CAPI
N°45 Mai-juin 2013 Cahiers d’Analyse et de Pédagogie institutionnelle
ETHNOPSYCHIATRIE :
les DJINN
Hommage
à ma courageuse sœur anthropologue Touré Fatoumata
« La
construction théorique est étroitement liée à la langue utilisée et à sa
richesse sémantique dans un champ donné. Par exemple, en arabe, il existe une
bonne vingtaine de mots servant à désigner l’attaque d’un humain par un djinn,
qui est la façon habituelle de désordre psychique. Mais il y a plus encore, car
le djinn charrie derrière lui tout un cortège de relais obligés : le
spécialiste du djinn d’abord (cheikh, Taleb, derviche, couafa), les techniques
pour entrer en relation avec le djinn (encens, instruments de musique, rythme
musicaux, types de cuisine), les techniques de séparation des monde (ablutions,
purifications, prières, amulettes, etc. »[1]
Introduction
J’ai travaillé au Congo-RDC de
1968 à 1972, dans la région du nord (de Basankusu à Gemena) où il y avait
beaucoup de sorciers. Un matin, la police vint me trouver pour me demander du
formol car pendant la nuit, il y avait eu un banquet de sorciers où ils
mangèrent un mort mais l’un d’entre eux avait conservés une main dans les
pailles de la toiture de sa case et le formol était pour conserver la preuve jusqu’au
Parquet de Mbandaka. L’enquête fit apparaître qu’il s’agissait d’un mort récent
et de mort naturelle. Cependant, l’émotion collective crée l’évènement et
l’ensemble de l’histoire ne peut que donner des frissons à des citoyens qui
vivent en forêt, les nuits d’orage comme les autres, sans électricité.
Un de mes amis de promotion,
éleveur à qui on avait volé une vache fit venir ses deux gardiens et leur présenta
à chacun un verre de médicament, en disant « vous niez tous les deux,
celui qui n’a rien fait n’aura rien mais l’autre mourra ». L’un but
franchement le verre d’huile de ricin et eut sûrement une diarrhée mais l’autre
se sauva porter plainte à la police. Mon collègue resta en détention 6 mois sur
les témoignages et le voleur qui avait eu le bon réflexe resta impuni. Je
déplore le procédé de mon collègue mais je déplore aussi la détention abusive.
Dans notre promotion d’agronomes, dont une dizaine au Congo sortant de la
guerre des mercenaires (avec Jean Schramme et Bob Denard), TOUS, nous avons été
soit emprisonnés soit condamnés par contumace. Je l’ai été deux fois, une fois
à Basankusu dans un replanting de palmiers à huile et une autre fois à Gemena
parce que j’arrêtais des voleurs fuyant avec des sacs de café au logos de ma
compagnie, la vraie raison étant de me soutirer de l’argent. L’usine d’huile de
haute qualité est devenue une savonnerie et ma plantation de caféiers a été
pillée ; le sous-développement permanent ne serait-il pas dû à une
corruption généralisée (y compris des magistrats) ? Lors d’une beuverie,
un sujet fendit le crâne de son ami avec une machette ; la police avertie
par mes soins dit au tueur que cela n’était pas bien ; je suppute que,
comme il n’avait pas d’argent à soutirer, on l’a laissé partir. Depuis quatre
décennies, je collectionne les masques africains ayant dansé. Je fais
l’hypothèse que ce n’est pas seulement pour leur beauté non orthodoxe mais
parce qu’ils sont « chargés » de sueur et de sens de ce qui constitue
notre humanité commune. J’ai publié 6 livres mais je n’ai jamais trouvé
d’éditeur pour le 7ème qui m’a pris plus de temps que les 6 autres
et portant sur les rituels d’initiation en Afrique. J’ai réalisé sur la ligne
médiane repère de l’Equateur une étude comparative de 5 ethnies différentes et
distantes l’une de l’autre d’environ 500 Km (lorsque l’on connaît l’état des
routes, c’est beaucoup), puis j’ai relevé les ressemblances et les différences
et constaté qu’il y avait surtout des ressemblances.
Une amie burundaise entrant chez
moi a été effrayée par ma collection car elle était ignorante et confondait les
sorcelleries d’envoûtement avec les protections contre les sorciers mabé[2].
Par exemple, le masque Kifwébé SONGYE (Congo RDC) est un gendarme pour éloigner
les esprits. De même, un bochio (poteau) FON (Bénin) à l’entrée d’un village
est un protecteur de la collectivité. On ne force jamais quelqu’un à s’initier
dans une structure des anciens, c’est à la personne de solliciter la démarche.
Masque
Kifwébé mâle des SONGYE (sud est de la RD Congo)
BochioLuba (sud-est RD Congo) et Bochio
Fon/Yoruba (Bénin)
Les méfaits des colonisateurs
La sorcellerie africaine n’est
pas toujours MABE. Au Mali, on peut aller voir un marabout pour commanditer un
sort (un envoûtement) contre une personne ou le contraire, une protection
contre le maraboutage. Il en va de même chez les Bantous du Congo et du Burundi.
La sorcellerie, avant l’influence négative consumériste des colonisateurs,
pouvait être un régulateur du village. Aujourd’hui, comme déjà mentionné, les
dérégulateurs postcoloniaux pourraient être les églises évangéliques
américaines qui dénoncent des enfants des rue comme sorciers, ce qui est bien
plus commode pour ne plus s’en occuper au bénéfice des deniers de ces cultes
sectaires.
Auparavant, le contrôle clanique
(coutumier) des villages veillait à l’ordre social puis les colonisateurs sont
venus et ont imposé par la force des armes leurs religions, leur ordre et leurs
frontières au mépris des ethnies. Par exemple, les Touaregs n’ont rien à voir
avec les peaux noires du Mali (pour eux, ce sont tous des Bella, des esclaves)
et les Sénoufo sont un peuple coupé en deux entre le Mali et le nord de la Côte
d’Ivoire par les envahisseurs.
Par contre, aujourd’hui après
les indépendances des années 1960, partout du Cameroun au Congo, on rencontre tous
les 3 km des barrages de policiers qui sont comme des sangsues à racketter les
automobilistes ; l’entièreté de l’Afrique est gangrenée par ces gens
d’armes qui ne font que copier les gouvernants.
Il en va de même
des militaires, il y en a beaucoup avec uniforme mais il n’y a pas d’armée
disciplinée; on dirait qu’ils sont envoutés par leurs kalachnikovs (AK47) ;
avoir une arme leur monte à la tête et ils menacent tous les citoyens sauf
lorsqu’il y a une guerre où ils se terrent comme des lapins, en attendant les
armées françaises et tchadiennes par exemple. Mais les chefs montrent
l’exemple, au Congo RDC, la fortune de Mobutu équivalait à la moitié de toutes
les ressources de cet immense pays. Au Gabon, du temps d’Omar BONGO, les
royalties du pétrole passaient directement dans sa poche ou dans celle de sa
famille ; en échange secret, à Pointe-Noire, 3.000 militaires français
sont casernés.
Voilà les malédictions
conjointes de l’Afrique, en principe décolonisée mais contrôlée par la
corruption au profit de l’Angleterre, de la France et des Etats-Unis et bientôt
des chinois qui envahissent les marchés avec des produits de mauvaise qualité.
J’ai fait retourner une boutique de Mopti pour trouver une paire de tongs
jaunes « made in Mali » car elles étaient toutes « made in
China ».
Lorsque feu Margaret THATCHER a
fait la guerre à l’Argentine, aux Malouines (avec la complicité de son ami
Augusto PINOCHET, dictateur chilien), un seul des missiles TOMAWACK anglais
coûtait 50.000 euros. Si nous parvenions à savoir combien de missiles furent
tirés, je fais l’hypothèse que la somme colossale aurait pu faire redémarrer
toute l’économie malienne. N’oublions pas que le capitalisme industriel est
devenu spéculatif avec l’ultralibéralisme REAGAN-TATCHER entraînant les
fermetures des charbonnages anglais, la torture des prisonniers politiques de
l’IRA, l’augmentation de la misère ouvrière et le développement des trusts
militaro-financiers US qui factureront aux contribuables américains les guerres
des BUSH à l’IRAK, basées sur des rumeurs fausses (après le décès de 3.000 GI
et un nombre infiniment plus grand d’irakiens, les BUSH n’ont pas été
pendus ? ou au moins mis en prison - je plaisante, cela n’existerait pas
dans une démocratie). Ce gouffre militaro-financier US aurait pu à lui seul
empêcher les famines qui ont sévi en Afrique (Le Soudan, la Somalie, L’Erythrée,…).
La pire des sorcelleries est ce chancre de leur économie téléguidée que les
blancs ont installée de force sur le continent africain.
Imaginons que les blancs avec
leur soif guerrière de possession n’aient pas envahi l’Afrique ; nous
aurions pu tous progresser avec la logique occidentale et le symbolisme
africain. Je ne dis pas que tout est noir en Europe et que tout est blanc en
Afrique, restons dialecticien ; il y a des coutumes qui devraient changer
(l’esclavage inventé par les arabes, les mutilations génitales féminines,
l’absence d’école, etc.) mais il y en a aussi qui ont disparu du fait des
impositions religieuses et/ou normatives des blancs.
La seule négativité qui pourrait
venir d’Afrique est dans la négation de cette chartre née après 36 millions de
morts qui est celle de la déclaration universelle des droits de l’homme et de
la femme (liberté d’opinion) refusée par les Salafistes et par le groupuscule
(5 personnes ?) de charia for Belgium (qui envoie des enfants du
secondaire se faire tuer en Syrie), pour tenter de dominer illusoirement
l’humanité. Cette intolérance m’insupporte. On ne peut être tolérant avec les
intolérants. Aux alentours de la gare du midi à Bruxelles existe un quartier
marocain ; deux jeunes femmes y ont installé un magasin de mode (fashion)
et elles ont été chassées (des jeunes femmes belges en Belgique) par les
marocains car leurs jupes étaient trop courtes ; depuis quand la
spiritualité est-elle instrumentalisée par des fanatiques ? cette
ingérence est inqualifiable.
Seuls quelques
sages musulmans savent que les êtres humains sont égaux en droit et en genre.
Pourtant, la plupart des musulmans que je fréquente au Sahel sont tolérants, réservés
et accueillants, mais, derrière les quelques intégristes qui minent les
relations entre les peuples, il y a le Qatar et l’Arabie Saoudite qui
construisent des mosquées et non des écoles pluralistes en Afrique pour que les
jeunes apprennent et respectent les autres façons de penser. Le FED aussi y
trouve son compte puisqu’il n’y a pas d’écoles financées par eux. Comment dès
lors peut-on vraiment choisir d’être musulman puisqu’il n’y a pas d’alternative
possible ? Notons les bombes de Boston et les quelques fous de Charia for
Belgium, qui permettent ainsi à des racistes – comme le Bourgmestre d’Anvers –
de parler de la communauté musulmane dans son ensemble alors qu’il ne s’agit
que de quelques djihadistes manipulés.
Les Djinn sont des forces de la nuit qui veulent devenir parfois des démons, parfois des dieux. Ils jalousent les hommes, peuvent les posséder mais aussi faire des pactes avec eux (ce qui sous-entend une contrepartie). Nous ne parlerons pas des djinn qui deviennent des esprits ou des dieux car c’est là surtout la spécificité du Vaudou. Une femme-djinn (DJENNEYA) peut occuper l’esprit d’un enfant, le terroriser la nuit en lui parlant dans sa tête ou parfois dans ses oreilles, elle l’incite à se montrer agressif envers sa famille et/ou à l’école et avec ses maîtres. Elle peut la nuit déplacer les meubles, briser des objets ou également « se présenter» aux autres membres de la famille.
En un mot, ce sont des êtres
invisibles, capables d’occuper l’espace et le corps, de contrôler le psychisme
d’un sujet ou d’une famille, à qui on peut parler par l’intermédiaire d’un KHIR
(médium qui place la personne en transe pour être possédée par le démon qui
parle par sa bouche). DJINN est un mot arabe qui vient de JANNA, l’utérus
(pensons chez nous à l’hystérie), JANNA évoque aussi le caché, le secret, la
fécondité. Les djinn sortent du ventre de la terre et sont responsables des
étincelles les soirs d’orage. Tout comme ELOHIM est en Hébreu un pluriel pour
désigner Dieu, le pluriel de DJINN a donné JUNAN ou JEHAN = la folie (ainsi que
LEILAT = les nuits, pluriel de la nuit ou LILITH). Etre sous l’emprise d’un
Djinn s’appelle MAJHOUN.
JAHIN est le locataire de JANNA, le fœtus de
l’utérus ; JAHIN, c’est aussi le petit DJINN caché dans la nuit, dans la
terre, dans la matrice, dans l’orage, c’est l’invisible qui hante les femmes
enceintes.
Sommet
de masque « cracheur de feu » (Poro) des Senoufo (Mali) et masquette
MAOU du Libéria servant à la protection contre les sorciers (libation de sang
sur ces objets).
Les DJOUN
(pluriel de DJINN peu employé) vivent dans « le monde de l’envers »,
dans la nuit, sous les jardins, dans la brousse, les ruines, le sang. Selon
certaines théories, ils se reproduisent entre mâle et femelle, un sexe sur la
cuisse droite, l’autre sur la gauche. Ils sont les maladies psychiques des
humains, les négativités de l’existence.
En Egypte, le long du Nil, on
les appelle les AFRITT qui se cachent dans les tourbillons ; au Soudan et
en Ethiopie, ce sont les ZAR qui se cachent sous les jardins. ZAR signifie
aussi l’étranger ou le visiteur . Il existe un autre pluriel pour les
DJINN qui est RIA’H : le vent, l’odeur, le souffle, l’âme. Les maîtres des
ZAR sont les maîtres des parfums ; soigner un humain, c’est changer son
odeur. C’est pour cela que les amulettes (gri-gri) doivent être en contact avec
la peau pour s’imprégner de l’odeur de la personne et devenir actives. Le
gri-gri est une protection, à ne pas confondre avec un mauvais sort que l’on
appelle en Bambara DABARI ou objet maléfique qui est à la fois chose et parole
(malédiction). Notons en passant que ceux – comme nous – qui aiment l’Afrique et
l’authenticité des peuples se désolent de sa corruption dans tous les
gouvernements ; on dirait que les régions les moins déboisées comme la
Guinée, le Congo et le Gabon sont plus concentrées en sorciers Mabé et en Djinn.
Les dictateurs de ces régions doivent posséder plus qu’un gri-gri, plutôt un
blindage (ils sont tapissés de
l’intérieur) parfois obtenu par des pratiques de magie noire. Comme Bokassa 1er
(Centrafrique) qui aurait mangé concrètement des enfants, des bébés.
Nous reviendrons
ultérieurement sur les mangeuses d’âmes, ce que nous appelions chez nous il y a
deux siècles la mélancolie. Notons que les NGANGA (sorciers) du Congo disent
tous pratiquer la magie blanche mais avec de l’argent ?!
Petite
statuette de protection Songyé (RD.Congo) comme les dieux Lares des romains et
bochio de pendu en forêt pour interdire le village aux esprit de la forêt
(MBOLE du centre de la RD Congo).
En courte synthèse descriptive,
DJINN = l’invisible (donc très proche des forces de la nature, de l’animisme),
ZAR = l’étranger et AFRITT = le tourbillon. Le monde est truffé de
« propriétaires » MALK (c’est-à-dire qui peuvent faire des liens avec
ces puissances) et qui peuvent se regrouper en assemblée M’LOUK dans le rituel
GHAWAS au Maroc, NDOP au Sénégal, DJINA DON au Mali. Mais selon la dialectique
du maître et de l’esclave, nous sommes, par nos humeurs et nos souffrances,
aussi les propriétés des propriétaires BA’AL (les dieux d’avant). En Hébreu
BA’AL, le « propriétaire », c’est aussi le maître ou le mari et au
pluriel BA’ALIM, ce sont les habitants, « les citoyens ». Dans la
Bible, ce sont des dieux animaux avec qui on commettait des actes immoraux. Les
DJINN d’aujourd’hui ont un lien avec les cultes babyloniens, mésopotamiens,
cananéens aux BA’AL (les démons) : le lien peut être de s’accoupler avec
eux, les servir, leur offrir des victimes expiatoires.
Pour faciliter la lecture
historique, notons que l’Afrique et l’Europe dérivent d’un même arbre, ce que
l’on appelle les religions du livre avec la TORAH des juifs, la BIBLE des
chrétiens (dont la première partie – l’ancien testament est très sanguinaire)
et le CORAN des musulmans. Mais bien avant, il y avait les dieux chtoniens de
la terre et de la nature, parfois simple esprit d’une personne qui a périt dans
un naufrage ou sur un champ de bataille, parfois démons (cf. Vaudou : le
VODUNO est le serviteur du VODUN, la VODUNSI l’épouse et la prêtresse toujours
vêtue du blanc (symbole de la mort) du VODUN et le panthéon du FA du VODUN est
très complexe) ou encore dieux-esprits. Et que l’on nomme en Afrique simplement
DJINN. Notons aussi que pour les anciens Egyptiens des premières dynasties, il
était inconcevable de traverser le désert sans avoir une clé de vie ANKH
d’Isis.
Clé de vie ANKH (désert Tombouctou, Mali)
- Les
guérisseurs coraniques sont assez similaires dans les principes à l’EXORCISME
CHRETIEN : il s’agit de chasser le démon qui possède le corps du sujet, ce
sont les cheikh, kkih ET taleb,
-Les ZAOUIAS
sont des congrégations de possédés, surtout de femmes, où l’on cherche à
apprivoiser le DJINN ; la malade est comme une élue et on va l’initier
dans la confrérie,
- La plus
puissante des organisations africaines pour travailler avec les DJINN et non
contre eux, ce sont les « sorciers-guérisseurs » terme ambigu, on lui
préfère le terme de chaman. Ils ont en sorte des contrats avec les DJINN
« apprivoisés » pour lutter ou convaincre le DJINN farceur
(responsable de la maladie) de quitter le corps du sujet mais ensuite de rester
à leur service pour pouvoir par après jeter des S’HURT (sorts) à d’autres
personnes.
Toutefois il ne faut pas
confondre la transe thérapeutique de groupe qui crée des EMC (Etats Modifiés de
Conscience), une sorte de « roue libre » du cerveau avec les
possessions par des esprits et qui sont souvent en Afrique volontaire (les
esprits étant d’un autre gabarit que les démons djinn, par exemple MAMYWATA, la
déesse du fleuve (au RD Congo mais aussi un peu partout).
Mon école de référence l’ETHNOPSYCHIATRIE (Georges
Devereux et Tobie Nathan) est une ouverture puissante car elle utilise
l’hémisphère gauche cervical dit rationnel et l’hémisphère droit dit émotionnel
(ou encore le cortex et le système limbique).
Le psychologue qui n’a recours
qu’à son cerveau rationnel (cortex gauche) est garanti perdant face aux
sorciers capables de déceler la moindre faille de croyance chez l’autre pour y
créer une brèche. Chez nous, le psychothérapeute d’aujourd’hui utilise aussi
bien l’empathie que les techniques chamaniques de transes pour maximaliser les
effets thérapeutiques ou encore l’autohypnose. Si je ne sais pas devenir
l’autre par compréhension affective (empathie mais non sympathie), si je ne sais pas ouvrir mon âme
(ma psyché) pour rencontrer la sienne, je resterai alors un triste phraseur
intellectualisé par la culture consumériste. Le thérapeute doit entrer en
résonance avec l’autre pour le comprendre et lui proposer d’élargir son cadre
de référence (analyse systémique), ce ne sont pas des voyants charlatans mais
des gens qui s’impliquent dans la psychologie interactionnelle pour s’unir
symboliquement à la personne en souffrance et lui apporter leur force. C’est
aussi le TAO chinois des équilibres des contraires ; si le déficit en en
YIN (femelle), le thérapeute le sera, et vice versa si le déficit est en YANG
mâle (il sera mâle).
Chez nos chercheurs il s’agit
bien entendu des thèses de Carl Gustav JUNG mais aussi du condisciple de
Sigmund FREUD, Pierre JANET qui a donné – outre Atlantique – l’approche
systémique, la plus cohérente d’aujourd’hui. Notons en passant que FREUD était
un charlatan qui limitait la vie du sujet de la naissance à la mort et a spolié
ses prédécesseurs de nombreuses idées (cf.ONFRAY M.). Nos existences sont les
feuilles d’un arbre qui reverdit chaque printemps ; nos ancêtres sont donc
très importants et c’est pourquoi, les anciennes « histoires de vie »
se sont transformées en « psychogénéalogie » (de GAULEJAC,
ANCELIN-SCHÜTZENBERGER, PINEAU, FINGERS, LAPASSADE, LOURAU, …)
Masquettes
du BWAMI des LEGA du Kivu (RD Congo)
Au commencement, avant la séparation
du ciel et de la terre, les orages donnaient des éclairs et ceux-ci devenaient
étincelles de DJINN ou de DEMONS. Pendant ce temps, disent les légendes, Dieu façonnait
les hommes, puis leur permit de se reproduire entre eux avant de se désintéresser
de ce passe-temps (bien avant le déluge) et/ou s’endormir au fin fond de
l’univers.
Les philosophes grecs et chinois
laïcisèrent ces forces ayant à la fois un côté ombre et un côté lumière (la dialectique
d’HERACLITE et le TAO de LAO tseu).
Pendant une période noire,
appelée Moyen-âge, les hommes d’Europe et d’Amérique (les sorcières de SALEM)
s’allièrent avec les démons pour détruire des milliers de femmes en les
qualifiant de sorcières car elles étaient proches de BACCHUS et de la vie qui
guérit et qui nourrit. On les brûla ou les noya en les accusant par la peur et
cependant, depuis 300 ans en Occident, elles ont curieusement disparus, il n’y
en a plus, notre société ayant évolué vers la tolérance et le droit de vivre
autrement si on le désire. Une théorie dit que des femmes seules et
guérisseuses tournaient parfois la tête aux hommes mariés et qu’il fallait donc
mieux les faire disparaître avec la complicité du clergé vêtu de robes noires
et honnissant les femmes.
En Afrique, les liens évoluèrent
différemment, certains hommes (ou femmes) s’alliant avec des génies de la
brousse au point d’être considérés comme les épouses (époux) de l’au-delà
(BLOBLO-BA en Côte d’Ivoire), ces génies protègent leurs hommes (ou femmes),
leur donnant soit une réussite sociale soit le pouvoir de guérir. Ces croyances
sont bien sûr sujettes à caution et n’ont rien à voir avec ce que nous nommons
de part et d’autre de la Méditerranée la folie (Schizophrénie, paranoïa, psychose
maniaco-dépressive, etc.).
La folie est appelée dans le
nord psychose tandis que l’on nomme névrose (ou mal psychique) les
dérèglements de la psyché: dévitalisation, mélancolie, dépression, burn-out,
culpabilisation, TOC, asthénie, manque de confiance en soi, persécution,
harcèlement moral, le tout pouvant déboucher sur le suicide (plus rare je pense
en Afrique). En Côte d’Ivoire, certains DJINN malfaisants de la forêt sont des
mangeurs d’âmes (faisant avec leur alliée sorcière des ZOMBIES).
Jean-Paul COLLEYN, pour moi un
des plus grands anthropologues de notre époque a réalisé deux études-reportages
(cassettes vidéo VHS-RTBF) sur les cultes de possession des Mynianka (Senoufo) du
Mali. On y voit une ambiance de chants, de musique, de danses et de proximité
qui dit en substance au patient : « tu n’est pas tout seul on est
tous là avec toi ». Puis un des danseurs entre en transe, l’esprit s’est
mis debout sur ses épaules et se laisse couler dans son corps. Aussitôt
« il est habité », sa démarche est plus hachée, il parle d’une autre
voix, de la bave lui vient aux lèvres, il se déplace parfois d’un pas rapide en
marmonnant des litanies inaudibles puis il tombe sur le sol, soutenu par
d’autres, il est agité de mouvements de type « épileptique » et proclame
avec cette autre voix un oracle crypté. Ensuite, il se calme et ne se souvient
de rien. L’accompagnateur (peut-être sorcier) explique son oracle, par exemple,
l’aveu d’un assassinat, ce n’était pas lui mais son double et il regrette
(faute avouée est pardonnée ?).
Cependant, je l’ai déjà
mentionné, le mal du XXI°s sera plus dans les Eglises évangéliques qui
utilisent la transe ou en Europe dans les sectes qui utilisent un pseudo-amour.
Tobie Nathan cherche à guérir des jeunes captés par des sectes mais il tient
aussi ce terrible discours. « On a fait sortir le jeune de la secte mais
la secte est-elle sortie de lui ? »
« La pleureuse », anonyme LEGA (chef
d’œuvre)
La transe est un Etat Modifié de
Conscience (EMC) normal, explique l’ethnopsychiatre Georges DEVEREUX. Ici en
Europe, nous conduisons parfois notre
voiture en état second car le trajet est mémorisé par un automatisme du cerveau
ou encore, nous restons une heure dans un bain chaud à nous détendre, à ne plus
voir le temps passer. Au Brésil il y a le CANDOMBLE et, comme au Mali et
ailleurs, toujours cette ambiance collective de soutien, de fête, de musique,
de protection de celui qui tombe en « extase ».
Pour revenir à la sorcellerie
mabé des mangeuses d’âmes de l’ouest de la Côte d’Ivoire, il ne s’agit pas de
manger une personne (quoi que le cannibalisme rituel existe aussi) mais de la
dévitaliser de sa substance vitale, d’en faire un zombie (comme les
travailleurs à la chaîne chez nous). Les sorciers guérisseurs ou chamans
restent parfois de nombreux jours en catalepsie car ils voyagent dans les mondes
d’en-bas ou d’en-haut à la recherche de l’âme du patient.
Les guérisseurs
de l’hémisphère nord que sont les psychothérapeutes cherchent eux, par la
parole échangée, à découvrir avec le patient son choc traumatique psychique
puis à le réorienter, que ce soit par exemple après un deuil ou une rupture (de
relation, d’emploi,…). Autrement dit, leur but est de fournir à la personne des
pistes de recadrage, une autre manière de concevoir le réel défaitiste et donc
de pouvoir rebondir dans le présent par un surcroît d’âme.
Tuer un homme ou une femme
symboliquement (zombie) ou par le travail aliénant (stress) ou par le meurtre
de la guerre sera toujours le sacrifice d’un être humain, ce qui est inacceptable
car nous sommes tous de la même et unique race humaine HOMO SAPIENS SAPIENS.
Nous sommes la seule espèce à pouvoir s’entretuer.
Les scientifiques laïques blancs
se gaussent des forces de l’invisible qui est pourtant aussi bien présent en
Europe sous les appellations d’ « inconscient» et de « retour du
refoulé ». Je fais l’hypothèse qu’il y a plus de névrosés et de stressés
en Europe qu’en Afrique. Comme Tobie Nathan, j’aide les gens à combattre les
souffrances de l’esprit ; en Occident, on les imagine internes (le moi
clivé) et en Afrique, on les imagine externes (les djinn).
Pour conclure
Il n’y a qu’une science humaine,
l’ANTHROPOLOGIE ; les autres divisions, ce sont des profs d’université qui
– comme des loups - ont marqué leur territoire pour le délimiter (pédagogie,
philosophie, psychologie, psychothérapie, psychanalyse, psychiatrie, histoire, psycho
généalogie, etc.). Le référent de tous les hommes et femmes, derrière n’importe
quel problème (y compris sexuel), est la MORT. Comment imaginer que nous allons
disparaître définitivement, d’où le succès des religions mais aussi des
philosophies comme celles d’EPICURE et de SCHOPENHAUER qui nous invitent à
vivre l’instant du présent (« ici et maintenant ») et à ne pas trop
se tracasser avec la mort car lorsqu’elle sera là, nous nous ne serons plus là
et en effet, nos ancêtres nous harcèlent comme des djinn…mais durant nos
existences.
17.04.2013,
Jean-Marie LANGE, Dr en Education permanente (DEA/ULG), Dr en intervention
psychosociale (DES/ULG), formateur GAP.
Notre asbl GAP –
Groupe d’ Autoformation psychosociale ne se revendique que des droits de
l’homme et n’adhère à aucun parti politique ni à aucune confession religieuse,
elle s’inscrit dans la décroissance, par exemple, nos retraites nous suffisent
(soit un engagement dans la décroissance) et toute formation que nous faisons
pour les directeurs d’école financent nos projets ; 2000 arbres de
reboisement, un programme d’alphabétisation, 3 conférences contre l’excision,
un projet de « commerce équitable » en cours, une bibliothèque avec
des fiches de lectures PEC etc. Grâce à la « Fondation Roi Baudouin
cpte BE10 0000 0000 0404, projet 128/2425/00028 les dons « Fondation Roi
Baudouin » sont fiscalement déductibles à partir de 40 €.
Brèves du GAP
GAP 2011
Nous commandons
1000 plantules de MORINGA au pépiniériste Mr DIA pour les planter au début de
la saison des pluies fin février. Nous expliquons aux enfants que ce sont eux
qui doivent arroser contre un cadeau l’année suivante.
Après notre
départ, les briques disposées en claustra sont volées et l’école va rester vide
pendant les congés des 4 mois d’été, les chèvres vont tout manger. Seuls les
plants dans les concessions survivent. L’essai est catastrophique, mais nous
avons appris.
GAP 2012 Ecole de Nando et alentours (expérience
proprement dite)
Commande de 1000
plants dès la fin 2011 :
- 200 karités
beurre pour les filles (un plant et non 3), leurs noms sont copiés sur les
rubans roses et attaché aux plants, plus un certificat de propriété.
- 400 manguiers
pour les garçons avec la même identification sur un ruban jaune.
- 200 baobabs
pour la cour de l’école et les alentours (résistants à la sécheresse)
- 100
Anacardiers-cajou pour les mères qui viendront deux jours après assister à la
conférence-débat contre l’excision.
- Pour les
faîtières-animatrices de Sévaré (FCFA 500 pour leurs déplacements)
- Ecole
d’ENDE : 100 manguiers (prévus en trop pour Nando) dans un jardin
grillagé.
Nous plantons
les excédents en Haie vive sur le terrain mis à disposition par Mr SANKARE dit
simbè (GAP-Mali) et commandons 500 autres arbres (pour les remplacements).
GAP 2013
- Envoi de 350
euros pour une alphabétisation en synergie avec « AVEC-MALI ».
L’intervention
française SERVAL nous empêche d’envoyer une équipe, nous demandons un état des
lieux à un évaluateur externe, le pédagogue Mamadou. Si la poste fonctionne à
nouveau après Bamako, notre pharmacien nous a promis 1000 flacons en sus.
- Après alphabétisation,
Simbè choisira 2,3 volontaires chez les filles-mères alphabétisées pour lancer
les bases de la coopérative pépinière.
Merci à toute l’équipe malienne et
tout particulièrement à Madame DIAKITE, Directrice du Service de la promotion
des femmes et des enfants pour cette région du Mali
(Nando-Ende-Sévaré-Mopti,…).