mercredi 30 mars 2011

AFRICAN FRATERNITY

AFRICAN FRATERNITY Il semble évident que l’occident ne peut accueillir toute la misère du monde et donc, la seule porte de sortie réside dans la possibilité pour tous les peuples du Tiers Monde de pouvoir rester chez eux dans des conditions de vie dignes, décentes et accessibles pour tous. Notre seul espoir pour le futur réside, à mon sens, dans un travail à échelle humaine, respectueux, tolérant aux valeurs des autres et les encourageant vers une démarche d’autonomie et de responsabilisation tendant à passer la main au plus tôt. C’est ce qu’a voulu faire un petit groupe dont je fais partie en créant le GAP (groupe d’autoformation psychosociale). Lors de voyages, nous avions déjà pris en charge ponctuellement des frais de cantine scolaire ou fourni du matériel scolaire mais il ne s’agissait que de réactions épidermiques face à des situations perçues comme insupportables et nous avons voulu pousser plus loin notre réflexion et notre action en développant une structure d’éducation permanente des adultes définie comme autoformation de citoyens critiques et responsables avec un objectif double : - Proposer en Europe des formations de groupes ou des accompagnements individuels dans une optique d’autoformation et d’autonomie, - Avec les bénéfices engendrés, financer dans le Tiers Monde des projets éducatifs toujours centrés sur l’autonomie et la responsabilisation de petites communautés villageoises en y incluant les femmes car ce sont avant tout elles les éducatrices et tout changement passe obligatoirement par leur transmission. En rencontrant une de ces communautés, nous essayons de l’aider à clarifier ses projets et nous la soutenons pour atteindre ses objectifs en lui fournissant quelques moyens stratégiques. A. Depuis 2007, nous soutenons le hameau-colline de Kayoba dans le sud du Burundi, suite à une lettre de demande émanant du village, principalement à travers l’aide à l’installation d’une coopérative agricole. Au départ, il s’agissait d’apport de semences, d’achat de matériel local, de conseils techniques tels que la création de fosses à compost au lieu d’engrais, la recherche de moyens naturels de lutte contre les maladies ou les insectes au lieu des pesticides, l’établissement ou le rétablissement de cultures en terrasses pour éviter l’érosion… Aujourd’hui, cette association cultive ses propres légumes qu’elle vend au marché local (le PAM n’est pas là) et a le projet d’acheter un moulin à grains. Ceci implique que l’association tient ses comptes, a créé une caisse de solidarité pour les coups durs, réinvestit ses gains dans l’achat de semences, la location de terres à cultiver et une juste rémunération pour ses membres-travailleurs. La gestion nécessitant certaines compétences, l’association a décidé d’envoyer deux de ses membres suivre les cours d’alphabétisation organisés par le gouvernement pour que ceux-ci forment à leur tour les autres membres de l’association, voire d’autres villageois. Dans ce cas précis, le GAP a couvert le manque à gagner des deux volontaires pendant la durée des cours en leur allouant un salaire. Il est par ailleurs vraisemblable que, si l’achat du moulin à grains, se concrétise, le GAP avancera une partie de la somme, le remboursement symbolique devant être déposé sur un compte local destiné à couvrir les frais de réparation, l’amortissement… Ce moulin permettrait d’éviter de longs déplacements et donc pertes de temps aux villageois pour se rendre au moulin du village voisin mais peut-être aussi d’étendre les activités de la coopérative en préparant par exemple des sachets de mélanges pour panades pour les jeunes enfants sur la base de produits cultivés. Jusqu’à présent, nous n’avons pu répondre à cette demande par manque de fonds disponibles. L’association s’est également adjoint la collaboration de monitrices de formation à l’équilibre nutritionnel et soutient les écoles officielles locales, notamment à travers la fourniture de semences pour des potagers destinés aux cours de cuisine et d’hygiène alimentaire. D’autre part, le GAP a aussi eu des contacts avec des associations de femmes, le Burundi étant un pays où elles sont très présentes et très bien structurées en raison des évènements qui s’y sont déroulés. Nous leur avons par exemple fourni des stocks de préservatifs à distribuer car, si le gouvernement a mis en place des programmes sérieux de dépistage du sida, ceux-ci obligent les citoyens à se dévoiler, ce que refuse une partie de la population à la rencontre de laquelle ces associations féminines essaient d’aller pour leur offrir malgré tout une certaine protection. Ceci est un exemple de réussite mais à côté de cela, le lancement d’un atelier de couture à la fois boutique et centre de formation a échoué par manque de responsables formés et donc compétents. Deux fours solaires offerts au hameau par une sympathisante allemande du GAP pour être utilisés collectivement dans la préparation des repas ont été boudés, en cause l’individualisme malgré tout dominant mais ont été réaffectés à d’autres tâches utiles : les cours d’équilibre nutritionnel et la maternité où ils permettent de chauffer de l’eau pour la désinfection de matériel mais aussi pour les bouillottes destinées aux prématurés en remplacement des couveuses hors d’usage. Kayoba devient à présent un village pilote visité par les habitants des autres collines. B. Depuis 2011, le GAP est aussi présent à Nando, village Dogon du Mali. Frappés par la pauvreté de l’endroit lors d’un passage en 2009, nous avions profité de nos contacts privilégiés sur place pour lancer une réflexion commune. L’idée initiale était de financer la scolarité d’un enfant pour qu’à travers son instruction, ce village puisse prétendre à l’autonomie. Une école existait ; il s’avéra en définitive qu’elle était relativement bien fréquentée par les enfants et que le gouvernement, conscient des difficultés de l’endroit avait décidé de l’agrandir et d’étoffer l’équipe pédagogique, initiative fort bienvenue. Nos contacts locaux avaient évoqué l’idée d’une cantine scolaire sans la retenir en raison du coût d’une part et de la difficulté d’organisation et de contrôle d’autre part (C’est tout le village qui risque de s’y retrouver selon d’autre expériences menées). Sans abandonner totalement l’idée de nutrition en envisageant notamment l’apport de compléments vitaminés collectés auprès de firmes pharmaceutiques naquit l’idée de soutenir les initiatives de reboisement de cette région aride du Sahel et tant qu’à faire de trouver une essence locale et utile pour ce faire. Des études d’agroforesteries récentes ont remis à l’honneur un arbre endémique de la région d’une grande richesse alimentaire et complètement délaissé avec la colonisation et après alors que pendant des siècles, il avait été planté dans toutes les concessions familiales. Cet arbre, le moringa oleifera, à la croissance rapide a des propriétés nutritives élevées et même médicales en cours de redécouverte. Les feuilles peuvent se consommer fraîches comme légumes verts ou en assaisonnement et séchées puis réduites en poudre comme condiments. La graine se consomme grillée comme une arachide. Ce qui est intéressant, c’est que 100 grs de feuilles apportent autant de calcium qu’un grand verre de lait, de fer qu’un steak de bœuf de 200 grs (sans compter les protéines), de protéines qu’un œuf, de vitamines C qu’une orange, de vitamines A qu’une carotte. Bref, c’est l’aliment miracle. L’équipe pédagogique adhéra rapidement à l’idée d’organiser la plantation de cette espèce tant à l’école que chez les enfants (2 plants distribués par élève) en l’englobant dans un projet pédagogique : l’étude des essences locales, la valeur nutritionnelle des aliments, la déforestation et le reboisement, la sensibilisation des populations au travers des parents et enfin la responsabilisation des enfants puisque chacun d’eux devrait veiller à la survie de ses plants reçus. Un pépiniériste, ancien enseignant, s’est chargé de la mise en germination des 1000 plants nécessaires financés et distribués par le GAP. Enthousiasmé par le projet, il assurera un suivi chaque trimestre avec les autres membres de l’équipe locale et leur passage fera l’objet d’une petite fête avec un repas enrichi de poissons venant de sa pisciculture, le tout payé par le GAP bien entendu. Il propose aussi une future plantation de baobabs et l’idée est de créer une association dans laquelle s’impliqueraient des parents d’élèves. Un nom est déjà avancé : « une forêt de moringa pour l’école de Nando ». Bref… projet à suivre. De notre côté, par principe pédagogique, nous avons déjà contacté un évaluateur de projets local et indépendant pour nous aider à faire le bilan d’ici deux ans. Je pourrais continuer à évoquer longtemps encore ces projets qui me tiennent à cœur mais mon propos n’est pas vraiment celui-là. Ils sont bien modestes mais qu’il suffise de savoir qu’à chaque fois, nous veillons à ce qu’ils favorisent la responsabilisation des populations pour les conduire vers l’autonomie et la prise en charge, qu’ils suscitent fierté et valorisation dans le respect des droits de l’homme bien sûr mais aussi dans le respect de l’égalité des sexes, surtout dans un pays comme le Mali où l’excision des petites filles est encore une triste réalité. Nous sommes dans le monde musulman et malgré l’ouverture, il est nettement plus difficile d’y rencontrer les femmes. Toutefois, les gouvernants, conscients de cette problématique font essentiellement appel à des femmes ou à des associations féminines dans les villages lorsqu’ils lancent des programmes de sensibilisation et de lutte dans ce domaine ou pour ce qui concerne la lutte contre le sida. « La meilleure évaluation possible d’une démocratie réside dans la condition réservée aux femmes. C’est au sort réservé au deuxième sexe qu’on peut mesurer le degré d’ouverture d’une société » Pascal Bruckner. Marie-Claire Lange. 29 mars 2011.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire