mercredi 28 décembre 2011

CAPI n°36 Fidélité et soumission

CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle N°36
GROUPE D’AUTOFORMATION PSYCHOSOCIALE
Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE: gap.belgique@skynet.be ;
Groupe d'Autoformation Psychosociale : Formations des adultes et actions humanitaires.
L'association de formation des cadres GAP est une asbl spécialisée en management associatif et en prévention des conflits de groupe. Elle se veut résolument sans but lucratif; aussi, lorsqu'elle dégage un quelconque bénéfice, elle conçoit le projet d'une aide humanitaire technique et ciblée au Tiers Monde. Hier, il s'agissait de formations d'animateurs ruraux et d'animateurs de gestion au Mali. Aujourd'hui, c'est l'aide à des associations locales à MAKAMBA au sud Burundi. Demain ce sera le soutien à des écoles fondamentales au pays DOGON (Mali). Notre association n'est pas subsidiée par la coopération au développement de Belgique. Le GAP est un opérateur de terrain qui se réclame de l'application des droits de l'homme et ne se réfère à aucune confession et à aucun parti politique.
Site http://soutien.et.autonomie.free.fr Blog : http://gap-belgique.blogspot.com;

CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle -
SOMMAIRE des précédents articles de cette revue bimensuelle de réflexions pédagogiques du GAP
N°1 – Janv-Fév. 2006 : Qu'est ce que le GAP ?
N°2 – Mars-Avril 06: Le cahier des offres de formation du GAP.
N°3 - Mai-Juin 06 : La colère des enseignants (gestion des conflits – opus 1)
N°4 – Juill.-août 06 : La pensée rationnelle (gestion des conflits – opus 2)
N°5 – Sept.-Oct.06 : Totem et tabou
N°6 – Nov. Déc. 06 : Jalousie et fonctionnement à la croyance (Médiation couple – opus 1)
N°7 – Janv.Fév. 07 : L'Avant-projet pédagogique BURUNDI
N°8 – Mars-Avril 07 : La Dynamique des Groupes, l'organisation sociale et l'homme de la singularité.
N°9 – Mai-Juin 07 : Histoire de vie en groupe et aide sociale (Proposition au Congrès international des professionnels francophones de l'intervention). Pédagogie du projet.
N°10 – Juillet-Août 07 : Rapport d'activité "Enfants de Kayoba" première phase "Voyage d'études et de faisabilité 2007"
N°11 – Sept.Oct.07 : Le chaman et le formateur
N°12 – Nov.Dec. 07 – L'identité personnelle, une insertion sociale ?
N°13 – Janv.Fév.08 – La genèse des alchimistes pour l'éducation à une spiritualité laïque
N°14 – Mars-avril 08 - Le travail des intervenants sociaux (1) : Pour une insertion sociale et multiculturelle citoyenne.
N°15 – Mai-Juin 08 – Le travail des intervenants sociaux (2) : Emploi, travail et méthodes d'intervention.
N°16 – Juillet-Août 08 – Le travail des intervenants sociaux (3) : Fantasme de toute puissance, démocratie ou génocide.
N°17 – Sept. Oct. 08 : La souffrance du désir et le détachement
N°18 – Nov. Déc.08 : Le stress et les consciences
N°19 – Janv-Fev 09 : Le triangle rouge de la lutte contre tous les racismes
N°20 – Mars-Avril 09 : La psychologie des émotions.
N°21- Mai-juin 09 : La raison sensible (combattre les fidèles au nom des infidèles).
N°22 – Juill-Août 09 : Le néant et l'être affamé
N°23 – Sept-Oct 09 : Multiculturalisme et autoformation
N°24 – Nov.-Dec.09 : Les Etats Modifiés de Conscience (extase, possession, hypnose et zen)
N°25 –Janv-Fev 2010 La matière, le vide, la nature, l'éducation
N°26 – Mars-Avril 2010 L'intelligence des femmes
N°27 - Mai-Juin 2010 L’imaginaire, le symbolique et la réalité sociale
N°28 – Juil-août10 : Pour une introduction à l’anthropologie culturelle et sociale
N°29 – Sept-oct10 : Le combat perpétuel de la démocratie participative
N°30 – Nov-dec10 : Les sans-papiers
N°31 – Janv-Fév 11 : le couple et l’institution du mariage (Médiation couple - opus 2)
N°32 – Mars –avril 11 : La psychologie systémique et le chamanisme
N°33 – Mai-juin 11 : Vers une éthique sociale contre les barbaries
N°34 – Juil-Août11 : Nous sommes tous contre le fascisme.
N°35 Sept-Octobre 11 : le méta point de vue et le non-agir.
N°36 Nov. Dec. 11 : Fidélité et soumission.
CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle N°36 Nov. Dec. 2011


Fidélité et soumission : fidélité aux droits de l’homme et lutte contre toutes les soumissions
Le conte de fée et le cauchemar social
« Si j’avais eu à choisir le lieu de ma naissance, j’aurais choisi une société d’une grandeur bornée par l’étendue des facultés humaines, c’est-dire par la possibilité d’être bien gouvernée, et où chacun suffisant à son emploi, nul n’eût été contraint de commettre à d’autres les fonctions dont il était chargé : un Etat où tous les particuliers se connaissant entre-eux, les manœuvres obscures du vice ni la modestie de la vertu n’eussent pu se dérober aux regards et au jugement du public, et où cette douce habitude de se voir et de se connaître, fit de l’amour de la patrie l’amour des citoyens plutôt que celui de la terre(…)ce qui ne pouvant se faire à moins que le peuple et le souverain ne soient une même personne, il s’ensuit que j’aurais voulu naître sous un gouvernement démocratique, sagement tempéré ».[1] Moi aussi !
Introduction
Sollicité par l’AIS (Association Internationale de Sociologie – Madrid), pour la rencontre humaniste et tiers-mondiste de Durban en 2001, j’avais respecté le protocole de la voie hiérarchique des enseignants de la province de Liège en introduisant ma demande un an auparavant et malgré mes courriers de rappel restés sans réponse, ce sera plusieurs années après l’évènement que l’on me réclamera un rapport justificatif ! Les administrations sont toutes les mêmes : incompétentes et inhumaines.
Par contre, par l’ouvrage de Caroline FOUREST « La tentation obscurantiste »[2], j’ai appris le fiasco de cette rencontre avec des tensions orchestrées entre les militants tiers-mondistes (dont je suis) et les inconditionnels des droits de l’homme (dont je suis aussi) par d’ habiles agitateurs islamistes dont le meneur Tariq RAMADAN. Je me demandais à l’époque à qui le crime profitait sinon aux Etats-Unis ; le djihadiste hypocrite ferait-il partie de la dégoutante CIA ?
La dernière conférence humaniste de Durban en novembre 2011 fut plus atroce et transparente encore que celle de 2001, le protocole de KYOTO ratifié par tous les Etats du monde (sauf les Etats-Unis et la Chine) est maintenu mais toujours sans aucune force de contrainte envers les gros pollueurs. Avec le Japon, le Canada et la Russie qui se sont retirés, cela signifie qu’ il s’agit à présent d’un consortium des plus gros pollueurs contre le reste du monde.

Nous sommes à l’époque du « village planétaire » disait Mac LUHAN, nous dirions aujourd’hui l’époque de TV5 MONDE et nous pourrions rêver d’une alliance entre l’Europe et les pays du tiers-monde entre les hommes de bonne volonté qui veulent un monde meilleur et propre pour leurs enfants, qui sont une écrasante majorité écrasée par une poignée de très riches qui contrôlent l’économie par le néolibéralisme.
Le conte de fée
« Le concept de mutation sociale implique de penser une discontinuité dans le temps et dans l’espace. Les sociétés s’inventent elles-mêmes : les formes sociales à venir ne sont pas incluses dans les formes passées. Un phénomène de mutation n’a rien de nécessairement turbulent, au moins à la surface du monde social, au moins pendant longtemps. Le vide qui se creuse dans les institutions, la béance des formes révolues, la disqualification d’un monde social peuvent rester longtemps perceptibles.(…) Henri Desroche prend soin de ne pas confondre les utopies philosophiques et les utopies pratiquées.( Les praticiens de ces dernières sont ceux qui)se donnent à l’aventure vécue, s’emploient à rattraper leurs propres vies, à en reprendre la maîtrise, ceux qui sont les vaincus de l’histoire et qui sortent de toutes ses révolutions, grandes et petites, économiques et politiques, dépossédés et marginalisés. »[3]
Il était une fois…en mai 1968, une révolution pacifiste (malgré les CRS) des jeunes à Paris et ailleurs, réclamant plus de liberté et de créativité en exigeant l’impossible. Certains ont cru qu’il s’agissait d’un pétard mouillé alors qu’il s’agissait des bases d’une révolution silencieuse et normative extraordinaire qui se donnera à voir dès le début des années 1970. Partout en Europe, on assista surtout à l’émancipation féminine, cette moitié de l’espèce humaine qui à cause de son genre sexuel se trouvait sous la tutelle moyenâgeuse des hommes ; bien sûr, le sexisme n’est pas encore dans les oubliettes de l’histoire mais quelle bond magnifique de progrès l’Homme a accompli dans le respect élémentaire des droits de l’homme et de la femme.
Partout, le monde a bougé en progressant (actuellement, il est notoirement en régression depuis plus de 20 ans). En Italie, Franco BASAGLIA, psychiatre, ouvre les portes des asiles et évoque la désinstitutionalisation. En Belgique, les scientifiques Ilya PRIGOGINE et Isabelle STENGERS nous ouvrent à la psychologie systémique (née à Palo Alto en Californie) avec « La nouvelle alliance »et l’Etat belge promeut l’enseignement rénové (un travail centré sur l’apprenant et non plus le prof et en petits groupes solidaires).




En France, la pédagogie de Célestin FREINET pour les primaires (classe découverte nature et conception de projet) deviendra avec Cornélius CASTORIADIS, l’analyse institutionnelle[4] relayée par Georges LAPASSADE et René LOURAU (entre autres) en pédagogie institutionnelle et portée en Belgique à Liège par le « Centre de Dynamique des Groupes et d’Analyse Institutionnelle » (ULG) du Pr. Pierre DEVISSCHER. En Allemagne MARCUSE et HABERMAS, etc.
Les idées de cette vague progressiste étaient magnifiques, pas seulement dans mon secteur de l’enseignement et de l’Education Permanente mais aussi sur le plan libertaire (je n’ai pas dit libidinal) des couples. Les étudiants qui auparavant recevaient à la petite cuillère passivement une matière d’ennui se transforment en groupe-classe où l’on discute en petits groupes pour s’approprier de façon critique la matière « apprendre à apprendre » c’est-à-dire, au-delà des SAVOIRS nécessaires, un SAVOIR-FAIRE (et savoir s’exprimer) et un SAVOIR-ÊTRE (de remise en question). Le défaut de cette non cuirasse est que l’on n’a pas formé les maîtres en ce sens d’où la résistance de certains, voire l’hostilité envers la psychopédagogie. Ce fut le temps de l’autoformation (« Connais- toi toi-même » disait SOCRATE) et de l’évaluation formative et non plus sélectionnante et élective.
Il en allait de même dans le socioculturel avec l’Education Permanente (détournée par l’Europe en 2000 à Lisbonne « par la formation tout-au-long-de- la- vie » par l’informatique) dont la finalité était de restaurer la dignité des hommes et des femmes laissés-pour-compte hors de l’école bourgeoise. En effet, le sociologue Pierre BOURDIEU avait, il y a un demi-siècle à présent, analysé scientifiquement « La reproduction » des « classes sociales »(dénomination un peu dépassée aujourd’hui mais je n’en trouve pas d’autre) par l’école et selon les groupes d’appartenance quel que soit le groupe de référence de l’apprenant. Par exemple, un enfant d’immigré rêvant de devenir docteur en médecine pouvait « se brosser ». Cette prophétie de BOURDIEU fut donc bousculée en ces années de grâce de la vague de l’ascenseur social. On voyait des cours d’alphabétisation, de remise à niveau ainsi qu’une revalorisation du sujet (retrouver une confiance en soi) et l’ouverture vers des écoles dites de deuxième chance appelées « promotion sociale » avec des passerelles possibles. Mais, comme le disent justement mes amis zen, la vague n’est pas statique et inéluctablement, elle retombe se fondre dans l’océan de la bêtise humaine et politique.
Ce conte de fée d’émancipation sociale pour tous[5] et de massification (dans le bon sens du terme) de l’enseignement supérieur avait ses ennemis déclarés : en France, l’école républicaine et élitiste (l’ENA et les grandes écoles par exemple) et en Belgique, certains collèges catholiques jésuites injustement subsidiés par tous alors qu’il s’agit d’un enseignement libre ne rendant pas de compte et destiné à une élite de social-démocratie chrétienne bien entendu. Notons qu’en France aussi, le président Sarkozy dit naïvement :« dans les villages, les prêtres étaient au-dessus des instituteurs ! », sur la base de quels critères ? L’engagement ?
Mais des campagnes de sensibilisation de la liberté du chef de famille ont été bien menées par ces experts de la rhétorique que sont les jésuites pour montrer par exemple leur haut taux d’exigence et leur haut taux d’échec, symbole de sélectivité. Je me rappelle avoir expliqué à une famille d’ouvriers dont la fille devait redoubler son année au collège que l’enseignement officiel dont je faisais partie visait la réussite du plus grand nombre sans pour autant diminuer les exigences des programmes (pas de démagogie) et que cela me semblait peu plausible que tous les bons profs soient dans l’enseignement privé et les mauvais dans l’officiel, qu’il y avait autant de bons et de mauvais dans chaque réseau. Il ne fallait donc pas se laisser séduire par une « propagande » bien faite certes mais plutôt choisir l’intérêt de son enfant d’être diplômée et de poursuivre ses études plutôt que de se résigner. J’étais ce que l’on appelait un enseignant engagé mais scrupuleux de la neutralité dans mes cours.
Un des leaders de cette époque fut Daniel COHN-BENDIT, franco-allemand qui par après sera récupéré comme député européen par l’institué etexplique à présent que cette période est révolue et que nous devons nous adapter à la mondialisation économique de l’austérité néolibérale.
« La culture est une attitude, une volonté de dépassement personnel total de son corps, de son cœur, de son esprit, en vue de comprendre sa situation dans le monde et d’infléchir son destin. »[6]
La génération de nos parents avait connu la guerre et se souciait beaucoup moins de ses enfants. Lorsque j’évoque des histoires de vie, par déontologie, je fouille d’abord dans mon background. J’avais terminé l’enseignement technique en agriculture tropicale (A2+1) et j’ai demandé à mon père en présence de ma fiancée pour poursuivre mes études. Il a refusé car je lui avais déjà coûté trop cher à 20 ans. J’ai fait des petits boulots manuels tandis que mon épouse continuait sa troisième année d’assistante sociale mais nous n’arrivions pas à vivre et donc marié le 11 mai 1968 je suis parti seul au Congo replanter des palmiers à huile, greffer des hévéas et/ou cultiver des caféiers pour subvenir décemment à nos besoins. Il est difficile d’exprimer la souffrance réelle d’un couple de jeunes mariés qui se sépare après ses noces pour 8 mois (le jeune couple que nous étions).
En 1972, le dictateur Joseph MOBUTU Sese Seko raciste anti-blancs expulsa tous les cadres blancs qui géraient son économie nationale ; six mois plus tard, les structures locales étaient détruites ou pillées et on nous rappelait. Ayant des petits bouts, j’ai poliment décliné et j’ai trouvé un job de surveillant éducateur tout en m’autofinançant des études supérieures pendant vingt ans (la boucle ZEGARNIK en histoire de vie).
Nous étions toujours dans la vague progressiste qui commencera à s’effriter lors de la première crise économique de 1974 puis, progressivement, le conte de fée se transformera en cauchemar. Dès 1973, j’ai allié mes approches théoriques avec la pratique et me suis impliqué comme formateur d’adultes de terrain travaillant pour Peuple et Culture France dans divers cercles, y compris paroissiaux pour inciter à la lecture tout en étant militant de l’ « enquête conscientisante » de Paulo FREIRE (Brésil). Celle-ci consistait à travailler sur et pour la dignité des laissés-pour-compte, à rendre aux gens cassés, aux jeunes désabusés l’espérance en la citoyenneté responsable de la démocratie.
J’aurais voulu être socialiste si ce parti avait été de gauche mais il y près de 40 ans, ce parti était déjà opportuniste, magouilleur et oublieux de la pensée de Joseph WAUTERS « Pour que le peuple lise ! ». Je ne parle pas de « on-dit » mais de ma propre expérience de vie de 40 ans cherchant des actes concrets au service du bien-être social de tous et non promotionnels pour des « fils de ».
Le cauchemar
« Ils sont déjà parvenus à isoler les gens dans leurs automobiles. A les enfermer dans leurs logements devant leurs télés. Ils ont démantelé les grosses usines. Un des derniers bastions où les gens peuvent encore se rencontrer, se parler, s’unir c’est l’école. Ils fermeront les écoles ! L’école ne doit pas disparaître. L’enseignement gratuit et universel doit s’étendre. L’école doit devenir plus encore qu’aujourd’hui, un lieu, un vivier où l’on se rencontrera, apprendra à réfléchir avec sa propre tête et ensemble. Un lieu collectif où l’on pourra se préparer à transformer le monde. Non à l’accepter tel qu’il est. »[7] Nous pourrions ajouter et « apprendre à apprendre » sous l’impulsion d’êtres humains et non de machines informatiques.
Ensuite en une décennie de ce travail de formateur militant à la FAR (Fondation André Renard), à Amnesty International, à la CGSJ (Confédération Générale du Service civil de la Jeunesse), au MIR-IRG(Mouvement International de Réconciliation – Internationale des Résistants à la Guerre), au CAN (Centre d’Action non-violente), à la LEEP (Ligue de l’Enseignement et de l’Education Permanente), à PEC/W-B (Peuple et Culture Wallonie-Bruxelles) , etc.…, j’ai assisté à la fermeture de l’enseignement rénové comme de l’orientation citoyenne dans le monde de la formation des adultes par la transformation des formations visant la responsabilité personnelle en loisirs récréatifs, occupationnels (batik, brame du cerf, danses orientales, chorale, djembé, chant, PNL…) et autres produits américanisés du genre « comment se faire des amis en 10 leçons).
Par MICHEA[8] j’apprendrai que les grands de ce monde (à l’époque G7, G8, FMI, banque mondiale, OCM) avaient analysé que 2/10 de travailleurs qualifiés suffiront pour le futur et qu’il faudra trouver « du pain et des jeux télévisés » pour occuper les 80% d’humains excédentaires pour le capitalisme. Le cauchemar commençait !
Au jour d’aujourd’hui, la crise américaine des « subprimes » de 2008 a envoyé une onde de choc déstructurante sur l’Europe de 2011 ; des agences de notation (surgies de nulle part et nullement accréditées démocratiquement) jugent la bonne santé ou non des Etats européens et, au lieu de plan de relance du travail, on s’enfonce dans une inflation non dite (mais bien visible dans le panier d’achat de la ménagère). Le premier pays touché sera la Grèce où, après avoir - comme chez nous - sauvé les banques grâce aux impôts citoyens, on demande aux populations des efforts d’austérité. Pourquoi faire au juste ? Rétablir un jour le bien-être ? Il y a des retraités qui doivent survivre avec 350 à 500 €/mois en Grèce alors que le coût de la vie est aussi cher que chez nous. L’Europe est vendue au néolibéralisme et ses parlementaires parlent d’Europe sociale ?
La Belgique n’avait pas de ressources naturelles, elle n’avait que la qualité de ses écoles et celle-ci fut systématiquement détruite par de multiples réformes économiques PS principalement, en tout cas en Wallonie, et notre région est à présent classée parmi les plus mauvaises dans le rapport européen PISA.
Après 6 mois de grèves des enseignants en front commun pendant l’hiver 1980-1981, il y eut enfin une réforme portant sur le pédagogique (et non les économies) mais très démagogique, ce fut « Mon école comme je la veux » signée la Ministre sans nom en 1997.
La sclérose de notre enseignement repose en fait sur trois piliers qui s’effondrent :
1. Celui déjà amorcé de la fin de l’Etat providence au profit de la loi de la jungle des marchés. Par exemple, une note de la CCE de Lisbonne en 2000 « L’éducation tout-au-long-de-la-vie » dit en substance qu’il faut avant tout de l’informatique et des cours programmés par correspondances ou médias télévisés alors que les profs accoucheurs d’efforts étaient indispensables pour les enfants de familles défavorisées (c’est-à-dire n’ayant pas par l’intermédiaire de leurs parents accès à la culture bourgeoise qui est celle de l’école). Donc merci pour Microsoft et l’immense richesse de Bill GATES mais quid des autres ? De la frime, de l’occupationnel ?
Ainsi en Belgique, on ferma doucement les enseignements techniques (en majorité du réseau officiel) au profit de l’enseignement professionnel (en majorité du réseau catholique)[9]. L’enseignement professionnel dépourvu de cours généraux (français, maths, sciences,…) accueillait auparavant les jeunes fâchés avec l’institution scolaire après les primaires, pour leur apprendre les ficelles d’un métier manuel. Puis une ministre PS (la même que « Mon école comme je la veux ! ») porta l’obligation scolaire de 16 à 18 ans (pour payer ainsi moins de jeunes chômeurs) et aucune mesure d’accompagnement ne suivra ce diktat qui prolongea donc les études professionnelles(de 2 ans) jusqu’à une durée de 6 ans. Cette décision du pouvoir dominant socialiste et démagogique fut condamnée par l’Europe insistant pour que la Belgique revoit sa copie cynique d’une filière de relégation. Alors on instaura une septième année professionnelle de remise à niveau où, en une seule année, ces enfants victimes reçurent de la remédiation pour les cours généraux qu’ils avaient manqués pendant six ans. Notre pays est un pays surréaliste mais ce n’est pas toujours drôle. Grâce à cet entourloupe sur la forme ne résolvant rien du fond, ces enfants ont alors eu accès à l’enseignement supérieur. Les conséquences désastreuses sont sensibles lorsque certains de ces jeunes sans formation de base font un graduat d’instituteur et doivent enseigner à nos petits bouts les matières qu’ils ont zappées alors que tous les pédagogues unanimes disent que la formation des maîtres pour cet âge tendre et fragile devrait être de bac+5 car dans l’enseignement supérieur, les apprenants peuvent eux se débrouiller avec des profs médiocres.
2. La massification de l’enseignement supérieur fut cassée au profit des élitismes car les niveaux hétérogènes appelèrent de fait un nivèlement par le bas. Vieux professeur militant, j’ai toujours demandé à recevoir des cours de remédiation plus délicats alors qu’ils sont souvent confiés à des jeunes collègues non expérimentés comme queue d’horaire. Ajoutons à cela la pression exercée par des directeurs demandant à des profs après délibération de remonter leurs notes. Les anciens résisteront peut-être mais mes que peuvent faire des jeunes collègues temporaires l’année suivante. Lutte contre les échecs, d’accord mais sans toucher par démagogie aux exigences de qualité ?
« Napoléon, suivi de ses molosses, escaladait maintenant l’aire surélevée du plancher. Il annonça que dorénavant ils ne se tiendrait plus d’assemblées. Elles ne servaient à rien, déclara-t-il – pure perte de temps. A l’avenir, toutes questions relatives à la gestion de la ferme seraient tranchées par un comité de cochons, sous sa propre présidence. Les débats publics étaient abolis. Le comité se réunirait en séances privées, après quoi les décisions seraient communiquées aux autres animaux. »[10]
L’alternative humaniste est possible ; dans les pays scandinaves, tous les enfants poursuivent le même cursus scolaire obligatoire jusque 16 ans et ensuite peuvent, selon un choix vrai, opter pour l’intelligence des mains s’ils le souhaitent. Lorsque j’étais chargé de mission au CEF (Conseil de l’Enseignement et de la formation) chargé d’instruire des dossiers pour la chambre de l’enseignement, le Chanoine BAUDUIN grand patron du SéGEC (Secrétariat général de l’Enseignement Catholique) m’a dit un jour qu’il n’y avait pas de différence entre le boucher et le chirurgien, ils travaillent l’un comme l’autre dans la viande. (Je préfère les blagues sur les blondes, elles sont moins racistes.) La distinction bien sûr est que entamer une carrière de chirurgien est un choix qui n’est pas possible pour tout le monde (sélection) alors que la boucherie est une filière professionnelle de relégation non choisie mais subie par réorientation. Je reviens encore à ma propre histoire de vie ; j’étais technicien agricole mais j’ai toujours détesté l’agriculture !
Aujourd’hui, paraît-il, on cherche à revaloriser l’enseignement technique mais il est trop tard car il n’y a plus de personnes qualifiées qui soient volontaires pour donner ces cours en échange d’un maigre salaire et avec une réputation flétrie à jamais à la TV par le Ministre ILLIEF, dans les années 1980-1990. A propos, petite bouffée d’analyse institutionnelle, quel est le système d’évaluation et de sanction des bourdes des parlementaires et/ou des magistrats ? Qui les contrôle ? En ce moment le nouveau gouvernement de centre-droite de Di Rupo attaque les retraites du peuple alors que les parlementaires gardent une carrière complète après 20 ans et l’on augmente la durée de la carrière de tous ? Pourquoi ? Pourquoi les députés européens ne cotisent-ils pas pour leur retraite flamboyante ? Quel est le sot qui s’imagine que nous sommes dans une Europe démocratique où la population n’est jamais consultée sur ce genre de questions ? Toutefois pour rester dialectique et ne pas faire que haro sur le baudet, reconnaissons aussi que dans la nouvelle vague d’étudiants contestataires qui trouvent eux que les études sont trop dures, il y a aussi de fieffés imbéciles qui n’ ont pas leur place.
3. Les familles hypnotisées par les messages subliminaux de consommation diffusés en continu par la TV (dans les milieux modestes, il n’est pas rare de voir la TV allumée toute la journée en bruit de fond), ne voient pas/plus qu’un jeune enfant doit être encadré pour faire ses devoirs à la maison mais aussi pour son éducation à la politesse par exemple. De petits paumés qui disent à leur enseignante « Je nique ta mère ! » se trompent et sont trompés par la croyance « avoir tout et tout de suite », ils veulent le beurre et l’argent du beurre. Souvent, il n’y a pas de livres dans les lieux de vie des familles fragiles, seulement la TV en permanence et peu de règles de savoir-vivre et peu de le repas de famille où l’on peut échanger tous ensemble. De plus pas de modèle, le père et le grand-père n’ont parfois jamais travaillé et l’enfant n’est pas motivé. Le taux d’analphabétisation aujourd’hui en Belgique atteint encore 15%. Enfin, avec les multiples sollicitations médiatiques étudiées pour faire de l’audimat et donc être brèves, les jeunes perdent une capacité de concentration nécessaire pour les études si bien que les profs passent la moitié du temps à faire de la discipline au lieu d’enseigner à l’exception bien entendu des familles qui encadrent et limitent les enfants-rois et nous retombons ainsi hélas sur la prophétie de la reproduction selon le groupe d’appartenance de BOURDIEU.
Nous nous sommes battus pour le développement de l’esprit critique et l’apprentissage des remises en question personnelles permettant de progresser et il ne reste plus que la critique de consommateur du genre « ce n’est pas ma faute mais celle des profs ; ils sont tous des cons ! ». Circonstance aggravante pour la stabilité des ados, nous assistons à d’une part l’offensive d’une culture barbare venue d’Afrique qui veut détruire Rome et d’autre part la démission des pères.
Bien sûr, il fallait bannir la violence domestique des répressions (physiques et psychiques humiliantes) mais non passer du tout au rien ! Le rôle essentiel du père a été disqualifié à la fois par son non travail et par la mère émancipée et surprotectrice (le retour du pendule de FOUCAULT) et la société faisant de plus en plus de l’ingérence familiale, de la colonisation intérieure, dit Jürgen HABERMAS.
L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a écrit sans honte qu’il fallait privatiser les Hautes Ecoles et faire de l’argent (cf. LANGE J.M. Revalorisation de l’enseignement technique) en portant le minerval actuel d’environ 300 € à 3000 € et laisser l’enseignement fondamental à l’Etat, ce qui revient à la sélection antérieure car le gagne-petit ne pourra plus payer les droits d’inscription si par exemple il a trois enfants et donc le projet des G7, G8 et G20 se réalise. Il y aura un enseignement exigeant, sélectif car coûteux pour 2/10 de la population et des activités occupationnelles pour les autres, ce qu’il appellent entre eux le TITTYTAINMENT de l’effet de Zbigniew BREZINSKI[11] et qui consiste « à définir un cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète. » Soit le roman « 1984 » de Georges ORWEL en pire : celle d’une Europe moisie peuplée de beaufs réactionnaires et de loosers.
« Pour les compétences techniques moyennes – celle dont la commission européenne estime qu’elles ont « une demi-vie de dix ans, le capital intellectuel se dépréciant de 7% par an, tout en s’accompagnant d’une réduction correspondante de l’efficacité de la main d’œuvre. »[12] - le problème est assez différent. Il s’agit, en somme, de savoirs jetables – aussi jetables que les humains qui en sont le support provisoire – dans la mesure où, s’appuyant sur des compétences plus routinières, et adaptés à un contexte technologique précis, ils cessent d’être opérationnels sitôt que ce contexte est lui-même dépassé. »[13] Notons que ce discours récurrent de la droite industrielle pour disqualifier l’école diplômant est abscons, je vous assure que dans de la technologie de base en agriculture, seul le matériel sophistiqué et non nécessaire du paraître évolue à cette vitesse (des tracteurs toujours plus gros).
Excursus : Je sais que je ne décante pas toujours correctement les théories que je vulgarise et qu’au contraire, je truffe mes textes d’anecdotes illustratives (ces commentaires devraient venir en annexe) mais cette déformation me vient de ma pratique de terrain des histoires de vie et cela me plaît comme cela, ce qui compte pour être convainquant, nous dit en substance SPINOZA. Par exemple, lorsque je donnais des formations d’adultes en gestion des conflits, communication de et en groupe et animation, conduite de réunion, entraînement mental, pédagogie du projet, socianalyse, management participatif, etc., tant à la Ligue de l’Enseignement et de l’Education Permanente (LEEP) de Bruxelles (la LEEP de Liège ayant fait sécession après leur virage à droite) qu’à Peuple et Culture Wallonie/Bruxelles (PEC/W-B), que ces deux institutions porteuses de valeurs EP sous le diktat de leurs institués (PS), n’ont plus subsidié au même moment mes formations sociales pour les remplacer par des activités de loisirs récréatifs et occupationnels. Seul le Centre de Dynamique des Groupes et d’Analyse Institutionnelle (CDGAI-ULG) est resté cohérent et a gardé l’église au milieu du village. Je n’ai rien contre le chant ou la chorale mais ce n’était pas nos objectifs d’émancipation sociale avec des outils critiques donnant de la pertinence et de la confiance en eux à de futurs citoyens actifs du monde. Nous avons alors créé avec des amis formateurs le Groupe d’Autoformation Psychosociale (GAP-asbl depuis 2005), fin de l’excursus.
« La justice distributive s’oppose à l’égalité rigoureuse du droit de nature. Isocrate loue les premiers Athéniens d’avoir bien su distinguer quelle était la plus avantageuse des deux sortes d’égalité, dont l’une consiste à faire part des mêmes avantages à tous les citoyens indifféremment, et l’autre à les distribuer selon le mérite de chacun. (Cependant) il n’a jamais existé de société, à quelque degré de corruption qu’elles aient pu parvenir, dans laquelle on ne fît aucune différence entre les méchants et les gens de bien ; et dans les matières de mœurs où la loi ne peut fixer de mesure assez exacte pour servir de règle au magistrat , c’est très sagement que, pour ne pas laisser le sort ou le rang des citoyens à sa discrétion, elle lui interdit le jugement des personnes pour ne lui laisser que celui des actions. »[14] Mise à part l’affaire AGUSTA en Belgique, combien d’hommes politiques éminents représentant en principe les citoyens n’ont pas connu des « affaires maffieuses » étouffées ? Pas de procès d’intention ! Il doit sûrement y avoir des parlementaires intègres qui, puisqu’ils interdisent aux enseignants un seul cumul, agissent de même pour eux-mêmes.
La démocratisation de l’école est un mensonge éhonté. L’Etat n’a pas arrêté de créer des sections « poubelles » de moins en moins formatives (par exemple des humanités techniques en football) car, après la condamnation de l’enseignement professionnel comme voie de garage et filière de relégation, on a inventé pire encore : les CEFA ( Centre d’Enseignement et de Formation en Alternance ), deux jours à l’école et trois jours à l’usine, comme si l’entreprise, toujours forte pour critiquer l’enseignement et dont le but est de gagner de l’argent, allait détourner à des fins éducatives un de ses travailleurs chevronnés pour ces jeunes relégués. Avant, il y avait aussi les contrats d’apprentissage où soi-disant on formait un jeune boulanger la plupart du temps en lui faisant gratuitement et inlassablement balayer l’atelier et autres travaux d’esclave sans l’introduire vraiment au savoir-faire pour lequel il était là (cela a-t-il changé ?).
Puis, il y a eu le pire dans la stigmatisation, les ZEP (Zones d’Education Prioritaire en France) que nous allons copier en Belgique par les Ecoles à discrimination positive d’où les bourgeois ont retiré illico leurs enfants n’y laissant que les migrants pour la plupart maghrébins ou quelques rares enfants blancs et où le niveau est de plus en plus bas et la préparation de nos petits pas assez exigeante pour aborder l’enseignement supérieur. Je fais l’hypothèse que la Communauté Française de Belgique n’engage pas souvent des chercheurs pédagogues des universités non catholiques et qui seraient peut-être plus à gauche ?
Par les hasards de la vie, je me suis retrouvé chargé de mission représentant la CPEONS au CEF de Bruxelles (seul pédagogue de l’ULG sur 6) puis désigné par celui-ci comme expert belge pour une mission d’étude européenne (de Thessaloniki) au sein d’une commission des 12 (Angleterre, Italie, Portugal, Espagne, France, Belgique, Hollande, Allemagne, Luxembourg, Irlande, Islande et Flandre(je plaisante)) pour une évaluation de groupe de l’enseignement technique et professionnel français. Pour synthétiser avec une illustration parlante en soi, nous avons par exemple visité une école de carrosserie hyper moderne où – outre la technique – la discipline et la politesse étaient inculquées. Les entrepreneurs qui accueillaient les jeunes en stage les débauchaient avant qu’ils ne soient diplômés si bien qu’à la moindre velléité de demande d’augmentation salariale par la suite, le patron refusait arguant du fait que, sans diplôme le jeune ne pouvait postuler ailleurs . Je n’invente rien à ce cynisme, c’est bel et bien un retour vers une forme de servage. Ailleurs, j’ai vu aussi une pyramide d’ordinateurs jetés, dans un local désaffecté d’une école dont le toit fuyait. Bill Gates[15] s’en fout ils sont vendus mais, par contre, les petits manquent toujours et cruellement d’un encadrement humain suffisant, d’instituteurs.
Dans un autre monde au Québec (et lors d’une autre mission), j’ai découvert le paradis de l’enseignement fondamental ; dans des locaux propres et peints (sans murs lépreux), j’ai vu des classes non surchargées de 15 enfants avec un instituteur-pédagogue pratiquant les méthodes actives et d’éveil, assisté de deux orthopédagogues repérant les enfants ayant un quelconque blocage pour leur proposer gentiment de la remédiation personnalisée, on se serait cru dans le livre « L’Emile » de Rousseau précepteur.
Selon l’opinion populaire, beaucoup se plaignent de la grossièreté des migrants suivant l’enseignement professionnel ( TITTYTANMENT). Pourquoi ne pourrait-on inclure dans les programmes un cours de civisme dans le versus politesse et respect pour cette nouvelle population belge qui s’adapte si mal (par exemple TSHISEKEDI et Matonge fin décembre 2011, nous ne sommes pas le Congo, et les commerçants n’ont pas à avoir leur vitrine brisée parce que KABILA a été élu). Pour reprendre encore MICHEA : « l’enseignement du savoir-vivre doit être enseigné de toutes les façons convenables »(p.47) Il ne s’agit plus de conscientiser, de former et d’intégrer MAIS de driller, de quadriller, de réprimer ; le programme pour tous est la soumission inconditionnelle aux ordres, une incompatibilité totale avec la patience de la formation, du dressage humain au lieu de formation à la logique, à la dialectique et à la rhétorique : créér un mur-fossé et non des ponts et entretenir cette rupture par des cités dortoirs hors des villes, en banlieues. Ces jeunes révoltés casseront et brûleront les voitures de leurs cousins sans idéal de révolution, juste du pillage (puisqu’ils sont conditionnés à la consommation) et ces hordes de barbares justifieront ainsi la répression des forces de l’ordre de Sarkozy bling-bling pour protéger les citoyens pauvres, peureux et bien pensants. Ce que le capitalisme cynique n’a pas prévu, c’est la récupération de ces 8/10 de loosers par une nouvelle forme de mafia religieuse : les intégristes extrémistes. On n’a jamais dit que l’instituant suscité ne pourrait être pire que l’institué.. Nous allons vers des guerres Nord-Sud entre les djihadistes manipulés et St Michel avec la floraison des mouvements extrémistes de droite dans les mondes occidentaux.
Pour résumer et faire le point sur les deux possibilités d’école, celle des pédagogues progressistes (Freinet, Dewey, Decroly, Meirieu,…) et celle de l’élitisme conservateur, on peut sans conteste dire que la vague de 68 est retombée platement dans l’informité de l’océan et que les réactionnaires ont aujourd’hui gagné sur toute la ligne avec l’instauration de la sociale duale. Cela ne veut pas dire que les pédagogues étaient tous des rêveurs utopistes mais plutôt que les conservateurs étaient sans scrupule envers le mal-être du plus grand nombre. Les réformes pédagogiques de la naïveté libertaire ont glissé en leur contraire avec le cynisme du néolibéralisme.
J’ai profité de l’ascenseur social par hasard mais dans ma classe d’humanités techniques, d’autres que moi étaient tout aussi capables. Le verrou est à présent tombé. Je considère le témoignage de mon histoire de vie en filigrane comme un hommage envers mes formateurs, ces maîtres psychopédagogues que certains instituteurs décrient si facilement . Peut-être la fleur de la culture renaîtra-t-elle de ses cendres lorsque le marché se sera autodétruit ?



En conclusions provisoires pour le changement personnel
Un ami musulman, me sachant militant laïque, m’a dit un jour : « Toi, tu finiras ta vie musulman ! ». Je doute toujours de tout mais j’ai pris cela comme un compliment à ma tolérance. Je ne peux conclure cet état des lieux partiel et partial autrement qu’en rappelant que le concept « évaluation » signifie vérifier si un objectif est acquis ou non et non les jugements de valeur qui comme la chienlit gagnent du terrain, y compris dans les milieux intellectuels. Moi, j’ai échoué mais je me suis bien amusé – sans sacrifice – dans mes attitudes et comportements instituants.
Les évaluations sur le plan interpersonnel
Nous vivons à une époque donnée et nous trouvons normal tout ce qui s’y passe, disait Heidegger, parce qu’un discours lénifiant des politiques (ils sont tous dans la même non marge de liberté) abuse de la crédulité des citoyens honnêtes qui feront demain la gloire de l’extrême-droite, ce pourquoi je suis tellement démonté contre le parti socialiste car les autres n’ont pas l’hypocrisie de se revendiquer des travailleurs puis de former un gouvernement de centre-droite sous la direction du chef de guerre de la Wallonie.
Mon maître pédagogue Gilbert De Landsheere, dans son « Précis de docimologie » (la science des évaluations), insiste sur l’extrême subjectivité de nos évaluations et décisions. A titre expérimental, il prend une dissertation moyenne, efface les notes et signes d’identification de l’auteur, photocopie le document et le remet à 20 évaluateurs différents. Dans les épreuves corrigées, les notes s’étalent de 4/20 à 18/20 et c’est avec de pareils outils partiaux que nous jaugeons parfois l’avenir d’un enfant ; ce sont nos préjugés. Notre travail de formateur est de renvoyer aux autres ce que l’on nous a à nous-mêmes donné. Ainsi ai-je pris avec moi un jour que je suivais des cours de troisième cycle à l’université, un stagiaire autodidacte brillant mais complexé, pour qu’il écoute le discours d’un prof de l’université matheux bien précis et qu’il se rende compte que tout était relatif.
Que peut-on faire si on doit rendre un verdict ? Sinon écouter notre ressenti qui ne raisonne pas mais crie. Par exemple, cette étudiante qui se vante trop ou cette autre qui a mis quelques secondes d’hésitation avant de répondre, etc. Nous pouvons nous interroger sur l’autre face du ressenti pour comprendre le pourquoi du comment. Par exemple elle se vante de ses connaissances livresques car elle manque d’expérience ou encore elle hésite parce qu’elle vient de se faire tanner par son copain. Peu importe car les gens qui croient avoir du pouvoir sont en général souvent méchants vis-à-vis des plus jeunes. Donc si je veux malgré tout faire du tort à ce jeune « en mon pouvoir », nous devrions nous interroger sur ce que nous gagnons au juste pour notre illusoire ego : s’élever en l’écrasant, de la vanité,… qu’il y ait une remédiation et non un jugement sans appel, que toute évaluation serve à quelque chose et non à asseoir cette injustice d’un règlement de compte inconscient par victime interposée.
L’évaluation au niveau social
Nous ne sommes plus dans une civilisation du bien-être mais dans une société du profit exacerbé. On traite les services publics, en particulier l’enseignement comme des produits quantitatifs, la notion de service public est mangée par un management de la quantité et de la terreur (cf. les suicides au travail) au détriment du qualitatif. Il n’y a pas que la démesure démontée par les écologistes du réchauffement climatique et des atteintes à la biodiversité, iI y a aussi dans les nuisances de la globalisation économique, le creusement des inégalités.
« Les deux cent vingt-cinq personnes les plus riches du monde possèdent une fortune égale aux revenus cumulés de deux milliards et demi d’êtres humains. L’économie spéculative représente 97,3% des fluctuations financières alors que seulement 2,7 % correspondent à des biens et des services réels (…) Il manque cruellement une expression politique à la colère qui gronde dans le monde du travail face à la régression sociale et juridique, à la dégradation des conditions de travail, à la montée de la précarité et du mal-être. Nous sommes aujourd’hui à un tournant. La souffrance au travail, expression individuelle et personnelle d’une colère rentrée, ne demande qu’à alimenter le feu de la révolte contre un système globalitaire. »[16]
Selon Jean Ziegler, pour relever les défis vitaux de l’humanité, à savoir : la faim, l’accès à l’eau potable, les soins de base, le logement, etc., il faudrait, selon avec les estimations du programme des Nations Unies, 40 milliards de dollars/an alors que les sommes dépensées par la publicité sont de 400 milliards, le trafic des stupéfiants,400 milliards et l’armement ; 800 milliards. Merci Obama ! De plus, aujourd’hui on récupère les termes ; par exemple SARKOSY cite la politique de gouvernance d’Edgar MORIN[17] qui lui râle car son projet et lui parle bien d’une société de la suffisance et du bien-être qui cultive l’art de vivre ici et maintenant. On parle aussi de « révolution » pour désigner le pouvoir néolibéral et la globalisation économique et de « résistance au changement » pour ceux qui proclament qu’un autre monde est possible. Pourtant si l’on n’invente pas une nouvelle vague instituante, je crains pour nos enfants qu’il y ait une implosion du capitalisme fou et la fin du monde que nous connaissons.
Cela dit, bonnes fêtes de fin d’année si ce sont les dernières.
Jean-Marie Lange, formateur d’adultes au GAP, ce 28.12.2011





[1] ROUSSEAU Jean-Jacques, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Paris, Flammarion, 1971, p.146.

[2] « A Durban, lors de la conférence mondiale contre le racisme organisée par les Nations-Unies du 28 août au 7 septembre 2001, les forces antiracistes du monde entier s’étaient donné rendez-vous au cœur de l’Afrique du Sud pour faire reculer le racisme (…) Je suis arrivée en rêvant d’y trouver les forces progressiste qui permettraient de construire un monde plus juste au XXI° siècle. Et je suis tombée nez à nez avec des fanatiques voulant nous ramener au Moyen Age. Plus exactement aux années trente. Loin d’être un moment de communion antiraciste, le forum des ONG de Durban s’est révélé être un vrai foyer d’agitation et pro-islamiste. » FOUREST Caroline, La Tentation obscurantiste, Paris, Le Livre de Poche, essai, 2009,p.17-18.
[3] PESSIN Alain, L’imaginaire utopique aujourd’hui, Paris, Sociologie d’aujourd’hui, PUF, 2001, p.35 et 33.

[4] L’analyse institutionnelle dit en substance que l’histoire ne peut être réduite aux seuls dominants (nommés INSTITUES) mais qu’elle est la résultante dialectique du conflit avec les contestataires/révolutionnaires utopistes (nommés INSTITUANTS) ; pour sortir du conflit, on utilisera - s’il y a un réel rapport de force - la négociation pour trouver un compromis (nommé INSTITUTIONNALISATION). Les révolutionnaires d’hier deviendront à leur tour des institués et une nouvelle vague instituante renaîtra, ce qui fait en principe progresser l’humanité. Notons que par exemple, sans cibler les personnes, les socialistes d’hier sont les dominants d’aujourd’hui en Wallonie et cela pour le profit néolibéral et au détriment des travailleurs qu’ils étaient censés défendre. J’emploie la parrêsia de Michel FOUCAULT.

[5] « La mission de l’enseignement est en effet de transmettre, en même temps que des connaissances spécialisées, une culture générale qui permette de comprendre notre condition et de nous aider à vivre ; cette mission est impensable et impossible si l’on ne favorise pas chez l’élève une façon de penser libre et ouverte, ce qui inclut de s’ouvrir aux grands problèmes qu’affronte tout être humain, de saisir les complexité du réel. » MORIN Edgar, Mes philosophes, MERINGAC, Germina, 2011, p.66
[6] HICTER Marcel (Haneffe 1918-Momalle 1979) in « Pour une démocratie culturelle »(1980)
[7] HIRTT Nico & de SELYS Gérard, Tableau noir. Résister à la privatisation de l’enseignement, Bruxelles, EPO, 1998, p.71.

[8] « (Aujourd’hui) avons-nos vraiment affaire, comme le veut l’interprétation dominante, à de jeunes militants civiques, révoltés par le peu de place et de considération que le système capitaliste réserve à la culture et aux êtres humains ? Ou ne sont-ils déjà, au contraire, pour un nombre croissant d’entre eux, que de simples consommateurs, difficiles et chicaniers essentiellement désireux d’obtenir au meilleur prix les marchandises que le système propose ? (Dans la terminologie de l’European Round Table et donc dans la pratique de la Commission Européenne, l’élève est devenu un « client » et le cours « un produit ». De nombreux parents d’élèves ont déjà parfaitement assimilé cette idée moderne.) » MICHEA Jean-Claude, L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes, Paris, Climats, Flammarion, 2009, p.60.
[9] LANGE Jean-Marie, Revalorisation de l’enseignement technique et pédagogies émancipatrices, Paris, L’Harmattan, 2002.
[10] ORWELL Georges, La ferme des animaux, Paris, Folio, 1945, 2011, p.62-63.
[11] Ancien conseiller de Jimmy CARTER et fondateur, en 1973, de la Trilatérale « club encore plus impénétrable que le Siècle, qui regroupait en 1992 environ 350 membres américains, européens et japonais » et qui constitue « un des lieux où s’élaborent les idées et les stratégies de l’internationale capitaliste. » Bitoun P. Cité par Jean-Claude MICHEA, L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes, Paris, Climats, Flammarion 2006, p.42.

[12] Rapport du 24 mai 1991. Cité dans Tableau noir (ibid.) de de SELYS et HIRTT. Ce petit livre indispensable reproduit abondamment les textes que la Commission Européenne, l’OCDE ou l’European Round Table (l’un des lobbies communautaires les plus discrets et les plus efficaces dont Edith CRESSON était la passionaria infatigable) consacrent, depuis quelques années à définir les « ajustements culturels » exigés par la réforme capitaliste de l’école. Comme ces rapport ne sont pas destinés à être lus par le peuple souverain, les auteurs s’y expriment avec un cynisme tout à fait stupéfiant. » MICHEA J.C., ibid. bas de page 44.

[13] MICHEA J.C., ibid. p. 44-45.

[14] ROUSSEAU J.J. Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité par mi les hommes, ibid., p. 251
[15] « Ce que la machine peut inculquer c’est, au mieux, un savoir coupé de ses supports affectifs et culturels et par conséquent privé de sa signification humaine et de ses potentialités critiques. Dans son principe, il n’est pas différent de celui qu’un dressage habile pourrait « enseigner » à un animal. Mais on sait bien que « les milliards de Bill Gates sont nés, entre autres, de cette petite lumière imbécile qui s’allume dans le crâne d’un ministre dès qu’on prononce devant lui les mots ordinateurs, informatique ou modernité »(Charlie-Hebdo, 17.9.1997). Est-il utile de préciser que cet article de Philippe Val est consacré à Claude Allègre ? ».(MIRCHEA, ibid., p.45).
[16] De GAULEJAC Vincent, TRAVAIL, les raisons de la colère, Paris, Seuil, 2011, p. 316-317.

[17] « Nous ne voulons pas fonder un parti nouveau, ni nous rallier à un parti ancien, mais nous souhaitons que s’opère une régénérescence à partir des quatre sources qui alimentent la gauche : la source libertaire, qui se concentre sur la liberté des individus ; la source socialiste, qui se concentre sur l’amélioration de la société ; la source communiste qui se concentre sur la fraternité communautaire. Ajoutons-y la source écologique, qui nous restitue notre lien et notre interdépendance avec la nature et plus profondément notre Terre-mère, et qui reconnaît en notre soleil la source de toutes énergies vivantes. Nous souhaitons que les partis politiques actuels, dont les ressourcements sont taris et se sont de surcroît fossilisés, acceptent de se décomposer pour une recomposition qui puiserait conjointement aux quatre sources. » MORIN Edgar, HESSEL Stéphane, Le chemin de l’espérance, Paris, Fayard, 2011, p.60.

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