jeudi 10 décembre 2009

Le temps, l'amour et l'éducation affective


Le couple idéal (Catacombes de Palerme, Sicile, hors du temps)

L'ennui et les tracas

Le nouveau-né à sa naissance est incomplet; il sera aidé par sa mère pour sa nutrition, ses déplacements, ses besoins organiques, son sommeil et ses besoins de caresses. Mais même lorsqu'il sera gavé de ces besoins basiques, il restera dans le nid de ses parents pour apprendre. Apprendre d'eux les bonnes manières et les conventions de l'ethnie selon l'époque et apprendre de l'école les savoirs élémentaires transmis par l'acquis (lecture, politesse, calcul, gentillesse, raisonnement, etc.). Cette première période de l'existence est longue (20 ans en moyenne), on se languit de devenir bien vite le cliché du ciné : la jeune fille séduisante ou le beau mec machiste. Mais ce n'est pas nous qui sommes maîtres de ces illusions mais nos hormones sexuelles (magie chimique) qui travaillent à la fois le corps et l'esprit, l'imagination romantique faisant le reste et préparant nos futures déceptions. Un scoop : le prince charmant n'existe pas car les hommes pètent au lit !

Notons qu'il existe également un autre imaginaire collectif qui ne semble pas questionner l'intelligence des humains, l'inconscient archaïque. Par exemple, ISIS qui reconstitue le cadavre mourant d'OSIRIS, le masturbe et s'introduit le sperme dans son vagin est bien une immaculée conception et Horus le fils de Dieu vaincra l'archétype du mauvais. Lorsque les religions seront devenues masculines, il suffira alors de sortir directement de la cuisse de Jupiter (car pénis et vagin sont des normes interdites dans le sacré !)

Avoir 18-20 ans est un rêve de petite fille ou de petit garçon mais dont la réalité déçoit le plus souvent, car au lieu de sortir en boîte, de se saouler er de s'éclater dans une sexualité joyeuse et déchaînée conseillée par le poète Pierre de RONSART, on cherche anxieusement un boulot stable pour construire nos accumulations consuméristes si coûteuses. (C'est, selon les statistiques, la période pic des suicides). On va donc vivre la phase de l'adulte en pleine possession de ses moyens physiques de 20 à 40 ans, sans rhumatisme certes mais avec les gosses qui hurlent et les divers problèmes, soit un deuxième cycle de 20 ans métro-boulot-dodo à la fin duquel on commence à s'interroger sur le temps qui coule, l'usure du couple, la fatigue récurrente du travail et de ses pressions pour se payer une fois l'an des vacances à Torrémollinos. La psychologie l'a démontré sans conteste : si l'on n'est pas bien dans sa peau, on va reprocher cela à l'autre rat, l'animal à sang chaud qui vit avec nous. La cerise sur le gâteau si nous ne sommes pas des autruches croyantes à des fables sans preuve depuis des millénaires : le non-sens de la vie qui n'a d'autre finalité que d'être vécue et d'être transmise…pas forcément à des moutards brailleurs qui absorbent aux parents une énorme quantité d'énergie, de dévouement, alors qu'ils devraient en consacrer un minimum pour leurs jeux à eux. (En Allemagne, la démographie a chuté en-dessous de .2). La vie est-elle de travailler, de subir les caprices et les pleurs des enfants qui, trop gâtés, disent sans fin "regarde-moi, même si tu m'expliques que tu voudrais souffler !"; les laver, les habiller, faire à manger et entretenir le nid et oublier de se donner à soi 4 petits plaisir par jour ? Comment ne pas craquer !
Nous arrivons alors dans le troisième cycle, celui de la maturité de 40à 60 ans où on ne change plus les langes du cul mais où par contre, on travaille plus encore pour les fringues, l'auto et les études de nos jeunes (qui restent actuellement plus de 20 ans dans la dépendance parentale). Cette période est moins arrosée par les hormones, on réfléchit donc mieux et on s'angoisse mieux avec ce fichu travail dont les cadences s'accélèrent ainsi que les sautes d'humeur souvent injustes de nos grands adolescents qui revendiquent le fond de l'estomac des pélicans en restant chez les parents le plus souvent sans aider, même pas le soutien élémentaire de préparer le repas d'un jour par semaine par exemple et de nettoyer la maison ou à défaut sa propre chambre et permettre aussi aux parents de vivre un peu dehors ?

Puis arrive la quatrième tranche, celle des 60-80 ans où on est satisfait d'être toujours vivant mais assez inquiet de ce temps qui file de plus en plus vite (notamment par rapport à la première tranche). Il y a bien sûr le bonheur des petits-enfants, on peut apprécier leur côté lumière puisqu'on n'a plus la responsabilité de fixer des limites pour leur éducation (charge des parents) mais la perte des relations sociales, des relations au travail, du travail proprement dit et des activités connexes, cela constitue une béance. Bien sûr, il y a ceux qui lisent, écrivent, bricolent ou s'extasient devant la TV 24H sur 24H, on sent bien qu'on est là sur la pente descendance et nos aînés gagatissants ou zombies ne sont pas des perspectives encourageantes. N'étant qu'un jeune de 62 ans, je constate que la mentalité et le punch ne correspondent pas à l'image d'un visage ridé que nous renvoie le miroir; nous avons encore des potentialités mais il semblerait que la société gaspilleuse des ressources humaines n'en veut pas.

Avec les avancées technologiques médicales, il y aura la 5ème tranche de 80-100 ans où certains dans des réserves (comme à Miami) se créent des plaisirs et où d'autres attendront tapis dans leur fauteuil avec le futile espoir de ne pas mourir.

La vie est donc absurde : 20 ans d'envie d'être grand, puis seulement 20 d'adultes jeunes dont le temps est gaspillé par les études et/ou le travail et/ou les problèmes de couple, 10 ou 20 ans de maturité si on a de la chance et le reste où l'on vit sous le statut de vieux, soit pratiquement la moitié de la vie occupée parfois à regretter sa jeunesse si insouciamment brûlée. On croirait que la vie est écrite par les Monthy Pythons ?

La méchanceté héritée, le mal et le bien relatif

Je n'aime pas le fantasme de toute-puissance de la petite enfance sans morale et à l'autre bout, je n'aime pas non plus l'égoïsme trop souvent pervers des vieux et leur jouissance inconsciente de faire mal. Des amis qui vivent avec la vieille maman d'un des deux partenaires avaient le projet d'acheter une maison et pendant leurs vacances, la vieille mère cohabitante a aidé un neveu à acquérir ce bien, au prix négocié par son beau-fils. Que dire de plus ? Des histoires de cette méchanceté du quatrième âge se ramassent à la pelle comme auparavant le crottin de cheval. Dans son adolescence, notre fille aînée est entrée en conflit avec nous ses parents, période normale certes mais qui est dure émotionnellement à vivre pour tous. Mon beau-père vivant avec nous et généralement près de ses sous ne lui a jamais fait autant de cadeaux pour l'installer ailleurs à 18ans. Et ces cadeaux avaient un sens : "tu as raison de te révolter contre tes parents, regarde mon amour à moi comme il est chiffrable !". Il a fait beaucoup de mal à tous, nous avions réchauffé un serpent en notre sein et c'est cette enfant qui en a le plus souffert. Avec mon épouse, comme éducateurs responsables, nous nous sommes jurés de ne jamais faire des merdes pareilles à nos enfants lorsqu'ils seront parents d'ados mais au contraire, de toujours abonder dans leur sens pour ne pas déstabiliser les ados au niveau des repères.

L'argent est un outil qui, en de mauvaises mains, peut poursuivre de mauvais objectifs (l'exploitation minière du tiers-monde par exemple). Le don en lui-même est bon mais il ne doit pas se limiter à des cadeaux matériels en toc. Ces cadeaux affectifs peuvent être immatériels comme l'écoute, le réconfort, l'empathie, l'échange de parole "adulte-adulte", le sourire et l'affection de serrer un enfant dans ses bras (s'il vient dire bonjour évidemment). Boris CYRULNIK dit en substance que lorsque les parents sont complices entre eux et avec les grands-parents, ils procurent ainsi un milieu sécure pour les enfants, un nid affectif douillet qui permet de grandir.

De même, le psycho-pédiatre, Aldo NAOURI explique que nos querelles de vie/de couple ne devraient jamais prendre les enfants en otage (un travers des mères, semblerait-il). L'enfant vient de la mère qui peut le nourrir ou le laisser mourir de faim ? C'est elle qui va présenter à l'enfant l'autre du couple, celui qui est capable de résister à la mère sans pour autant en mourir.
Le triangle œdipien, quoi qu'on en dise, est stabilisateur. Lorsque la mère est en désamour du père, elle peut rester dans la dignité et ne pas casser l'image du père dans l'imaginaire de l'enfant (que nous restons tous, toute notre vie…quelque part pour jouer). En thérapie familiale, comme formateur, j'ai vécu une histoire horrible, celle d'un jeune garçon de plus de 20 ans qui détestait son père. Lorsque je lui ai demandé s'il connaissait son père, il m'a répondu par la négative, seule sa mère lui en avait parlé. Il le détestait par procuration sans jamais l'avoir vu, sa haine seulement alimentée par la propre haine de la mère.

Quels que soient les évènements vécus de notre histoire de vie et parfois réécrits de façon dramatique (ou simplement fantasmés), nous devons réussir à pardonner à nos parents pour nous délivrer de toute trace de haine et nous envoler vers le ciel de notre propre vie, ce que les bouddhistes et les taoïstes appellent le WOU-WEI "ne pas faire" (toujours névrotiquement plus de la même chose) et "lâcher-prise", tourner la page pour une pensée positive et constructive.

Comment transmettre la rigueur et la joie ?

Il en va de même pour nos passions d'amour et/ou de haine, depuis 2500 ans en Grèce avec HERACLITE d'Ephèse et aussi en Asie depuis 3500 ans avec le TAO de Lao-Tseu et Tchouang-Tseu : chaque chose porte en elle son propre contraire : le bien et le mal, le Yin et le Yang, la lumière et l'obscurantisme. Par exemple, mes amis africains ont les ténèbres de la sorcellerie mais aussi des sociétés d'initiation orale où il faut mourir à nos représentations stéréotypées pour renaître en maîtrisant le côté obscur sans pour autant le dénier. Les initiations de diverses ethnies se recoupent dans un archétype symbolique commun à l'humanité et pointé par JUNG.

Comment communiquer l'essentiel d'une éducation positive pour nos petits-enfants par exemple ? Comment, en quelque sorte, oser écrire des principes pédagogiques après le grand Jean-Jacques ROUSSEAU ("L'Emile") ? Sinon quelques bribes que l'on juge, avec le temps passé, importantes pour soi Par exemple, ma génération de 1968 était idéologiquement antiautoritaire (libertaire et anarchiste) et elle avait tort car les règles, pour autant qu'elles ne soient plus des fessées ou d'autres violences disproportionnées, sont nécessaires. Je pense à un petit homme de 5 ans qui gifle sa mère; la réaction arc-réflexe de bonne santé est bien sûr de lui en retourner une à la vitesse du vent. Il ne faut pas croire certaines idées malsaines des Evangiles (tendre la joue gauche) mais fixer des balises (Action-réaction). Le pédagogue Patrick TRAUBE a, à ce sujet, écrit un bon petit manuel : "Eduquer, c'est aussi punir !".

Mais cela étant posé, je pense qu'il faut surtout encourager, féliciter, récompenser. Je vois trop de jeunes adultes timorés qui manquent de confiance en eux parce que lorsqu'ils auraient eu besoin d'un soutien particulièrement positif, ils ont reçu à la place sarcasmes et moqueries, des blessures bien plus saignantes qu'une simple gifle. Donc, ne faisons pas subir ce que nous avons parfois vécu et essayons de donner le meilleur de notre expérience pour enrichir les jeunes générations. Il en va de même avec la liberté, sexuelle bien sûr, dirait Wilhelm REICH mais surtout du plaisir et de la joie en général. Pourquoi juger les autres à l'aune d'un surmoi de fer que nous avons introjecté, pourquoi reprocher ou récriminer, quel en serait l'intérêt ? faire du mal ? Ne soyons pas avares de sourires et d'approbation, notre seule existence est trop courte face à la méchanceté héritée, nous devons nous changer au lieu de vouloir obsessionnellement changer l'autre. Tout ce qui alimente la vie, le plaisir, la joie est le bien et tout ce qui complexe, enferme, culpabilise et dogmatise est le mal. Profiter par exemple de la crédulité de nos petits-enfants pour les effrayer avec le diable, Hans rouf (le père fouettard) et l'enfer s'ils ne sont pas soumis et en même temps, leur dire que St Nicolas n'existe plus, que c'était se moquer de leur naïveté, c'est le mal car on n'a pas à profiter de cet âge tendre pour inculquer les croyances dominantes qui servent surtout les dominants (l'épée et le goupillon).

Les petits indiens Yanomami d'Amazonie qui jouent tout seuls tout nus le long de la rivière et à 14 ans copulent comme les grands en riant, c'est le bien par contre mon petit-fils de 5 ans qui joue à la PlayStation et qui explose des têtes d'ennemis, c'est le mal de cette technologie déshumanisante. Il n'a pas conscience que son plaisir de montée d'adrénaline correspond à tuer et à torturer quelqu'un virtuellement d'abord…Mon arrière-grand-mère a écouté son corps pour le beau petit Léon, "elle a fauté" et son père l'a jetée dehors à 17 ans, avec son bébé dans une brouette, puis il est retourné faire l'amour dans le noir avec sa femme (propriété) qui dans sa longue chemise de nuit avait un orifice "prévu pour voir le loup" sans regarder ces laides choses : c'est le mal.

Ces femmes semi-enterrées avec leur burkas et qui sont lapidées en cette fin 2009 parce qu'elles ont commis l'adultère toute seule (il n'y a jamais d'hommes complices exécutés dans la torture), c'est le mal absolu des talibans bêtes et méchants. En 1968, la jeune fille en mini-jupe qui prend la pilule anticonceptionnelle, c'est le bien (du temps d'avant le HIV). Tout ce qui interdit, tue, viole, condamne, comme le Pape des catholiques avec ses soutanes trop courtes qui tue indirectement des fidèles africains en refusant sans alternative plausible le préservatif, c'est le mal. Il en était déjà ainsi avec les silences de Pie XII, complice pour non assistance à juifs en danger (les 6 millions de la SHOAH). J'en profite pour solennellement excommunier RATSINGER et PIE XII et leur clique d'extrême droite et leur lobbies de l'Opus Dei pour crime contre le progrès et la vie humaine. J'en suis désolé pour mes amis chrétiens qui eux aussi ont honte de leur chef autocrate.

L'amour, disait Jacques LACAN, c'est le regard d'amour que l'autre pose sur moi et qui me valorise, c'est toujours une communication relationnelle. Et dans le dictionnaire de la psychanalyse on ne définit pas le concept seul mais associé amour-haine. En effet, le contraire de l'amour, n'est pas la haine qui est sa forme viciée par le mal; le contraire, c'est l'indifférence.

Le désir sexuel est flamboyant mais s'il est le seul élément d'une relation, celle-ci sera bien pauvre. Le couple basé sur l'affection réciproque de deux personnes est aussi une union économique, sociale et affective. Nos entités physiques sont en constante perturbation dans l'état de cohabitation et tout ce qui sera refoulé sera vomi un jour ou l'autre. Telle par exemple, la femme qui s'assigne les tâches ménagères puis qui reproche à son conjoint qu'il n'en fait pas lourd dans SON projet de propreté par exemple.

Notre travail relationnel implique une vigilance constante : d'une part, identifions nos colères sans prendre le plus proche animal à sang chaud comme bouc émissaire et d'autre part, cultivons les actes fraternels, gratuits sans attendre de retour même pas la conscientisation du don de notre amour. Exerçons-nous à ne pas nous prendre pour le centre du monde car l'ego est une invention cérébrale de notre petit moi. Soyons délicats dans nos expressions et moins farouches lorsque l'autre nous vexe, nos principales blessures sont celles de l'amour-propre. Par la mort, tout est automatiquement relatif, nous ne pouvons que le souhaiter aussi pour les amoureux sincères de fin de vie. Rappelons que faire l'amour est en entrée en matière nécessaire mais non suffisante et que le relationnel doit être un soutien et un plaisir de chaque instant. La vie sexuelle est dans le bas de la terre, l'érotisme, avec le souffle de chaleur humaine, est dans le haut de la tête et l'un ne fonctionne pas sans l'autre, la terre sans le ciel.

En synthèse, le bien et le mal sont des concepts relatifs variables selon ce que les hommes en font dans les cultures (Amazonie ou Europe) et les époques (les Yé-yé ou l'ère victorienne). Posez-vous la question du libre-arbitre: est-ce que tel acte "boire un verre de vin" fait du tort aux autres ou à moi-même ? Puis, est-ce que battre une femme à la masse musculaire inégale serait vraiment pour son bien ?. Nous sommes piégés depuis l'enfance car nous n'avons jamais eu de cours pour développer l'esprit critique de notre cerveau, rien que des règles, des dogmes et des normes. Retournez une claque à votre enfant qui vient de vous en donner une est un grand bien d'auto-respect de soi-même. Il ne s'agit pas de torturer ou de battre pour faire mal mais réagir simplement. Françoise DOLTO a dit un jour qu'une mère qui n'avait jamais secoué son enfant était une grande malade. Sortir du sommeil de la routine, de la répétition des habitudes de jugements de valeur et de nos préjugés pour "voir" au-delà de l'ignorance, la beauté et la force de la vie. Apprendre à vivre avec la mort qui nous effraye, c'est saisir que le temps de la vie est limité et qu'il est sage de pouvoir vivre chaque minute dans l'ici et maintenant, non dans l'angoisse du faire mais dans la joie de l'instant avec la philea, l'amour fraternel de l'humanité. Nous n'avons alors plus besoin de morale qui nous dicte le bien ou le mal mais une éthique d'homme sincère et authentique.

Jean-Marie LANGE,
21 décembre 2009,
Solstice d'hiver.

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