jeudi 20 octobre 2011

Les relations de couple (I)

Les relations de couple
« L’homme n’est pas fait pour construire des murs mais pour édifier des ponts. »(LAO-tseu)
Dans nos sociétés cultivées et instruites, nous savons que l’homme et la femme sont égaux en tout. Les valeurs universelles des droits de l’homme le soulignent dès le premier principe : les hommes sont égaux quels que soient l’ethnie et le genre sexuel.

Pourtant, dans les ¾ du monde du sud au sous-développement maintenu par les pays riches, la femme n’est toujours pas reconnue, peut-être à cause du dimorphisme de la taille et de la structure des muscles ? Elle est porteuse d’enfants et d’avenir et pourtant, dès l’enfance, on mutile son organe sexuel de plaisir, le clitoris. On la marie de force dès les premiers sangs, elle est enfermée chez elle ou dans une burka, elle n’a pas droit à l’enseignement et doit être soumise en tout à son seigneur de mari. Plus grave encore, des machines à échographie ont été vendues en Inde et en Chine à des boutiquiers, pour faire avorter s’il s’agit d’une fille si bien que des villages indiens sont peuplés à 80% de garçons qui doivent chercher leurs épouses au Népal.
En Europe, sur trois générations, l’émancipation féminine a fleuri. Mai 1968 a été une révolution non-violente contre l’autoritarisme des aînés trop sévères et en particulier envers les femmes. La symbolique de brûler son soutien-gorge et l’apparition de la mini-jupe, les moyens anticonceptionnels comme la pilule, les centres de planning familiaux, l’amour libre, etc. en ont été les témoignages
A la génération de mes filles, on s’est en plus rendu compte des qualités intellectuelles des filles comme de leur pouvoir d’observation plus globalisant, leur concentration et aptitudes scolaires supérieures aux garçons, leur application et leur ténacité dans les tâches d’apprentissage, etc. Mais aussi des qualités psychiques que les machistes aux gros bras avaient par inadvertance occultées, notamment le fait que ce sont les femmes qui choisissent l’homme avec qui elles veulent vivre et ce sont elles également qui les quittent par désamour. Les hommes par lâcheté s’accommodent de tout et préfèrent ne rien changer à leurs habitudes et confort même si leur couple « bat de l’aile ». Cependant, ne pourrait-on dire de ce fait que la valeur d’égalité est menacée dans nos contrées par ce fantastique pouvoir décisionnel des femmes, qui fait éclater tant de couples ?
Pourquoi les hommes deviendraient-ils insupportables ? Par routine et ennui ? Parce qu’ils ne parlent que de cul au lieu de cancaner comme les femmes sur leurs amies ? Soyons dialecticien, mise à part la prise de conscience d’un ras-le-bol plus rapide chez les femmes, chaque partenaire d’un couple a autant de qualités et de défauts que l’autre. Les hommes ont du bide, « pêtent » au lit, « rotent », boivent trop, n’écoutent pas les babils de Simone, regardent les autres femmes, râlent en voiture sur les chauffeuses, se grattent le bide, nettoient leur nez sans discrétion, n’aident pas assez dans les tâches ménagères, ne s’occupent pas assez des enfants, n’ont plus de galanterie et sont pignoufs, etc. Pourquoi voir à notre époque de lucidité la paille dans l’œil du voisin et non la poutre qui est dans le nôtre ? Mais on ne connaît pas les défauts des femmes parce que les hommes n’y pensent même pas.
Les hommes viennent de Mars (Dieu de la guerre) et les femmes de Vénus (Déesse de l’amour), je fais l’hypothèse que ce sont là des différences culturelles normatives conditionnées dans nos représentations primaires, certains hommes viennent de Vénus et certaines femmes de Mars mais les conflits sont naturels. J’affirme haut et fort sur un autre registre qu’un métier qui ne serait pas accessible aux femmes, cela n’existe pas ! A travail égal, salaire égal.
« Les collectivités sans conflits ne sont pas utopiques : elles sont impossibles.(…) Les hominiens sont des hommes par leurs qualités discrètes dans un ensemble naturel anthropoïde, tandis que les hommes conservent des qualités anthropoïdes dans un ensemble naturel qui, lui, ne l’est plus du tout. »[1]
Sur le plan relationnel intime, nous avons tous des pulsions sexuelles, une libido alimentée par nos hormones aussi bien les femmes que les hommes mais les femmes semblent plus discrètes et les hommes plus libidineux. Est-ce vraiment leur choix ou est-ce parce que d’une part, partout dans le monde animal dont nous faisons partie, c’est le règne de la polygamie et que d’autre part, les hommes ont cinq fois plus de testostérone que les femmes ?
« Aucun grand anthropoïde – indiscutablement nos parents les plus proches actuellement en vie – n’est exclusivement monogame, et les traces de dimorphisme sexuel trouvées sur les fossiles d’anthropoïdes et d’hominidés indiquent que nos ancêtres immédiats ne l’étaient sans doute pas non plus.(…) La vieille idée qui veut que les humains primitifs aient été monogames a toujours ses défenseurs. Mais il y faut aujourd’hui une bonne dose d’anthropocentrisme et une série d’arguments plus ou moins spécieux. »[2]
La croyance populaire dit que les hommes veulent l’acte sexuel en priorité et les femmes les câlins et la tendresse mais cette dichotomie est radicalement fausse : les femmes aiment aussi faire l’amour et jouir [3] et les hommes ont aussi besoin de tendresse et d’estime réciproque.
Alors sont-ce là des reliquats de nos conditionnements antérieurs ? J’ai entendu dernièrement la lecture d’un poème zen (proche du riche laboureur de Lafontaine mais beaucoup plus long) soigneusement aseptisé de tout ce qui pourrait avoir une connotation sexuelle : le frère et la sœur ne se marient ni l’un ni l’autre mais pendant 3 ans méditent le poème du père, pourquoi cette précision inutile sur leur célibat, pour signifier qu’ils restent tous les deux dans leur mental et non dans leur nature de Bouddha ? Ce tabou sexuel est loin d’avoir disparu.
Ou bien serait-ce le retour du balancier de Foucault où, après une longue domination masculine, l’autre sexe tomberait aussi dans ce travers de la domination ? « Les femmes sont des hommes comme les autres » disait un habile slogan commercial. Il nous faudra probablement encore quelques générations avant l’homéostasie, la stabilisation du pendule.
Félicien Rops, Accouplement préhistorique.
La troisième génération est celle de nos petits-enfants, dits les enfants-roi (capricieux) ; en effet, il n’y a plus seulement comme auparavant la famille qui éduque et l’église qui culpabilise (toutes les églises, y compris bouddhiste), il y a en plus de très nombreux foyers d’auto-formation pas toujours très structurants pour les jeunes tels que les jeux vidéo et leur violence, les cours de récréation et leurs échanges primaires (de coups par exemple), la pornographie à portée de tous, la TV et sa publicité consciente et inconsciente pour un consumérisme visant un individualisme égoïste et in fine la perte de repères dus y compris au changement positif de l’émancipation féminine. Avant, le père régnait ; à présent, la femme dirige y compris la conscientisation des enfants et ce n’est pas toujours joli lorsque, dans une rupture, on prend les enfants en otages pour leur inculquer la haine du père. J’ai connu, dans mon passé de formateur en histoires de vie, un jeune homme qui vitupérait « un peu trop » contre son paternel tout en ayant passé l’âge de l’adolescence ; parce que c’était mon job, je lui ai demandé si lui qui détestait à ce point son père l’avait jamais vu et écouté ? Non, répondit-il ; j’espère que ce koan l’aura aidé à dépasser son conditionnement de haine. Notons que je fus alors pris à partie dans le groupe par des femmes féministes « hystéroïdes » dans le groupe qui étaient heurtées par mon analyse. Je leur ai juste demandé de bien vouloir analyser le pourquoi de leur colère mais signalé que j’acceptais d’être un méchant coupable si cela pouvait leur ouvrir une vision dialectisée.
J’ai aussi souvent entendu un autre grief reproché au papa devant les petits enfants du couple, à savoir que les hommes n’en faisaient pas assez dans le ménage, ce que je pense vrai mais pourtant, après 2000 ans de paresse domestique, ils évoluent. Mais le reproche n’est-il pas pire que le méfait de paresse s’il doit détruire l’image du père aux yeux des enfants ?.


« L’éducation sexuelle à l’école est à la mode. Et il est certain qu’elle devrait être animée, sous forme de discussions franches et ouvertes, par des personnes « authentiques ». Mais, à mon avis, il serait beaucoup plus fondamental d’apprendre à être des «partenaires ». On peut obtenir un diplôme scolaire sans avoir appris comment on pouvait communiquer, ou résoudre les conflits, ou s’arranger de la colère et de tous les autres sentiments négatifs. Le garçon et la fille peuvent ignorer totalement le fait que tous les hommes ont en eux quelque chose de féminin, de dépendant, d’enfantin ; et toutes les femmes quelque chose de fort, de viril, d’indépendant, et inversement pour chacun. »[4]

Lorsque je formais des animateurs à l’époque où ils travaillaient par deux (peu importe les genres sexuels), je me référais à Kaës « Fantasme et formation »[5] recommandant de ne jamais se contredire entre équipiers devant un groupe en formation car c’est celui-ci qui doit être prioritaire et les comptes peuvent se régler après par un débriefing.
Il y a quelques décennies, j’ai effectué un voyage d’études au Québec, pays tellement progressiste en pédagogie car il fait passer le droit des enfants avant l’intérêt de la particratie. Toutefois, je n’y ai jamais en trois semaines rencontré un couple vivant ensemble, mais toujours ou un homme ou une femme seule dans son clapier appartement. Aujourd’hui, il y a des familles recomposées et/ou les gardes partagées certes mais il y a aussi la transmission implicite d’un modèle tout aussi sournois et haineux que celui qui a précédé. A notre époque de lucidité, pourquoi ne pas se répéter « LES ENFANTS D’ABORD ! » même s’ils sont parfois chiants.
Lorsque plus jeune, je pratiquais des formations en histoire de vie pour des seniors, j’entendais avec compassion la misère des femmes sans instruction (donc sans liberté) qui restaient avec leur époux qu’elles détestaient parce qu’elles n’avaient pas le choix, n’ayant aucune autonomie personnelle leur permettant de subvenir à leurs besoins, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Pourtant, a-t-on accompli un réel changement (changement II dit BATESON) ou seulement un changement dans les apparences, dans la forme (changement I) ?
Chez nous en Europe, je vois des enfants sans limite imposer leurs cris à tous, y compris dans les lieux publics et des mères qui laissent faire.[6] Puis quand la grosse voix du père essaye de poser des limites, les femme réagissent parfois en tigresse qui défendent leurs petits. Quelle que soit mon antipathie pour FREUD et son manque de rigueur de ne pas citer ses sources, je pense que son schéma de triangulation du père, de la mère et du (des) petit(s) est l’idéal pour créer un milieu affectif sécure pour l’enfant et sa vie future.
A force de crier sur leur homme, je vois des femmes un peu frustrées qui disent « il est toujours dans son mutisme ! »Puis, comme il ne sert vraiment plus à rien étant castré symboliquement (et il l’est aussi un peu corporellement), on s’en sépare et on vit ainsi quelques années consacrées aux enfants avec des adolescents mâles qui font la loi et vont jusqu’à frapper leur mère ou lui dire comment s’habiller. Puis, ceux-ci devenus grands quittent le nid pour fonder un foyer « toxique » comme celui dans lequel ils ont été élevés et la dame se retrouve seule avec sa mauvaise foi toujours non égratignée. « Ce n’est pas ma faute ! ». Et elle en vient à souhaiter de refaire un bout de chemin encore avec un homme qui soit à nouveau un prince charmant. Le narcissisme est une dimension normale (s’aimer soi-même) mais si on ne fait aucune concession, comment retrouver quelqu’un ?
Chez le faisan, le coq est beau et la poule un peu terne. Dans notre espèce, les femmes sont belles, coquettes et attirantes en toute connaissance de leur pouvoir de séductrice[7] tandis que les hommes sont des goujats, sont laids et ont du bide ! Qui gagne quoi avec ces clichés excessifs ?
Je voudrais que des chercheurs fassent des statistiques sur le troisième âge car dans mon terrain expérientiel j’ai toujours vu cette combativité positive du désir féminin de renouer quelque chose, mais je ne l’ai jamais vu chez les vieux hommes blessés qui, comme les vieux mâles éléphants, préfèrent vivre seul, loin de la matriarche et de ses filles.
Et si l’on rêvait de revisiter cette révolution, trop vite étouffée par la pudibonderie, de la parenthèse enchantée et des germes de mai 68, là où la propriété des corps était abolie au profit du seul plaisir mutuel (comme chez les Bonobos) et non d’un quelconque calcul d’avantage économique.Le power flower des Hippies qui a suivi a continué à briser les tabous du sexe, du pouvoir et du fric (i.e. de l’aliénation du travail) et à épanouir la non-violence tout en continuant à élever les enfants par la caresse plutôt que le bâton. Notons que ces enfants ingrats (« après tout ce que j’ai fait pour toi ! ») disent à leur parents baba-cool qu’ils sont dépassés pour réussir dans le monde des affaires.
Alors que va devenir cette troisième génération ? Les enfants-rois vont-ils eux aussi, comme leurs aînés, se casser la figure car ils rencontreront un jour un roi/une reine plus fort(e) qui les frustrera ? Les filles seront-elles toujours sexy et les garçons d’éternels machos ? Serait-il question d’une boucle névrotique se renfermant sur elle-même ou d’un subtil décalage transformant cette attitude névrotique normative en une spirale d’auto-épanouissement différent du consumérisme égotique ?
L’amour, disait LACAN, est toujours narcissique « c’est le regard d’amour que l’autre pose sur moi qui fait plaisir au mien ». Donc, si nous éduquions nos jeunes générations non au masochisme religieux ni à l’égocentrisme consommateur mais à l’écoute attentive de l’autre avec sensibilité, estime et tendresse, peut-être notre espèce progresserait-elle, par la réconciliation des corps, vers un plus de spiritualité ? Au fond de nous, nous sommes leurrés, dans nos sociétés instrumentales, par le sexe-machine et le rendement du travail. Arrêtons d’apporter du grain à moudre au néolibéralisme malsain, arrêtons de travailler comme des zombies pour nous écouter, nous caresser, méditer et rire ensemble et aussi remettre la sexualité au rang de jeu agréable et non d’enjeu, comme par exemple aller au restaurant et partager un grand vin, un hédonisme opposé à la compétition. Imaginons un avenir où « nos enfants fassent l’amour ensemble »(MOUSTAKI) au lieu de se crêper le chignon ? Gérons chacun notre côté obscur inconscient par une pleine conscience de vivre l’instant présent libre et respectueux de l’autre (femme ou homme), des autres.
Comment conclure ces quelques réflexions à partager autrement qu’en rendant hommage à une femme du futur, Françoise GIROUD : « Les femmes n’ont jamais disposé d’un pareil attirail de séduction, selon ce qui leur convient de montrer ou de cacher. Ces jupes si courtes que la tentation est quasi irrésistible de glisser une main dessous, ces jambes qui n’en finissent pas, ces seins à peine voilés, ces pantalons collants, ces étuis qui portent le nom de robes et qui dessinent chaque pouce du corps….A aucune époque, le vêtement féminin n’a été plus provocant sauf peut-être, brièvement, au moment du Directoire…Et c’est un plaisir pour une femme que de jouer le jeu de la séduction à travers ses vêtements. L’une des tristesses de vieillir, c’est de ne plus s’habiller que pour se couvrir.(…)(Une citation) « Je crois que si une femme réussit à se dérober à la masse, à s’élever au-dessus d’elle-même, elle grandit sans cesse et plus que l’homme ! » De qui est-ce, selon vous ?Je vous le donne en mille. Du misogyne chef, SCHOPENHAUER. Alors, on peut le croire… »[8]
Jean-Marie LANGE, 14.10.2011
[1] Serge MOSCOVICI, La société contre nature, Paris, 10/18, 1972, p. 84 & 162.
[2] Sarah BLAFFER HRDY, La femme qui n’évoluait jamais, Paris, Pbp, 2001, p. 270 & 272.
[3] William H. MASTERS et Virginia JOHSON, Human Sexual Response, Boston, Little Brown, 1966.
[4] Carl R. ROGERS ? Réinventer le couple, Paris, Laffont, 1974, p. 313.
[5] René KAËS et Didier ANZIEU, « Fantasme et formation », Paris, Dunod, 1973.
[6] Je me rappelle une conférence zen du très sage THICH NATH HANK dans une salle bondée où un enfant braillard gênait tout le monde, le conférencier s’est arrêté en disant « on ne peut être conférencier à deux dans la même salle ». Il a fallu un assez long temps avant que la mère comprenne et sorte de l’auditoire avec son enfant. Mais si c’était son compagnon qui lui avait dit, aurait-elle entendu ?
[7] « Pour expliquer la réceptivité continue des femmes ainsi que des attributs féminins tels que les fesses et les seins saillants, on dit généralement que ces propriétés se sont développées chez les humains pour rendre la femme sexuellement attirante, en permanence. Un de ceux qui ont le plus contribué à propager cette opinion est Desmond Morris, avec son livre publié en 1967, Le singe nu, qui décrit « le plus sexy de tous les primates ». Morris affirmait que le développement des seins, des fesses, de la réceptivité continue et de l’orgasme chez les femmes était crucial pour l’évolution des êtres humains parce que ces caractéristiques cimentent les liens de couple en fournissant, à chacun des partenaires sexuel, des récompenses mutuelles »(Sarah Blaffer Hrdy, La femme qui n’évoluait jamais, Paris, pbp, 2001 p.218). L’affaire contemporaine de DSK, directeur du FMI illustre bien la mentalité pudibonde protestante et hypocrite des américains : un gorille à dos argenté abuse-t-il d’une chaste jeune fille ou bien la promotion canapé existe-t-elle ? Je risque bien sûr de choquer l’une ou l’autre lectrice de ce papier par mon franc-parler mais je crois que beaucoup de petites jeunes aguichantes sont devenues députées européennes ou présentatrices météo parce qu’elles ont cédé aux exigences d’un vieux cochon, ce qui ne veut nullement dire que ces jouvencelles n’avaient pas de mérite personnel mais tout au contraire une intelligence pragmatique.
[8] Françoise GIROUD in Françoise GIROUD , Bernard-Henri LEVY, Les hommes et les femmes, Paris, Olivier Orban, 1993, p. 235 & 261.

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