MULTICULTURALISME et autoformation psychosociale citoyenne
Lorsque des petits abordent l'école primaire, dans certaines familles, on leur impose la contrainte de faire les devoirs prescrits au journal de classe et d'étudier les leçons car même si on n'est pas de la culture bourgeoise, on en connaît les normes dominantes de la culture scolaire incontournable pour une insertion sociale convenable. Tout se passe avant six ans certes mais le fossé commencera à s'amplifier dès le début de l'école primaire.
Pour des petits enfants, comment faire des efforts intellectuels plutôt que d'"aller jouer" s'il n'y a pas un adulte pour édicter la règle et en confirmer son utilité pour l'enfant. Dans ma jeunesse, j'ai partagé des kots (chambres pour étudiants) avec des tunisiens qui n'étudiaient jamais rien pensant peut-être que leur seule présence corporelle mais inattentive au cours suffirait. Je vois aussi un vieil ami malien qui se décarcasse pour le futur de ses enfants (avec stage de langue au Ghana pour le bilinguisme et profs particuliers) mais ceux-ci ne semblent pas comprendre l'abnégation du père et sont hypnotisés par la télé. Donc, la première chose que l'on doit acquérir, que ce soit dans nos cultures prolétaires ou d'exclus ou encore les cultures migrantes du sud, c'est la volonté de l'effort qui se transformera en goût pour apprendre à apprendre et être autonome. Les différences raciales sont un leurre exploité par le néolibéralisme pour exploiter certaines couches des populations (il n'y a qu'une seule race humaine Homo Sapiens Sapiens). Les écoles à discrimination positive (les ZEP en France) qui continuent à pratiquer la sélection et la ségrégation avec des classes de niveaux différents ou de la réorientation vers des études professionnelles peu valorisables ont un comportement malsain et immoral envers ceux qui ne connaissent pas les clés. Lorsque les jeunes étrangers conscientisent qu'ils sont parqués dans des clapiers de banlieues et dans des écoles où il n'y a que peu d'autochtones, ils râlent et finissent par croire qu'ils sont des parias; c'est alors qu'ils vont rechercher un peu de dignité par le recours au fonctionnement à la croyance (l'idéologie des partis politiques, les religions et les illusions fabulatrices du voile, de la non égalité des sexes et du meurtre d'innocents pour devenir martyr).
Ces autres jeunes qui cherchent à s'intégrer et à trouver une vie digne et décente chez nous et qui suivent des formations devraient être traités comme des citoyens à part entière et donc encadré sans la moindre discrimination. Depuis 40 ans, BOURDIEU[1] nous dit que nous sommes des pays iniques et que des Etats, comme la Suède, nous prouvent que l'on peut éduquer convenablement tous les jeunes présents dans un pays. Depuis 40 ans ! Et les socialistes sont complices de cette discrimination par la sélection scolaire. Le Rapport PISA classe la Belgique parmi les plus mauvais enseignements car les plus moffleurs. Et rien ne change : ma petite fille sort première de son examen de 2ème primaire et son amie pleure parce qu'elle doit doubler. N'y a-t-il donc personne parmi les gouvernants qui lisent les études en pédagogie prônant la remédiation plutôt que l'échec sanction par une pédagogie différenciée. Celle-ci est possible si, au lieu de saturer les classes d'ordinateurs, l'instituteur était encadré d'adjoints orthopédagogues, mais c'est alors un choix politique financier de développement social.
Indépendamment de la lourde responsabilité néolibérale de l'Etat (i.e. tous les partis dominants) vis-à-vis de la gabegie de la sélection, rappelons que le cœur premier du problème se trouve à la fois dans l'imprégnation culturelle (avoir des livres chez soi, apprendre la langue du pays hôte et valoriser au sein des familles les apprentissages des enfants, particulièrement des filles), et dans la transmission du goût de l'effort intellectuel. Un organe, comme un muscle ne se développera que si on le sollicite (quelles que soient les potentialités initiales).
Une collègue formatrice d'adultes me raconta un jour le comportement méprisant envers elle d'un étudiant turc qui dépliait son journal lorsqu'elle donnait cours, un véritable déni ! Après information, elle compris qu'il était analphabète et qu'il ne comprenait pas non plus le français oral.
Il n'empêche que son attitude peut ainsi produire une contre-attitude raciste puisqu'il ne s'exprime pas et ne demande rien, croyant peut-être à l'osmose de la transmission ?
Donc des deux côtés, celui de la population migrante et celui du pays d'accueil, il y a des régulations à faire : d'une part s'exercer à comprendre la culture d'accueil et en respecter les normes (la politesse envers les enseignants, comme les jeunes autochtones) et d'autre part chez les maîtres d'arrêter de donner des cours ex-cathedra mais ouvrir des dialogues.
Le pédagogue Gilbert DE LANDSHEERE[2] dans sa recherche "Comment les Maîtres enseignent ?" relève que les 8/10 du temps sont mangés par la parole du maître avec très peu d'interaction. L'andragogue Marcel LESNE [3] nous explique la typologie historique des Modes de Transmission Pédagogique (MTP).
Le MTP 1 issu de notre Moyen-âge et toujours appliqué dans les écoles coraniques est le bourrage de crâne. Le maître énonce et écrit au tableau une sentence et les élèves répètent ! Les apprenants sont des objets dont l'intelligence est brimée, non sollicitée et qui sont gavés à la petite cuillère de matières inutiles, ennuyeuses et absurdes.
Dans le MTP 2, les apprenants sont actifs, le maître n'apporte plus des réponses stéréotypées à des questions non posées mais sollicite les interventions ; il est animateur et pratique la maïeutique de SOCRATE à l'aide de méthodes actives (exercices structurés, jeux de rôle, simulations, études de cas, projets, etc.). Si par exemple, à l'aide d'un jeu de rôle vécu, les apprenants sont après la séquence invités à formuler des hypothèses d'analyse et que l'animateur ne les corrige pas mais au contraire reformule leurs propos, c'est là les encourager à penser par eux-mêmes et donc à reprendre confiance en leurs possibilités. Hormis les malheureux handicapés mentaux, tous les jeunes sont capables d'apprendre à leur rythme et avec un coach compétent. Le formateur-animateur qui, après une mise en situation d'1/4 d'heure, arrive à faire parler et dialoguer son groupe pendant une heure fait plus par la structure mise en place que par le fond lui-même. Après cette heure un quart d'activité et d'échange, il synthétise en 20 minutes, en recadrant les auto-découvertes sous un langage technique. Avec cette approche dynamique, on n'a pas besoin de se forcer à étudier, on retient l'expérience vécue.
Avec ces jeunes ou ces adultes en formation ayant à la fois pris la parole et retrouvé la confiance en leurs possibilités, on peut alors, nous dit LESNE, aborder le MTP 3. Celui-ci consiste à chercher et apprendre par soi-même en groupe. C'est ce que l'on appelle les séminaires où le prof ne répond que si on l'interroge comme joker et où le groupe apprend seul par lui-même. Les apprenants sont alors à la fois acteur de leur autoformation et citoyen. Au fond, c'est ce qui existait avant dans les villages africains avec la palabre où tous avaient le droit de s'exprimer (notons que si la parole était refusée aux femmes, elles influençaient en deuxième cercle par leurs mimiques leur compagnon respectif).
La France en est à sa troisième génération d'immigrés stigmatisés alors que les pays scandinaves nous montrent qu'une intégration respectueuse des différences culturelles est possible si l'Etat y investit des sommes financières correctes. Alors qu'en France, il y a juste un leurre non raisonnablement financé des Zones d'Education Prioritaire (ZEP), ce phénomène est pastiché à l'identique en Belgique avec les écoles à discrimination positive.
Il y avait donc autrefois la sélection sociale des classes prolétariennes chez nous avec dès l'après-guerre des enseignements professionnels de relégation puis il y eut les vagues d'immigration européenne d'abord (Italienne, Polonaise),'extérieure à l'Europe ensuite (Afrique, Asie,…) pour lesquelles on a construit des cités ghettos tout en maintenant un enseignement non mixte (i.e. sans mixité sociale) où la résistance des jeunes se trompa de cible en insultant et en manquant de respect en général aux enseignants. Ceux-ci demandèrent alors leur mutation pour des écoles bien blanches de politesse afin de ne pas être agressés verbalement alors qu'ils sont au service des jeunes (une réaction légitime).
Aujourd'hui, on parle de mixité de l'enseignement pour rattraper la dérive. Il n'est pas seulement trop tard pour les étiquettes mais le problème n'est plus là, il est dans le financement correct des toutes les écoles publiques et dans la revalorisation des salaires des profs.
Attention, un train peut en cacher un autre; on voit quelques enfants filles manipulées arborant le foulard dans nos écoles laïques (alors que le port de celui-ci est interdit dans les écoles publiques turques) qui sont donc soit téléguidées par leur famille inculte, soit profondément égoïstes car au sein de la discrimination existe une plus grande encore : celle que subisse les êtres humains du genre féminin dans le Tiers-monde vis-à-vis de la scolarisation. Quelle que soit leur intelligence et vivacité d'esprit, elles ne seront que rarement poussées vers les études, contrairement aux garçons, souvent plus dolents.
Et les quelques jeunes filles privilégiées de la seconde génération migrante souvent ne respectent pas le pluralisme de nos institutions par le port du voile, y compris lorsqu'elles sont élues pour l'ensemble de la population. Cette lâcheté belge au nom d'une fausse tolérance ne se retrouve même pas sous le règne de SARKOSY 1er et n'est nullement pensable en réciprocité culturelle. Et pourtant, ce bouillon de culture raciste suscité par ces quelques arrivées aux privilèges scolaires est d'autant plus déplorable que l'instruction scolaire massive des femmes en Afrique et au Moyen-Orient serait indispensable pour un véritable développement social.(Par exemple, la lutte contre la barbarie de l'excision ne pourra devenir effective que lorsque les mères seront éduquées, instruites.)
Pour allier la finalité de l'épanouissement et de la confiance en soi avec un vrai travail de formateur-animateur, il faut distinguer clairement le joyeux animateur de vacances dont le rôle est de divertir (par exemple, les programmes de la Ligue de l'Enseignement et de l'Education Permanente de Bruxelles) du formateur avec projet pédagogique.
Si dans l'analyse d'un jeu de rôle par exemple, un participant est en pleine projection de ses préjugés, ce sera à l'animateur de montrer avec fermeté que la simple observation ne peut permettre de déduire des normes et des valeurs; toutefois, le participant a à s'interroger sur l'impact sur lui-même de ce qu'il a analysé pour progresser de façon professionnaliste. Dans tous les autres cas, le formateur va reformuler en paraphrases techniques les apports du membre en soulignant au passage la richesse de son analyse ("croire en soi !"). Si des hypothèses contradictoires sont émises, le formateur ne va jamais les étouffer mais les relever, par exemple : d'une part l'opinion de X et d'autre part l'opinion d'Y, qu'en pense le reste du groupe? Une manière de susciter un débat cognitif en éclairant les divergences sans passion puis éventuellement y construire un point de vue méta-communicationnel vers une solution "gagnant-gagnant".
Par contre, dans un débat où les passions se dévoilent, le formateur veillera à l'emploi judicieux des termes pour recadrer les jugements et censurer les insultes en expliquant que l'on peut exprimer la même chose mais courtoisement.
S'il n'y a pas d'accord possible entre les membres du groupe, il n'y aura pas de forcing mais un simple constat, du genre : "une partie du groupe, sous l'argumentaire de X, prend telle position et l'autre l'inverse". En effet, on doit pouvoir vivre en groupe sans hypocrisie et également sans amour pour tous imposé par une morale judéo-chrétienne. Aimer l'humanité dans son ensemble est un vœu souhaitable mais nous savons très bien que nous avons des affinités pour certains et des rejets ou indifférences pour d'autres.
Si le formateur est questionné sur un sujet délicat pour lui-même, il doit pouvoir mettre à plat ses doutes et auto-questionnements. Pourtant si les questions visent non le fond mais le leadership du formateur, il ne doit pas y répondre ni se justifier (il a la responsabilité pédagogique entière de son intervention) mais renvoyer la question au groupe (effets miroir et reflet) et si ,les attaques personnelle persistent, recadrer sur la dynamique du groupe (DG) dont il est le gardien ou mettre fin à la séance. Notons à ce sujet que le formateur-animateur a à la fois un statut (celui de responsable pédagogique) et un rôle (celui d'animateur-dynamicien). Dans les mécanismes de la DG, il peut naître des meneurs qu'il faut prendre en compte si leurs contestations sont positives et créatives. C'est là un phénomène naturel des interactions en groupe. Des chercheurs en psychologie sociale, après avoir identifié dans un groupe de rats le leader et le bouc émissaire par exemple, retirent ces deux éléments du groupe et le groupe va automatiquement susciter en son sein un nouveau leader et un nouveau mouton noir. Notons également qu'il s'agit ici de former à des attitudes et à des comportements de savoir-être (une structure) mais jamais à un contenu idéologique ou religieux. Réfléchir par soi-même et pratiquer le libre-arbitre en adulte est un chemin d'épanouissement et d'émancipation (laïque ou spirituelle) opposé à toutes manipulations mentales de jeunes enfants par le bourrage de crâne (les écoles coraniques comme les chrétiens).
En synthèse technique à propos de la psychologie relationnelle d'une formation en groupe (en Europe ou dans le Tiers-monde), reformuler de façon positive les observations d'une personne, c'est valoriser celle-ci d'abord à ses propres yeux. Ensuite, le formateur va tenter de la pousser plus loin, à formuler davantage son avis, puis à animer un sous-groupe voire le grand groupe pour qu'elle dépasse ses résistances et apprenne ses potentialités dans le gai savoir; c'est là le versant émancipation sociale. Si dans toutes nos écoles belges, nous avions une formation citoyenne portant sur la prise de parole, la dynamique des groupes et la conduite de réunion, nous aurions alors créé un socle d'acteurs sociaux pour construire une réelle démocratie avec des participants actifs et non des suiveurs.
Jean-Marie LANGE, formateur GAP,
01.07.2009.
GROUPE D’AUTOFORMATION PSYCHOSOCIALE
Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Site : http://soutien.et.autonomie.free.fr
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique: Jean-Marie LANGE gap.belgique@skynet.be
DEXIA : 068-2426901-85; IBAN BE89 0682 4269 0185 BIC GKCCBEBB
Site : http://soutien.et.autonomie.free.fr;
Le Groupe d'Autoformation Psychosociale (GAP –Belgique) , association de fait pour le développement de l'autonomie et de la participation sociale depuis 1988
et asbl d'éducation permanente des adultes définie comme autoformation de citoyens critiques et responsables depuis 2005 est un opérateur de terrain qui se réclame de l'application des droits de l'homme et ne réfère à aucune confession et à aucun parti politique.
Sa finalité est double:
- proposer des formations de cadres (en groupe ou en individuel) en Europe et dans le Tiers-monde.
- Avec les bénéfices engendrés, financer dans et pour le Tiers-monde des projets éducatifs dit "intégrés" allant de l'alphabétisation à l'autonomie économique et citoyenne d'un village en collaboration avec des équipes intervenantes de l'asbl in situ qui nous permettent de contrôler la faisabilité et l'évaluation de ces projets.
Ses objectifs pragmatiques :
Pour la formation des cadres :
- Affiner les socles de compétences des Maîtres du primaire et du secondaire;
- développer la spécificité des méthodes pédagogiques actives (exercices structurés, jeux de rôle, simulation, débat,…) et la construction d'outils pédagogiques interactifs;
- fournir du matériel pédagogique (manuels, cahiers, bics, craies, tableaux,…) et apprendre à apprendre des comportements de psychologie relationnelle.
Pour la formation professionnelle :
- Aider à la construction ou au soutien de groupes de femmes volontaires et actives pour le changement social;
- Organiser ou soutenir des cours d'alphabétisation pour les personnes ayant manqué de scolarité;
- aider par un micro-crédit personnalisé (groupe de 5 femmes par exemple) à la création d'activités génératrices de revenus (UMWETE. Atelier de couture – Makamba –Burundi).
Pour la formation agricole :
- Formation des cultivateurs et remise d'outillage jugé nécessaire par eux;
- équipement des jardins pour la transformation et la commercialisation des légumes par l'utilisation de fours solaires (TUGWIZIMBUTO – Jardins de Kayoba – Burundi);
- apport de semences naturelles (sans OGM) provenant d'autres pays africains ou d'Europe;
- suivi et conseil sur le terrain grâce aux équipes d'intervenants GAP de conseillers agricoles.
Partenaires :
Gani-Dah-Allemagne (Aide au Mali) – Académie de Sambreville – PME Vittorio, Liège.
[1] BOURDIEU P., Questions de sociologie, Paris, De Minuit, 1984.
BOURDIEU P., Contre-feux. Propos pour servir à la résistance contre l'invasion néo-libérale, Paris, Raisons d'Agir, 1998.
BOURDIEU P. La domination masculine, Paris, Seuil, 1998.
BOURDIEU P., La misère du monde, Paris, Seuil, 1993, Points, 1998.
BOURDIEU P., & PASSERON J.Cl., La reproduction, Eléments pour une théorie du système d'enseignement, Paris, De Minuit, 1970.
BOURGEOIS E. (Ed.), L'adulte en formation, Bruxelles, De Boeck, 1996.
BOURGEOIS E. & NIZET J., Apprentissage et formation des adultes, Paris, PUF, 1997.
[2] DE LANDSHEERE G., Introduction à la recherche en éducation, 5°éd., Liège, G. Thone, 1982.
DE LANDSHEERE G. & BAYER E., Pédagogie et recherche, Comment les maîtres enseignent. Analyse des interactions verbales en classe, 4Eed., Bruxelles, Direction générale de l'Organisation des Etudes, 1981.
DE LANDSHEERE G. & DELCHAMBRE A., Comment les maîtres enseignent II. Les comportements non verbaux de l'enseignant, Bruxelles, Labor, 1979.
[3] LESNE M., Travail pédagogique et formation d'adultes, Paris, PUF, 1977.
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