu'un de trop bête pour s'insérer dans la communauté, cela va devenir "la névrose d'échec" où le sujet apporte à l'avance les preuves de l'échec de sa future tentative. C'est aussi ce que le psychologue systémique Paul WATZLAWICK titrait avec son premier bouquin traduit : "Faites vous-même votre propre malheur !" En croyant à nos aliénations, nous nous y enfonçons au lieu de nous battre (sans haine et sans violence) en nous confrontant aux autres et en dépassant le message universel autocentré des angoissés : "J'existe, reconnaissez-moi !"

Notons que l'homme n'est pas qu'aliéné par le dedans mais aussi par le dehors, à savoir les pressions et la sélection sociale des nombreux déterminismes qui le conditionnent (sa famille, son milieu, son époque, sa formation, etc.…). Nous avons une toute petite marge de liberté pour nous libérer de nos fantasmes et des contraintes sociales. Comme l'homme, la société se prend pour quelque chose qu'elle n'est pas, car il y a une grande part d'imaginaire dans le social-historique. Si nous nous résignons à tous ces leurres ("RTL chez vous !"), nous n'utiliserons pas alors notre possibilité de raison. Cette petite porte par la réflexion désabusée peut fournir une étincelle, une lumière et, avec la volonté rationnelle, donner par elle-même une cohérence à notre choix de développement de notre autonomie potentielle. Quels sont les besoins modestes dont nous devons trouver la satisfaction, nous dit EPICURE, pour nous éloigner à travers le temps de notre aliénation consumériste ?

Quel est l'objectif ? Lorsque je discutais avec mes directeurs d'école de la psychologie relationnelle et des interactions prof/élèves indispensables pour la lutte contre l'échec scolaire, ils me répondaient avec la langue de bois instrumentalisée de l'institué : "on va acheter plus d'ordinateurs !", ce qui signifie qu'on va continuer à "faire plus de la même chose" mais surtout ne rien changer d'essentiel. Par exemple, selon Gregory BATESON (psychologue systémicien), le changement II consistera à mettre sur la porte d'un bureau la plaque "remédiations" alors que le type derrière la plaque n'aura aucune formation pour ce job. Le changement I, c'est lorsque l'on pose le problème autrement et que l'on s'ouvre ainsi à de vraies réponses. Le sens de l'école est d'épanouir, de former et d'émanciper l'apprenant et non en priorité de le sélectionner et de le disqualifier vers un enseignement de relégation. Une remédiation ce n'est pas, lorsqu'un enseignant a échoué à transmettre avec goût son message, mettre à sa place un autre blasé qui ne servira qu'à faire plus de la même chose. Par contre, arracher le faux-semblant de la plaque et recruter (au-delà du clientélisme) un pédagogue motivé et formé, c'est une solution simple…mais alors pourquoi le pouvoir n'en veut-il pas ?

Les hommes ont inventé les institutions pour se donner des règles leur permettant de vivre ensemble mais les sujets aiment à être dirigés et ne s'occupent pas du contrôle de ces structures; ainsi, la classe la plus avide (donc la moins apte) va occuper ce créneau : l'INSTITUE va s'octroyer de bons salaires, le cumul des mandats et moult avantages à vie, ce qui va énerver le peuple qui va se réveiller par une vague INSTITUANTE de révolte réclamant le progrès social et humain au lieu du statu quo néolibéral. Par peur de perdre son pouvoir par une révolution (i.e. une révolte qui s'organise), l'institué va négocier avec l'instituant un compromis (l'INSTITUTIONNALISATION), ce qui donnera ainsi un nouvel institué mieux adapté tandis qu'un autre instituant se reformera doucement dans la société.
Ce principe de la spirale dialectique n'est ni apologétique ni consolant (cela peut être une spirale qui s'enfonce dans l'aliénation) car ce mouvement de changer le conflit A>[5] sont toujours récupérés soit par le temps soit par le mirage du pouvoir imaginaire (Fidel CASTRO à Cuba par exemple), soit par la mort (El Che GUEVARA par exemple).

L'institué a intérêt à ne rien dire et à camoufler ses erreurs ou profits derrière la linéarité ("cela a toujours été ainsi !"). L'instituant n'a rien à perdre en disant le non-dit et il peut parler pour une fois d'autre chose que de lui-même en dénonçant ce qui est occulté par la pseudo-logique du pouvoir dominant et en créant les bases, toujours provisoires et changeantes, d'un monde utopique de l'instant, tout en sachant qu'il sera de toute façon laminé par le temps (ainsi que ses idées). Le challenge est de penser l'impensé du moment mais en veillant à ce que cela ne devienne pas des dogmes et/ou une structure rigide et adémocratique.

Qu'est-ce que la démocratie ?

Selon la définition d'André LALANDE : "la démocratie est l'état politique dans lequel la souveraineté appartient à la totalité des citoyens, sans distinction de naissance, de fortune ou de capacité."[6]

C'est l'ensemble d'une communauté qui s'émancipe de ses chaînes d'assujettis pour devenir des citoyens autonomes qui pratiquent le franc-parler et le tout dire (la parrêsia développée par Michel FOUCAULT) et qui n'acceptent pas qu'une poignée de technocrates s'auto-déclarent élus à vie par la manipulation d'élections obligatoires (en Belgique uniquement).sans consultation régulière de la population pour les évaluer et avec une pratique fort peu éthique (voyages en Californie "cadeaux d'entreprise" de la Région wallonne - Chirac aussi touchait ce genre de pot de vin avec frais de bouche -, financement d'affaires personnelles sur fonds publics, clientélisme, népotisme, succession par leurs enfants, arrangements pré-électoraux, etc. Les politiciens à vie créent une oligarchie là où ils devraient pour un temps unique et limité de cinq ans (le principe d'Athènes) être au service des intérêts de la chose publique comme représentants d'une démocratie effective avant de retourner faire leur business privé (soit un service civique, un peu comme le service militaire d'antant ).

"Les droits civiques, en premier lieu les droits de participation et d'expression politique, sont des libertés positives des citoyens. Ils ne garantissent pas l'absence de toute contrainte extérieure, mais la participation à une pratique commune sans l'exercice de laquelle les citoyens ne peuvent pas se transformer en ce qu'ils souhaitent être : les sujets politiquement responsables d'une communauté de sujets libres et égaux. En ce sens, le processus politique ne doit pas simplement permettre le contrôle de l'activité étatique par des citoyens qui, dans l'exercice de leurs droits privés et de leurs libertés prépolitiques, ont déjà acquis une autonomie préalable. Il ne remplit pas davantage une fonction de charnière entre l'Etat et la société, car, en démocratie, le pouvoir étatique n'est d'aucune façon une puissance originaire. Il provient, au contraire, du pouvoir fondé sur la communication, généré dans la pratique d'autodétermination des citoyens et se légitime par le fait qu'il protège cette pratique en institutionnalisant la liberté publique. Les citoyens libres et égaux s'entendent sur les objectifs et les normes qui sont dans l'intérêt commun de tous."[7]

Un grand syndicaliste liégeois des années 1960, André RENARD avait lancé l'idée d'un confédéralisme permettant aussi la prise en compte des citoyens wallons minoritaires mais avec un autre concept nécessaire à une gestion réellement démocratique : le "contrôle ouvrier" de l'agora. C'était du temps où le Parti Ouvrier Belge (POB) existait, aujourd'hui cette formation politique ayant laissé tomber le O d'ouvrier pour l'opportunisme d'une évolution vers le centre droite de la social-démocratique. Ce "n'importe quoi", pour avoir des voix, sera, selon les sondages, lourdement sanctionné aux prochaines élections du 07.06.2009 par la population non dupe de cette trahison affairiste. En effet, en enlevant OUVRIER de leur sigle, ils avaient déjà choisi à leur époque l'autre pôle de cette contradiction dialectique entre les travailleurs et le patronat.

"Athènes mérite bien de recevoir le nom de démocratie (dit Périclès), pourquoi ? Parce que, dit-il, la cité est administrée dans l'intérêt général, et non dans celui d'une minorité. Vous voyez qu'il est remarquable que Périclès ne définisse pas la démocratie par le fait que chacun peut parler et donner son avis, mais par le fait que la cité est administrée dans l'intérêt général. Périclès se réfère à ce grand parcours de la parrêsia où, à partir d'une structure démocratique, un ascendant légitime, exercé par un discours vrai, exercé aussi par quelqu'un qui a le courage de faire valoir ce discours vrai, assure effectivement que la cité prendra les meilleures décisions pour tous. La démocratie, au total, c'est bien ce jeu, à partir d'une constitution démocratique au sens étroit du terme qui définit un statut égal pour tout le monde."[8]



Ainsi, une pensée critique non aseptisée va de Hegel à l'Ecole de Francfort en passant par FOUCAULT, CASTORIADIS, SARTRE et bien d'autres, une mise en forme de la réflexion sociopolitique qui vise l'émancipation sociale et l'autonomie citoyenne. Appliquons l'enseignement des Lumières : aie le courage de te servir de ton propre entendement. SAPERE AUDE !

Les hommes assujettis sont maintenus dans un état de minorité non par la contrainte mais parce qu'ils aiment à être commandés et à se placer sous la direction des autres, disaient déjà Etienne de La BOETIE et Emmanuel KANT; les hommes sont mous et ne veulent pas se conduire eux-mêmes, ce qui laisse la place aux arrivistes politiciens. Il n'y a pas de putsch de prise du pouvoir; c'est bien plus grave : des gens avec une certaine avidité de pouvoir se présentent obligeamment pour diriger le pays et même si une grosse proportion de la population râle sur leur gestion, personne ne veut s'impliquer pour proposer une alternative plus créatrice. Cette attitude, la soumission à l'autorité néolibérale, a été étudiée par plusieurs chercheurs en psychologie sociale (Stanley MILGRAM, Jean-Léon BEAUVOIS, Serge MOSCOVICI,…). La critique de la raison nous invite à faire usage de notre propre conscience pour choisir de façon autonome nos conduites : sortir de la majorité silencieuse du troupeau et exercer partout où l'on est une activité critique face aux organisations et aux institutions. Au-delà de nos conditionnements sociaux, nous sommes responsables par confort et lâcheté; nous pourrions nous affranchir de ce semblant de démocratie molle et lénifiante.

"La paresse et la lâcheté, c'est ce par quoi nous ne nous donnons pas à nous-mêmes la décision, la force et le courage d'avoir avec nous-mêmes le rapport d'autonomie qui nous permet de nous servir de notre raison et de notre morale."[9] Il y a des amalgames entre l'obéissance et l'absence d'esprit critique ainsi qu'entre la vie privée et la vie publique. HABERMAS nous interpelle sur la colonisation de la vie privée; bientôt, nous serons tellement soumis que nous irons de nous-mêmes nous enfermer en prison pour des raisons normatives et imaginaires propres à l'époque donnée.
Obéir est confondu avec ne pas raisonner et la tolérance, dit KANT, c'est ce qui exclut la liberté de penser sous sa forme publique, la discussion sur l'agora.

Pour conclure avec la psychosociologie de la dynamique des groupes

Un humain élevé par des animaux ne sera jamais récupérable comme être humain après un certain âge, il lui manquera toujours l'imprégnation du modèle de son groupe d'appartenance (par exemple pour déglutir au lieu de laper). De même, une psychanalyse centrée sur le nombril d'un sujet ne réussira jamais son insertion sociale et à contrario, si nous isolons la sociologie de l'inconscient du sujet et des émotions, il n'y aura qu'un travail savant mais aucun impact sur le sujet. Pour nous, il ne peut y avoir que de la psychosociologie (que FREUD aborde dans son ouvrage "Totem et Tabou").

Dans tout groupe humain, il y a homéostasie. Par exemple en dynamique des groupes, lorsque l'on demande aux membres d'un groupe restreint quelle est la personne la plus populaire, ceux-ci désignent toujours le leader du moment. Mais si dans le même temps, on demande également quelle est la personne qui devrait réduire son influence pour permettre mieux celle du groupe, ce sera aussi le leader qui sera désigné, autrement dit, on demande toujours dans des petits groupes au chef "charismatique" d'en faire un peu moins et de ne pas prendre trop de place pour en laisser aux introvertis. Les résultats des prises de décision en petits groupes devaient être médités par les accrocs du pouvoir pour une saine répercussion sur notre société.

"Les différences d'opinion sont naturelles et attendues. Il faut les prendre au sérieux. On doit les rechercher, les provoquer au besoin, en amenant chacun à prendre part au travail de discussion et de décision. Les désaccords peuvent aider le groupe dans sa prise de décision, parce que, mettant en jeu une gamme plus étendue de jugements et d'opinions, ils augmentent la probabilité de rencontrer des arguments neufs et des solutions valables auxquels on ne pensait d'abord pas. Evitez le recours aux stéréotypes, aux solutions préfabriquées, et ne vous servez pas d'arguments d'autorité."[10]

En synthèse, les repères des gens sont éclatés (plus de confiance aux Eglises ni aux Partis), les grandes utopies de 68 ont disparu pour se voir nivelées par la consommation individualiste. L'identité est de plus en plus floue, ce n'est ni la psyché, ni le leurre de la réussite dans la société instituée mais un troisième niveau: le Soi d'un être existant dans ce qu'il fait (ses actions dans le microsocial du quartier ou du monde associatif). Je suis ce que je fais dans l'ici et maintenant, hier et demain n'existent pas et les intentions de mes actions peuvent s'inverser en leur contraire. Voilà notre modeste constat à l'échelle des fourmis cosmiques que nous sommes et lorsque nous disparaîtrons, personne ne parlera de nous parce que, comme les dinosaures, nous serons retournés à la poussière. Ce réalisme un peu pessimiste ne doit cependant pas nous empêcher d'étudier le monde et nous-mêmes et de travailler avec la raison à notre propre changement permanent, tout en vivant debout.

Le lâcher-prise WOU-WEI vis-à-vis des croyances politiques

"Les révolutions culturelles commanditées par Hitler, Staline, Mao ou Pol Pot ont été le fait d'intellectuels. Tant de haine ne s'alimente que de la haine de soi. Il n'y a pas de tyrannies qui ne naissent d'une sensibilité écorchée vive, d'une passion meurtrie : l'amour de la vie, hors duquel l'amour n'est que foutaise .La machine du profit fait de la planète une colonie pénitentiaire, un camp d'extermination géré démocratiquement où bourreaux et tortionnaires sont interchangeables et travaillent à leur anéantissement programmé. Les vieilles dictatures militaires, sacerdotales et policières ont fait leur temps. Le totalitarisme économique fonctionne avec les rouages de la démocratie parlementaire. Seule la corruption est représentative. Les élections sont le libre choix de la malversation." (VANEIGEM, Internationale situationniste
)[1][2]


Le constat de la gabegie et l'art de vivre

Les hommes sont fatigués de se battre pour un mieux être collectif constamment récupéré par les gens avides de pouvoir, les prêtres d'aujourd'hui que ce sont les politiciens [iii] Les politiciens nous dirigent mais ne nous représentent plus, même pas dans le creux de leurs discours sans âme..Ce ne sont pas les citoyens qui se sont désintéressés de la politique mais le contraire; ce sont nos institutions qui s'éloignent de leur raison initiale d'être pour encore cependant servir d'alibi à l'enrichissement personnel et à la gloire de technocrates européens qui parlent en notre nom sans nous connaître, comme des statistiques. D'un autre côté, les voix des sirènes du bouddhisme oriental nous invitent à ne plus croire en la réalité du monde et à nous renfermer dans des monastères pour cultiver l'égoïsme glacé du détachement des passions (fleurs de la vie), négationnisme de notre versant sensible et animal. D'un côté comme de l'autre, il s'agit d'un jeu de l'esprit (soit avec la face obscure de la pulsion sexuelle et la dominance sur les autres, soit avec le nirvana et le détachement des émotions qui nous font souffrir, la pulsion de mort). Entre les deux, existe une alternative, celle de la vie joyeuse sans nous tracasser tout en perfectionnant notre humanitude. A quoi bon vouloir changer le monde si nous ne sommes pas capables d'affronter nos désirs et nos conflits quotidiens ? Demain, comme le Pape, nous serons tous des égaux morts.

Comment puis-je croire que mes pensées soient miennes ? J'ai des perceptions qui sont des sensations (douleurs et bien-être, si l'on conscientise ces rares moments de non souffrance) et des émotions ou ressentis (qui peuvent devenir des sentiments construits) et aussi bien sûr la réflexion de ma raison mais biaisée par le corps avec lequel le cerveau doit composer. Notre cerveau nous ment constamment et nous fait par exemple ressentir une douleur de goutte au gros orteil même si la jambe a été coupée et cela a l'air tellement vrai. De même, lorsque nous vivons un évènement contradictoire avec nos aprioris, la "dissonance cognitive"(Léon FESTINGER[iv] ) va réinventer les souvenirs par une rationalisation opportune. Et il en va de même du sens de notre vie : ce n'est pas parce que nous ne croyons plus en Dieu que nous ne sommes pas toujours des croyants. L'Humanisme, les Droits de l'homme, la Lutte contre la faim du Tiers-monde, l'implication contre l'Analphabétisme ou l'Illettrisme, la Guerre contre le racisme et l'apartheid fait aux femmes, l'exploitation des enfants, etc.; toutes ces nobles idées nous constituent et parfois nous gâchent le moment présent. Est-il si immoral d'être normalement égoïstes sans pour autant nous désolidariser des autres ? Renan disait : " on attendait le Christ et c'est l'Eglise qui est venue" avec son moralisme surmoïque qui nous imprègne toujours.

Quelle volupté que d'être retraité. Je me lève vers 10h sans le stress du réveil matin journalier. Un "petit déjeuner" avec les yeux qui se reposent encore sur les beautés qui m'entourent : les huiles sur toile de mon flamboyant ami flamand Jacques ZIMMERMANN, les interrogations des masques et des objets africains qui répondent à la sérénité parfois ennuyeuse des Bouddha, la vie en vert qui bourdonne dans les plantes acclimatées (caféiers, palmiers, dattiers, baobabs, orchidées,…). Un long bain chaud relaxant, une méditation zen puis une trappiste en dégustant les réflexions de l'un ou l'autre philosophe ou sociologue. Pour ne pas être gourmand, je lis toujours plusieurs livres en parallèle, ce qui fait prolonge mon plaisir et affine la compréhension maturante. Et enfin j'écris pour le fun et l'envie de partager mes lourds articles de 5 à 12 pages que j'écris d'abord pour moi. Notons que j'adore aussi les grands vins, la bonne table et le sexe mais, comme le dit Epicure, pour ces besoins, il faut d'abord les moyens.

Hannah ARENDT[v] dans son ouvrage "La condition humaine", distingue le travail manuel (Labor) qui est aliénation, de l'œuvre sans contrainte qu'est peindre, écrire ou enseigner. Après avoir été quatre ans planteur en Equateur (au Congo-Zaïre), j'ai enseigné toujours avec la même passion pendant 36 ans, j'ai pris ma préretraite lassé de la bureaucratisation et du mythe du rendement quantitatif croissant de mon administration (et de ce nouveau dieu de "l'école virtuelle", un cauchemar pour les anciens et une insulte de bêtise à mon "savoir-faire grandir" par la psychologie relationnelle). Cependant, je reste toujours coach (conseiller psychosocial en développement personnel) et formateur d'adultes pour l'émancipation sociale.

Jeune, j'ai eu comme idole, Joseph WAUTERS avec sa magnifique sentence "pour que le peuple lise !"; c'était une croyance idéologique et je pourrais gloser toute une nuit obscure sur les turpitudes et malhonnêteté de ce parti PS qui était mon patron avec la collusion "passive" de l'appareil syndical inféodé. Népotisme, piston, clientélisme, détournements privés, pots de vin, voyages et frais de bouche (via l'aéroport de Charleroi), etc. Mais à quoi bon remuer les détritus, sinon pour s'incommoder soi-même de l'odeur putride des arrivistes.

Le WOU-WEI ou lâcher-prise est un concept taoïste qui nous invite à ne pas ressasser nos blessures et/ou les injustices vécues mais à respirer et passer outre. Le zen est complémentaire, il s'agit du meilleur du bouddhisme dégagé de sa lourdeur religieuse et magique pour se concentrer sur la méthode : s'arrêter de penser et sentir. Sentir son corps, la beauté qui nous entoure (la vie) et la chaleur des autres humains.

Après la lecture de HERRIGEL[vi][vii] sur la concentration du tir à l'arc, mes premiers contacts furent avec le tatami de l'AÏKIDO où je m'aperçus que les ceintures noires qui m'enseignaient les mouvements n'étaient pas très imprégnées de la philosophie zen et de sa méthode basique : la méditation. Et pourtant, le chemin était bien là : faire le vide dans sa tête, garder la fluidité du corps et poser avec sureté et rapidité le geste non-violent qui va immobiliser l'ennemi sans lui faire de mal. En effet, des enfants animés par la colère et qui se frappent ne contrôlent pas leurs mouvements tandis que le lutteur calme et sans passion (sans émotion) va frapper avec sa précision. C'est ce que je fais avec l'appareil gouvernemental dominant depuis 20 ans, le parti PS de centre droite pour que d'autres ne soient plus aliénés par cette idéologie faussement socialiste. Avec ma carrière derrière moi, je n'ai aucun enjeu et mon intérêt pour les générations futures est ma seule motivation pour lutter contre ces oligarchies qui se transmettent le pouvoir par descendances filiales.

Avec le clientélisme, les gens sont devenus apathiques car ils se croient redevables. On n'a jamais tant parlé de morale, de déontologie et de démocratie depuis que ces concepts récupérés sonnent creux en servant de couverture idéologique aux dominants. Le décret "Missions de l'école" de 1997 annonce nos idéaux comme objectifs généraux à atteindre mais sans en donner les moyens financiers, tout au contraire en refusant la responsabilité politique grâce aux enveloppes fermées : "débrouillez-vous entre vous avec ces miettes !". Mes yeux se sont dessillés face à l'hypocrisie scolaire et à une morale immorale déjà dénoncée il y a 40 ans par Pierre BOURDIEU[viii] et Jean-Claude PASSERON dans leur ouvrage "La reproduction du système d'enseignement". Nous sommes tétanisés par ce double langage de l'institué permanent PS en Wallonie qui gèle tous les changements mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de nouvelles formes instituantes en gestation. Que les libéraux (MR) protègent les grosses fortunes de l'impôt, tolèrent l'évasion fiscale et l'exploitation privatisée du Tiers-monde, c'est une norme annoncée dans leur programme tandis que ceux qui se revendiquent de la gauche historique font une gouvernance totalement tordue en tolérant les cumuls des mandats, le népotisme et l'enrichissement des intérêts particuliers de leurs princes au détriment de l'intérêt général.

"Les meilleures entreprises intellectuelles sont celles qui, avec insolence et, on peut l'espérer avec élégance, participent à la démolition d'un monde vermoulu. Cela se fait non dans le bruit et la fureur des vociférateurs, pas plus d'ailleurs dans l'arrogance de la pensée critique. Mais, d'une manière bien plus radicale, il s'agit d'un travail de sape qui, résolument, s'emploie à creuser ces galeries qui, bientôt, permettront l'effondrement de ces institutions totalement pourries, ou à tout le moins désuètes, prétendant régenter la vie sociale. Rien ni personne ne se reconnaît plus en elles. Et, pourtant, comme si de rien n'était, elles continuent à dire le droit, à édicter ce qui devrait être."[ix]

Il faut se battre pour abattre cet institué figé pour que puissent émerger la vitalité de la vie quotidienne et la créativité de l'homme sans qualité (sans expertise), il faut dénier le sens de cette occupation permanente pour permettre la renaissance des vagues instituantes. Les sectateurs de SHIVA perçoivent aussi l'autre face de KHALI, la destructrice. Pour prendre une analogie, il est nécessaire que les grands arbres morts soient abattus pour que les jeunes pousses héliocentristes s'épanouissent enfin au soleil.

Il n'y a plus de Dieu ni de transcendance (un scoop de NIETZSCHE) et il n'y a plus non plus d'espérance en un paradis terrestre (le communisme stalinien a engendré l'enfer idéologique : Pol pot, Fidel CASTRO,…) mais il y a la vie hic et nunc (ici et maintenant) dans l'éternel conflit de la nature et de la situation de l'instant.

La vie "est" provisoire, éphémère et dans la mouvance des évènements sociaux mais aussi physiques et cosmiques. Arrêtons de nous épuiser à vouloir changer le monde puis à constater nos idéaux récupérés par des arrivistes sans scrupule à chaque génération. A la place, vivons l'instant et la communauté en ne donnant plus de l'importance à cette puissance sclérosée (économique et politique, nous enseigne la crise de 2008) en arrêtant de soutenir ses tyrans aux pieds d'argile, disait Etienne de La BOETIE.[x] Nous ne devons plus ressasser ce que l'on aimerait qui soit mais nous détourner de ce système d'aliénation par le travail de la pulsion de vie pour créer à côté de nouvelles formes de la vie collective. La meilleure démarche de l'analyse institutionnelle n'est plus la lutte anti-institutionnelle (les syndicats sont infiltrés par l'entrisme du PS) mais la lutte contre-institutionnelle (Gandhi, Thoreau) dans une créativité à côté. Les papillons ECOLO qui veulent partager ce type de pouvoir vont se brûler les ailes dans des compromissions sans fin et sans autre but que le maintien de l'institué bétonné.

Retrouver ou réinventer une éthique pour vivre ensemble. De SHIVA à HERACLITE, l'art de vivre est de dépasser les glaciations destructions et les réchauffements-destructions pour sur cet amas de ruines de la "forme" (mœurs, coutumes, institutions bétonnées,…) reconstruire ce qui apparaîtra, toujours au début, comme une utopie. Utopie d'une nouvelle civilisation fécondante : changer l'obsession de l'accumulation quantitative et du POTLACH des signes ostentatoires de richesse pour retrouver un "sociétal" qualitatif et en permanence contrôlé par tous. Il ne s'agit plus d'avoir et être mais de retrouver les sensations de la nature avec la finesse de la science et de la raison (la dialectique de l'indéfini dionysiaque et de la mort acceptée).

Mais avec quelle morale sociale ? ou quelle nouvelle éthique ?

Pour réussir à vivre ensemble, il faut que les hommes se donnent des règles (des normes). Une nécessité aliénante que ces "tu dois ! et il faut !" mais incontournable pour une morale sociale. "La civilisation est construite sur la répression des instincts", nous dit FREUD et le coût est énorme en tension [xi] pour réfréner nos désirs d'être nous.

Nos obligations époquales deviennent très vite des habitudes de civisme. Un moi social, ensemble de nos obligations se surajoute au moi individuel. La solidarité sociale n'est possible que si nous avons des devoirs individuels envers les autres humains. L'homme est un être grégaire et la société est immanente au langage, ce qui fait que lorsque l'homme pense, c'est un peu comme s'il se parlait à lui-même, ce que nous appelons notre conscience. Cependant, nous ne faisons aucun effort de conscientisation pour ce conformisme aux règles, c'est un peu comme le conducteur d'une voiture qui conduit machinalement : nous nous conduisons automatiquement sur l'autoroute du devoir sans prendre l'initiative des chemins de traverse. Nous sommes insérés socialement par nos déterminismes hérités de nos parents et de l'éducation.

La prise de conscience partielle, c'est lorsque nous avons une hésitation entre vivre un désir ou conserver nos habitudes conformistes, une crise toujours très passagère, car nous résistons à nous-mêmes au nom de l'"obéissance ou devoir", nous dit BERGSON.[xii] Et pour résister au désir, nous faisons appel à la rationalisation, soit une instrumentalisation, un détournement de la raison. Notons cependant qu'un être intelligent peut agir sur lui-même par l'intermédiaire de sa raison en opposant à un désir convenu comme illicite l'idée d'un autre désir socialement accepté, ce que CASTORIADIS [xiii] appelle la sublimation d'une portion de la sexualité (vers l'art ou l'étude).

Une société est un système organisé qui implique une subordination d'éléments les uns aux autres. Il existe des groupes fermés sans apports extérieurs à la communauté (les fourmilières, les ruches, les associations d'anciens combattants), et des groupes ouverts (ouverts au changement contre-institutionnel, donc au changement des règles et à une acceptation des instituants).[xiv] On peut y trouver des qualités émergentes mais aussi toujours un substrat de contraintes, la nécessité des règles.

Dans une fourmilière, l'organisation est toujours invariable alors que dans la cité humaine, la norme des règles est nécessaire mais la structure de celles-ci peut être de formes variables, ouvertes à la créativité institutionnelle. Avec la faculté de parler, nous avons une fonction inventive de l'intelligence pour dépasser les obligations obsolètes et la liberté de choisir nos institutions pour passer du profit pour quelques-uns à une démocratie directe citoyenne, un jour ?
Avec l'intelligence, nous avons la possibilité (non héréditaire) de transmettre les acquis des générations antérieures et de progresser par les connaissances appliquées. Nous aurons cependant toujours des devoirs éthiques : respecter la vie et l'altérité de l'autre (les droits de l'homme). Lorsque ces exigences éthiques fondamentales font défaut dans la vie sociale, ce sera alors la guerre, la torture, le viol, le pillage, la perfidie et le mensonge. Nos morales sociales sont les socles de la cohésion communautaire mais, toujours selon ces concepts de système clos ou de système ouvert de la dynamique des groupes (psychosociologie), nous vivons depuis le XIX° siècle un système fermé sur le seul programme du néolibéralisme, le profit. Pourtant, le système ouvert alternatif d'une gauche socialiste associationniste serait plus crédible pour la rencontre des autres peuples de l'humanité que la collusion actuelle (au-delà de l'olivier), entre les libéraux et le PS.[xv]

Les changements I et II des émotions

Chaque chose, chaque évènement porte en lui son propre contraire (Yin et Yang). Il en va de même pour le concept d' émotion. Sans l'émotion, notre cerveau ne serait qu'un computer pesant éternellement le pour et le contre mais incapable d'opérer un choix (DAMASIO[xvi] ). Pourtant, il est utile de distinguer les émotions construites (par exemple les sentiments) des émotions causales, primaires.

L'émotion est un incitant qui invite l'intelligence à analyser plus profondément et la volonté à persévérer. L'émotion peut résulter d'une idée, d'une représentation mentale et donc être consécutive à l'analyse par la Raison, soit un état sensible produit par un état intellectuel. L'autre type d'émotion serait plutôt la cause motrice (et non l'effet) de la réflexion; elle a des potentialités de représentation mais sans forme préétablie, cette sensation est en lien avec l'interdépendance des développements organiques et de la nature.
La première est infra-intellectuelle (objet des psychologues), une sensibilité reflet de la représentation.
La seconde est supra-intellectuelle (objet des poètes et des méditants), une perception d'une antériorité dans le temps entre ce qui engendre à ce qui est engendré (la relation psychogénéalogique par exemple), illustrée par le koan zen : "Quel est le visage de votre grand-mère avant votre naissance ?". Ce type d'émotion (sans but) peut devenir génératrice de créativité.

Nous évoquons souvent la théorie de l'inconscient horizontal de Pierre JANET (base de l'analyse systémique de l'Ecole de Palo Alto) avec le cerveau gauche masculin et analytique (Yang) et le cerveau droit féminin intuitif et en connexion avec le corps et l'environnement (Yin). Il ne s'agit pas d'une distinction des vrais genres mâle et femelle puisque quel que soit notre sexe, nous avons les deux hémisphères cérébraux avec à la fois la raison et la sensibilité profonde. Notons en passant à ce sujet, que selon BERGSON[xvii], les hommes seraient plus sensibles et moins pratiques que les femmes, une façon de bousculer nos stéréotypes.

Il y a donc deux niveaux de l'émotion : celui qui est une sensibilité des plus hautes facultés de la pensée et que l'on nomme l'esprit critique qui comprend, discute, accepte ou rejette (cf. la partie de ces réflexions axée sur les partis politiques) et celui qui est en nous et qui invente/crée autre chose. En créativité intellectuelle à l'Université de Liège, on citait souvent le chercheur qui s'endort sans avoir trouvé de solution à son problème (trop cerné par des préjugés) et qui s'éveille au matin en criant : "EUREKA !". En effet, le cerveau poursuit son travail dans notre sommeil mais sans les entraves et préjugés représentationnels et le génie de la découverte, de la conscientisation peut ainsi émerger d'un seul bond, l'"insight" ou signal.

La problématique qui inspire notre intérêt est une représentation doublée d'une émotion due au plaisir de la recherche. Ce qui va ensuite parfois émerger comme émotion du second type sera la joie due à la perspective de solution et suscitée par un autre lieu que celui de nos représentations stéréotypées. L'esprit se sent alors créateur (HOLTON[xviii] ) parce qu'il ne poursuit plus le jeu de construction d'une unité composite (un jeu de légo) mais il se configure un nouveau système distinct plus cosmique que l'ancien. Mais l'"illumination"(zen) dure peut et si un temps l'arbre n'était plus lui et la forêt différente, la forêt va redevenir forêt conforme par nos habitus mentaux car nous allons à nouveau la rationaliser en concepts multiples et communs. Or, lorsque l'on découpe le tout en ses parties pour l'étudier, on en perd la dimension holistique.

Avec le cercle parfait, nous ébaucherons le mouvement en spirale. Nous commençons à penser par nous-mêmes et une émotion en résulte (s'y surajoute) puis à force de côtoyer nos représentations et de les interroger pour travailler notre pierre, nous dégageons un autre type d'émotion, présente virtuellement dans les représentations et qui éclot comme cause, une émotion intense et banale, vide de toute représentation avec juste la perception "de ce qui est". Quelque chose d'évanescent que l'on respire, qui nous pénètre depuis l'intérieur et dont nous nous souviendrons seulement du parfum !"Ce qui est en haut est ce qui est en bas" disait JUNG à partir des éléments alchimistes (terre, eau, feu, air) : l'esprit secrète la conscience et la pression des obligations morales et les extrémités de la contradiction de vie s'interpénètrent comme un anneau de Moëbius.
Pression et aspiration, l'esprit prend contact avec la terre nature, la force du vouloir vivre. Nous quittons alors la représentation d'une société qui ne vise qu'à se conserver, le plaisir/déplaisir pour le détachement jubilatoire, la morale pour l'éthique, l'enthousiasme et la joie.

Pour ne plus conclure

Ce sera par la Raison que nous passerons du système des groupes clos et de prébende à l'humanité avec le concept de la dignité de tous et du respect de la personne humaine quelle qu'elle soit (enfant, femme, exclu, sans-papier,…). Peut-être, grâce à la crise de 2008, irons-nous vers un progrès par bond où, après cette lente désorganisation globale par l'économie amenant l'homme à privilégier ses proches en considérant les hommes des autres contrées comme des ennemis, il y aurait un changement de cap ? Intellectuellement en tout cas, nous savons aujourd'hui que nous faisons tous partie d'une seule espèce humaine. Notre avenir est de passer des pressions des obligations morales ou moralisantes à un choix libre et partagé d'une éthique vis-à-vis de toute l'humanité.

Auparavant, l'homme faisait corps avec sa société pour la conservation sociale et par la pression morale. L'homme étant par nature égoïste et donc tourné vers lui-même, il était difficile que l'intérêt particulier s'accorde avec l'intérêt général. On ne pourra plus réformer ce système, il nous faut changer de système. Les âmes des politiciens élus par eux-mêmes à vie sont refermées dans un système clos, celui de paraître pour le clan, de se concurrencer en interne et de profiter de la crédulité des électeurs et des aliénés du travail. Outre le cumul des salaires de plusieurs mandats, les politiciens reçoivent des bakchichs sous forme de "voyages et de frais de bouche".

"L'établissement d'un principe est son institution au commencement de l'époque pour laquelle il servira d'ultime recours et que par là il dominera. Mais si les établissements qui nous sont légués se laissent dire et questionner surtout quand ils plient, alors nous connaissons l'histoire d'abord par ses revers. Les revers de l'histoire produisent son intelligibilité. Ce qu'une époque estime suprême, le code qui fait tenir ensemble les activités et les discours dans lesquels elle se reconnaît, se manifeste dans les crises où il se renverse. Il devient pensable quand se détend son emprise."[xix]

L'alternative à un groupe institué fermé de profiteurs (ne siégeant que rarement dans les chambres tout en étant payés pour) est donc l'âme ouverte sur le monde, l'accueil du changement et l'amour de l'humanité; cette forme ne dépend en rien de son contenu (à remplir par les citoyens en mode de démocratie active). Pour les chrétiens du temps jadis (et aussi pour les musulmans non islamistes fondamentaux), l'amour désintéressé du prochain et la pratique de la charité étaient des vertus. Actuellement, dans notre monde laïque (coexistence des religions et des athées), le vœu pour une alternative peut être vide d'action concrète dans ce premier temps puisqu'il s'agit d'une attitude envers les autres vivants de la terre, un mouvement naissant, qui deviendra comportement et chassera les marchands et les politiciens du temple d'une humanité fraternelle protégeant l'équilibre de la terre pour les futures générations.

Lâchons prise donc à cette voie intériorisée du surmoi qui nous pompe l'air avec ces "il faut que tu fasses !" pendant que les avides s'enrichissent. Utilisons nos sens pour voir le cœur des choses, sentir le vent et l'odeur de la pluie, goûter du Margaux et entendre du Purcell et faisons la seule chose importante dans une si courte vie, vivons sans haine l'instant. J'écris parce que c'est mon plaisir et c'est en faisant ce que j'aime sans contrainte que je peux être le plus utile à mes frères humains, nous dit SPINOZA. Pour comprendre le détachement, il faut être détaché.

"Au fond le plus caché de son être, l'homme n'est véritablement que quand, à sa manière, il est comme la rose – sans pourquoi. Nous ne pouvons pas poursuivre ici cette pensée plus loin."(Maître ECKHART et Martin HEIDEGGER)

Jean-Marie LANGE, formateur d'adultes GAP,
21 juin 2009, solstice d'été.

[1] COMTE-SPONVILLE André, Le miel et l'absinthe, Paris, Ed. Hermann, 2008, p.161.

[2] CASTORIADIS Cornélius, Histoire et création, Textes philosophiques inédits (1945-1967), Paris, Seuil, 2009, p. 159.


[3] Film de Xavier GIANNOLI, 2005.

[4] CASTORIADIS C., Histoire et création, ibid., p.158.
[5] "Le révolutionnaire se définit par le dépassement de la situation où il est. Et parce qu'il l'a dépasse vers une situation radicalement neuve, il peut la saisir dans son ensemble synthétique ou, si l'on préfère, il la fait exister pour lui comme totalité. C'est donc à partir de ce dépassement vers l'avenir et du point de vue de l'avenir qu'il la réalise. Au lieu de lui apparaître, comme à l'opprimé qui se résigne, comme une structure a priori et définitive, elle n'est pour lui qu'un moment de l'univers. Puisqu'il veut la changer, qu'il la considère tout de suite du point de vue de l'histoire, et se considère lui-même comme agent historique. Ainsi, dès l'origine, par ce projet de soi vers l'avenir, il échappe à la société qui l'écrase et se retourne vers elle pour la comprendre : il voit une histoire humaine qui ne fait qu'un avec le destin de l'homme et dont le changement qu'il veut réaliser est, sinon le but, du moins une étape essentielle." SARTRE Jean-Paul, Situations philosophiques, Paris, coll. TEL, Gallimard, 2005, p. 110.

[6] LALANDE André, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, Paris, PUF, 1980.

[7] HABERMAS Jürgen, L'intégration républicaine, Essai de théorie politique, Paris, Fayard, 1998, p. 261-262.
[8] FOUCAULT Michel, Le gouvernement de soi et des autres, Cours au Collège de France, 1982-1983, Paris, Gallimard, Seuil, 2008, p.162.
"Parrêsia (est) cet acte de parole, par lequel on proclame l'injustice en face d'un puissant qui a commis cette injustice, alors que soi on est faible, abandonné, sans puissance, cette récrimination d'injustice lancée contre le puissant par celui qui est faible, eh bien, c'est un acte de parole, c'est un type d'intervention parlée qui est répertoriée, ou en tout cas qui est parfaitement ritualisé dans la société grecque, mais également aussi dans un certains nombres de sociétés.(…) Il y a un puissant qui a commis une faute; cette faute constitue une injustice pour quelqu'un qui est faible, qui n'a aucun pouvoir, qui n'a aucun moyen de rétorsion, qui ne peut pas réellement combattre, qui ne peut pas se venger, qui est dans une situation profondément inégalitaire. Alors que lui reste-t-il à faire ? Une seule chose : prendre la parole et, à ses risques et périls, se dresser devant celui qui a commis l'injustice et parler.", ibid. p. 124-125.

[9] FOUCAULT M., ibid., p. 32.
[10] MOSCOVICI Serge (dir), Psychologie sociale, MOSCOVICI S. et DOISE Willem, Les décisions en groupe, Paris, PUF Fondamental, 1990, p. 227.
[1] VANEIGEM Raoul, Entre le deuil du monde et la joie de vivre, Paris, Verticales, 2008, p. 140-141.


[iii] BAREL Yves, La société du vide, Paris, Seuil, 1984 : "Nous vivons une étrange époque où la réalité du pouvoir économique repose en partie sur l'exercice d'une "compétence" politique, alors que l'on persiste à justifier ce pouvoir à partir d'une rationalité économique, dont on cherche par ailleurs à montrer le lien avec une rationalité scientifique et technique. L'Expertise technico-scientifique et la rationalité économique sont les paravents d'un pouvoir politique qui se définit par son arbitraire qui rend nécessaire l'invisibilisation de la dimension politique du pouvoir économique, le recours à l'idéologie de la compétence technico-scientifique et, d'une manière générale, la discrétion à l'égard de la repolitisation de l'économie."(p.57)

[iv] FESTINGER Léon, A theory of cognitive dissonance, Evanston, Ill., Row, Peterson, 1957.

[v] ARENDT Hannah, La condition humaine, Paris, Pocket, 2003 : " Le phénomène du conformisme est caractéristique de cette dernière étape de l'évolution (…).L'essentiel est que la société à tous les niveaux exclut la possibilité de l'action, laquelle était jadis exclue du foyer. De chacun de ses membres, elle exige au contraire un certain comportement, imposant d'innombrables règles qui, toutes, tendent à "normaliser" ses membres, à les faire marcher droit, à éliminer les gestes spontanés ou les exploits extraordinaires."(p79).

[vi]
[vii] HERRIGEL Eugen, Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc, Paris, Dervy, 2002 : " J'appris à m'absorber avec une si parfaite quiétude dans l'acte respiratoire que j'avais parfois la sensation, non pas de respirer moi-même, mais, quelque étrange que cela puisse paraître, d'être respiré."(p.43).

[viii] BOURDIEU P., & PASSERON J.Cl., La reproduction, Eléments pour une théorie du système d'enseignement, Paris, De Minuit, 1970.

[ix] MAFFESOLI Michel, Le réenchantement du monde, Paris, Coll. Tempus, Perrin, 2009, p.20.

[x] HEM DAY, Aperçu sur la Vie et l'œuvre de Etienne de La Boëtie suivi du Discours de la Servitude Volontaire, Bruxelles, Pensée et Action : "Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. Je ne veux pas que vous le poussiez ou l'ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous verrez, comme un grand colosse à qui on a dérobé sa base, de son poids même fondre en bas et se rompre."(p.26).

[xi] TISSERON Serge, Vérités et mensonges de nos émotions, Paris, Albin Michel, 2005 : "La fiabilité du partenaire émotionnel intériorisé que chacun porte en lui dépend de son histoire personnelle. Ceux qui ont bénéficié" d'interlocuteurs émotionnels réels – que ce soit dans leur prime enfance ou à l'âge adulte – ont tendance à faire confiance à leurs états d'âme. Au contraire, quand un enfant a grandi dans un environnement peu attentif à ses émotions ou qui en a fait alterner brutalement des contradictoires, il devient souvent un adulte peu sûr de lui. Il craint de ressentir des émotions inadaptées ou inconvenantes et de se faire rejeter s'il les manifestait."p. 35-36.

[xii] BERGSON Henri, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, PUF, 2008.

[xiii] CASTORIADIS Cornélius, L'institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975.

[xiv] LOURAU René, La Clé des Champs. Une introduction à l'analyse institutionnelle, Paris, Anthropos, 1997 : "(L'instituant de l'analyse institutionnelle) voudrait libérer les potentialités ou les virtualités d'une situation par rapport à l'institué; il voudrait mettre en place les dispositifs d'une alternative à l'institué, par l'émergence des forces et des formes instituantes. Mais le ressort pulsionnel de l'idéologie hégémonique mondiale s'exerce à travers la terreur nucléaire, la quasi-souveraineté de l'impérium américain, le développement du sous-développement, les conflits ethniques, le chômage, la précarité et la psychoterreur dans le travail, les pandémies humaines et animales. Cette idéologie rabat la stratégie contre-institutionnelle sur une image déformée de notre courant perçu tour à tour ou à la fois "utopiste" ou "dangereux."(p.89.)

[xv] GENEREUX Jacques, La dissociété, Paris, Points Essais, 2008 : "Quelques pionniers du socialisme concevaient le progrès social comme un compromis entre l'aspiration à l'autonomie individuelle et la nécessaire association des hommes. Or, à la fin du XIX° siècle, cette piste de réflexion a régressé au" profit" (..) de la dérive néolibérale de la gauche européenne (même économisme, même productivisme, même déterminisme historique).(…) Le socialisme a renoncé à proposer un modèle de civilisation vraiment différent de celui de l'ultralibéralisme et du néolibéralisme.
Le socialisme a alors, et pour longtemps, enterré le programme de recherche alternatif ébauché par ses pionniers, à savoir : Comment refonder la société sur une conception plus juste de ce qu'est l'être humain, c'est-à-dire qui intègre pleinement son essence sociale ?'(p.368-369).

[xvi] DAMASIO A.R., L'erreur de Descartes, La raison des émotions, Paris, Odile Jacob Sciences, 1995.
DAMASIO Antonio R., Spinoza avait raison. Joie et tristesse, le cerveau des émotions, Paris, Odile Jacob, 2003.
DAMASIO A.R., Le sentiment même de soi. Corps, émotions, conscience, Paris, Odile JACOB, 2007.

[xvii] BERGSON Henri, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, PUF, 2008 : " La femme est aussi intelligente que l'homme mais elle est moins capable d'émotion, et si quelque puissance de l'âme se présente chez elle avec un moindre développement, ce n'est pas l'intelligence, c'est la sensibilité."(p.41).
Note critique de bas de page de Frédéric Worms : "Bergson va à contre-courant des thèses affirmant que la femme a davantage développé que l'homme la sensibilité. Il affirme au contraire que la femme a autant développé l'intelligence que l'homme mais a moins développé sa sensibilité parce qu'elle l'a restreinte à des objets plus limités, notamment à travers l'instinct maternel. Tout se passe comme si Bergson réservait l'instinct aux femmes et l'intuition aux hommes, de façon à définir une sphère propre à "l'intuition philosophique". Mais il concède également aux femmes une capacité d'intuition qui s'enracine dans leur instinct de protection."(p.390)
Nous ne sommes en aucun cas d'accord avec cette allégation, la clinique en psychologie a démontré que les instincts n'existaient pas chez les hommes (par exemple les dénis de grossesse), existe juste l'attachement réciproque de la mère et de son bébé, bien étudié par CYRULNIK.

[xviii] HOLTON G. L'imagination scientifique, Paris, Gallimard, 1981.

[xix] SCHÜRMANN Reiner, Le principe d'anarchie. HEIDEGGER et la question de l'agir, Paris, Seuil, 1982, p.42.

CAPI 0309 - n°21 - La Raison sensible

GROUPE D’AUTOFORMATION PSYCHOSOCIAL
Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE: gap.belgique@skynet.be ;
Groupe d'Autoformation Psychosocial : Formations des adultes et actions humanitaires.
L'association de formation des cadres GAP est une asbl spécialisée en management associatif et en prévention des conflits de groupe. Elle se veut résolument sans but lucratif; aussi, lorsqu'elle dégage un quelconque bénéfice, elle conçoit le projet d'une aide humanitaire technique et ciblée au Tiers Monde. Hier, il s'agissait de formations d'animateurs ruraux et d'animateurs de gestion au Mali et aujourd'hui, c'est l'aide à des associations locales à MAKAMBA au sud Burundi. Notre association n'est pas subsidiée par la coopération au développement de Belgique. Le GAP est un opérateur de terrain qui se réclame de l'application des droits de l'homme et ne se réfère à aucune confession et à aucun parti politique.
Site http://soutien.et.autonomie.free.fr

CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle -
SOMMAIRE des précédents articles de cette revue bimensuelle de réflexions pédagogiques du GAP

N°1 – Janv-Fév. 2006 : Qu'est ce que le GAP ?
N°2 – Mars-Avril 06: Le cahier des offres de formation du GAP.
N°3 - Mai-Juin 06 : La colère des enseignants (gestion des conflits – opus 1)
N°4 – Juill.-août 06 : La pensée rationnelle (gestion des conflits – opus 2)
N°5 – Sept.-Oct.06 : Totem et tabou
N°6 – Nov. Déc. 06 : Jalousie et fonctionnement à la croyance (Médiation couple – opus 1)
N°7 – Janv.Fév. 07 : L'Avant-projet pédagogique BURUNDI
N°8 – Mars-Avril 07 : La Dynamique des Groupes, l'organisation sociale et l'homme de la singularité.
N°9 – Mai-Juin 07 : Histoire de vie en groupe et aide sociale (Proposition au Congrès international des professionnels francophones de l'intervention). Pédagogie du projet.
N°10 – Juillet-Août 07 : Rapport d'activité "Enfants de Kayoba" première phase "Voyage d'études et de faisabilité 2007"
N°11 – Sept.Oct.07 : Le chaman et le formateur
N°12 – Nov.Dec. 07 – L'identité personnelle, une insertion sociale ?
N°13 – Janv.Fév.08 – La genèse des alchimistes pour l'éducation à une spiritualité laïque
N°14 – Mars-avril 08 - Le travail des intervenants sociaux (1) : Pour une insertion sociale et multiculturelle citoyenne.
N°15 – Mai-Juin 08 – Le travail des intervenants sociaux (2) : Emploi, travail et méthodes d'intervention.
N°16 – Juillet-Août 08 – Le travail des intervenants sociaux (3) : Fantasme de toute puissance, démocratie ou génocide.
N°17 – Sept. Oct. 08 : La souffrance du désir et le détachement
N°18 – Nov. Déc.08 : Le stress et les consciences
N°19 – Janv-Fev 09 : Le triangle rouge de la lutte contre tous les racismes
N°20 – Mars-Avril 09 : La psychologie des émotions.
N°21- Mai-juin 09 : La raison sensible (combattre les fidèles au nom des infidèles).
















CAPI – Cahier d'Autoformation et de Pédagogie Institutionnelle du Groupe d'Autoformation Psychosocial - GAP - N°21 -03/2009 – Mai-juin 2009
GROUPE D'AUTOFORMATION PSYCHOSOCIAL

Jean-Marie LANGE

"Nous ne sommes pas prisonniers du passé, ni de notre histoire, ni donc tout à fait de nous-mêmes. Chacun a le choix, sinon de son présent, du moins du chemin qu'il y suit ou, s'il en a le courage, qu'il y ouvre."(André COMTE-SPONVILLE)[1]

Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE:
gap.belgique@skynet.be ; Site http://soutien.et.autonomie.free.fr

CAPI N°21 : La RAISON SENSIBLE : INFIDELES ET MECREANTS se révoltent contre les fidèles et les dogmatiques ?

Introduction, échauffement

La laïcité", c'est la séparation entre la gestion d'un Etat démocratique et le monde religieux. En tant qu'"infidèles" (agnostiques ou athées majoritaires en Belgique mais non structurés en églises) faut-il combattre l'Islam dont les chantres "veulent tuer les infidèles ?" Les mesures terroristes et barbares des attentats aveugles reflètent-elles les préceptes du Coran ou s'agit-il d'un brutal retour à l'obscurantisme d'une minorité fondamentaliste, inexistante il y a à peine 50 ans ? Je visionne les films super8 de mes amies dans la Kasbah d'Alger, les cheveux libres dans le vent, le rouge aux lèvres et les jupes flottantes autour de leurs ravissantes jambes, sans contrainte et sans peur c'était d'authentiques musulmanes qui m'ont appris le côté lumière de leur culture.

La tolérance ne peut fonctionner que selon le respect de la chartre universelle des droits de l'homme et de la femme et ne peut être prétexte à une lâcheté de non ingérence envers ceux qui profitent tout en méprisant nos institutions comme l'école officielle, obligatoire et gratuite pour tous, un phare de lumière pour les flux d'émigrants pauvres venant du sud, ce que montre l'actrice tunisienne Isabelle ADJANI, dans sa prestation d'actrice dans le film "La jupe" :
- pourquoi les jeunes filles maghrébines ne peuvent-elles se comporter comme nos propres jeunes filles de notre pays d'accueil ? c'est-à-dire
- s'habiller comme elles le veulent avec des jupes et sans foulard (hormis les lieux saints) comme leurs grands-mères ou au moins les enlever dans ce qui est pour nous notre espace sacré, l'école publique ?
- sortir avec leurs amies occidentales le soir sans chaperon mâle ?
- aller à la piscine comme les autres ?
- recevoir en cas de besoin les soins d'un médecin homme (cf.les talibans) ?
- manger à la table des hommes lorsqu'elles sont invitées par des autochtones ?
- ne pas subir de mariage forcé ?
- ne pas être cloîtrée à la maison et dans l'illettrisme ?
- ne pas être mutilées par des superstitions sanglantes, douloureuses et dangereuses pour la survie (excisions, infibulations) ?
- avoir le droit de divorcer sans que cela soit accepté par des religieux islamiques ?
- ne pas être lapidée en cas d'adultère car, comme les hommes, elles ont écoutés leurs pulsions ?
- être aidée par leur époux dans une éducation sévère et stricte des enfants pour leur réussite à l'école (et non l'enfant que dit à sa mère comment elle doit s'habiller sans être remis à sa place par le père) ?
- avoir un amoureux non circoncis sans que celui-ci soit obligé de se convertir à L'Islam ?
- avoir le droit de rire et de vivre dans la joie tout en respectant les 5 préceptes, si c'est bien leur choix sans menace de mort ?
- Enfin, pour tous, dénoncer les jeunes machistes qui les insultent de meufs ou de poufiasses car le premier des racismes est bien le sexisme.

Développement

Je suis pacifiste, athée et j'ai donc choisi la valeur de tolérance, l'éthique de conviction de Max WEBER; je suis aussi contre toutes les formes de racismes et d'exploitation des êtres humains. Toutefois, je me pose la question de l'équilibre entre l'éthique de conviction et l'éthique de responsabilité que nous explique le sociologue Max Weber : être tolérant avec les barbares qui veulent s'installer parfois chez-nous de force au mépris des lois mais surtout nous imposer leurs coutumes anti-droits de l'homme, ne serait-ce pas de la lâcheté de ma part ? Entre Saint Michel, l'Archange et les drapeaux verts, n'y aurait-il pas une voie du milieu ?

Je me pose en fait non une question mais des questions :
- combien de musulmans ont-ils été tués à l'aveugle par des attentats intégristes contre des civils innocents ? (Les dommages collatéraux des guerres chirurgicales préventives et d'ingérence du sot BUSH en Irak ou les répressions disproportionnées de Sahal à Gaza sont tout aussi ignobles, mais ce n'est pas ma question). Combien de musulmans ont-ils été abattus parce qu'il avait fait une caricature de BUSH ? Quel est l'équivalent des fatwas lancées après les propos meurtriers d'Ousama Ben Laden envers l'Occident ? Salman Rushdie a-t-il le droit à la liberté d'expression garantie par notre bible à nous, les droits de l'homme ou devons-nous répliquer en attaquant l'Islam par des attentats chez eux ?

- L'émancipation du Tiers-monde pour laquelle je me bats a besoin en priorité de jeunes filles et de garçons éduqués, instruits dans notre enseignement officiel gratuit puisque chez eux, seules les écoles privées sont performantes:

Pourquoi dès lors insultent-ils leurs enseignants comme des merdes (ce que ne font pas les jeunes autochtones) et proposent-ils à ceux-ci des relations sexuelles avec leur vieille mère ("je nique ta mère !") sans être renvoyés sur le champ par SARKOSY au fond de nulle part.
Pourquoi en fonction de cette méconnaissance de nos normes d'éducation et de nos valeurs des droits de l'homme, lorsqu'ils se retrouvent dans des enseignements de relégation (école professionnelle et CEFA) et là, ayant enfin compris que ils ont échoué par leur comportement, agressent-ils leurs alliés, les enseignants qui veulent les remettre sur rails (cf. les films "Entre les murs", "La jupe",…).
Pourquoi ces diverses attitudes provocatrices comme la demande de dispense systématique de gym-piscine ou le port du foulard dans les classes alors que cet enseignement ne leur ai pas offert dans leur pays d'origine, que leurs grand-mères n'ont pas forcément mis ces signes exhibitionnistes sur leur tête, ou se sont battues contre et que Le Coran ne les impose pas.
pourquoi les hommes musulmans sous nos lois, dans nos contrées, qui peuvent se promener en djellabas et pratiquer leurs cultes dans leurs mosquées subsidiées par nous, ne respectent-ils pas leurs femmes comme nos lois le demandent (excisions, infibulations, violence conjugale, enfermement, refus de maillot, de bikini ou de topless, coups et blessures et harcèlements, mariages forcés, refus d'intervention d'un médecin homme lorsque la vie de la femme est en danger, refus du port du vêtement de son choix, choix religieux libre et sans menace de mort).
En un mot, pourquoi certains barbares ne veulent-ils rien apprendre de notre siècle des Lumières et nous menacent-ils d'avoir la tête tranchée si nous n'adoptons pas leur foi ? S'agit-il d'un argument ?

- Pourquoi ne pas s'interroger sur le sens profond des religions ? Il est statistiquement correct de dire que la religion d'un fidèle est au fond celle de ses parents, soit un endoctrinement logique des enfants par le milieu. Combien y a-t-il de musulmans de souche en Belgique et de catholiques en Afghanistan ? Notons que pour les sages, le nom de Dieu est multiple et que pour d'autres sa compréhension dépasse l'entendement et il peut être assimilé aux mouvements de la nature (SPINOZA).
- A côté des convictions dogmatiques qui font couler beaucoup de sang, il y a les scientifiques et les athées qui ne peuvent croire qu'en des phénomènes visibles depuis des millions d'années : les mouvements tectoniques des plaques sur le magma déplacent les montagnes et non la foi du charbonnier. L'athéisme est la marque d'une saine indépendance d'esprit, d'une santé psychique non aliénée et non aliénante sans jamais obliger les autres à se "déconvertir". Le reproche que je ferais à mes amis athées est dans leur trop grande réserve. Nous sommes en effet aussi nombreux que les épis de blé mais non fédérés en église et aucun ne peut parler au nom d'un autre. On les trouve très souvent dans l'élite intellectuelle silencieuse des pays mais pourquoi cette discrétion lorsque c'est la sœur humaine que l'on torture ou assassine ?
- Les religions sont des névroses obsessionnelles collectives de l'humanité, disait FREUD. Aujourd'hui, le dictionnaire Microsoft World définit une illusion "comme une fausse croyance persistante, à laquelle on tient obstinément devant la preuve du contraire, et qui se présente en particulier comme un symptôme de trouble psychiatrique". Les religions sont fondées sur des dogmes que l'on appelle la foi puisqu'elles ne reposent sur aucune preuve depuis la nuit de l'humanité.
- Les pensées et émotions proviennent d'interconnexions cérébrales. Un athée est une personne qui provisoirement (juste le temps de sa vie) pense qu'il n'y a rien au-delà du monde physique naturel, donc pas d'intelligence créatrice surnaturelle, surtout pas avec des caractères anthropomorphiques de blancs à la barbe blanche, vindicatifs, hargneux et psychopathes (cf. Les cinq premiers livres de l'Ancien Testament). Dans la Bible de Jérusalem, le Dieu YAVHE est jaloux, impitoyable, injuste et tracassier. Il est aussi assoiffé de sang et de sacrifices, homophobe, misogyne, raciste, mégalomane, sadomasochiste incitant à l'infanticide et au génocide de ceux qui divergent de la seule bonne interprétation des trois religions de l'arbre. Notons qu'après avoir détruit Sodome et Gomorrhe et changé la femme de Lot en statue de sel, il induit en quelque sorte le tabou central de la civilisation : l'inceste, puisque les filles de Lot couchèrent avec leur père.
Un THEISTE est quelqu'un qui croit, à la virgule prêt, au cauchemar sanglant de cette partie de la Bible.
Un DEISTE croit en une entité supérieure supranaturelle indéfinissable (VOLTAIRE, DIDEROT).
Un PANTHEISTE croit dans l'harmonie naturelle de tout ce qui existe et non à un Dieu qui se préoccupe du destin et des prières égocentrées des humains (SPINOZA).Les panthéistes croient au fond aux lois de l'univers alors que les déistes croient en une intelligence cosmique (un théisme dilué).
"Le Dieu métaphorique ou panthéiste des physiciens est à des années-lumière du Dieu de la Bible, ce Dieu des prêtres, des mollahs et des rabbins et du langage ordinaire, ce Dieu interventionniste, faiseur de miracles, qui lit dans les pensées, punit les péchés et répond aux prières. Confondre volontairement les deux relève à mon avis de la haute trahison intellectuelle."[2]
Un ATHEE est un scientifique comme EINSTEIN que les croyants ont essayé de récupérer en sortant de leur contexte des sentences du genre "Dieu ne joue pas aux dès !", sous-entendu, il sait ce qu'il fait lors des génocides ou des déluges. Il pense, comme EPICURE, que notre âme (psyché) est une propriété émergente de notre corps, que nous ne vivrons qu'une seule fois et que seuls nos atomes ou molécules (si nous refusons l'incinération) auront un bel avenir !

Pour combattre enfin les fidèles au nom des infidèles (II) :
La RAISON SENSIBLE

" Les religions sont des névroses obsessionnelles collectives"(FREUD)

"J'voudrais avoir la foi
La foi de mon charbonnier
Qu'est heureux comme un pape
Et con comme un panier."
(Georges BRASSENS)

Une très belle ballade dans la beauté rayonnante de la nature et dans l'art roman est celle que l'on découvre sur les chemins de pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle; dans les auberges, les coquillages du même nom avec un petit vin blanc sec sont un régal des Dieux. Toutefois à Santiago, on ne trouvera que des coquilles vides. L'important n'est pas un but illusoire mais de goûter le chemin.

Le foulard HIDJAB qui émeut tant les écoles officielles n'est-il pas aussi un voile qui est sur nos propres yeux et qui nous empêche de penser aux crimes contre l'humanité des fondamentalistes ? Par exemple, 90% des petites filles du SOUDAN sont excisées, certaines meurent d'hémorragies, d'infections, sont affectées de problèmes d'incontinence à vie (lorsque la vessie est touchée)…et dans notre indifférence devant cette boucherie. En Afghanistan, les ennemis des talibans ont la tête tranchée devant une caméra au couteau et non à la hache, ce qui prend plus de temps mais "c'est pour la bonne cause" ?



Représentations en regards croisés

Beaucoup ont pris des distances par rapport à nos propres superstitions religieuses mais malgré tout, la guerre des frères entre les trois religions du livre perdure bien après les croisades. (Notons qu'il en va de même en Inde entre les hindouistes et les musulmans malgré la partition de l'Inde en Pakistan et Bengla Desh). En Europe, ce n'est pas triste : le Pape de France SARKOSY, pragmatique, nous dit que "Paris vaut bien une messe" et lèche les bottes du Pape fou Benoît XVI. Celui-ci interdit aux catholiques africains l'usage des préservatifs et par sa rigidité condamne à mort des millions de fidèles noirs; certains disent que c'est une stratégie pour réaffermir les normes de son église par rapport aux sectes chrétiennes déferlantes des USA. (Les catholiques progressistes sont outrés de ce retour en arrière, mais c'est l'infaillibilité du Pape, n'est-ce pas ?)

On aurait tendance à oublier l'actuelle offensive anglo-saxonne avec les prêtres pédérastes (Canada et USA) de façon statistiquement significative par rapport aux gens ayant une sexualité non refoulée mais aussi le négationnisme des camps de concentration (Monseigneur WILLIAMSON non désavoué par Ratzinger, une habitude papale puisque Pie XII n'a jamais critiqué Hitler) ainsi que le tsunami des créationnistes évangélistes américains (anti-darwiniens).

L'amorce étant posée, je dois signaler que j'ai de nombreux amis musulmans au Sahel et que nous respectons nos différences. Je respecte leur foi et eux mon athéisme. Et je m'inquiète un peu de la crispation de certains de mes amis laïques autochtones focalisés contre ces immigrants qui veulent, paraît-il, nous imposer leurs lois théistes (HADJIDS et CHARIA). S'agit-il d'un reliquat de la lutte contre l'hégémonie cléricale de nos pays ("à bas la calotte !") et dont les plaies ne cicatrisent pas grâce à la lâcheté de nos politiciens qui subventionnent, avec l'argent de tous, les écoles confessionnelles au but avoué de propager les évangiles et non le libre-examen ?
En France par exemple, l'école privée catholique compte entre 15 à 17% des établissements contre 50% en Belgique ce qui rend le budget de l'éducation exsangue car il subsidie en double emploi au nom des objectifs laïques de la Communauté française de Belgique :
- Epanouissement de la personne au-delà des superstitions et peurs incohérentes,
- Emancipation sociale par des cours de philosophie (non organisés en Belgique [3]) permettant à chacun un libre choix après examen,
- Octroi d'une formation technologique de haute compétence,
- Pédagogie de la réussite donc pour la mixité sociale et contre les écoles élitistes [4].
Ou bien s'agit-il d'un "relookage" du racisme ordinaire qui, il y a 50 ans, conspuait les vagues d'immigrants italiens et aujourd'hui les marocains de Belgique ? L'Egérie est née avec le Prophète Mohammed environ 670 ans après la chrétienté, quelles étaient les attitudes des catholiques il y a environ 600 ans ?
Le sang, la torture de l'Inquisition, les larmes, les massacres de protestants (St Barthelemy), la chasse aux sorcières et aux hérétiques, etc.

Mes amis musulmans détestent les américains, gendarmes du monde, qui envahissent l'IRAK (sous un prétexte futile et sans l'ombre d'une preuve de ce prétexte avec plus de 4000 GI's tués par BUSH) après l'AFGAHNISTAN (mais aussi après le Vietnam, l'île de la Grenade, Panama, la Somalie, etc.) et qui sont ouvertement les alliés des lobbies juifs contre les fidèles de l'Islam (première religion mondiale).

On peut aussi sans peine donner l'Oscar de l'hypocrisie politique aux américains religieux qui ne lésinent pas pour dispenser la peine de mort dans la majorité de leurs prisons d'Etats et en même temps s'offusquer si la science cherche à progresser dans les cellules souches à partir des embryons surnuméraires congelés pour guérir et réparer des humains vivants en souffrance.

Notons également les publicités des Etats non théocratiques pour le produit Dieu : sur les ceinturons des soldats allemands d'Hitler "GOD MIT UNS"; sur le billet d'un dollar US "En Dieu nous croyons !".
"Les religions sont des sectes qui ont réussi" nous dit la sociologue de l'ULB Anne MORELI et quel que soit leur importance, elles resteront sectaires et intransigeantes en réclamant des laïques leur tolérance à sens unique.

Analyse

Rien n'a fondamentalement changé, si j'ose dire : le monde manque d'instruction et d'écoles pour en finir avec les diverses formes des dogmatismes sanglants. Si nous voulons aborder le cœur de la problématique, il ne nous faut pas dévier sur les flux migratoires inéluctables qui envahiront de toute façon l'Europe et l'Amérique et renforcer ainsi une haine raciale qui existe entre les terroristes du Hamas de GAZA et l'armée juive suréquipée de SAHAL commettant des actes de répression disproportionnés et non ciblés sur les islamistes fanatiques mais tuant à l'aveugle des familles musulmanes.

NON ! Le cœur est plus loin, il est dans l'angoisse existentielle car grâce à notre néocortex, nous pouvons faire des projets certes mais aussi anticiper l'avenir et savoir que nous allons tous mourir sans laisser de trace. Notre corps a vu comme émergence systémique notre cerveau-esprit et celui-ci a construit une personnalité inventée appelée l'ego. L'égo est une illusion formatée pour lutter contre notre angoisse car personne ne veut mourir et nos ego ont inventé la foi reposant sur des dogmes et promettant la vie éternelle.
C'est-à-dire des idées jamais prouvées, jamais démontrées mais a contrario bien démontées par la psychologie moderne : les pseudo-miracles et les hallucinations de la vierge depuis des milliers d'années et qui nous arrangent bien.

L'éducation permanente et la recherche scientifique nous délivrent de cette névrose collective par l'acceptation, difficile certes, de l'inéluctable. Notons toutefois qu'il existe de rares scientifiques qui restent croyants malgré ce caractère non conciliable de la remise en question permanente de la science au gré des nouvelles découvertes et la pérennité jamais questionnée de la foi.

Le philosophe André COMTE-SPONVILLE a dû faire ses études chez les jésuites pour y être formaté à la rhétorique car il parvient à nous expliquer les vertus théologales (la foi, l'espérance et la charité) en des termes philosophiques toutefois un peu trafiqués. Il change par exemple la foi en la fidélité à nos idéaux, ce qui n'est guère similaire; en effet, en psychologie sociale, on a démontré expérimentalement que nous retournions nos vestes tout au long de notre existence et que parfois "nous brûlions ce que nous avions adoré !" Cela est une preuve de vie et d'adaptation et nous pouvons être fidèles à nos idéaux de 40 ans qui sont plus murs et différents de ceux plus romantiques de nos 20 ans ? Rien n'est plus faux que de se regarder dans un miroir et de se dire qu'à part quelques rides nous n'avons pas changé ! Alors que par contre la foi, elle, est la rigidité même ! De plus, nous ne l'avons pas choisie car cela résulte de notre milieu et de l'influence dans notre tendre enfance de nos parents, de leurs convictions et de notre loyauté parentale, nous dira la psychogénéalogie.

Nous pouvons être loyalement fidèles à nos idéaux et à nos femmes provisoires ainsi qu'à nos conceptions scientifiques jusqu'à ce qu'un fait nouveau permette à notre cerveau non obtus de réorganiser nos opinions. "Nous ne voyons pas le réel mais seulement nos représentations du réel" disait EPICTETE, une sentence que je martèle depuis des années en fidélité à cette pensée du changement permanent et des vérités toujours relatives.


Notons en bref excursus, que je viens écrire "nos femmes" et que cela n'est pas un lapsus calami; en effet, je pense que la voie que nous a montrée DARWIN explique que, pour la sélection des espèces, le mâle est un luxe qui n'est pas essentiel. Les débuts de l'humanité parlaient de la déesse mère et les hommes avides de pouvoir (incompétents à donner la vie) sont parvenus à changer le sexe des Dieux, autrement dit la polygamie de mes frères musulmans est plus proche de l'état de nature, n'en déplaise au mépris des Occidentaux ethnocentristes qui amalgament une valeur culturelle (la monogamie) avec cet état de nature. Je suis fidèle à ma culture de la monogamie même si elle n'est pas représentative des différents modes de reproduction des êtres vivants. Cela a comme conséquence au moins de me protéger de devenir un donneur de leçon à ceux qui vivent selon des normes différentes des miennes et être un formateur compatissant envers ces hommes qui se font piéger par leurs pulsions vers l'anima, nous dira JUNG. "C'est la faute de la nature !" dirait un croyant; non, c'est une loi de la nature pour le brassage des gènes. Les hommes sont comme le pissenlit de Madame Larousse, ils doivent semer à tout vent et ils s'imaginent que c'est leur choix. C'est là un des plus grands vices des religions d'exploiter cette souffrance potentielle de l'attraction sexuelle (différente de l'attachement affectif), le "péché de chair" et la misogynie des prêtres de toutes espèces envers la réalité naturelle : la femme est la vie et ses charmes servent à attirer, comme les fleurs, les abeilles mâles et les seuls malsains de cette lecture, ce sont les soutanes (orthodoxes ou catholiques), les pasteurs, les imans ,les lamas et grands muftis qui sentent la naphtaline sous leur robe peu sexy, qui par conditionnement détestent le beau sexe et puent la mort psychique et physique. Fin de l'excursus.

Pour revenir à la Foi en Dieu, la raison des athées sera toujours impuissante à amener les charbonniers à se débarbouiller d'une chose qui n'existe scientifiquement pas sans preuve (qui manifeste de la bonté selon les évangiles et de la cruauté arbitraire selon l'Ancien Testament); il faut vraiment avoir la foi pour ne pas relever les innombrables contradictions compilées dans la bible. L'existence et la forme d'un Dieu ou sa non existence sont équiprobables. Le philosophe Bertrand RUSSERL (phénoménologie) évoque la métaphore de la forme d'une théière céleste en porcelaine, forme de Dieu qui gravite autour du soleil en orbite elliptique et puisqu'elle est trop petite ne serait pas visible de nos télescopes. Qui pourrait réfuter cette divinité ? Les athées ? Mais les croyants du livre sont aussi des athées à propos des autres Dieux (Zeus, Apollon, Amon, Râ, Mithra, Baal, Belzébuth, Thor; Wotan, le veau d'or, le grand Manitou et les chaussettes noires).

Que veulent les théistes pratiquants, que ce soit sur un prie-Dieu ou sur un tapis de prière sinon trop souvent des revendications infantiles et égoïstes : "Mon Dieu, fais-moi gagner aux jeux olympiques contre mes concurrents plus aptes que moi à remporter la victoire !". Attention à ne pas être trop réductionniste par volonté pédagogique, je crois que des croyants sincères peuvent se dépasser de façon altruiste par la prière comme nous par la méditation. Il y a plusieurs chemins pour atteindre Rome, sans passer par la case Vatican. Mais en général, la prière, c'est demander à une puissance surnaturelle que les lois de l'univers soient abolies en la faveur de notre minable ego. Un Dieu qui ne fait pas de miracle et ne fait pas gagner au lotto, peut-il être intéressant pour la masse ? C'est la même déviance dans le polythéisme camouflé des catholiques : je préfère prier Sainte Rita, la sainte spécialisée dans les causes désespérées ou Saint Antoine plutôt qu'un Dieu trop compliqué en sa trinité, n'est-il pas ?

Selon NIETZCHE "Rien n'est vrai, tout est permis !" signifie que l'espérance est morte. Pourtant, nous pourrions revoir cette sentence avec l'éclairage de la pulsion de vie ou bien celui de la pulsion de mort ?
Nous pouvons adhérer à l'idée de "Par delà le bien et le mal" de nos normes bourgeoises étriquées et hypocrites qui fustigent le sexe et les plaisirs de vivre pour le profit de quelques-uns en étant aliénés au travail tout au long de notre existence. Avec Hannah ARENDT, il faut également distinguer le travail, labeur physique et suant, de l'œuvre; en effet, l'artiste-peintre ou l'enseignant ne travaillent pas, ils œuvrent.

Au-delà du bien sexuel et des plaisirs et du mal culpabilisateur et normatif, nous pouvons donc prendre conscience de la seconde contradiction basée sur la pulsion de mort dans le sens de détruire : le nazisme et autres totalitarismes génocidaires étaient et sont des véritables enfers sur terre, où la vie est assassinée. Le mal absolu n'est pas à limiter à des leaders démoniaques comme Hitler, Staline ou Pol pot mais à élargir à notre monde sans cœur de la spéculation économique.

Pour augmenter encore plus les profits des très riches, des enfants meurent dans le Tiers-monde. Il n'y a plus d'espoir, la disparité de la société duale est énorme mais il reste encore l'espérance utopique en une révolution qui bouscule les tyrans aux pieds d'argile, nous dit La Boétie.[5]

Pendant toute mon existence jusqu'à aujourd'hui, j'ai été pacifiste et libertaire et, quel que soit mon délabrement futur inéluctable, je resterai jusqu'à mon dernier souffle par devoir humaniste pour la désobéissance civile avec cette finalité utopique que les riches ne soient plus de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres grâce au silence des pantoufles ayant remplacé le bruit des bottes. Il n'y a que peu d'espoir en un changement de la nature humaine prédatrice et conquérante mais il y a toujours l'espérance d'une révolution mondiale de cette masse de 6 milliards d'hommes dont les 2/3 n'ont pas de quoi vivre dans la dignité.

"L'espoir fait vivre !" est un leurre qui fait que l'on ne fait rien, ou peu, comme après l'échec des soviets en 1917, on pouvait dire "Demain, on rase gratuit !", il s'agit de croyances et d'aliénation. Par contre, plus modestement, on peut avoir la lumière d'une éclaircie en hiver et l'espérance des lendemains qui chantent, le temps d'une saison. Si tous, nous avions des exigences pour la reprise du contrôle démocratique sur l'oligarchie des partis politiques, nous ferions un petit pas vers le progrès de l'humanité.

Mais ne rêvons pas ! Le combat ne peut être que permanent par l'éducation car, depuis que l'humanité existe, la soif du pouvoir alliée à la soif de l'or ont toujours été les plus fortes et les périodes tyranniques reviendront en spirale temporelle et nos espérances en des institutions réellement au service du peuple (comme en Suède) seront toujours à terme désenchantées. Le principal ennemi à combattre n'est pas à l'extérieur de nous mais dans notre intérieur : il est constitué de nos préjugés, stéréotypes, colères. L'éducation permanente dans mon métier de formateur implique la remise en question permanente. "Là où est le ça, il me faut advenir" dit CASTORIADIS reprenant une phrase, parfois mal comprise, de FREUD. Cela signifie que je dois ouvrir mes yeux vers l'intérieur et regarder et accepter cette autre partie de moi restée dans l'ombre et faite de mesquineries, de ressentiments et de colère refoulée pour "lâcher-prise" et pardonner, non pas dans le seul sens chrétien, mais plutôt dans la perspective psychologique de me dégager d'un passé et de souffrances anciennes qui n'existent plus puisqu'elles sont passées. Avant de vouloir sincèrement aimer mes frères humains, je dois m'aimer moi-même tel que je suis et là est le travail de la spiritualité, le reste en découle "naturellement". Je suis ce que je fais.

"Grandir à tous niveaux, et même au niveau spirituel est une forme d'abandon. Il n'y a pas à faire, juste à laisser faire."(KRISHNAMURTI, Plénitude de la vie)

L'engagement

La tolérance est une valeur des droits de l'homme qui doit être cultivée mais non la neutralité envers la barbarie. Nous sommes complices des massacreurs du KIVU (et les 17.000 casques bleus amorphes le sont aussi), nous sommes toujours complices lorsque nous nous taisons face aux crimes contre l'humanité comme au Kivu et au Darfour, au créationnisme (niant la science de Darwin) ou au négationnisme (l'Evêque Williamson, dernier en date). Mai 68 fut un sursaut libertaire nécessaire et joyeux (l'émancipation féminine, la pilule et la liberté des temps avant sida) mais le slogan "interdit d'interdire" hors contexte était dangereux.
Si nous n'avons pas de valeurs, de devoirs et d'espérance en l'humanité, pourquoi alors combattrions-nous les famines, les massacres et l'injustice en général ?

Osons réfléchir et soumettre nos actions à la raison et à l'humanisme. Après l'éducation, nous ne pouvons plus dire que "nous ne savions pas" que 6 millions de juifs ont été systématiquement tués lors de la SHOAH pendant la guerre 40-45 mais aussi 1,4 millions de tutsi massacrés à la machette en cent jours dès mars 1994 ! Bien sûr, toutes nos espérances légitimes (contre les guerres, les génocides et les famines) s'écraseront sur le néant ultime de notre mort, que l'on soit bourreau, victime ou vengeur. La nature est aveugle, nos désirs de pouvoir toujours renaissants et seule THANATOS, la mort est immortelle.





Sévaré, Mali, Janvier 2009

Cela ne doit pas nous empêcher de vivre l'instant debout et de vivre dans l'ici et maintenant en disant le non-dit de l'injustice de la corruption instituée au service de ceux qui ne savent pas bien écrire et/ou mal s'exprimer. Désirer ce qui dépend de nous, c'est profiter de l'instant, développer de l'espérance pour un changement social; c'est prendre le risque du coup de bâton ou de l'impuissance. Et alors ? Devons-nous vivre frileux dans notre fauteuil avec RTL chez nous ou ne pourrions-nous pas avoir la volonté d'agir en nous engageant pour les droits des hommes ?

La compassion

Nous ne voulons pas de l'aigreur des consommateurs frustrés, nous ne voulons pas les ressentiments et les pleurs mais la miséricorde, l'amour océanique pour tous les autres membres de notre seule espèce Homo Sapiens Sapiens.

Avec des amis athées, agnostiques et laïques (et une catholique sincère), nous avons créé une asbl association humanitaire "Groupe d'Autoformation Psychosocial –GAP"[6] qui vise l'autonomie et l'autogestion pour survivre en Afrique noire.


Kayoba, Sud Burundi, 2007.

Nous avons tous vu des films sur les prisonniers des camps de concentration datant de la libération et bien, nous, nous avons vu cela en direct : des grosses têtes décharnées, des corps squelettiques, des énergies anéanties: cela se passe actuellement à Yougo Piri en pays Dogon au Mali mais aussi au Burundi et ailleurs. A Yougo, il n'y a rien à manger, la sécheresse est devenue permanente, il reste juste la chasse aux chauves-souris cibles de lance-pierres.

Et pourtant la FAO et les autres organismes internationaux sont là avec des 4x4 dernier cri et climatisés et les sacs de riz du PAM (Programme d'Aide Alimentaire) sont là aussi sur les marchés à des prix de dumping qui concurrencent les petits producteurs locaux qui arrêtent donc de cultiver pour devenir des assistés permanents. Est-ce ainsi que les hommes vivent, grâce au silence des occidentaux et la bêtise récurrente des américains ?

Bien sûr l'existence est courte et unique, bien sûr les prédateurs renaîtront encore et encore de l'enfer mais est-ce une raison suffisante pour ne plus se battre ? Non pour la charité, concept péjoratif évoquant une logique de bonnes sœurs et d'assistés qui doivent dire merci mais pour la dignité humaine à laquelle chacun à droit. La paix et la justice ne seront jamais définitivement acquises et alors ?

La charité, l'euthanasie.

Pour que nos enfants aient une chance de vivre dans un monde un peu moins injuste et légèrement plus mature, rien que cela en vaut la peine. Il n'y a aucun espoir mais l'espérance utopique peut nous guider. Commençons "à faire" et après on verra bien.

Croyants et non croyants, unissons nos forces d'honnêtes hommes pour combattre ensemble contre les spoliateurs et les tueurs, les profiteurs et les arrivistes, les fanatiques et les cyniques. Ce qui nous rapproche, c'est le prix inestimable que nous accordons à une seule vie humaine, pourtant si provisoire.

En synthèse, la raison sensible

Edgar MORIN, nous réexplique avec sa dialogique la dialectique d'HERACLITE : il faut s'ouvrir aux deux termes d'une contradiction pour pouvoir la dépasser sans haine en un méta-point de vue englobant, ce qui ne signifie nullement de ne pas prendre position mais au contraire de se battre pour les droits de l'homme sans haine ni violence.

Le spermatozoïde gagnant à la loterie de la nature sera celui qui va percer la membrane de l'ovule pour fusionner et devenir l'œuf ou zygote (en perdant son flagelle, et oui déjà !); oublions donc les milliers d'autres qui étaient dans la course. C'est une des lois de la nature de produire ainsi des multitudes de têtards ou de bébés tortues dont peu réussiront à gagner la mer (la mère), croqués par des prédateurs ailés. Si le Dieu qui joue aux dés existait nous devrions le remercier de son arbitraire et de figurer parmi le très petit nombre de privilégiés qui ont gagné le droit de naître et de vivre une existence. Comment osons-nous nous plaindre (et à qui de droit, s'il vous plaît !) de notre retour inévitable à la matière brute d'où l'immensité des êtres potentiels n'ont pas émergés.
Sans rédempteur, nous sommes "sauvés" (de quoi ?) avec le privilège de ceux qui sont nés une fois, pour vivre l'ici et maintenant et mourir un jour, que nous soyons riches et célèbres ou exclus.

Nous sommes les pistonnés qui, sauf preuve contraire, n'existent pas, les produits de la matière en mouvement qui pour réussir une omelette casse beaucoup d'œufs. Cette matière est parfois capable de raison sensible (la raison couplée au ressenti du corps) c'est-à-dire capable de vivre avec une logique scientifique basée sur des faits observables et expériencés et sensible par le ressenti du corps (les émotions?) à la force de cette nature et à sa générosité sans état d'âme, à sa beauté et à la sagesse qui en découle lorsque l'on perçoit dans la vision englobante l'évolution.



La spiritualité concerne l'esprit et la psyché et n'est pas la propriété privée des mystiques excités. Nous sommes à l'ère du connexionnisme (Francisco VARELA), une spécificité du cognitivisme et des analyses par résonance magnétique (IRM) ainsi que des scanners montrant les diverses activités cérébrales selon les actions. Avec le schéma de FISCHER (repris par MORIN dans son tome 3 de La méthode), nous constatons que l'hyper activité cérébrale peut conduire à la catatonie, à la schizophrénie et à l'exaltation mystique allant jusqu'à l'apparition juste à la surface de la peau des stigmates du Christ et à l'autre bout de ce potentiomètre cérébral, il y a les états yogistes et zen de l'apaisement et de l'hypoactivité cérébrale de ce cerveau toujours en principe en ébullition activiste pour fuir l'idée de sa disparition programmée.

C'est là dans le calme du vide du moyeu de la roue que l'on peut concevoir la spiritualité matérialiste et la compassion pour tout ce qui vit (pas les pierres, non !). Malheureusement, les hommes peureux ont déjà colonisé ces horizons lointains en en faisant une religion sans Dieu, le bouddhisme (mélange d'animisme Bön, de magie et de superstitions, comme toutes les religions). Il y a pire que la croyance en Dieu, c'est la croyance aux religions. Gageons que le philosophe Jésus n'aurait jamais été catholique et que le Bouddha n'aurait jamais été bouddhiste, ce ne sont pas les mêmes discours mais leurs exacts contraires. Aux armes, citoyens du monde laïque et des croyants progressistes, battons-nous joyeusement pour la force, la beauté et la sagesse, sans pour autant "mourir pour des idées" (BRASSENS)

Le programme de simulation du cerveau lorsqu'il est en hyperactivité nous permet d'entendre des voix et des consignes simples comme "Bouter l'anglois hors de France !" dit le Dieu des français à Jeanne d'Arc, la Pucelle d'Orléans, ce que récupérera Jean-Marie LE PEN en voulant bouter les étrangers hors de France, et que l'on appelle le racisme.

Le rêve, c'est lorsque l'on dort (20 minutes toutes les deux heures); quand l'enfant est éveillé, c'est de l'imagination; quand l'adulte est "possédé", il s'agit alors d'hallucinations, de la vierge Marie ou des éléphants roses selon l'état éthylique. Dans son œuvre littéraire et philosophique, Alexandra DAVID-NEEL raconte la formation d'un jeune moine. Son lama formateur lui apprend à méditer et à se concentrer, puis il lui demande de visualiser son YI-DAM (Dieu Lare, divinité personnelle). L'enfant retourne dans sa cellule et, après quelques mois, revient près de son maître attesté de son apparition. "Très bien !" dit le maître mais cela n'est pas suffisant : "il faut que tu sentes ses pieds toucher ta tête !", l'apprenti repart et revient de longs mois après attester de cette manifestation physique. "C'est très bien !" dit le maître, ton apprentissage est terminé.
Peut-être un an après, l'élève revient trouver le maître et lui demande si tout cela n'était pas le fruit de son imagination ? "Oui" dit alors le maître "tout n'est qu'illusion" et la véritable formation de l'apprenti lama peut commencer, lorsqu'il n'a plus la foi en une quelconque déité. Nous sommes le Bouddha avec le vide du cosmos.

Nous pouvons par contre nous servir de nos symboles pour affirmer et défendre notre humanité. Lorsque nos ancêtres du Neandertal, après avoir pleuré leurs défunts, éprouvaient un certain malaise à ce que les corps soient les proies des charognards, ils inventèrent les funérailles et enterrèrent leurs morts par respect pour cette coque vide, objet de disputes pour les chacals. Notons en passant que les lamaïstes ont évolué de façon inverse mais tout aussi symbolique : ils découpent eux-mêmes les cadavres sur un cimetière céleste (une colline) pour aider la vie qui continue dans la digestion des vautours, amateurs de lamas.

L'existence humaine est constituée plus de souffrance que de moments heureux, c'est pour cela que le symbole de la croix du Christ est porteur de sens dans nos cultures. Par contre, ailleurs, chez les Indiens d'Amérique, le symbole d'un instrument de torture et d'un Dieu crucifié ne fut pas très apprécié.

Le philosophe Martin HEIDEGGER [7], nous dit qu'il faut que nous devenions comme la rose sans pourquoi. Allégorie magnifique car la vie en soi n'a pas à se justifier mais à se respirer et à se goûter.
ANKH, clé de vie, contre les Djinns

Lorsque j'admire la rose et que j'apprécie son parfum, pourquoi faudrait-il que je la coupe, que je la tue pour mettre son cadavre dans un vase et en jouir ainsi seulement quelques jours ? Lorsque je suis invité chez des amis, j'apporte des plantes en pot ou une bouteille de vin mais jamais des fleurs flétries par mes soins.

Mon fondement philosophique personnel me nourrit des philosophes de l'antiquité grecque : d'une part HERACLITE et son principe moteur de la dialectique, du mouvement grâce à l'opposition des contraires (les protons et les électrons par exemple) pour une progression en spirale labyrinthique et d'autre part EPICURE avec son principe de vie en pleine conscience dans le moment présent, l'ici et maintenant que me procure la beauté de la rose dans son biotope. Mais je ne peux privilégier cette lumière de la vie sans son contraire associé : la pourriture et la décomposition de la rose. Etre comme la rose et vivre sans pourquoi certes mais cela demande en fait un très long travail de détachement et d'acceptation de la flétrissure naturelle de la rose, même si le rosier survit, dirait SCHOPENHAUER.

En synthèse, pour goûter la vie, il nous faut accepter ce que l'on ne peut changer à savoir la souffrance, la dégénérescence et la mort pour devenir à son tour substrat d'une autre rose dans un autre espace-temps. Ma grand-mère catholique me disait que "chacun porte sa croix !". Je suis athée mais j'accepte le symbole de la croix comme idée de mort avec la tige de la rose qui s'en sert comme tuteur avant de refleurir.

Jean-Marie LANGE, 24 mars 2009.
[1] COMTE-SPONVILLE André, Le miel et l'absinthe, Paris, Ed. Hermann, 2008, p.161.

[2] DAWKINS Richard, Pour en finir avec Dieu, Paris, Tempus, Perrin, 2008, p.32
[3] "La Belgique est un des rares pays où la philosophie n'est pas enseignée dans les écoles primaire et secondaire. En fait, elle est un enjeu de pouvoir pour les détenteurs d'une forme d'autorité religieuse, spirituelle ou convictionnelle et, en conséquence, étouffée par la volonté de puissance des uns et des autres. Nos enfants peuvent ainsi vivre ensemble sans apprendre à partager et débattre de leurs idées. Ce choix politique est celui de la langue de bois. Le déficit de nombreux jeunes (et plus vieux) en matière logique et argumentative est largement imputable à ce manque de lucidité pédagogique." Eric de BEUKELAER & Baudouin DECHARNEUX, Une cuillère d'eau bénite et un zeste de soufre. Regards croisés et joute amicale en 55 mots-clefs, Bruxelles, EME, 2008, p. 122. Ajoutons pour dépasser la propre langue de bois de Baudouin, que le CDH est clair, qu'ECOLO dès sa naissance a refusé de s'engager à gauche pour récolter un maximum de voix et que les partis engagés dans la laïcité, le MR et le PS, sont d'une lâcheté confondante depuis l'enterrement de la guerre scolaire de 1958.

[4] "Si nos élites persistent, le mot politique deviendra bientôt synonyme de désespoir.(…) La démocratie ne peut s'épanouir sans un terrain fécond. L'éducation devrait être inscrite comme la priorité absolue pour toute politique un tant soi peu soucieuse de respecter le citoyen. L'état de nos écoles, comme un coup de poing dans l'œil, symbolise notre déficit démocratique. Nos enfants et adolescents évoluent dans des espaces où aucun adulte n'accepterait de travailler (sauf les profs qui apparemment sont hors catégorie)." De BEUKELAER et DECHARNEUX, ibid., p.124. Notons une fois encore, tout en étant en accord avec Baudouin, que celui-ci pratique un peu la langue de bois et que l'esprit de la résistance ne doit pas nous faire oublier les actes posés contre l'enseignement officiel par des politiciens se déclarant laïques et de gauche. Par exemple l'enseignement lors des grandes grèves de l'hiver 1990-1991 (6 mois sans une seule concession), soit 3500 profs liquidés pour rentrer dans le serpent monétaire de l'EURO. L'enseignement technique ne s'en est jamais relevé. Devoir de mémoire donc.
[5] De La Boétie Etienne, La Servitude volontaire, Paris, Arléa, 2007 : " Celui qui vous maîtrise tant n'a que deux yeux, n'a que deux mains, n'a qu'un corps et n'a autre chose que ce qu'a le moindre homme du grand et infini nombre de vos villes, sinon qu'il a plus que vous tous : c'est l'avantage que vous lui faites pour vous détruire. D'où a-t-il pris tant d'yeux dont il vous épie si vous ne les lui donnez. Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper s'il ne les prend de vous ? Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous que par vous ?" p.19.
[6] GROUPE D’AUTOFORMATION PSYCHOSOCIAL
Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE: gap.belgique@skynet.be ;
Groupe d'Autoformation Psychosocial : Formations des adultes et actions humanitaires.
L'association de formation des cadres GAP est une asbl spécialisée en management associatif et en prévention des conflits de groupe. Elle se veut résolument sans but lucratif; aussi, lorsqu'elle dégage un quelconque bénéfice, elle conçoit le projet d'une aide humanitaire technique et ciblée au Tiers Monde. Hier, il s'agissait de formations d'animateurs ruraux et d'animateurs de gestion au Mali et aujourd'hui, c'est l'aide à des associations locales à MAKAMBA au sud Burundi. Notre association n'est pas subsidiée par la coopération au développement de Belgique. Le GAP est un opérateur de terrain qui se réclame de l'application des droits de l'homme et ne se réfère à aucune confession et à aucun parti politique. Le GAP est pour l'auto émancipation collective des villageois du Tiers-monde vis-à-vis des pouvoirs qui les exploitent, ce qui implique une formation individuelle à l'autonomie et aux droits de l'homme vis-à-vis des institutions, des normes et des croyances qui aliènent.
Site http://soutien.et.autonomie.free.fr
Installation des deux fours solaires - Koyoba et Makamba, 2008
[7] "Au fond le plus caché de son être l'homme n'est véritablement que quand, à sa manière, il est comme la rose, sans pourquoi" (HEIDEGGER) in SCHÜRMANN Reiner, Le principe d'anarchie. Heidegger et la question de l'agir, Paris, Seuil, 1982, p.19.