GRANDIR avec l’AUTOFORMATION assistée
Chez les enseignants républicains , il y a ceux qui sont ivres de pouvoir, qui ne contrôlent pas leur ego, leur fantasme de puissance, mais qui briment le pouvoir de savoir-faire et de savoir-être que devraient acquérir les apprenants. Les enseignants qui « retiennent leurs celles » sont ceux que j’appelle « les moffleurs en série » qui jouent sans scrupule avec l’image en formation des jeunes, avec leur avenir et trop souvent programment leur échec de vie par manque d’acquis transmis par la société.
Il y a également ceux qui sont là pour transmettre ce qu’ils ont eux-mêmes reçu et non pas évaluer mais former, qui aident comme des jardiniers à ce que les jeunes poussent vers le phototropisme de l’esprit critique, ce sont les éveilleurs et les passeurs de lumière. Ils n’ont nul besoin de ligaturer le plant à un tuteur rigide (comme un garrot franquiste), ils montrent juste le soleil et nourrissent le jeune d’encouragements à faire, à se dépasser, d’autorisations à créer et à vivre pleinement.
Un de mes petits-fils me demande que je le regarde colorier un dessin pré-imprimé bordé de gros traits noirs ? Je m’adresse à la partie pré-adulte de son cerveau pour lui manifester mon mécontentement car il dépasse de partout et je ne vais pas dire que son « ratchacha » a une quelconque valeur alors qu’il s’agit de zébrures hargneuses de fantasme de toute-puissance et que j’ai autre chose à faire s’il ne se concentre pas un minimum. Je fais ce qu’il faut car on ne doit pas mentir à un enfant en croissance et lui raconter n’importe quoi. De même, à notre époque, l’autorité paternelle fait le plus souvent défaut, il n’est pas question de négocier une médiation avec quelqu’un qui veut vous dominer ; notre responsabilité éducative est de savoir dire non à ce fantasme de domination des adultes. Pour l’élevage d’orphelins prédateurs comme des jeunes lionceaux ou de jeunes tigres, on n’emploie plus du personnel humain trop enclin à l’anthropocentrisme mais des mères de substitution de la même espèce qui, si le bébé lion leur mord la queue, vont retourner aussi sec un coup de patte qui a le mérite de la précision.
Pourtant mon petit-fils, en première primaire l’année suivante rentre de l’école avec une note de 0/10 pour sa dictée et la mention de conseil pédagogique pour le moins laconique « 14 fautes ! ».Or, les exercices sont là pour faire des erreurs et que l’on apprenne le pourquoi et le comment de nos erreurs pour s’améliorer ; il n’y a pas que des écoles élitistes privées catholiques, il y a aussi le projet d’école de l’enseignement officiel de tous : épanouir les élèves, développer leur émancipation sociale, cultiver la pédagogie de la réussite sans démagogie et leur donner une sérieuse formation technique. Lorsque je travaillais à l’ULG avec Marcel DEPREZ en formation des adultes, il m’a raconté la pratique de l’instituteur Jeanfils qui soulignait en vert les mots sans faute d’orthographe ; ainsi, le néophyte, dès ses premières dictées, pouvait s’améliorer de 100% en passant de deux mots justes à quatre. Cela prête à sourire mais pourtant, dans le tendre esprit des jeunes comme dans les nôtres, ce ne sont que des représentations subjectives qui s’installent.
Petit enfant, j’allais à l’école des Hougnes (à Verviers) et sur la cour de récréation, je cherchais comme les autres garçons à attraper les filles. Une attrapée, s’est retournée vers moi et m’a dit tout sec « pas toi ! car tu es avant-dernier de classe ! » Certes mais tout de même, je n’ai jamais été le dernier de classe ! Je me suis assis sur un petit muret pour méditer (eh oui !). J’espérais me voir surgir en un homme bien habillé, sûr de lui et de ses capacités intellectuelles qui allait me prendre par la main et m’emmener dans le futur (pas un curé tout de même, nous étions dans l’enseignement laïque).
J’avais aussi une cousine Loulou, institutrice, qui me faisait venir au tableau pour me crier dessus car je comptais les mouches et que « d’ailleurs, c’était les tonneaux vides qui faisaient le plus de bruit ». Je devais rester dans le coin et faire des punitions interminables lors de nombreuses récré sans en savoir le pourquoi, une torture blanche ! Pour être instituteur aujourd’hui, il suffit – avant d’entamer le cursus - d’avoir suivi six ans d’études de formation professionnelle en boucherie ou en pâtisserie par exemple, de refaire une 7ème année de remise à niveau en vrac pour les cours généraux pour apprendre aux petits à écrire sans faute, pour enseigner là où les jeunes sont le plus sensibles, dans la petite enfance.
Dans l’intérêt de nos enfants, ne faudrait-il pas inverser le dispositif et exiger une formation des maîtres de niveau BAC+5 pour éviter l’injustice sociale qui commence avec l’injustice scolaire. L’enfant qui rentre seul chez lui à 7,8 ans, ne va pas faire les devoirs prévus au journal de classe si ses parents ne sont pas là, derrière lui pour exiger qu’il ne dépasse pas lors de son coloriage et qu’il travaille son propre apprentissage avant d’aller jouer.
De même, dans les classes, il y a des maîtres qui écoutent attentivement les petits, de façon empathique et ne lésinent pas sur le travail pour préparer la matière de façon à ce que les enfants la reçoivent en appétit. Par contre, il y en a d’autres qui oublient de préparer et d’enseigner mais qui savent évaluer et interroger comme des SS avec un message inconscient du genre « Vous êtes une bande tarés et moi je suis le prof qui sait-tout ». Ces Zorglubs gagnent autant que ceux qui préparent honnêtement leur job.
Nous sommes tous complices de cette discrimination négative, Onkelinx en tête bien entendu, cette pseudo-prise en compte hypocrite car en fait, elle finance deux réseaux d’enseignement (l’officiel et le religieux au même taux de 96,5%) et donc avec seulement la moitié de la capacité budgétaire pour chacun des enfants. Les parents sont aussi complices, il y a ceux qui possèdent des livres et qui suivent les études de l’enfant et ceux qui sont trop paresseux pour accomplir cette tâche éthique cruciale dans notre modernité pour le devenir de leurs petits. »Les enfants d’abord devrait être notre slogan à tous ».
Jean-Marie Lange, Dr en Formation des adultes(DEA.ULG),
Dr en Education Permanente(DEA.ULG)
et Dr en Intervention psychosocialesociale(DES-ULG), 11.01.2011
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