vendredi 26 avril 2013


CAPI N°45 Mai-juin 2013 Cahiers d’Analyse et de Pédagogie institutionnelle

ETHNOPSYCHIATRIE : les DJINN
Hommage à ma courageuse sœur anthropologue Touré Fatoumata

« La construction théorique est étroitement liée à la langue utilisée et à sa richesse sémantique dans un champ donné. Par exemple, en arabe, il existe une bonne vingtaine de mots servant à désigner l’attaque d’un humain par un djinn, qui est la façon habituelle de désordre psychique. Mais il y a plus encore, car le djinn charrie derrière lui tout un cortège de relais obligés : le spécialiste du djinn d’abord (cheikh, Taleb, derviche, couafa), les techniques pour entrer en relation avec le djinn (encens, instruments de musique, rythme musicaux, types de cuisine), les techniques de séparation des monde (ablutions, purifications, prières, amulettes, etc. »[1]


Introduction
                J’ai travaillé au Congo-RDC de 1968 à 1972, dans la région du nord (de Basankusu à Gemena) où il y avait beaucoup de sorciers. Un matin, la police vint me trouver pour me demander du formol car pendant la nuit, il y avait eu un banquet de sorciers où ils mangèrent un mort mais l’un d’entre eux avait conservés une main dans les pailles de la toiture de sa case et le formol était pour conserver la preuve jusqu’au Parquet de Mbandaka. L’enquête fit apparaître qu’il s’agissait d’un mort récent et de mort naturelle. Cependant, l’émotion collective crée l’évènement et l’ensemble de l’histoire ne peut que donner des frissons à des citoyens qui vivent en forêt, les nuits d’orage comme les autres, sans électricité.
                Un de mes amis de promotion, éleveur à qui on avait volé une vache fit venir ses deux gardiens et leur présenta à chacun un verre de médicament, en disant « vous niez tous les deux, celui qui n’a rien fait n’aura rien mais l’autre mourra ». L’un but franchement le verre d’huile de ricin et eut sûrement une diarrhée mais l’autre se sauva porter plainte à la police. Mon collègue resta en détention 6 mois sur les témoignages et le voleur qui avait eu le bon réflexe resta impuni. Je déplore le procédé de mon collègue mais je déplore aussi la détention abusive. Dans notre promotion d’agronomes, dont une dizaine au Congo sortant de la guerre des mercenaires (avec Jean Schramme et Bob Denard), TOUS, nous avons été soit emprisonnés soit condamnés par contumace. Je l’ai été deux fois, une fois à Basankusu dans un replanting de palmiers à huile et une autre fois à Gemena parce que j’arrêtais des voleurs fuyant avec des sacs de café au logos de ma compagnie, la vraie raison étant de me soutirer de l’argent. L’usine d’huile de haute qualité est devenue une savonnerie et ma plantation de caféiers a été pillée ; le sous-développement permanent ne serait-il pas dû à une corruption généralisée (y compris des magistrats) ? Lors d’une beuverie, un sujet fendit le crâne de son ami avec une machette ; la police avertie par mes soins dit au tueur que cela n’était pas bien ; je suppute que, comme il n’avait pas d’argent à soutirer, on l’a laissé partir. Depuis quatre décennies, je collectionne les masques africains ayant dansé. Je fais l’hypothèse que ce n’est pas seulement pour leur beauté non orthodoxe mais parce qu’ils sont « chargés » de sueur et de sens de ce qui constitue notre humanité commune. J’ai publié 6 livres mais je n’ai jamais trouvé d’éditeur pour le 7ème qui m’a pris plus de temps que les 6 autres et portant sur les rituels d’initiation en Afrique. J’ai réalisé sur la ligne médiane repère de l’Equateur une étude comparative de 5 ethnies différentes et distantes l’une de l’autre d’environ 500 Km (lorsque l’on connaît l’état des routes, c’est beaucoup), puis j’ai relevé les ressemblances et les différences et constaté qu’il y avait surtout des ressemblances.
                Une amie burundaise entrant chez moi a été effrayée par ma collection car elle était ignorante et confondait les sorcelleries d’envoûtement avec les protections contre les sorciers mabé[2]. Par exemple, le masque Kifwébé SONGYE (Congo RDC) est un gendarme pour éloigner les esprits. De même, un bochio (poteau) FON (Bénin) à l’entrée d’un village est un protecteur de la collectivité. On ne force jamais quelqu’un à s’initier dans une structure des anciens, c’est à la personne de solliciter la démarche.






Masque Kifwébé mâle des SONGYE (sud est de la RD Congo)  



BochioLuba (sud-est RD Congo) et Bochio Fon/Yoruba (Bénin)




Les méfaits des colonisateurs
                La sorcellerie africaine n’est pas toujours MABE. Au Mali, on peut aller voir un marabout pour commanditer un sort (un envoûtement) contre une personne ou le contraire, une protection contre le maraboutage. Il en va de même chez les Bantous du Congo et du Burundi. La sorcellerie, avant l’influence négative consumériste des colonisateurs, pouvait être un régulateur du village. Aujourd’hui, comme déjà mentionné, les dérégulateurs postcoloniaux pourraient être les églises évangéliques américaines qui dénoncent des enfants des rue comme sorciers, ce qui est bien plus commode pour ne plus s’en occuper au bénéfice des deniers de ces cultes sectaires.
                Auparavant, le contrôle clanique (coutumier) des villages veillait à l’ordre social puis les colonisateurs sont venus et ont imposé par la force des armes leurs religions, leur ordre et leurs frontières au mépris des ethnies. Par exemple, les Touaregs n’ont rien à voir avec les peaux noires du Mali (pour eux, ce sont tous des Bella, des esclaves) et les Sénoufo sont un peuple coupé en deux entre le Mali et le nord de la Côte d’Ivoire par les envahisseurs.
                Par contre, aujourd’hui après les indépendances des années 1960, partout du Cameroun au Congo, on rencontre tous les 3 km des barrages de policiers qui sont comme des sangsues à racketter les automobilistes ; l’entièreté de l’Afrique est gangrenée par ces gens d’armes qui ne font que copier les gouvernants. 
Il en va de même des militaires, il y en a beaucoup avec uniforme mais il n’y a pas d’armée disciplinée; on dirait qu’ils sont envoutés par leurs kalachnikovs (AK47) ; avoir une arme leur monte à la tête et ils menacent tous les citoyens sauf lorsqu’il y a une guerre où ils se terrent comme des lapins, en attendant les armées françaises et tchadiennes par exemple. Mais les chefs montrent l’exemple, au Congo RDC, la fortune de Mobutu équivalait à la moitié de toutes les ressources de cet immense pays. Au Gabon, du temps d’Omar BONGO, les royalties du pétrole passaient directement dans sa poche ou dans celle de sa famille ; en échange secret, à Pointe-Noire, 3.000 militaires français sont casernés.
                Voilà les malédictions conjointes de l’Afrique, en principe décolonisée mais contrôlée par la corruption au profit de l’Angleterre, de la France et des Etats-Unis et bientôt des chinois qui envahissent les marchés avec des produits de mauvaise qualité. J’ai fait retourner une boutique de Mopti pour trouver une paire de tongs jaunes « made in Mali » car elles étaient toutes « made in China ».
                Lorsque feu Margaret THATCHER a fait la guerre à l’Argentine, aux Malouines (avec la complicité de son ami Augusto PINOCHET, dictateur chilien), un seul des missiles TOMAWACK anglais coûtait 50.000 euros. Si nous parvenions à savoir combien de missiles furent tirés, je fais l’hypothèse que la somme colossale aurait pu faire redémarrer toute l’économie malienne. N’oublions pas que le capitalisme industriel est devenu spéculatif avec l’ultralibéralisme REAGAN-TATCHER entraînant les fermetures des charbonnages anglais, la torture des prisonniers politiques de l’IRA, l’augmentation de la misère ouvrière et le développement des trusts militaro-financiers US qui factureront aux contribuables américains les guerres des BUSH à l’IRAK, basées sur des rumeurs fausses (après le décès de 3.000 GI et un nombre infiniment plus grand d’irakiens, les BUSH n’ont pas été pendus ? ou au moins mis en prison - je plaisante, cela n’existerait pas dans une démocratie). Ce gouffre militaro-financier US aurait pu à lui seul empêcher les famines qui ont sévi en Afrique (Le Soudan, la Somalie, L’Erythrée,…). La pire des sorcelleries est ce chancre de leur économie téléguidée que les blancs ont installée de force sur le continent africain.
                Imaginons que les blancs avec leur soif guerrière de possession n’aient pas envahi l’Afrique ; nous aurions pu tous progresser avec la logique occidentale et le symbolisme africain. Je ne dis pas que tout est noir en Europe et que tout est blanc en Afrique, restons dialecticien ; il y a des coutumes qui devraient changer (l’esclavage inventé par les arabes, les mutilations génitales féminines, l’absence d’école, etc.) mais il y en a aussi qui ont disparu du fait des impositions religieuses et/ou normatives des blancs.
                La seule négativité qui pourrait venir d’Afrique est dans la négation de cette chartre née après 36 millions de morts qui est celle de la déclaration universelle des droits de l’homme et de la femme (liberté d’opinion) refusée par les Salafistes et par le groupuscule (5 personnes ?) de charia for Belgium (qui envoie des enfants du secondaire se faire tuer en Syrie), pour tenter de dominer illusoirement l’humanité. Cette intolérance m’insupporte. On ne peut être tolérant avec les intolérants. Aux alentours de la gare du midi à Bruxelles existe un quartier marocain ; deux jeunes femmes y ont installé un magasin de mode (fashion) et elles ont été chassées (des jeunes femmes belges en Belgique) par les marocains car leurs jupes étaient trop courtes ; depuis quand la spiritualité est-elle instrumentalisée par des fanatiques ? cette ingérence est inqualifiable. 
Seuls quelques sages musulmans savent que les êtres humains sont égaux en droit et en genre. Pourtant, la plupart des musulmans que je fréquente au Sahel sont tolérants, réservés et accueillants, mais, derrière les quelques intégristes qui minent les relations entre les peuples, il y a le Qatar et l’Arabie Saoudite qui construisent des mosquées et non des écoles pluralistes en Afrique pour que les jeunes apprennent et respectent les autres façons de penser. Le FED aussi y trouve son compte puisqu’il n’y a pas d’écoles financées par eux. Comment dès lors peut-on vraiment choisir d’être musulman puisqu’il n’y a pas d’alternative possible ? Notons les bombes de Boston et les quelques fous de Charia for Belgium, qui permettent ainsi à des racistes – comme le Bourgmestre d’Anvers – de parler de la communauté musulmane dans son ensemble alors qu’il ne s’agit que de quelques djihadistes manipulés.
Les djinn

 Masquettes de protection Ikoko des Yaka (sud-Ouest de la RD Congo)
                 


Les Djinn sont des forces de la nuit qui veulent devenir parfois des démons, parfois des dieux. Ils jalousent les hommes, peuvent les posséder mais aussi faire des pactes avec eux (ce qui sous-entend une contrepartie). Nous ne parlerons pas des djinn qui deviennent des esprits ou des dieux car c’est là surtout la spécificité du Vaudou. Une femme-djinn (DJENNEYA) peut occuper l’esprit d’un enfant, le terroriser la nuit en lui parlant dans sa tête ou parfois dans ses oreilles, elle l’incite à se montrer agressif envers sa famille et/ou à l’école et avec ses maîtres. Elle peut la nuit déplacer les meubles, briser des objets ou également « se présenter»  aux autres membres de la famille.
                En un mot, ce sont des êtres invisibles, capables d’occuper l’espace et le corps, de contrôler le psychisme d’un sujet ou d’une famille, à qui on peut parler par l’intermédiaire d’un KHIR (médium qui place la personne en transe pour être possédée par le démon qui parle par sa bouche). DJINN est un mot arabe qui vient de JANNA, l’utérus (pensons chez nous à l’hystérie), JANNA évoque aussi le caché, le secret, la fécondité. Les djinn sortent du ventre de la terre et sont responsables des étincelles les soirs d’orage. Tout comme ELOHIM est en Hébreu un pluriel pour désigner Dieu, le pluriel de DJINN a donné JUNAN ou JEHAN = la folie (ainsi que LEILAT = les nuits, pluriel de la nuit ou LILITH). Etre sous l’emprise d’un Djinn s’appelle MAJHOUN.
JAHIN est le locataire de JANNA, le fœtus de l’utérus ; JAHIN, c’est aussi le petit DJINN caché dans la nuit, dans la terre, dans la matrice, dans l’orage, c’est l’invisible qui hante les femmes enceintes.
Sommet de masque « cracheur de feu » (Poro) des Senoufo (Mali) et masquette MAOU du Libéria servant à la protection contre les sorciers (libation de sang sur ces objets).

Les DJOUN (pluriel de DJINN peu employé) vivent dans « le monde de l’envers », dans la nuit, sous les jardins, dans la brousse, les ruines, le sang. Selon certaines théories, ils se reproduisent entre mâle et femelle, un sexe sur la cuisse droite, l’autre sur la gauche. Ils sont les maladies psychiques des humains, les négativités de l’existence.
                En Egypte, le long du Nil, on les appelle les AFRITT qui se cachent dans les tourbillons ; au Soudan et en Ethiopie, ce sont les ZAR qui se cachent sous les jardins. ZAR signifie aussi l’étranger ou le visiteur . Il existe un autre pluriel pour les DJINN qui est RIA’H : le vent, l’odeur, le souffle, l’âme. Les maîtres des ZAR sont les maîtres des parfums ; soigner un humain, c’est changer son odeur. C’est pour cela que les amulettes (gri-gri) doivent être en contact avec la peau pour s’imprégner de l’odeur de la personne et devenir actives. Le gri-gri est une protection, à ne pas confondre avec un mauvais sort que l’on appelle en Bambara DABARI ou objet maléfique qui est à la fois chose et parole (malédiction). Notons en passant que ceux – comme nous – qui aiment l’Afrique et l’authenticité des peuples se désolent de sa corruption dans tous les gouvernements ; on dirait que les régions les moins déboisées comme la Guinée, le Congo et le Gabon sont plus concentrées en sorciers Mabé et en Djinn. Les dictateurs de ces régions doivent posséder plus qu’un gri-gri, plutôt un blindage  (ils sont tapissés de l’intérieur) parfois obtenu par des pratiques de magie noire. Comme Bokassa 1er (Centrafrique) qui aurait mangé concrètement des enfants, des bébés.
Nous reviendrons ultérieurement sur les mangeuses d’âmes, ce que nous appelions chez nous il y a deux siècles la mélancolie. Notons que les NGANGA (sorciers) du Congo disent tous pratiquer la magie blanche mais avec de l’argent ?!




Petite statuette de protection Songyé (RD.Congo) comme les dieux Lares des romains et bochio de pendu en forêt pour interdire le village aux esprit de la forêt (MBOLE du centre de la RD Congo).

                En courte synthèse descriptive, DJINN = l’invisible (donc très proche des forces de la nature, de l’animisme), ZAR = l’étranger et AFRITT = le tourbillon. Le monde est truffé de « propriétaires » MALK (c’est-à-dire qui peuvent faire des liens avec ces puissances) et qui peuvent se regrouper en assemblée M’LOUK dans le rituel GHAWAS au Maroc, NDOP au Sénégal, DJINA DON au Mali. Mais selon la dialectique du maître et de l’esclave, nous sommes, par nos humeurs et nos souffrances, aussi les propriétés des propriétaires BA’AL (les dieux d’avant). En Hébreu BA’AL, le « propriétaire », c’est aussi le maître ou le mari et au pluriel BA’ALIM, ce sont les habitants, « les citoyens ». Dans la Bible, ce sont des dieux animaux avec qui on commettait des actes immoraux. Les DJINN d’aujourd’hui ont un lien avec les cultes babyloniens, mésopotamiens, cananéens aux BA’AL (les démons) : le lien peut être de s’accoupler avec eux, les servir, leur offrir des victimes expiatoires.
                Pour faciliter la lecture historique, notons que l’Afrique et l’Europe dérivent d’un même arbre, ce que l’on appelle les religions du livre avec la TORAH des juifs, la BIBLE des chrétiens (dont la première partie – l’ancien testament est très sanguinaire) et le CORAN des musulmans. Mais bien avant, il y avait les dieux chtoniens de la terre et de la nature, parfois simple esprit d’une personne qui a périt dans un naufrage ou sur un champ de bataille, parfois démons (cf. Vaudou : le VODUNO est le serviteur du VODUN, la VODUNSI l’épouse et la prêtresse toujours vêtue du blanc (symbole de la mort) du VODUN et le panthéon du FA du VODUN est très complexe) ou encore dieux-esprits. Et que l’on nomme en Afrique simplement DJINN. Notons aussi que pour les anciens Egyptiens des premières dynasties, il était inconcevable de traverser le désert sans avoir une clé de vie ANKH d’Isis. 



Clé de vie ANKH (désert Tombouctou, Mali)
- Les guérisseurs coraniques sont assez similaires dans les principes à l’EXORCISME CHRETIEN : il s’agit de chasser le démon qui possède le corps du sujet, ce sont les cheikh, kkih ET taleb,
-Les ZAOUIAS sont des congrégations de possédés, surtout de femmes, où l’on cherche à apprivoiser le DJINN ; la malade est comme une élue et on va l’initier dans la confrérie,
- La plus puissante des organisations africaines pour travailler avec les DJINN et non contre eux, ce sont les « sorciers-guérisseurs » terme ambigu, on lui préfère le terme de chaman. Ils ont en sorte des contrats avec les DJINN « apprivoisés » pour lutter ou convaincre le DJINN farceur (responsable de la maladie) de quitter le corps du sujet mais ensuite de rester à leur service pour pouvoir par après jeter des S’HURT (sorts) à d’autres personnes.


 Toutefois il ne faut pas confondre la transe thérapeutique de groupe qui crée des EMC (Etats Modifiés de Conscience), une sorte de « roue libre » du cerveau avec les possessions par des esprits et qui sont souvent en Afrique volontaire (les esprits étant d’un autre gabarit que les démons djinn, par exemple MAMYWATA, la déesse du fleuve (au RD Congo mais aussi un peu partout).
                 Mon école de référence l’ETHNOPSYCHIATRIE (Georges Devereux et Tobie Nathan) est une ouverture puissante car elle utilise l’hémisphère gauche cervical dit rationnel et l’hémisphère droit dit émotionnel (ou encore le cortex et le système limbique). 
                Le psychologue qui n’a recours qu’à son cerveau rationnel (cortex gauche) est garanti perdant face aux sorciers capables de déceler la moindre faille de croyance chez l’autre pour y créer une brèche. Chez nous, le psychothérapeute d’aujourd’hui utilise aussi bien l’empathie que les techniques chamaniques de transes pour maximaliser les effets thérapeutiques ou encore l’autohypnose. Si je ne sais pas devenir l’autre par compréhension affective (empathie mais non  sympathie), si je ne sais pas ouvrir mon âme (ma psyché) pour rencontrer la sienne, je resterai alors un triste phraseur intellectualisé par la culture consumériste. Le thérapeute doit entrer en résonance avec l’autre pour le comprendre et lui proposer d’élargir son cadre de référence (analyse systémique), ce ne sont pas des voyants charlatans mais des gens qui s’impliquent dans la psychologie interactionnelle pour s’unir symboliquement à la personne en souffrance et lui apporter leur force. C’est aussi le TAO chinois des équilibres des contraires ; si le déficit en en YIN (femelle), le thérapeute le sera, et vice versa si le déficit est en YANG mâle (il sera mâle). 
                Chez nos chercheurs il s’agit bien entendu des thèses de Carl Gustav JUNG mais aussi du condisciple de Sigmund FREUD, Pierre JANET qui a donné – outre Atlantique – l’approche systémique, la plus cohérente d’aujourd’hui. Notons en passant que FREUD était un charlatan qui limitait la vie du sujet de la naissance à la mort et a spolié ses prédécesseurs de nombreuses idées (cf.ONFRAY M.). Nos existences sont les feuilles d’un arbre qui reverdit chaque printemps ; nos ancêtres sont donc très importants et c’est pourquoi, les anciennes « histoires de vie » se sont transformées en « psychogénéalogie » (de GAULEJAC, ANCELIN-SCHÜTZENBERGER, PINEAU, FINGERS, LAPASSADE, LOURAU, …)
Les djinn authentiques

Masquettes du BWAMI des LEGA du Kivu (RD Congo)

                Au commencement, avant la séparation du ciel et de la terre, les orages donnaient des éclairs et ceux-ci devenaient étincelles de DJINN ou de DEMONS. Pendant ce temps, disent les légendes, Dieu façonnait les hommes, puis leur permit de se reproduire entre eux avant de se désintéresser de ce passe-temps (bien avant le déluge) et/ou s’endormir au fin fond de l’univers.
Certains DJINN restèrent les esprits authentiques, parfois méchants, parfois les complices des hommes et d’autres devinrent la multitude des dieux et des diables se combattant pour être l’unique : BAAL, Belzébuth, le seigneur des mouches, ISIS et OSIRIS, MITHRAS, MANITOU, SATAN, ZEUS (puis les nôtres, ceux de l’arbre). Mais aussi en Inde BRAHMA, VISHNOU, SHIVA et leurs milliers d’avatars et en ASIE, BOUDDHA (qui paradoxalement n’est pas un dieu mais un philosophe). Ces démons s’allièrent avec des hommes prêtres dans leur haine jalouse du genre féminin de notre espèce capable de se reproduire. Pendant ce temps, les DJINN authentiques des forêts (issus de DJINNEE, Guinée) eux continuaient à faire monter la sève dans les arbres, à faire grossir le ventre des femmes ou à enrichir leurs alliés (cf. CASTANEDA). En Europe, on parlera de polythéisme avec les dieux et de panthéisme avec les forces de la nature comme BACCHUS (amoureux de la vie, de la vigne et du plaisir) et ses faunes. Puis hélas de théocratie avec les chrétiens, les musulmans et les juifs.
                Les philosophes grecs et chinois laïcisèrent ces forces ayant à la fois un côté ombre et un côté lumière (la dialectique d’HERACLITE et le TAO de LAO tseu).
                Pendant une période noire, appelée Moyen-âge, les hommes d’Europe et d’Amérique (les sorcières de SALEM) s’allièrent avec les démons pour détruire des milliers de femmes en les qualifiant de sorcières car elles étaient proches de BACCHUS et de la vie qui guérit et qui nourrit. On les brûla ou les noya en les accusant par la peur et cependant, depuis 300 ans en Occident, elles ont curieusement disparus, il n’y en a plus, notre société ayant évolué vers la tolérance et le droit de vivre autrement si on le désire. Une théorie dit que des femmes seules et guérisseuses tournaient parfois la tête aux hommes mariés et qu’il fallait donc mieux les faire disparaître avec la complicité du clergé vêtu de robes noires et honnissant les femmes.
                En Afrique, les liens évoluèrent différemment, certains hommes (ou femmes) s’alliant avec des génies de la brousse au point d’être considérés comme les épouses (époux) de l’au-delà (BLOBLO-BA en Côte d’Ivoire), ces génies protègent leurs hommes (ou femmes), leur donnant soit une réussite sociale soit le pouvoir de guérir. Ces croyances sont bien sûr sujettes à caution et n’ont rien à voir avec ce que nous nommons de part et d’autre de la Méditerranée la folie (Schizophrénie, paranoïa, psychose maniaco-dépressive, etc.). 
                La folie est appelée dans le nord psychose tandis que l’on nomme névrose (ou mal psychique) les dérèglements de la psyché: dévitalisation, mélancolie, dépression, burn-out, culpabilisation, TOC, asthénie, manque de confiance en soi, persécution, harcèlement moral, le tout pouvant déboucher sur le suicide (plus rare je pense en Afrique). En Côte d’Ivoire, certains DJINN malfaisants de la forêt sont des mangeurs d’âmes (faisant avec leur alliée sorcière des ZOMBIES).
                Jean-Paul COLLEYN, pour moi un des plus grands anthropologues de notre époque a réalisé deux études-reportages (cassettes vidéo VHS-RTBF) sur les cultes de possession des Mynianka (Senoufo) du Mali. On y voit une ambiance de chants, de musique, de danses et de proximité qui dit en substance au patient : « tu n’est pas tout seul on est tous là avec toi ». Puis un des danseurs entre en transe, l’esprit s’est mis debout sur ses épaules et se laisse couler dans son corps. Aussitôt « il est habité », sa démarche est plus hachée, il parle d’une autre voix, de la bave lui vient aux lèvres, il se déplace parfois d’un pas rapide en marmonnant des litanies inaudibles puis il tombe sur le sol, soutenu par d’autres, il est agité de mouvements de type « épileptique » et proclame avec cette autre voix un oracle crypté. Ensuite, il se calme et ne se souvient de rien. L’accompagnateur (peut-être sorcier) explique son oracle, par exemple, l’aveu d’un assassinat, ce n’était pas lui mais son double et il regrette (faute avouée est pardonnée ?).
                Cependant, je l’ai déjà mentionné, le mal du XXI°s sera plus dans les Eglises évangéliques qui utilisent la transe ou en Europe dans les sectes qui utilisent un pseudo-amour. Tobie Nathan cherche à guérir des jeunes captés par des sectes mais il tient aussi ce terrible discours. « On a fait sortir le jeune de la secte mais la secte est-elle sortie de lui ? »


 « La pleureuse », anonyme LEGA (chef d’œuvre)
                La transe est un Etat Modifié de Conscience (EMC) normal, explique l’ethnopsychiatre Georges DEVEREUX. Ici en Europe, nous conduisons  parfois notre voiture en état second car le trajet est mémorisé par un automatisme du cerveau ou encore, nous restons une heure dans un bain chaud à nous détendre, à ne plus voir le temps passer. Au Brésil il y a le CANDOMBLE et, comme au Mali et ailleurs, toujours cette ambiance collective de soutien, de fête, de musique, de protection de celui qui tombe en « extase ».
                Pour revenir à la sorcellerie mabé des mangeuses d’âmes de l’ouest de la Côte d’Ivoire, il ne s’agit pas de manger une personne (quoi que le cannibalisme rituel existe aussi) mais de la dévitaliser de sa substance vitale, d’en faire un zombie (comme les travailleurs à la chaîne chez nous). Les sorciers guérisseurs ou chamans restent parfois de nombreux jours en catalepsie car ils voyagent dans les mondes d’en-bas ou d’en-haut à la recherche de l’âme du patient. 
Les guérisseurs de l’hémisphère nord que sont les psychothérapeutes cherchent eux, par la parole échangée, à découvrir avec le patient son choc traumatique psychique puis à le réorienter, que ce soit par exemple après un deuil ou une rupture (de relation, d’emploi,…). Autrement dit, leur but est de fournir à la personne des pistes de recadrage, une autre manière de concevoir le réel défaitiste et donc de pouvoir rebondir dans le présent par un surcroît d’âme.
                Tuer un homme ou une femme symboliquement (zombie) ou par le travail aliénant (stress) ou par le meurtre de la guerre sera toujours le sacrifice d’un être humain, ce qui est inacceptable car nous sommes tous de la même et unique race humaine HOMO SAPIENS SAPIENS. Nous sommes la seule espèce à pouvoir s’entretuer.
                Les scientifiques laïques blancs se gaussent des forces de l’invisible qui est pourtant aussi bien présent en Europe sous les appellations d’ « inconscient» et de « retour du refoulé ». Je fais l’hypothèse qu’il y a plus de névrosés et de stressés en Europe qu’en Afrique. Comme Tobie Nathan, j’aide les gens à combattre les souffrances de l’esprit ; en Occident, on les imagine internes (le moi clivé) et en Afrique, on les imagine externes (les djinn).
Pour conclure
                Il n’y a qu’une science humaine, l’ANTHROPOLOGIE ; les autres divisions, ce sont des profs d’université qui – comme des loups - ont marqué leur territoire pour le délimiter (pédagogie, philosophie, psychologie, psychothérapie, psychanalyse, psychiatrie, histoire, psycho généalogie, etc.). Le référent de tous les hommes et femmes, derrière n’importe quel problème (y compris sexuel), est la MORT. Comment imaginer que nous allons disparaître définitivement, d’où le succès des religions mais aussi des philosophies comme celles d’EPICURE et de SCHOPENHAUER qui nous invitent à vivre l’instant du présent (« ici et maintenant ») et à ne pas trop se tracasser avec la mort car lorsqu’elle sera là, nous nous ne serons plus là et en effet, nos ancêtres nous harcèlent comme des djinn…mais durant nos existences.
17.04.2013, Jean-Marie LANGE, Dr en Education permanente (DEA/ULG), Dr en intervention psychosociale (DES/ULG), formateur GAP.
Notre asbl GAP – Groupe d’ Autoformation psychosociale ne se revendique que des droits de l’homme et n’adhère à aucun parti politique ni à aucune confession religieuse, elle s’inscrit dans la décroissance, par exemple, nos retraites nous suffisent (soit un engagement dans la décroissance) et toute formation que nous faisons pour les directeurs d’école financent nos projets ; 2000 arbres de reboisement, un programme d’alphabétisation, 3 conférences contre l’excision, un projet de « commerce équitable » en cours, une bibliothèque avec des fiches de lectures PEC  etc. Grâce à la « Fondation Roi Baudouin cpte BE10 0000 0000 0404, projet 128/2425/00028 les dons « Fondation Roi Baudouin » sont fiscalement déductibles à partir de 40 €.



Brèves du GAP


GAP 2011



Nous commandons 1000 plantules de MORINGA au pépiniériste Mr DIA pour les planter au début de la saison des pluies fin février. Nous expliquons aux enfants que ce sont eux qui doivent arroser contre un cadeau l’année suivante.

Après notre départ, les briques disposées en claustra sont volées et l’école va rester vide pendant les congés des 4 mois d’été, les chèvres vont tout manger. Seuls les plants dans les concessions survivent. L’essai est catastrophique, mais nous avons appris.



GAP 2012 Ecole de Nando et alentours (expérience proprement dite)

Commande de 1000 plants dès la fin 2011 :



- 200 karités beurre pour les filles (un plant et non 3), leurs noms sont copiés sur les rubans roses et attaché aux plants, plus un certificat de propriété.
- 400 manguiers pour les garçons avec la même identification sur un ruban jaune.
- 200 baobabs pour la cour de l’école et les alentours (résistants à la sécheresse)
- 100 Anacardiers-cajou pour les mères qui viendront deux jours après assister à la conférence-débat contre l’excision.
- Pour les faîtières-animatrices de Sévaré (FCFA 500 pour leurs déplacements)
- Ecole d’ENDE : 100 manguiers (prévus en trop pour Nando) dans un jardin grillagé.

Nous plantons les excédents en Haie vive sur le terrain mis à disposition par Mr SANKARE dit simbè (GAP-Mali) et commandons 500 autres arbres (pour les remplacements).

GAP 2013

- Envoi de 300 flacons vitamines et oligo-éléments contre le NOMA (dénutrition).
- Envoi de 350 euros pour une alphabétisation en synergie avec « AVEC-MALI ».
L’intervention française SERVAL nous empêche d’envoyer une équipe, nous demandons un état des lieux à un évaluateur externe, le pédagogue Mamadou. Si la poste fonctionne à nouveau après Bamako, notre pharmacien nous a promis 1000 flacons en sus.
- Après alphabétisation, Simbè choisira 2,3 volontaires chez les filles-mères alphabétisées pour lancer les bases de la coopérative pépinière.
Merci à toute l’équipe malienne et tout particulièrement à Madame DIAKITE, Directrice du Service de la promotion des femmes et des enfants pour cette région du Mali (Nando-Ende-Sévaré-Mopti,…).
 




[1] NATHAN Tobie, L’influence qui guérit, Paris, Odile Jacob, 1994, p.27.
[2] Mauvais, nuisibles

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