mercredi 30 septembre 2009

Le fonctionnement à la croyance : la nocivité de toutes les religions

"D'en haut de vos très blanches loges
Les voyez-vous qui s'interrogent
Millions de fourmis qui pataugent
La tête tournée vers les cieux ?
Sommes-nous seuls dans cette histoire
Les seuls à continuer à croire
Regardons-nous vers le bon phare
Ou le ciel est-il vide et creux ?"
(Le chêne liège - Francis CABREL - "Des roses et des orties", 2008)

"Il est difficile de croire, par exemple, que la santé soit améliorée par l'état semi-permanent de culpabilité morbide dont souffrent les catholiques dotés d'une fragilité humaine normale et d'une intelligence inférieure à la normale. Il n'est peut-être pas juste de faire une distinction pour les catholiques. Toutes les religions sont les mêmes : la religion, c'est fondamentalement la culpabilité, avec des jours de fêtes différents."(Richard DAWKINS)[1]

Introduction subjective

J'ai été élevé dans le mensonge, personne ne m'a dit la vérité révélée et comment pourrais-je faire partie d'une poignée d'élus (Les Témoins de Jéhovah, par exemple) sur des critères obscurs au détriment de l'immense majorité des non-élus. Je n'ai pas de certitude, de dogme ni de communauté qui me dirait depuis ma plus tendre enfance que je suis entouré d'ennemis (une façon de créer une personnalité paranoïde), une communauté qui me guiderait par la prière à ne pas donner mon sang, à ne pas manger l'animal totem (le cochon), qui me protégerait même si je n'ai rien demandé en choisissant pour moi mes études et mes loisirs (pas de TV, pas de sortie Rock, pas de vin, pas de sexe, pas de rire).

Je suis un mécréant, merci mon Dieu de m'avoir permis de croquer la pomme de la connaissance pour fuir les fonctionnements religieux. Je dis mon Dieu par boutade car je suis résolument athée mais lorsque j'aurai vu un quelconque signe cohérent de cette présence silencieuse, je deviendrai agnostique ou peut-être même combattant anti-Dieu car les massacres et génocides sont des déluges très rapprochés et il faudrait alors combattre ce mal enfin identifié.

Pour l'instant présent, je suis libre; mon corps pourrira et il n'y aura même pas d'âme pour lui survivre. Je vis ici et maintenant et ce que je suis est le résultat de mon histoire de vie (avec mes déterminismes socioculturels) et des relations avec les êtres que j'ai choisi de côtoyer (aimer tout le monde est une lâcheté). J'étudierai jusqu'à mon dernier souffle et je serai seul dans mon cercueil mais entretemps, la fraternité et l'amour de l'humanité sont mes choix lucides pour me perfectionner en luttant contre mes tendances animales à la domination et à l'exploitation d'autrui.

Sigmund FREUD

Dans "Totem et tabou", FREUD [2]émet une hypothèse intéressante sur la horde primitive. Le père de la tribu peut être compris non seulement dans un sens familial mais aussi dans le sens du pouvoir du Phallus, de celui qui guide et dirige, par exemple le chasseur le plus fort ou le plus habile. Au Néolithique, celui-ci étant donc le plus fort au niveau physique et/ou au niveau stratégique peut élaborer une alliance de groupe pour la chasse au mammouths, une battue pour piéger les mammouths au bord d'une falaise où le troupeau se pousse et se bouscule et où certains tombent et se tuent. Il suffit alors de récupérer la viande pour la ramener au campement.

Il est un peu normal que le chef-père-héros s'approprie les meilleurs morceaux de viande (la glande thyroïde par exemple). Puis il est logique aussi, chez ces hominidés polygames, qu'il choisisse les plus intéressantes des femelles (les vieilles qui savent coudre ?). Pourtant, ce qui était vrai au Néolithique l'est toujours aujourd'hui : l'exercice du pouvoir use et corrompt. Ainsi les autres chasseurs, frères, sont jaloux et frustrés des prérogatives du chef qui augmentent et se répètent dans le temps.

On ne peut rien y faire, il est le plus fort ! A moins de s'unir et de l'attaquer tous ensemble, ce qui fut fait. "L'union fait la force" dit la devise de la Belgique; ainsi, la société s'est construite sur le meurtre du père. Notons que FREUD reprendra ce raisonnement pour fonder sa psychanalyse sur le complexe d'Œdipe, une dérive ethnocentriste car, de par le monde, existent d'autres systèmes que la triangulation de la famille restreinte des Occidentaux.

On le mangea pour prendre sa force (communion cannibalisée), puis on le regretta; il manqua au groupe comme excellent stratège, il y eut donc la naissance de ce sentiment d'affection et d'envie, l'ambivalence amour/haine envers le chef que l'on avait tué. Dans le groupe, un chasseur "petit futé" proposa aux autres d'entrer en communication avec le MANA (la force) de l'ancêtre (animisme), à la condition que les autres chassent à sa place. Et dans la foulée il s'accapara la plus belle grotte, les plus jeunes femmes et les meilleurs morceaux de viande, pas pour lui mais pour faire des sacrifices. De cet accord est donc né la première caste, celle des prêtres qui avaient le privilège de servir d'intercesseurs entre le peuple et les mânes des ancêtres et aussi de traduire les volontés des morts.

Si l'on avait pu tuer le père de sang, avec l'organisation ecclésiastique parasite naissante, cela devient impossible puisqu'il est dans "l'au-delà". Cette caste qui deviendra les Brâhmanes en Inde s'allia les meilleurs guerriers pour servir de police et ce fut la deuxième caste, soit l'alliance de l'épée et du goupillon que nous connaissons depuis des millénaires de civilisation et qu'Etienne de la Boétie, l'ami de Montaigne, a dénoncé comme un système aux nombreux pieds d'argile que seront les travailleurs aliénés croyants.

Notons que pour FREUD : "la religion est une névrose obsessionnelle collective" et effectivement, si nous n'acceptons pas nos pulsions (le ça) comme une composante de notre nature sans pour autant les assouvir, celles-ci refoulées dans l'inconscient ressortiront en névroses et en psychoses. Cela dit, une vie sexuelle épanouie ne suffit pas, il faut encore gérer le surplus de cette énergie psychique par la sublimation créative, soit la pratique quotidienne des étudiants et des artistes.

Henri BERGSON

Nous ne sommes pas nés sur une page blanche mais dans une communauté qui a des règles considérées comme obligations. L'obligation principale était de se soucier du bien commun : au moi individuel devait se surajouter le "moi social". Devoir individuel et morale sociale pour la solidarité sont des lois nécessaires pour la vie en civilisation. Après l'actuelle crise de repères, on pourrait espérer (parmi d'autres possibles) que le sujet se soucie de son moi psychique pour le dépassement de sa pulsion de domination et de l'humanité avec les valeurs d'égalité, de liberté et de fraternité. A titre d'illustration, on peut dire que le néolibéralisme, la richesse ostentatoire du Vatican et les parachutes dorés des chefs d'entreprise ou des élus du parti socialiste belge remerciés sont des actions contraires à toutes morales.

Notre culture n'est pas autour de nous à nous surveiller; elle est en nous, intégrée à notre personnalité. BERGSON cite KIPLING et ce garde-forestier dans la jungle indienne qui tous les soirs s'habille avec smoking pour le dîner pour conserver ses traditions britanniques et son sens de la dignité. Le moi social évolue en ce que nous appellerions aujourd'hui notre conscience civique. C'est par la fréquentation des autres, de notre famille, de notre métier que nous inscrivons en nous de façon indélébile des prescriptions et des obligations pour l'insertion sociale.

Transgresser les règles nous perturbe; aussi les prêtres vont-ils se servir de ce levier inconscient pour manipuler nos consciences sur le substrat de nos déterminismes sociaux, pour que nous nous sentions le plus souvent possible en faute. C'est la conscience malheureuse du péché originel (dont n'a jamais parlé Jésus).

Une bonne intégration, selon BERGSON[3], consiste à domestiquer l'indiscipline naturelle de l'enfant pour l'intégrer à nos normes civilisationnelles. Aujourd'hui, l'Occident est en crise car les vagues de migrants musulmans intégristes veulent notre aide financière mais ne veulent pas respecter nos normes (sujettes à caution comme toutes les normes, y compris celles de nos invités envers leurs femmes) mais surtout veulent nous imposer les leurs sur notre sol (le foulard) en se servant de nos droits de l'homme que, pour la plupart, ils méprisent. En cette fin septembre 2009 dans la commune de Molenbeek, la forte communauté marocaine en terrain conquis crée des émeutes avec la police et nos lois. S'insérer demande à tous des efforts et constitue la clé invisible pour la réussite des études supérieures, pour trouver un appartement hors des ghettos ethniques, pour trouver un emploi où l'employeur considère son employé parce que celui-ci le considère également (la bonne éducation disait-on auparavant).

Les temps sont troublés et en France comme en Belgique, nous voyons le parcage en ghettos des immigrés qui veulent rester entre eux dans des cités de non-droit où, plutôt que de descendre les poubelles, on jette les ordures par les fenêtres, on tague les murs d'escalier, on détruit les ascenseurs, on propose de la drogue aux très jeunes et on terrorise les jeunes filles du même groupe ethnique lorsqu'elles portent des jupes et que leurs vélos ne sont pas voilés.

Respecter les autres même lorsque le gendarme n'est pas là est un acte de résistance à nous-mêmes, à notre égoïsme et à notre paresse pour l'intérêt de tous. Je vis dans un petit appart où il fait bon vivre car les voisins n'ont pas les pratiques barbares que je viens d'énoncer et je milite depuis toujours contre le racisme (en particulier celui envers les femmes maghrébines à qui on refuse la dignité des hommes).

Les êtres intelligents agissent sur eux-mêmes pour limiter leurs désirs par la raison, l'intelligence.

Quelles sont les diverses attitudes des citoyens devant l'obéissance ?
1. L'immense majorité des hommes dans les sociétés instituées par les Eglises et le pouvoir obéissent aux lois (pas toujours équitables) par la menace de la répression d'un bras armé. Transgresser la loi aura des conséquences judiciaires et policières. Michel FOUCAULT[4] l'a bien montré dans "Surveiller et punir" : la torture sur la place publique, l'emprisonnement et la peine capitale ne sont pas pour les déviants mais pour servir d'exemple au peuple qui voudrait penser par lui-même. Nous sommes élevés dans la soumission aux normes "il faut parce qu'il faut", c'est devenu une habitude sociale.
2. La société s'organise par l'élaboration toujours provisoire de ses institutions formant les lois. La cité humaine n'est ni une ruche ni une fourmilière, elle est de forme variable et ouverte au changement. Un contre-pouvoir peut négocier car nous savons par le langage échanger et choisir avec la valeur de la liberté. Le conditionnement social automatique, dans les sociétés à tradition orale, va être dépassé, dans nos sociétés mondiales de consommation par les acquis de l'expérience et la transparence d'un "village planétaire" (Mc LUHAN) Les habitudes séculaires pieuses persistent mais ne sont plus des tabous indépassables, l'obligation des traditions côtoie l'organisation moderne du monde. La morale se métamorphose en une éthique a minima : respecter la vie et la propriété de l'autre. Notons toutefois que cette ébauche d'éthique n'inclut pas la fraternité et vole en éclat dès qu'une tension guerrière se manifeste où l'autre redevient alors l'ennemi (pillage, viol et meurtre).
3. Nous avons commencé par aimer notre famille, notre clan puis notre nation, nous pouvons rêver qu'un jour, nous aimerons aussi le genre humain dans son ensemble, où un homme ne tirera plus pour tuer un autre homme, où nos groupes fermés avec la peur de l'inconnu à l'extérieur (les sans-papiers par exemple) deviendront des groupes ouverts sur la diversité, la courtoisie et le respect des cultures de chacun. Un gros effort reste à faire pour respecter les cultures occidentales. Cela impliquerait un brusque changement de dépassement des chapelles en les limitant à des maisons closes (églises, temples et mosquées par exemple). La morale d'eau bénite (charité, dévouement, sacrifice,…) devrait se transformer en de sereins droits de l'homme pour tous, le droit à la dignité et à la raison de penser ce que l'on désire sans peur de quelques fous tueurs. L'utopie n'est pas une aberration, mais une possibilité de créativité, un simple projet pariant sur le bon côté des hommes pour une gestion plus saine de nos sociétés.

Frédéric LENOIR

LENOIR [5], par ailleurs grand connaisseur des textes bouddhistes, explique l'anticléricalisme du Christ à partir des contradictions des Evangiles. Le regard qu'il pose sur Jésus est celui de l'authenticité de l'homme. Que l'on soit croyant ou non, au sens réel ou au sens symbolique, ce ne sont pas nos déclarations et/ou nos réalisations qui sont à retenir mais les moments où l'on a su rester vrai et dire le non-dit, la parrêsia.

L'expérience de notre vie nous conduit à des choix qui modèleront nos attitudes et nos comportements : "être pour soi sa propre lumière"(Bouddha) ou devenir bien conforme pour jouir des miettes des puissants, par exemple réussir une carrière universitaire dans le cercle fermé des professeurs de facultés ou avec de bons pistons politiques ou encore plus grave il y a une soixantaine d'années ne pas résister à l'oppression nazie et choisir la collaboration. L'église de Pie XII, malgré son service de renseignements sur les camps d'extermination avait choisi de se taire d'ignorer la SHOAH et ses 6 millions de morts, des humains exterminés sans la moindre réaction de la hiérarchie ecclésiastique du Vatican.

En 325, au Concile œcuménique de Nicée, l'Empereur romain CONSTANTIN choisit le christianisme comme religion d'Etat contre sa doctrine rivale de l'époque, l'arianisme, il se fera même baptiser sur son lit de mort. Les catholiques de l'époque, de persécutés deviennent persécuteurs au nom de leur foi, un remake que joueront les successeurs de Mahomet environ 650 après JC avec la DJIHAD [6] (guerre sainte qui consiste à convertir par la force l'infidèle). En Inde aussi, on verra des villages qui se massacrent entre eux parce que l'un est sectateur de Shiva et l'autre de Vishnou alors que, pour les Brahmanes, avec Brahma, c'est la même trinité. Les catholiques eux aussi ont pris goût à torturer et tuer les parfaits non-conformes. (L'Inquisition ne sera supprimée qu'au XVII°). En 391, THEODOSE 1er établit officiellement le christianisme comme religion d'Etat et interdit les cultes païens. En 1453, ce sera la chute de Constantinople et de l'Empire romain d'Orient et la naissance du droit d'ingérence des papes dans les affaires temporelles.

Pour ne pas faire de jaloux, notons qu'outre la DJIHAD islamique et l'INQUISITION [7] chrétienne, la religion juive de la TORAH n'était pas en reste non plus au niveau rigidité et terreur. Pour ses adeptes, il n'y a pas de Christ philosophe, juste un révolutionnaire qui veut devenir roi des juifs et sur lequel l'acharnement des prêtres [8]n'aura nulle limite.

Jésus, fils de Marie [9], fréquentera diverses femmes mais restera célibataire. Il s'oppose à la lapidation de la femme adultère (peu de progrès depuis chez les pieux musulmans) et refuse les lois religieuses et politiques, ce qui fera du clergé (lié au pouvoir romain) son ennemi. Contrairement aux lois de la TORAH ("œil pour œil"), Jésus refuse les provocations et les incitations à la violence, les méchants sont ceux qui ont mal à leur vie. Il sera le modèle de la non-violence de Gandhi.

Le Christ a initié la démarche psychologique de rechercher une spiritualité dans la personne du sujet lui-même. Il n'y a de philosophie chrétienne que du non-sens puisque c'est une foi basée sur des dogmes (une théologie). Aujourd'hui, chez les penseurs humanistes successeurs de Jésus, il reste une éthique désacralisée et sans Dieu (Spinoza). Le message du sage Jésus est dans le social : développer la liberté individuelle et dans l'interne : se découvrir une vie spirituelle non croyante.

Outre ces résistants à qui nous voulons rester fidèles en mémoire - avec "Les Territoires de la mémoire", depuis ce demi-siècle de civilisation - de nombreuses familles ont été massacrées (croyants et athées) et torturées pour rester fidèles à la dignité des hommes. Ce ne sera qu'en 1948 que l'ONU donnera une loi de principe : la Déclaration des droits de l'homme.

Friedrich NIETZSCHE

NIETZSCHE évoque JAHVE le Dieu d'Israël comme l'expression par le peuple juif de sa propre puissance et de la joie d'être un peuple fort, confiant en la nature. Ils priaient leur Dieu de la justice pour avoir de la pluie et comme auto-approbation de bonne conscience d'eux-mêmes. Mais là aussi, les prêtres changèrent ce symbole d'amour-propre collectif pour le dénaturer à leur profit en son contraire. L'idée de Dieu s'instrumentalisa par la soumission au clergé qui fit de JAVHE un Dieu jaloux et vindicatif qui ne supportait pas la désobéissance que l'on appela "péché" et les autres peuples non circoncis dont il fallait abattre les ashrams (autels).

Il y eut donc une inversion de cause et d'effet et le Dieu qui aide et qui inspire la confiance en soi devint le Dieu qui exige avec une causalité antinaturelle, c'est-à-dire contre nature avec par exemple une morale sexuelle très fermée entre élus, un changement entre une morale normative concrète qui régule la cité en une morale abstraite opposée à la pulsion de vie avec promesse d'une rédemption post mortem pour les plus conformes et l'enfer châtiment pour les résistants : la carotte et le bâton. Ainsi s'installa, nous dit NIETZSCHE, ce type humain parasite, le prêtre, qui ne prospère par la mauvaise conscience qu'au détriment des autres humains et de la vie naturelle, ce que l'on perçoit mieux au Tibet avec le lamaïsme, les lamas mendiants et oisifs apprenant par cœur les prières pour chasser les démons, caste supérieure et nourrie par la classe paysanne en échange de ces prières.

Lorsque Jésus prêcha son chemin avec notamment les Béatitudes ("Heureux les pauvres,…"), il courrouça la caste dominante des prêtres d'Israël en voulant créer un autre Royaume.[10] Pour NIETZSCHE, après l'assassinat de ce surhomme, les théologiens transformèrent les sermons de ce BOUDDHA du Proche-Orient pour aviver la propagande chrétienne, avec la notion de mal et de péché, autrement dit inverser un message oral d'amour en la vie et la lumière en un catéchisme de croyances culpabilisatrices et de dogmes fanatiques. "Une religion, c'est une secte qui a réussi", dit la sociologue Anne Morelli. Notons en passant que le concept de "surhomme" a été dévoyé bien après les écrits du philosophe par le "petit homme" Hitler et ses hordes de nazis se servant de la pureté de la race aryenne pour légitimiser l'assassinat en série du peuple ayant crucifié le Christ. Et la bête immonde qui veut dominer le monde n'est pas morte en nous; pensons aux génocides dans l'ex-Yougoslavie ainsi qu'au Rwanda et au Burundi. Le christianisme a lancé lui aussi une lutte à mort contre les penseurs de l'humanité qualifiés d'hérétiques. Dès qu'il y a un fonctionnement à la croyance rigidifiée en un système religieux ou laïque (le National-socialisme, le stalinisme, les Khmers rouges,…), il y a le règne de la pulsion de mort et des millions d'hommes en mourront de mort violente.

Les religions en général ont jeté l'anathème sur les forces de vie de la nature et, à partir des instincts belliqueux, ont propagé le concept du mal et le statut de méchants ne faisant qu'obéir aux ordres (Eichmann à son procès de Jérusalem). Même chez certains intellectuels, ce mal sournois, qui combat la liberté de la vie, a perverti les raisonnements en leur enseignant à ressentir les valeurs des esprits libres comme des péchés. Il est antinomique de se déclarer scientifique croyant car un scientifique ne peut que cultiver le doute systématique même en ses plus intimes certitudes.

Notons que pour ce philosophe pessimiste, une seule religion est positiviste à son époque : c'est le bouddhisme[11]. Nous ne pouvons être en accord avec son optimisme et confondre l'enseignement oral du BOUDDHA avec la doctrine de récupération religieuse. Le bouddhisme de virtuoses et d'érudits exporté en Occident est une regrettable erreur. Au Tibet, cela reste un ramassis de cultes superstitieux et d'obscurantisme. Pour illustrer cette opinion, dans un monastère (mais ce fut la même disposition partout), j'ai demandé à un lama: "pourquoi les bibliothèques sont-elles situées à 1m20 du sol?" et celui-ci me répondit qu'en se courbant, les paysans ignares peuvent passer en-dessous et ainsi recevoir par osmose les enseignements apocryphes. En effet, comme Jésus, le BOUDDHA n'a jamais écrit une seule ligne.

Michel HULIN
Si je veux diriger une nation sans prendre en compte les diverses tendances traversant la société (ce qui serait alors une véritable démocratie), je vais susciter des contradictions puis une grogne contre moi. La seule solution classique nous dit la psychologie des foules de Serge MOSCOVICI, c'est d'attirer l'attention du peuple, d'orienter le regard de la foule vers l'ennemi qui est à notre frontière et/ou à l'intérieur (maccarthisme).
L'ennemi ? C'est le juif ! disaient les nazis. L'ennemi ? C'est le HUTU, non le TUTSI se répondent les deux ethnies dominantes du Rwanda et du Burundi. L'ennemi ? C'est l'ex-colonisateur dit le despote du tiers-monde qui détourne la richesse nationale de son pays à son seul profit. L'ennemi ? C'est l'Etat d'Israël et l'Impérialisme américain dit le dictateur iranien qui a truqué ses élections.
L'ennemi, c'est l'OTAN disent les terroristes fondamentalistes afghans. Etc. etc. En réalité, l'ennemi est en nous, ce sont nos préjugés et notre désir de nous privilégier nous et notre petite vie égoïste au détriment des autres, de tous les autres.

Lorsque l'église catholique de Constantin s'accapare un message philosophique d'amour pour en faire un message de haine, d'intolérance et d'autoflagellation, elle invente SATAN, l'axe du mal. La dichotomie du diable et du bon Dieu permettra, comme nous l'avons dit, la torture et les meurtres de l'Inquisition ainsi que les guerres de religion. "Dieu est avec nous" était gravé sur les boucles des ceintures des envahisseurs allemands en 1940. "GOTT MITUNS!" et les autres sont le mal, le mauvais.

Au niveau symbolique, il est nécessaire de prendre en compte avec la Trinité, la force de SATAN comme composante intrinsèque. Le bien et le mal ne peuvent s'annihiler, ce sont les deux pôles composant une contradiction et ils ne peuvent que s'englober et se dépasser. Le bien ne pourra triompher du mal qu'en l'acceptant avec un regard moins dichotomique dans un autre regard conceptuel. Le "vouloir vivre" et la conscience morale doivent coexister et se recadrer pour sortir de l'obscurantisme (des illusions et de l'ignorance). Le code moral d'une époque est toujours relatif, pensons à la masturbation du temps de l'ère victorienne. Le BOUDDHA conseille d'éviter les extrêmes (le sacrifice et l'égoïsme) pour trouver la voie du milieu.

Pour revenir à la dialectique "par delà bien et mal", JUNG dira de même : nous devons accepter notre part d'ombre et de désirs cachés pour devenir lumineux; une lumière, un éclairage sur l'essentiel aurait dit également Friedrich. Nous sommes tous potentiellement violents et tueurs selon le contexte (plus de 170 tués par l'armée en Guinée, ce jour lors d'une manifestation pacifiste). L'entraînement des militaires consiste en un lavage de cerveau pour substituer l'acte de tuer comme un soldat mécanique à la vertu du penser. L'ennemi est en nous, il suffit de faire appel à la bête intérieure et à la colère enfouie pour faire de chacun un tueur. Le psychologue social Stanley MILGRAM l'a prouvé dans sa recherche "Soumission à l'autorité". Bien sûr, il n'est pas facile de faire égorger au couteau un bébé par un soldat car il va y avoir blocage de ses représentations mentales par la non-violence souriante du bébé qui lui rappelle le sien. Par contre, on peut le driller et le placer dans un bombardier en lui disant d'appuyer sur le bouton de largage lorsqu'on lui en intimera l'ordre et ce sera alors des milliers de bébés qu'il tuera, sans les voir, grâce à la distance d'un bouton poussoir et de son conditionnement infantile : "nous sommes les bons et eux les méchants!".

Selon HULIN [12], le vivant est en soi la réalité perçue et la réalité percevant. Etre soi est le bien de la vie, la paix avec soi, la réconciliation de notre Moi clivé. Il y a au départ le narcissisme puis la conquête du l'hors-Moi. Vivre se transforme d'être en faire pour annexer le non-moi du monde extérieur, tâche bien sûr vouée à l'échec. Faut-il vraiment réussir dans la vie ou réussir sa vie, ce n'est pas la même chose. Changer le monde est une tâche qui nous dépasse et augmente aussi l'angoisse de notre impuissance en nous faisant perdre de vue le plaisir simple d'exister et de nous engager contre les injustices…AVEC LES AUTRES : la pensée ET l'action sociale.

En conclusion
Il faut se battre hors de nos replis frileux contre l'obscurantisme, contre la misère et les excès avides des hommes même s'ils se disent nos frères, ce qui est une contradiction essentielle entre la pensée exprimée et l'action concrète. Je n'ai pas de gourou ni de ligne directrice rassurante, je cherche la vérité avec des méthodes scientifiques et donc je remets tout en question chaque fois que je comprends mieux la nature de la vie dans le cosmos. Je suis un libre penseur pratiquant le libre arbitre de mes seuls choix. Mon symbole de vie est "apprendre". Depuis SOCRATE "Connais-toi toi-même !" et BOUDDHA "Sois à toi-même ta propre lumière!" jusqu'à John DEWEY "apprendre à apprendre", un moyen mais pour quelle finalité ? Sinon celle d'ériger la cathédrale de l'humanité ?

Jeune, j'ai eu comme idole un agriculteur de la liste "retour à Liège" dont le symbole personnel était "l'argent". Il a été récupéré par le parti dominant de Wallonie (un parti qui dérape en récupérant tous les contre-pouvoirs y compris syndicaux). Il a fait une brillante carrière politique comme David s'opposant au Goliath flamand tout en faisant fortune avec un salaire plantureux et surtout des cumuls de mandats en pagaille. Lors de sa "retraite" (son éviction ?), il a exigé - légalement - de notre petite région en crise depuis 2008 un parachute doré de plus de 500.000 euros (20 millions de francs belges comme prime principale plus d'autres avantages); après le soutien surréaliste du fédéral aux banques, cela fait coûteux pour les contribuables et les pensionnés. Cette soif de l'or, c'est pour quelle finalité au fond ? Lui mettra-t-on ses billets avec lui dans son cercueil avec un petit mot du genre "Après la Californie, l'extrème-droite a progressé et plus de travailleurs encore ont été désabusés"

Lorsque les philosophes nous invitent à nous perfectionner, c'est pour moi de la compréhension des ressorts de notre propre entité qu'il s'agit, à savoir réconcilier la raison et les émotions, lutter contre les religions aliénantes (les autres sont encore à inventer) tout en développant notre spiritualité immanente et, à partir de cette paix intérieure, se soucier des enfants et des pauvres, bref de l'humanité en souffrance tout particulièrement au tiers-monde pour un devoir éducationnel vis-à-vis des enfants qui survivront aux famines. Voilà ce qui nous rassemble : la liberté de pensée dans la dignité de tous, l'égalité de l'interdépendance (ce que l'un gagne en excès, l'autre le perd en mourant de faim) et la fraternité/solidarité d'une seule et unique humanité. Mes frères, vivons debout selon notre axe en disant le non-dit.

Tout est souffrance, dit le BOUDDHA, l'impermanence (savoir que nous allons mourir), le caractère complexe et antagoniste intra-sujet entre le plaisir et la responsabilité, la vacuité (de notre personnalité inventée, nous ne sommes que des agrégats) et enfin avec le vide de l'impuissance à être soi puisque nous évoluons constamment par delà bien et mal. Vouloir vivre n'est pas la même chose que le fonctionnement à la croyance de vouloir être soi.

Le renoncement à nous affirmer à tout prix contre l'ordre du monde et aux dépens d'autrui serait un énorme soulagement. "Lorsque tu as traversé la rivière, pourquoi porter ta barque sur ton dos ?" Le BOUDDHA nous invite ainsi à lâcher-prise et à ne plus nous tracasser de l'efficacité ou non de nos actions. Vivons l'instant en pleine conscience dans l'ici et maintenant.


Jean-Marie LANGE, 29.09.2009

[1] "DAWKINS Richard, Pour en finir avec Dieu, Paris, Tempus, 2009, p. 214.

[2] FREUD S., L'homme Moïse et la religion monothéiste, trois essais, Paris, Gallimard, 1989.
FREUD S., Totem et tabou, Paris, pbp, 1989.
FREUD S., Malaise dans la civilisation, Paris, PUF, 1989.
FREUD S., L'avenir d'une illusion, Paris, PUF, 1991.

[3] BERGSON Henri, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, PUF, 1932, 2008 : " L'ensemble des citoyens, c'est-à-dire le peuple, est souverain. Telle est la démocratie théorique. Elle proclame la liberté, réclame l'égalité et réconcilie ces deux sœurs ennemies en leur rappelant qu'elles sont sœurs, en mettant au-dessus de tout la fraternité.(…) Comment demander une définition de la liberté et de l'égalité, alors que l'avenir doit rester ouvert à tous les progrès, notamment à la création de conditions nouvelles où deviendront possibles des formes de liberté et d'égalité aujourd'hui irréalisables, peut-être inconcevables ? On ne peut que tracer des cadres, ils se rempliront de mieux en mieux si la fraternité y pourvoit.(…) Chacune des phrases de la Déclaration des droits de l'homme est un défi jeté à un abus. Il s'agissait d'en finir avec des souffrances intolérables."(p. 300-301).

[4] FOUCAULT M. Surveiller et punir, Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1976.

[5] LENOIR Fréderic, Le Christ philosophe, Paris, Plon, 2007.

[6] Au VII° siècle, les conquêtes musulmanes, réduisent l'empire byzantin, dont Rome dépend depuis un siècle. Jérusalem et Antioche tombent en 638, puis Alexandrie (642), Carthage (698), les "Arabes" avancent en Espagne jusqu'à Tolède (711) et seront arrêtés à Poitiers en 732 par Charles MARTEL, son fils PEPIN le bref viendra défendre Rome et le fils de PEPIN, CHARLEMAGNE sera intronisé en 800 à Rome. En 853, c'est la contre-offensive avec le Pape Léon IV qui lance la première croisade contre l'envahisseur musulman et les croisés massacreront au passage les communautés juives. Jérusalem est repris le 15 juillet 1099. Huit croisades seront organisées entre 1095 et 1270, une avant-première des colonisations.

[7] Le 08.02.1232, le Pape Grégoire IX crée l'Inquisition puis son successeur en 1244, le Pape Innocent IV crée la torture légale de l'Inquisition pour extirper l'aveu envers les déviants : cathares, vaudois, franciscains, béguines et enfin aux sorcières. De 1483 à 1498, le dominicain espagnol Tomas de TORQUEMADA instruira plus de 100.000 meurtres prémédités et légalisés par procès. La fureur sauvage du christianisme, après l'Inquisition, sévira en génocides contres les indiens d'Amérique (1492) puis par l'instauration à l'échelon mondial de l'esclavage du peuple noir (la controverse de VALLADOLID en 1550)

[8] A l'époque de Jésus de Nazareth, les juifs adorateurs de JAHVE et suiveurs de la TORAH sont divisés en quatre castes : les SADDUCEENS notables et prêtres érudits qui professent qu'il n'y a ni ange, ni esprit, ni résurrection. Les PHARISIENS majoritaires qui professent l'exact contraire et sont obsédés par la pureté (pas de contact avec les païens). Les ESSENIENS sont des ascètes contemplatifs vivant en communauté dans le désert et qui rejettent l'autorité du Temple de DAVID et les diverses fêtes. Et les ZELOTES, des révoltés qui prônent au nom de Dieu la violence armée (l'équivalent des fanatiques islamistes aujourd'hui).

[9] Marie eut Jésus comme premier-né par l'intercession du Saint Esprit, puis de père inconnu 4 autres fils et 2 filles. Comme dans les généalogies de l'Ancien Testament, les noms des sœurs de Jésus restent inconnus (êtres inférieurs par les menstrues) et ses frères seront nommés Jacques, Joseph/Jodet, Jude et Simon.

[10] NIETZSCHE Friedrich., L'Antéchrist suivi de Ecce Homo, Paris, Folio, 2008 : " Je ne vois pas contre quoi pouvait être dirigé le soulèvement dont Jésus est tenu, à raison ou à tort, pour l'instigateur, si ce n'était un
soulèvement contre l'Eglise juive, Eglise étant pris dans le sens où nous comprenons aujourd'hui ce mot. C'était un soulèvement contre la hiérarchie de la société – non contre sa corruption, mais contre la caste, le privilège, l'ordre, la formule, c'était l'incroyance en ces "hommes supérieurs", le "non" proclamé contre tout ce qui est prêtre et théologien."(p.40).

[11] NIETZSCHE F., ibid., "Le bouddhisme est la seule religion positiviste que nous montre l'Histoire et même dans sa théorie de la connaissance, le bouddhisme ne dit plus - "guerre au péché", mais, rendant à la réalité ce qui lui est dû :" guerre à la souffrance". Il a déjà laissé derrière lui – et c'est ce qui le différencie radicalement du christianisme – l'automystification des conceptions morales; il se trouve, pour employer mon langage, outre bien et mal. Les deux faits physiologiques sur lesquels il repose et qu'il ne perd jamais de vue sont : premièrement une hyperexcitabilité de la sensibilité, qui se traduit par une aptitude raffinée à la souffrance, puis un caractère hypercérébral, une trop longue existence parmi les abstractions et les opérations logiques, au cours de laquelle l'instinct personnel a été désavantagé au profit de l'"impersonnel". En raison de ces conditions physiologiques, une dépression s'est créée : c'est contre elle que le BOUDDHA prend des mesures d'hygiène."(p.30-31)




[12] HULIN Michel, La mystique sauvage, Paris, PUF, 1993 : "La conscience morale n'a pas de pouvoir sur la dimension de la souffrance qui est coextensive aux rapports humains : en transcendant l'opposition Moi-autrui et dans l'exacte mesure où elle y parvient, elle supprime ou du moins allège les diverses souffrances psychiques liées à l'égoïsme, à la volonté de puissance, à l'incompréhension mutuelle des hommes. Elle est, en revanche, sans effet sur ce noyau dur de la souffrance qui tient à l'incarnation et à la temporalité. Tendue comme elle est vers l'idéal d'une vie heureuse pour tous, la conscience morale reste désarmée face aux accidents, à la perte d'un être cher, à toutes ces formes d'un processus de radicale dépossession de soi qui culmine dans la mort. Elle est donc acculée à reconnaître qu'en un sens c'est toujours le mal qui a le dernier mot. C'est pourquoi l'existence même du mal constitue pour elle un problème insoluble, ou plutôt un mystère devant lequel elle est tentée de "se réfugier dans la volonté de Dieu, cet asile de l'ignorance"(Spinoza)."(p.234).

mercredi 23 septembre 2009

Psychologie relationnelle sexuée
Pourquoi les femmes sont-elles si souvent qualifiées "d'hystériques" par les hommes ?

"Chaque fois qu'apparaissent, avec une telle facilité, au cours d'une hystérie, des hallucinations de douleurs, il faut en induire l'existence d'une irritabilité anormale de l'appareil qui enregistre les douleurs. Cette hypersensibilité ne se manifeste pas seulement sous l'effet de représentations, mais aussi par suite d'excitations périphériques.(…)C'est ainsi, à mon avis, que l'ovarialgie dépend de l'état de l'appareil génital et il reste à démontrer qu'elle a bien une origine psychique, mais le fait que l'on arrive à provoquer sous hypnose une hallucination de cette douleur comme de toute autre ne suffit pas à démontrer qu'elle est psychiquement déterminée"[1]

Mes quelques réflexions superficielles sont basées sur l'observation psychosociale des interactions entre genres et non sur les hypothèses ratées de la clinique du Dr Breuer et de FREUD en 1895.

Les hommes, dit-on, sont plus rationnels et logiques que les femmes. En effet, je pense que les hommes ont culturellement développé davantage leur hémisphère gauche cérébral plus cartésien et se sont insensiblement éloignés de leur nature humaine en se distanciant de l'hémisphère droit intuitif et émotionnel en lien avec le corps. L'idéaltype des hommes serait "l'ingénieur" et celui des femmes "la psychologue".

Les femmes raisonnent aussi bien que les hommes mais refoulent moins facilement et lorsqu'une suite d'évènements heurte leurs émotions, elles vont l'exprimer aussitôt par les pleurs ou par le corps en général , une "crise de nerf", disait-on auparavant. Tandis que les hommes sont conditionnés "à ne pas pleurer", soit des handicapés affectifs, en général.

En lien avec les émotions et l'imaginaire créatif, les femmes sont en plus grande proportion que les hommes parfois animées du sentiment religieux et plus assidues dans la fréquentation des lieux de culte. Le paradoxe est que les prêtres mâles supportent mal "les grenouilles de bénitiers" car ils savent instinctivement que, derrière leurs attitudes pieuses, elles sont en lien naturel avec les déesses-mères de la nature et de la terre, avec les sorcières dont la première fut Eve-Lilith.

L'homme pour vivre, au-delà de l'angoisse, a peut-être davantage besoin de construire quelque chose d'extérieur à lui, avant de découvrir qu'il devrait plutôt se construire. Les femmes ne se posent pas la question, elles sont dans l'action et l'affectivité, d'abord dans celle de l'autre du couple, ensuite des enfants issus de leur chair. Lorsqu'un couple divorce, je trouve malsain ce que l'on appelle la "garde partagée" car le lien mère-enfant (sauf rares exceptions) est plus fort et devrait être respecté par les juges hommes (en général). Au Néolithique, les femmes - pour élever leur enfant avec plus de sécurité - ont fixé les hommes dans le couple peut-être pour sa force physique plutôt que pour ses attraits. Regardons aujourd'hui l'étrange séduction des hommes d'affaires, des politiciens connus ou des chanteurs un peu décatis, soit des gens de pouvoir, de force. Le Reality show KOH-LANTA (TF1) nous le démontre car basé injustement sur des épreuves physiques en condition de jungle : on constate alors que les hommes sont plus performants avec leur masse musculaire et ont tendance, pour l'emporter sur l'équipe adverse, à éliminer les femmes car le tabou de la non-sexualité les rend de facto non intéressantes dans une finalité de compétition.

Notons également une autre version qui donne aux hommes via l'Eglise catholique cette injonction de former des couples permanents pour garantir aux hommes leur paternité. Le mariage est un contrat de propriété qui clôt celle-ci (la femme, comme une pâture délimitée) pour y indiquer le propriétaire fécondant. Jusque dans les années 1970, notons qu'une femme mariée devait avoir l'autorisation de son époux pour acquérir des biens immeubles, alors que la situation était égalitaire entre un jeune homme et une jeune femme célibataire.

Epinglons enfin que les pires adversaires des femmes ne sont pas les prêtres mais les femmes elles-mêmes. Lorsque dans un village du Moyen-âge, une jeune veuve ou une jeune femme émancipée et sans compagnon excitait – parfois sans s'en rendre compte – les mâles captifs (d'une monogamie religieuse), elles étaient calomniées puis classées comme sorcières et ensuite noyées ou brûlées pour faire disparaître la crise de groupe des autres femmes.

Ensuite, elles furent possédées par des démons lubriques et enfin classifiées comme hystériques avec une nosographie tellement aléatoire (d'un savant à l'autre) qu'au jour d'aujourd'hui (sauf aux Etats –Unis), cette pseudo-maladie psychique de l'hystérie n'est plus recensée comme telle. On peut plutôt parler aujourd'hui de sensibilité plus fine et/ou de dépression par rapport aux divers stress de la vie active.

Selon le psychologue Pierre JANET, si certains hommes avec 8 heures de travail par jour sont dépressifs et évoluent vers le burn-out, il faut remarquer que de nombreuses femmes qui travaillent à l'extérieur, ont en outre deux autres jobs domestiques : les enfants et la gestion de la maison. Bien sûr, les hommes devraient les aider plus mais depuis plus de 2000 ans, la barre des valeurs en ces domaines est placée de façon différente dans les cerveaux, selon les genres.

Le dimorphisme sexué
Des boutades à la limite de l'insulte classifient la femme comme inférieure, du genre : "toutes des hystériques !", ou encore "c'est une blonde !". C'est un scandale culturel qui dans le tiers-monde est parfois pris au premier degré. Par exemple, dans le film turc YOL un jeune mari doit tuer sa femme convaincue d'adultère : elle est à genoux avec un pain sur la tête et il lui défonce le crâne à coup de masse. Notons en passant que les musulmans sont particulièrement agressifs vis-à-vis de leurs femmes alors que rien dans le Coran ne préconise de tels comportements barbares.


Quels que soient le genre sexuel et les influences hormonales et éducatives, nous sommes tous des êtres humains égaux d'une seule race indépendamment du sexe. Mis à part donc le tonus musculaire et le conditionnement culturel, il n'y a aucune différence, chaque homme ou femme ayant le même équipement cérébral d'un cerveau gauche et d'un cerveau droit.

Les filles apprennent mieux à l'école, moins perturbées, semble-t-il, par l'exclusivité de la testostérone pour les garçons, mais ceux-ci par contre sont plus hardis et plus prisés sur le marché de l'emploi (moins enceints bien sûr, moins malades ? plus décisifs ?) Aucune étude sérieuse n'a encore été faite à notre connaissance sur le dimorphisme sexuel au travail mais nous ne pouvons pas nier ce racisme feutré, le plus important de tous et qui n'enlève rien à l'imbécilité du racisme ordinaire, par exemple pour une jeune femme au teint mat et stigmatisée par un foulard (ou une burka) venant des traditions de son ethnie et cherchant un emploi dans la fonction publique.

Après avoir posé que les différences de nature par genre sont imaginaires, nous pouvons noter toutefois que l'un ou l'autre d'un couple n'a pas nécessairement développé toutes ses potentialités intellectuelles , ce qui n'a rien à voir avec l'instruction ou les diplômes (la cause pouvant être de la paresse ou un handicap mental) et dans ce cas, on peut parler de polarité électrique non repoussante. En électricité, les pôles positif et négatif s'attirent; donc, pour comprendre l'histoire récente, jusque dans les années 1950 au moins, une belle femme sotte et sans culture pouvait servir de potiche ornementale à un mâle n'ayant pour lui aucun génie mental mais de l'argent, la belle et jeune blonde étant alors un signe ostentatoire de richesse. Notons qu'il n'y a ici aucun ostracisme, il y a des gens géniaux, moyens ou bêtes dans n'importe quel genre et une femme d'affaires un peu défraîchie par le poids des ans peut trouvé sur une plage idoine un bel éphèbe jeune et musclé mais avec un petit pois dans le cerveau.


La séduction sexuelle et la durée des couples

"Quand nous comparons les statistiques, l'HOMO SAPIENS tombe dans la catégorie d'une "espèce légèrement polygyne". Parmi nos parents hominidés fortement polygynes, les gorilles, les chimpanzés et les orangs-outangs, les mâles ont tendance à être au minimum de 25% plus grands que les femelles. En dépit des découvertes sur le dimorphisme entre les sexes, la vieille idée qui veut que les humains primitifs aient été monogames a toujours ses défenseurs. Mais il faut aujourd'hui une bonne dose d'anthropocentrisme et une série d'arguments plus ou moins spécieux."[2]


Au niveau séduction, on dirait que l'attrait dominant pour les hommes, c'est la beauté physique de la compagne et que pour les femmes, en caricaturisant, c'est le pouvoir, la notoriété de l'homme qui fait sa séduction en général (d'où peut-être les différences d'âge).

En psychologie systémique, on parle de la position haute d'un macho et de la position basse d'une femme, ce qui n'a rien à voir avec la dominance de pouvoir usuel, y compris dans la polygamie africaine. En effet, ce sont les femmes (si elles sont libres) qui choisissent leur homme et ce sont elles aussi (pour celles qui savent raisonner et peuvent décider) qui les quittent par désamour, même si la croyance populaire, parle encore comme au XIX siècle de femmes abandonnées.

En Occident, aujourd'hui en tout cas, les femmes travaillent et sont autonomes et indépendantes et donc libres de choisir de rester ou non avec un compagnon qui, au fil des ans, a changé et perdu et ses cheveux et son charme.

Les femmes décident souvent des orientations du couple mais avec modestie; pourtant, le fait pour elles, d'être sexuellement pénétrées, ne confère-t-il pas une dominance du mâle ? m'a-t-on demandé, lors d'une conférence. Bien sûr, le mâle semble avoir une poussée plus forte pour disséminer son ADN avec son sperme pour la permanence de l'espèce et sous les exigences de ses hormones. Toutefois pour Wilhelm REICH[3], la fonction de l'orgasme est importante en dehors du temps. L'espace de quelques secondes, l'homme et la femme sont réunis et ressoudés dans l'œuf primordial de l'UN mythique (JANUS). Mais après que se passe-t-il ?

J'ai écrit en 2002[4] l'analyse d'une "petite annonce" à Bamako Mali) : "jeune fille, 22ans, parlant français, cherche un blanc en vue mariage" Et un vieil occidental de 35 ans plus vieux va venir frotter son bide sur le ventre de cette jeunesse alors qu'ils n'auront aucun avenir commun possible. Dès l'émoi sexuel émoussé (6 mois), les goûts culturels et les préoccupations vont les séparer. Elle va sortir en boîte pour s'éclater avec la DISCO et lui va écouter HAYDN avec un pur malt. Il va l'inviter au restaurant et sa non culture gastronomique l'empêchera elle, cette fois, de goûter à ces plaisirs de la table et du vin, juste l'ambiance de luxe et une sucrerie (Fanta, Coca,…) avec un ris de veau dans son assiette, par exemple. Donc à terme, par la différence d'âge et de culture, c'est une relation condamnée à l'ennui et qui ne pourra survivre à l'usure du temps.




L'amitié et la passion

Le chakra de la femme est l'eau du vagin et de l'utérus; par contre, dans le désir sexuel de l'homme envers une femme, il y a le feu du cœur, des tripes, le brûlot de la passion, un feu de fièvre inconsidéré, brûlant le sujet qui a par moment des retours à l'état normal avant de replonger.

Dans l'amitié, il y a une chaleur générale et universelle, égale et tempérée, une chaleur de douceur et de délicatesse qui n'a rien d'âpre et de piquant. L'inverse de l'amour éros avec le désir forcené de courir après ce qui nous fuit, la proie, c'est lorsqu'il se transforme en philia[5] et entre dans les limites de l'amitié, à savoir dans la maîtrise des désirs bien tempérés, il disparaît sous sa forme brûlante et s'alanguit. La jouissance est le bénéfice à court terme du coït; l'amitié, elle, développe une affection à long terme, l'amitié affine l'âme dans la relation spirituelle.

En 1580, Montaigne nous dit : "J'ai peur que nous n'ayons les yeux plus grands que le ventre, et plus de curiosité que de capacité. Nous embrassons tout, mais nous n'étreignons que du vent."[6]. Les amitiés peuvent exister entre hommes, dit-il (et sans nécessairement appétence sexuelle) mais, pour lui au XVI°, les femmes ne sont pas de nature à répondre à ce genre d'intimité : elles ne sont pas assez discrètes et leur âme ne semble pas assez ferme pour supporter un nœud aussi serré et aussi durable, elles cancanent. Lorsque les femmes seront libres et volontaires comme les hommes, que les corps auront leur part d'union, que l'homme sera tout entier lui aussi engagé dans sa famille, on pourra assimiler l'affection de l'amitié au désir avec les femmes. Une amitié plus pleine et plus complète où les genres différents pourraient se rencontrer, rire ensemble, manger et copuler ensemble sans pour autant croire avoir des droits sur l'autre après une jouissance ponctuelle.

Pourquoi séparer et classer dans des petites boîtes aseptisées Eros, Philea et Agapè alors que l'essentiel de notre vie relationnelle tourne autour de l'amour de l'humanité, de l'ami et/ou de l'amante. Ma compagne est ma meilleure amie, nous pouvons discuter sans tabou tout sujet qui nous plairait, nous amuser dans un bon restaurant et jouer à deux de nos corps. La seule chose est de se protéger du brûlant désir qui a besoin de susciter beaucoup de délicatesse pour ne pas blesser, froisser l'autre. Entre le désir de jouir et de jouer, il y a aussi celui de dominer, d'être le chef, de faire souffrir comme si l'autre n'était pas un être dans son altérité mais un/une esclave. J'ai souvent vu chez des couples mixtes (blanc et noir) la courtoisie éducative de l'homme blanc être prise pour de la faiblesse et la femme combler ainsi ce qu'elle pense être l'espace pour dominer et "porter la culotte".

Il est essentiel de penser toute notre vie que nos amies ou amis ne sont pas nos choses et que nous devons les écouter avec grande attention et ne jamais formuler de jugement de valeur à leur encontre. La méchanceté ordinaire dans les médisances des femmes peut se retrouver dans les couples, c'est pourquoi peut-être aussi les hommes vieillissant préfèrent se retrouver entre eux. Nous avons tous vu de ces vieux couples aigris par l'âge qui passe où l'homme est résigné alors que, tous les deux pas, la femme lui fait des remarques désobligeantes sans jamais se remettre en question elle. Ce ne sont pas des amis, ce ne sont plus des amis mais des gens qui vivent ensemble par habitude et parce qu'ils ont peur de l'inconnu d'une séparation, d'un autre type de vie. Je suis très pessimiste parce que je fais l'hypothèse que ce genre de zombies constitue la majorité de l'humanité vieillissante. Un couple sur deux se sépare et cela ne veut pas dire que celui qui survit le fait par choix mais soit par lâcheté (l'inconnu du lendemain) soit par cupidité (pour ne pas partager les biens). L'amour se change alors en haine, qui n'est que son image inversée, l'homme se tait/se terre et la femme critique constamment celui qu'elle avait cru être son prince charmant. Dans cette perspective, les hommes deviennent misogynes et les femmes cancanières et vicieuses dans des jugements de valeur dévalorisant inlassablement l'autre (ce qui pourrait expliquer en partie les crimes passionnels réactifs des hommes plus frustres et ne trouvant pas les mots pour se défendre , juste le passage à l'acte).

Le paradoxe des observations réalisées en formation en histoires de vie sur les couples est que si, à l'âge mûr, les femmes critiquent beaucoup leurs compagnons (alors qu'il n'y aura jamais de prince charmant !), par contre, au stade de la vieillesse, elles (toujours plus authentiques dans l'instant) rêvent de reformer un couple tandis que les hommes seuls soit par lassitude, soi par peur des complications ("les garces!") sont beaucoup moins en quête (il est vrai aussi que leur taux de libido est tombé).

On pourrait peut-être, si l'on était plus attentif au relationnel qu'à l'économique, retrouver l'Eden par la complémentarité des contraires sans tomber dans la guimauve en occultant les conflits qui font notre humanitude?


La complémentarité des contraires

JUNG parle de l'ANIMA comme d'une fiction de l'inconscient de la femme idéale que les hommes cherchent dans toutes les femmes qu'ils rencontrent et de l'ANIMUS comme principe mâle de tous les hommes que les femmes voudraient trouver en leur seul compagnon. Notons que si JUNG était bien un savant laïque, les normes de son époque auraient pu biaiser son jugement un peu carré; cependant, sa fine connaissance des Védas indiens et du Tao chinois, nous permet de faire l'hypothèse que sa théorie psycho-philosophique est construite sur la sagesse millénaire de la dialectique des contraires : le YANG mâle et le YIN femelle.

La voie (le TAO) nous dit que le YANG est le soleil et l'air (fort, lumineux, sec, dynamique/actif, chaud, blanc comme le sperme,…) et que le YIN symbolise la lune et la terre (froide, humide, passive, rouge comme les menstrues,…). Ces qualités ne sont pas les genres et sont complémentaires, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent atteindre leur rayonnement que sous l'influence du signe contraire.


La semence a besoin d'une terre humide, fraîche, riche en éléments minéraux et en oxygène mais ne pourra pousser que sous la chaleur du soleil et se développer que sous le phototropisme de la lumière pour faire sa photosynthèse. Cette interdépendance constitue une sagesse très ancienne, d'un temps mythique où l'UN ne s'était pas scindé en deux jumeaux de sexe différent.. Notons pour le fun que le rôle de l'exploratrice découvreuse, chez les Dogon comme dans notre chrétienté est toujours féminin; chez nous, elle fut au départ bien plus démoniaque qu'Eve car Lilith était une partenaire plus autonome.

Imaginons un couple qui ne renonce pas à l'énergie de la sexualité mais où l'un et l'autre renoncent au pouvoir de domination qu'il pourrait exercer sur l'autre, que ce couple, au-delà de la jouissance flashée intemporelle, discute, échange et s'apprécie sans pour autant glisser dans un fusionnel insipide et en conservant un conflit bien tempéré pour se maintenir autonome, ce serait alors ce "je ne sais quoi" (Jankélévitch) que l'on pourrait considérer comme le plus proche du bonheur, se soucier de l'autre sans se dénier soi. Pour prendre un exemple dans une futilité montée en épingle dans nos sociétés de propriétés privées : si ma compagne a une aventure sexuelle et si j'ai une réelle affection pour elle, je ne peux que me réjouir de son plaisir des sens puisque que l'autre ne doit pas devenir notre propriété au nom de l'amour-propre.

La survalorisation du sexe (qui est en soi vide s'il n'y a pas de complicité, "tirer-un-coup" alors qu'il y a la masturbation ?) a poussé les hommes vers la mesquinerie, la petitesse et les vengeances passionnelles d'un amour-propre déstabilisé (crimes et vitriol). J'évoque les hommes parce que, avec leur hormone d'agressivité (testostérone), ils sont plus violents (mais pas plus ni moins méchants que les femmes) et donc dangereux pour l'intégrité physique de l'autre (les statistiques de fortes violences intersexuées sont surtout dans les couples mariés).

Rêvons avec le poète BREL (dans son chant Zangara), que les hommes développeront de plus en plus leur cerveau droit YIN et leur sensibilité épidermique et créative au point d'être qualifiés d'hystériques et que les femmes développeront de plus en plus leur cerveau gauche YANG avec une compétence technique digne des machos et qu'ainsi l'un et l'autre se rapprochent en conservant leur spécificité (y compris vestimentaires)

Chez mes amis africains polygames, il y a les relations sexuelles et le besoin philosophique d'avoir une grande descendance; en outre, les sociétés d'hommes et de femmes sont séparées. Nous Occidentaux (malgré les sanglots de l'homme blanc vis-à-vis de sa violence coloniale passée [7]), nous avons une carte en plus avec la communication: savoir parler de nos sentiments et de nos frustrations à l'autre du couple (plutôt que s'épancher auprès de la copine ou du copain). C'est cette voie du mental qu'il nous faut accoupler à la gymnastique des corps pour freiner la pulsion de mort et de domination. Refusons tout ce qui va à l'encontre de la pulsion de vie (le travail, les politiciens, le néolibéralisme, l'exploitation du tiers-monde, les guerres et autres dominations) pour vivre à deux ou à plusieurs l'instant qui passe très vite. Nous sommes pareils à des insectes éphémères, juste l'étincelle d'une seule vie avant de redevenir des poussières d'étoile dans le cosmos. Il n'y a pas de salut, juste la philia.
Jean-Marie LANGE, 21.09.2009

[1] FREUD Sigmund & BREUER Joseph, Etudes sur l'hystérie, Paris, PUF, 2000, p.150.

[2] BLAFFER HRDY Sarah, La femme qui n'évoluait jamais, Paris, pbp, 2001, p. 272.

[3] REICH W., La fonction de l'orgasme, Paris, pbp, 1972.

[4] LANGE J.M., Introduction à la psychosociologie, Liège, Ed. du CEFAL, 2002.

[5] "La PHILIA est un amour inné et universel pour son semblable, un amour qui permet de vivre en convivialité avec autrui, de vouloir son bien sans rien attendre en retour. De telles facultés sont celles qui font des hommes des êtres altruistes par essence, faits pour vivre en communauté, en société. L'amour et la sociabilité ont donc, en nous, la même origine. L'énergie affective, qui anime tout lien productif avec son semblable, est celle qui valorise en l'autre ce qu'il a de bon, qui choisit l'entraide, les relations mutuelles, la réciprocité, la complémentarité des efforts, au détriment des rapports de forces et de la tristement célèbre "lutte pour la vie" que l'on croyait, à la faveur des théories darwiniennes, inévitables."CANAULT Nina, Lorsque le désir de vivre vient au fœtus, Paris, Desclée de Brouwers, 2001, p.166.
[6] MONTAIGNE Michel de, Paris, Gallimard, 2009, p. 252.

[7] BRUCKNER P., Le sanglot de l'homme blanc. Tiers-monde, culpabilité et haine de soi, Paris, Points, 2002.

mardi 22 septembre 2009

mercredi 16 septembre 2009

Les Etats Modifiés de Conscience (EMC)

GROUPE D’AUTOFORMATION PSYCHOSOCIALE
Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE: gap.belgique@skynet.be ;
Groupe d'Autoformation Psychosociale : Formations des adultes et actions humanitaires.
L'association de formation des cadres GAP est une asbl spécialisée en management associatif et en prévention des conflits de groupe. Elle se veut résolument sans but lucratif; aussi, lorsqu'elle dégage un quelconque bénéfice, elle conçoit le projet d'une aide humanitaire technique et ciblée au Tiers Monde. Hier, il s'agissait de formations d'animateurs ruraux et d'animateurs de gestion au Mali. Aujourd'hui, c'est l'aide à des associations locales à MAKAMBA au sud Burundi. Demain ce sera le soutien à des écoles fondamentales au pays DOGON (Mali). Notre association n'est pas subsidiée par la coopération au développement de Belgique. Le GAP est un opérateur de terrain qui se réclame de l'application des droits de l'homme et ne se réfère à aucune confession et à aucun parti politique.
Site http://soutien.et.autonomie.free.fr Blog : http://gap-belgique.blogspot.com;


CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle -
SOMMAIRE des précédents articles de cette revue bimensuelle de réflexions pédagogiques du GAP

N°1 – Janv-Fév. 2006 : Qu'est ce que le GAP ?
N°2 – Mars-Avril 06: Le cahier des offres de formation du GAP.
N°3 - Mai-Juin 06 : La colère des enseignants (gestion des conflits – opus 1)
N°4 – Juill.-août 06 : La pensée rationnelle (gestion des conflits – opus 2)
N°5 – Sept.-Oct.06 : Totem et tabou
N°6 – Nov. Déc. 06 : Jalousie et fonctionnement à la croyance (Médiation couple – opus 1)
N°7 – Janv.Fév. 07 : L'Avant-projet pédagogique BURUNDI
N°8 – Mars-Avril 07 : La Dynamique des Groupes, l'organisation sociale et l'homme de la singularité.
N°9 – Mai-Juin 07 : Histoire de vie en groupe et aide sociale (Proposition au Congrès international des professionnels francophones de l'intervention). Pédagogie du projet.
N°10 – Juillet-Août 07 : Rapport d'activité "Enfants de Kayoba" première phase "Voyage d'études et de faisabilité 2007"
N°11 – Sept.Oct.07 : Le chaman et le formateur
N°12 – Nov.Dec. 07 – L'identité personnelle, une insertion sociale ?
N°13 – Janv.Fév.08 – La genèse des alchimistes pour l'éducation à une spiritualité laïque
N°14 – Mars-avril 08 - Le travail des intervenants sociaux (1) : Pour une insertion sociale et multiculturelle citoyenne.
N°15 – Mai-Juin 08 – Le travail des intervenants sociaux (2) : Emploi, travail et méthodes d'intervention.
N°16 – Juillet-Août 08 – Le travail des intervenants sociaux (3) : Fantasme de toute puissance, démocratie ou génocide.
N°17 – Sept. Oct. 08 : La souffrance du désir et le détachement
N°18 – Nov. Déc.08 : Le stress et les consciences
N°19 – Janv-Fev 09 : Le triangle rouge de la lutte contre tous les racismes
N°20 – Mars-Avril 09 : La psychologie des émotions.
N°21- Mai-juin 09 : La raison sensible (combattre les fidèles au nom des infidèles).
N°22 – Juill-Août 09 : Le néant et l'être affamé
N°23 – Sept-Oct 09 : Multiculturalisme et autoformation
N°24 – Nov.-Dec.09 : Les Etats Modifiés de Conscience (extase, possession, hypnose et zen)


CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle N°24
Les Etats Modifiés de Conscience (ECM) : extase mystique, possession, hypnose et zen


Les Etats Modifiés de Conscience (EMC) et l'hypnose – 1ère partie - 2001
L'esprit et le non-conscient
"Jung disait que le soi est une entité profonde que l'ego ne connaît pas vraiment. Mais, de même, le soi ne connaît pas l'ego." (Edgar MORIN [i]) De nombreuses philosophies de l'Orient comme de l'Occident se recoupent dans une culture de la sagesse qui n'exclut pas les contraires comme des antagonistes irréductibles mais les unit pour les dépasser. Il y a plusieurs niveaux de conscience et de non-conscience en nous, c'est ce que nous enseignent le Tao et le zen, ,...mais aussi la phénoménologie, la gestalt, la psychologie systémique (de Morin, de Prigogine,...), les psychologies de Freud, de Jung, etc. et la psychologie de Janet que synthétise l'Ecole de Palo Alto avec Paul Watzlawick.
Malgré ce que nous apprennent les travaux de psychologie sociale (Stanley Milgram tout particulièrement), l'hypnose telle que l'on se la représente (celle de foire) n'existe pas vraiment dans sa dimension de pouvoir absolu : jamais un homme ne pourra commander à un autre - même en état second - des actes que sa conscience réprouve.
L'injonction "dormez ! je le veux !" devrait être complétée par la réponse: "si je le veux bien !". L'hypnose est en fait une relation de confiance entre humains où un formateur (ou un thérapeute) va induire de nouvelles hypothèses pour recadrer nos visions toujours subjectives du réel. Cette pratique peut se réaliser aussi bien par les échanges verbaux et conscients d'un groupe en recherche de développement personnel (par les histoires de vie notamment) que lors d'un entretien avec une relaxation préalable pour créer un climat de confiance et d'acceptation de l'influence (soit une "manipulation" psychique acceptée par l'influencé). Que ce soit dans le cadre d'une formation en groupe ou dans la forme individuelle, il ne s'agit plus d'intellectualiser un scénario répétitif avec complaisance mais de s'adresser à cette partie de nous enfouie quelque part et partout (le corps) et trop souvent étouffée par les raisonnements abstraits. Il s'agit d'accompagner des sujets en métacommunication avec l'authenticité primordiale des personnes.
Que sont les pensées sinon des manifestations de l'esprit. Qu'est-ce que l'esprit sinon la combinaison des deux hémisphères cérébraux (le gauche "centre" de la Raison et le droit "périphérie" de l'intuition) qui sont des parties du corps.
Est-ce qu'une partie d'une classe peut percevoir la vision globale de l'ensemble à laquelle elle appartient ? La réponse des cognitivistes est non. L'esprit et l'intellect sont des morceaux d'une entité complexe appelée corps. Les cellules de nos corps ont aussi des mémoires, il y a une intelligence du corps.
Outre l'intellectualisation rationnelle, il y a donc une intelligence intuitive en phase avec l'intelligence du corps qui perçoit et se situe dans un environnement, la collaboration du corps et du cerveau droit vise le bien-être de l'entité. Lorsque nous sommes mal dans notre peau de façon diffuse sans cause apparente "intellectuelle", c'est notre corps qui crie. Par exemple, la dépendance vis-à-vis d'une drogue quelconque à laquelle le corps s'est habitué ne peut se sevrer sans une bonne raison autre que la Raison.
L'inconscient est une image, un schéma conceptuel pour appréhender les couches profondes de notre psyché : en-dessous du refoulé (de Freud), il y a la lumière de l'inconscient collectif (de Jung), engrammé dans notre structure de mammifère. Certains bouddhistes prétendent l'atteindre et l'appellent l'éveil, l'illumination ou satori.
Nous sommes déconnectés de notre "être intérieur", nous avons trop souvent une attitude d'auto-apitoyement, nous pleurons sur nous-mêmes ce qui fait que nous nions également notre force intérieure. Nous avons un pouvoir plus grand que l'illusion et les lamentations de notre petit ego. Notre masque social pour la galerie occulte notre être essentiel, notre lien avec la terre, qui est plus que la "psyché" ou "l'âme". Notre personnalité, ce que nous croyons être, est une représentation sociale que nous jouons pour les autres, nous portons un masque que Jung appelle "persona".
"L'esprit est organisation de la pensée et énergie de la volonté; l'âme est intuitive, elle ressent et pressent; elle est sensibilité, douleur souvent. L'âme est ce qui souffre de douleur morale. L'âme est aussi ce qui s'exalte au-delà de la joie, rayonne dans le bonheur, et peut connaître l'extase. L'anima est le complément et l'antidote de l'animus. C'est la part féminine de l'esprit hermaphrodite. L'âme peut faire de nous des sujets sensibles, vulnérables, généreux, compatissants, ouverts au monde et à autrui. C'est vertus que l'on croit premières, l'âme, l'esprit, sont des émergences, des vertus de complexité, des phénomènes de totalité, c'est pourquoi elles ne peuvent survivre à la mort, qui est désintégration du tout et la dispersion de ses éléments."[1]
Etre un peu plus soi-même supposerait par exemple de ne plus "faire des risettes" lorsque nous n'en avons pas envie, ni non plus de nous vanter avec des fanfaronnades d'orgueil ou l'inverse c'est-à-dire nous enfouir dans une prétendue infériorité. Ne plus se conformer au désir de l'autre ou à notre propre désir de produire un effet sur l'autre mais ETRE CE QUE L'ON EST, centré sur notre propre axe.
Par les enseignements de l'indien yaqui don Juan, Castaneda donne à l'humanité une orientation philosophique : vivre en guerrier ! Puiser la force en nous-mêmes dans le "nagual" de la volonté, c'est aussi apprendre à sortir de l'ego : aimer et vivre les difficultés de l'existence en dépassant la passion et la peur.
"Tu te sens toujours poussé à expliquer tes actes exactement comme si sur cette terre tu étais le seul à mal faire, reprit-il. C'est le vieux sentiment de ton importance. Tu en as trop, tu as aussi trop d'histoire personnelle. Et par ailleurs tu ne prends pas la responsabilité de tes propres actions. Tu n'utilises pas ta mort comme conseiller (...) il faut que tu apprennes à faire en sorte que chaque acte accompli compte, car tu ne vas rester que peu de temps sur cette terre."[2]
Le non guerrier est cette partie de nous qui joue la victime, qui romance son histoire de vie avec beaucoup d'auto-compassion (et en se prenant très au sérieux), qui "passe son temps" devant la télé, se plaint, s'ennuie, se justifie, râle, se culpabilise et n'assume jamais la responsabilité de ses choix et non-choix.
Nous avons tellement peur de ne pas avoir assez de tout pour notre petit moi égoïste que nous nous acharnons à posséder et que nous nous cramponnons aux êtres et aux biens, nous nous étouffons dans et par nos possessions.
Les doléances répétées et la pusillanimité exacerbée empêchent le sujet d'agir quand il doit agir. La volonté, la vigilance et la clarification de nos quêtes fondamentales/existentielles font le guerrier qui, lâchant prise sur ses malheurs et jérémiades, peut s'ouvrir au monde et "voir" avec détachement celui-ci autrement.
"C'était dans la salle d'attente d'un hôpital : une vieille m'expliquait ses maux... Les controverses des hommes, les ouragans de l'histoire; - des riens à ses yeux : son mal régnait dans l'espace et dans la durée. "Je ne peux pas manger, je ne peux pas dormir, j'ai peur, il doit y avoir un du pus", débitait-elle en se caressant la mâchoire avec plus d'intérêt que si le sort du monde en eût dépendu. Ces excès d'attention à soi de la part d'une commère décrépite me laissa tout d'abord indécis entre l'effroi et l'écoeurement; puis je quittait l'hôpital avant que mon tour ne vînt, décidé à renoncer pour toujours à mes douleurs."[3]
Nous sommes vides d'individualité mais en interêtre humaniste et cosmique : une interdépendance du monde vivant au-delà de la peau qui enveloppe et sépare les corps. Sentir et VOIR ce lien, c'est arrêter de se marcher l'un l'autre sur les pieds pour à la place "faire des compliments" aux autres par des caresses de toutes natures car nous sommes une unité. Le destin que nous croyons vivre par la psyché est au fond le dessin animé du corps dans le monde, dit la phénoménologie. Se regarder trop le nombril finit - comme pour Narcisse - par nous faire tomber dans l'individualisme et le consumérisme, une superficialité un peu triste qui nous sert de finalités existentielles : vivre par procuration grâce à la télévision et fantasmer devant la belle créature avant de se résigner à un luxueux corbillard.
Confondre le plaisir de l'instant avec le désir est un drame de vie qui nous fait rejouer constamment les mêmes échecs: comme un papillon qui s'approche d'une flamme et qui se brûle les ailes, on tourne souvent dans la tristesse et/ou la dépression, ce qui développe une certaine rancoeur de vie proche parfois de la misanthropie. C'est un peu comme un processus de deuil qui ne se fait pas. On peut concevoir de la pitié ou de la compassion pour ces aliénés du souvenir néfaste qui sont devenus des morts vivants. Ce n'est plus la vie qui chante par le corps mais le creux des lamentations d'un "petit" ego. Le problème de ces assoiffés de désirs, c'est lorqu'ils contaminent les enfants dont ils sont en principe responsables.
L'hypnose et l'histoire de vie

Dans une histoire de vie, l'expression de la souffrance est différente de la souffrance elle-même, elle est plus forte car dramatisée. Il est important d'exprimer la douleur vécue dans notre vie mais pour la finalité de l'analyser et de l'apaiser pour passer à autre chose. Se lamenter sur soi en boucle névrotique est un jeu malsain qui s'alimente tout seul. Si on ressasse par exemple une enfance malheureuse, c'est le syndrome de "Peter Pan" : c'est-à-dire le refus de digérer le passé pour grandir et mûrir avant de mourir.
"Une offense reçue il y a trente ans, une fois qu'elle s'est frayé une voie vers les sources affectives inconscientes, continue à agir toujours comme si elle était actuelle. Elle revit au moindre rappel et se révèle alors investie d'une excitation qui a sa décharge motrice dans la crise. C'est là que doit agir la psychothérapie (ou l'intervenant psychosocial, n.d.l.r.). Sa tâche est d'apporter aux phénomènes inconscients la libération et l'oubli. L'effacement des souvenirs, l'affaiblissement affectif des impressions éloignées qui nous paraissent tout naturels, et que nous expliquons par l'influence primaire du temps sur les traces mnésiques, sont en réalité des transformations secondaires, obtenues à la suite d'un pénible travail. C'est le travail du préconscient, et la psychothérapie n'a d'autre démarche que de soumettre l'inconscient au préconscient."[4]
Le formateur en histoires de vie, s'il veut aider ses frères humains en crise, doit "manipuler" la relation. Manipuler est un terme connoté péjorativement et les psychologues sociaux préfèrent utiliser le concept d'"influence". Mais pourtant, c'est bien de manipulation qu'il s'agit, un des grands noms de l'approche systémique, Milton ERICKSON est aussi le père de la manipulation relationnelle actuelle de l'hypnose. Lors d'un dialogue, si l'intervenant psychosocial prend le même rythme respiratoire que le participant, les mêmes poses, les mêmes gestes,etc., il entre en phase de sympathie avec lui. Un ton de voix calme, apaisant et en même temps sécurisant (affirmé) sans être infantilisant est un autre paramètre du contact interpersonnel. Les gens sont tous d'une grande susceptibilité, en recherche d'une reconnaissance sociale qui souvent a fait défaut dans l'enfance (on veut absolument être reconnu mais on ne reconnaît pas les autres dans leurs spécificités). La personne a besoin de considération; donc, créer un climat d'accueil empathique, d'écoute sincère et bienveillante est en soi une manipulation positive de la relation.
"Tart cite les travaux de Hilgard qui ont conduit à émettre l'hypothèse d'un "observateur caché" pour tenter de comprendre l'analgésie hypnotique dans laquelle le sujet assiste au "spectacle" de sa souffrance potentielle avec détachement(...). Les techniques méditatives tentent de mettre leurs pratiquants à même de maintenir l'Observateur pendant de longues périodes, et si possible de manière permanente. Mais une tâche fondamentale de l'observateur est d'observer l'activité de l'observateur : vous étant observés vous-même en train de faire quelque chose, vous observez votre conscience qui se trouve ainsi activée plutôt que d'être complètement impliqué dans l'observation de votre conscience et de perdre ainsi la fonction d'observateur."[5]
Le psychologue social Tart [6] décrit de façon très claire la procédure générale de l'induction hypnotique :
· Le sujet doit avoir un posture stable du corps, être relaxé et rester immobile.
· L'intervenant demande au sujet de n'écouter que sa voix de se détacher des pensées et émotions. Il ne faut pas analyser ce que l'intervenant dit mais se laisser bercer passivement par la voix.
· Le sujet est invité à concentrer son regard /son attention sur un point spécifique en oubliant l'environnement (la focalisation sur un pendule par exemple). L'intervenant suggère l'endormissement pour favoriser la passivité tout en rappelant à la personne qu'il ne s'agit pas d'un vrai sommeil puisqu'elle entend toujours la voix de l'intervenant.
· L'intervenant peut alors suggérer au sujet certains exercices de vérification de l'influence, par exemple lever le bras et le ressentir devenir très lourd.
· Après cette mise en condition, l'intervenant s'adresse alors à l'autre, l'"être intérieur" de la personne pour en quelque sorte - dans l'état second du sujet - prendre la place de son Idéal du Moi(Freud, 1921)

Nous avons tous nos réponses en nous-mêmes et nous n'avons pas besoin d'un sauveur qui nous donne la recette miracle pour recommuniquer avec la nature. Parler en étant entendu et en s'écoutant soi-même dans le cadre d'un dispositif formatif strict qui empêche le ressassement permanent de la plainte est un travail de décantation des sédiments émotionnels.
Relativiser une blessure profonde de l'enfance n'est pas la nier mais l'émousser dans la représentation de telle sorte que la personne puisse lâcher prise de cette souffrance qui s'obstine.
"D'une certaine façon, nos parents et nos ascendants sont en nous; leurs marques, étroitement associées dans notre génome, re-suscitent sans cesse leur présence en nous. Nous portons de façon confuse, indistincte, cette multiplicité d'êtres qui survivent ainsi au-delà de leur mort. Et de plus, inconsciemment, mille modulations de voix, façons de se comporter, habitudes mentales se sont inscrites en nous par mimétisme à l'égard de nos parents immédiats. Nos ascendants sont inclus dans notre identité."[7]
En somme, le sujet souffre deux fois plus car il y pense sans pouvoir dépasser par exemple une injustice du passé. Pardonner à qui a pu nous faire du mal, non pas seulement par grandeur d'âme, mais surtout pour remodeler notre rapport à la vie. Arrêter de réclamer des comptes ou les aveux des coupables pour penser à soi en réanimant notre pleine conscience de l'instant vécu avec notre corps animal.
C'est pour ce travail de recadrage que le formateur se doit d'être une "force tranquille" sans crispation ni projection, donc relativement indifférent à ce que l'acteur va réussir (ou non) à acquérir comme possibilités de changement, autrement dit à ce qu'il s'adapte à ce qui est ici et maintenant dans le concret de son quotidien. L'adaptation à notre communauté de vie (proche et moins proche) et l'acclimatation de nos anciennes blessures n'ont rien à voir avec la soumission à la consommation effrénée de l'idéologie actuelle dominante.
La première fois que nous exposons les événements marquants de notre histoire de vie, nous avons le rouge aux joues, la gorge sèche, la poitrine serrée, le coeur qui palpite, etc., bref des émotions qui nous submergent au sujet de notre autocompassion. La sincérité du moment n'est cependant pas synonyme de l'authenticité d'une personne. Mais si le récit de vie est repris, redit, écrit, commenté, etc., le caractère technique du travail répétitif émousse l'émotion pour ne laisser plus apparaître que le constat d'un passé terminé.
Le formateur, comme le thérapeute, a à l'invitation de Freud une "attention flottante". Il n'est pas là pour donner la répartie attendue dans une pièce préprogrammé par le participant mais au contraire pour déstabiliser sans violence le socle des évidences et des certitudes.
L'attention flottante englobe l'atmosphère des échanges en groupe, elle fait appel au ressenti du formateur (cerveau droit) : par exemple, s'il a une sensation de tension, il va exprimer tout haut ce que la majorité du groupe pense tout bas, les réactions non-verbales des autres participants sont aussi des indicateurs de la justesse (ou non) des impressions. C'est seulement si le sujet est interpellé qu'il peut se réorienter autrement.
La psychologie de Janet et la gestalt de Perls

La gestalt est proche du Tao (T'ai-chi avec le YIN femelle et le YANG mâle) par l'idée de la forme et du fond : lorsque par exemple nous regardons une toile de maître tel un "primitif flamand" avec une certaine profondeur de champ, c'est un peu comme le réglage du diaphragme d'un appareil photographique. Si nous nous concentrons sur l'avant-plan, nous ne voyons plus vraiment les détails du fond de la toile et à l'inverse, si nous sommes vigilants à ce qui apparaît dans le fond de la toile (la ville de référence du peintre par exemple), l'avant-plan s'estompe. La dialectique figure/fond est - avant Frederick Perls et la gestalt -l'idée maîtresse développée par la phénoménologie de Merleau-Ponty.
L'hypnotisme moderne, en demandant au patient de se focaliser sur un pendule ou un quelconque objet, empêche dans les faits cette demande de focalisation car l'oeil ne sait plus distinguer et situer l'objet central par rapport au fond de l'environnement. Le regard doit en effet être toujours en mouvement et balayer l'espace pour le découper de façon significative pour notre cerveau. Il y a chez l'hypnotiseur la provocation d'une rupture entre ce qui est vu et celui qui regarde pour court-circuiter la perception usuelle du cerveau gauche analytique.
Notons les similitudes avec le bouddhisme tibétain qui propose au méditant de se concentrer sur l'image de son Yidam (dieu protecteur) ou sur un mandala, l'hindouisme qui invite à répéter inlassablement le même mantra ou encore le zen qui selon les écoles invite à se focaliser sur un point d'un mur en position de zazen ou bien à provoquer la rupture "sémantique" par l'absurdité logique d'un Koan. Il s'agit dans ces huit similitudes (Koan, zazen, mantra, mandala, figure phénoménologique, gestalt, t'ai-chi, nagual des Yaqui) de ce que la psychologie occidentale de Janet appelle le cerveau droit.
La psychologie de Janet se base sur les fonctions différentes des deux hémisphères du cerveau. L'hémisphère gauche (qui agit sur le côté droit du corps) est celui qui domine normativement chez nous depuis Descartes : l'analyse logique. Ses traits sont la structure mathématique, le verbal, l'intellectualité, l'action, le contrôlé. L'hémisphère droit (qui agit sur le côté gauche du corps) est celui qui domine normativement en Orient : la synthèse intuitive. Ses traits sont l'artistique, le symbole, la créativité, le musical, la spiritualité, le non-agir, le calme.
Avec l'hémisphère gauche de notre cerveau, nous pouvons avoir une compréhension analytique du phénomène; mais la conscientisation intellectuelle n'est pas suffisante pour réussir une désaliénation de nos jeux inconscients de souffrance mutuelle.
Avec l'hémisphère droit, nous pouvons avoir une compréhension intuitive, sensitive de ce qui se passe, c'est l'inconscient horizontal de Janet et la base systémique de l'école de Palo Alto, c'est un travail non analytique de façon conventionnelle de l'être sensible "interne" sur l'illusoire ego.
"Le non-linéaire décrit la plupart des systèmes physiques, biologiques et psychosociaux qui se comportent d'une manière complexe et surprenante (donc difficile à prévoir) du fait que l'action du tout représente davantage qu'une simple somme de ses parties. (...) Mettez deux personnes ensemble et vous aurez un système psychosocial non-linéaire parce que leur interaction complexe pourrait produire n'importe quoi, allant de l'inhibition mutuelle à la stimulation et à la mise en valeur réciproque."[8]
Une connaissance intellectuelle ne peut aboutir à une transformation que si elle est aussi une connaissance affective dit Spinoza, autrement dit que si la raison de l'hémisphère cérébral gauche est
en phase avec l'intuition de l'hémisphère cérébral droit.
Reconnaître une formation mentale négative n'est pas la refouler mais n'est pas non plus l'enkyster en un système de vie mélancolique permanent, il faut pouvoir lâcher prise vis-à-vis de ce qui nous fait souffrir et conserver les formations mentales positives (joie, compassion, amour, liberté,...). La pleine conscience, c'est la focalisation sur ce qui est bon pour nous (sans nuire aux autres).
"Une maladie, dont on déclare qu'elle relève du psychisme, est en réalité celle d'un corps qui voudrait devenir automate, qui aspire à la passivité, à l'inconscience et à l'amnésie, c'est-à-dire celle d'un corps qui se renie comme corps humain, lequel ne se soutient que de la pensée. La guérison de ce corps malade ne passera donc pas par l'analyse de quelque conflit psychique, ce qui ne pourrait que le plonger un peu plus dans la somnolence. Elle devra s'opérer par la parole, le contact, le geste et l'espace d'un autre corps humain qui réveillera ce qui était là déjà depuis toujours."[9] Pour décrire le cerveau, on parle aussi de masculin pour le gauche et de féminin pour le droit, un peu comme s'il y avait chez l'un ou l'autre sexe une atrophie d'une capacité naturelle. Nous sommes à la fois masculin et féminin car nous avons la possibilité d'utiliser nos deux hémisphères conjointement, les différences sexuées sont biologiques mais aussi avant tout le résultat d'un apprentissage culturel.
Avec l'inconscient horizontal de Janet, on peut évoquer l'articulation avec les autres conceptions de l'inconscient : soit le vertical de Freud et celui abyssal de Jung. "Le premier inconscient est le réservoir de l'ensemble de nos automatismes, de notre physiologie. Toutefois, étant porteur de nos systèmes de croyances et de valeurs, de nos décisions inconscientes, de nos motivations comportementales et de nos choix, il ne constitue pas une instance totalement objective et neutre. Le deuxième inconscient représente l'ensemble des capacités et de la sagesse souvent ignorées de notre cerveau. C'est un observateur objectif, un archiviste qui enregistre toutes les données de notre histoire.(...) il peut être comparé dans ses fonctions à un superviseur, à un archiviste global - il garde jusqu'aux archives de l'ensemble de la vie émotionnelle d'une personne -, un esprit profond détaché des systèmes de croyances et de valeurs."[10]
Pour une communication respectueuse de l'autre, dans les attitudes de Porter [11], il y a bien entendu la "reformulation" (la compréhension de Carl Rogers) mais aussi l'"enquête" (du genre "tu peux développer ce point là ? Tu peux en dire plus et poursuivre ton récit ?" etc.). L'enquête est un double message : celui de surface où on demande à la personne de s'exprimer plus en détails et celui sous-jacent de reconnaissance inconditionnelle de la personne (elle est reconnue de fait intéressante puisqu'elle suscite des interrogations complémentaires).
Le formateur en histoire de vie peut ajouter à la forme interrogative l'attitude d'"interprétation" pour autant qu'elle soit toujours positive. C'est avec cette dialectique question/interprétation que l'on peut parler de "manipulation", d'influence ou de recadrage, lorsqu'à la fois on dédramatise l'événement et que l'on souligne le caractère normal/acceptable d'une réponse fournie dans une situation passée donnée. Donc également une réponse à la question implicite : "est-ce que j'ai bien fait à l'époque de faire ce que j'ai fait ?" qui sera toujours une réponse "oui" car le passé étant passé, il est de toute façon impossible à changer et la culpabilité n'y fera rien. C'est ce que Melchior appelle la "connotation positive du but".
"La connotation positive du but (consiste) à commenter la valeur du but, et au besoin le redéfinir en termes positifs. On pourra alors, éventuellement, recadrer le moyen utilisé pour atteindre ce but comme étant le moins mauvais possible à l'époque, compte tenu des circonstances, en laissant entendre, par là même, qu'à présent ce moyen n'est plus le seul disponible."[12]
Un récit de vie analysé en groupe avec sobriété devient moins sombre et permet le recadrage pour nous-mêmes. Vider le discours affectif intellectualisé de ses barrières d'impossibilité à ne pas souffrir, c'est permettre l'ouverture d'une nouvelle dimension de la compréhension : la porte interne d'authenticité de l'entité corporelle d'un être vivant.
La tolérance implique de respecter toutes les croyances des hommes, il faut cependant noter - à l'instar du couturier "visionnaire" Paco Rabane - que lorsque des personnes évoquent leurs vies antérieures (donc la croyance en la réincarnation), elles ont souvent été des personnes célèbres, remarquables, historiques. Après le chimiste Lavoisier, on peut être d'accord avec son axiome "que tout se transforme" et que nos atomes et/ou molécules peuvent se réactualiser dans une autre vie, celle d'une fougère ou d'un cafard par exemple.
Cela étant posé, il n'est pas inintéressant - d'un point de vue psychologique - d'évoquer avec un participant ses vies antérieures ou plus prosaïquement son propre passé pour le comprendre et distinguer ainsi son scénario fictionnel entre ce qu'il a été et ce qu'il voudrait devenir, ce que l'on appelle communément les projections de l'Idéal du Moi. L'Analyse Transactionnelle (AT) aussi enrichit l'histoire de vie lorsque l'on analyse les déterminismes de nos messages parentaux : quels sont les messages conducteurs forts ("drivers") que nous ont donnés nos parents mais aussi nos grands parents tant maternels que paternels (soit six patterns).
On peut aussi s'adresser à nos mentors introjectés du lieu de l'enfant que l'on a été et qui est toujours en nous. Autrement dit, pour une synergie des sciences humaines (Histoire de vie, AT, hypnose,...), on peut évoquer de multiples dimensions pour une même personne : le sujet qu'elle a été, l'actrice qu'elle est et celle qu'elle sera (demain dans le futur ou dans une vie ultérieure). De même, au niveau du désir et de sa projection, la personne qu'elle aimerait être ou celle qu'elle ne voudrait à tout prix pas être, ou encore, par référence à Jung, son état du Moi profond, son être intérieur, sa spiritualité. Enfin, par référence à Janet, sa partie féminine c'est-à-dire son cerveau droit (qu'il soit homme ou femme), son ressenti émotionnel, son corps. On peut synthétiser ces diverses dimensions, avec Erickson, par le label d'"inconscient" (sans le circonscrire à l'inconscient freudien).
Transes et méditations

Voir le monde d'un autre point de focalisation, soit un recadrage par une pratique de la pleine conscience de nos habitudes de concevoir les choses et/ou événements tels qu'on les voit par nos conditionnements. L'Etat Modifié de Conscience (EMC) appelé "transe légère" n'est pas réservé aux chamans ou aux hypnotisés. On peut y entrer par soi-même par diverses techniques : du training autogène à la méditation zen en passant par le yoga par exemple.
Il ne faut pas confondre un état altéré de conscience (avec la drogue par exemple) avec la méditation qui est un Etat Modifié de Conscience. "Avec l'entrée dans la transe, les fonctions psychologiques liées à l'ECO (état de conscience ordinaire) vont changer. La modification va atteindre à la perception de l'espace et du temps, le fonctionnement de la mémoire, le sens de l'identité, la logique ordinaire où deux et deux font quatre, la relation avec le monde extérieur et le milieu intérieur."[13]
Nous pouvons être attentifs et concentrés lorsque nous sommes absorbés dans une tâche passionnante puis nous nous réendormons et vivons machinalement.
La pratique de la pleine conscience, c'est d'être attentif dans l'ici et maintenant à tout ce qui se passe, de notre propre respiration à nos gestes en passant par l'environnement.
Le méditant en zazen est invité à ne plus penser et à se concentrer sur sa respiration. Ne pas faire, ne pas penser et ne pas bouger peuvent sembler à première vue des injonctions idiotes comme si l'on voulait se rapprocher du sommeil. Cet état de quiétude permet la communication avec le cerveau droit intuitif en lien avec le corps, une recherche d'un état modifié de conscience pour percevoir les phénomènes au-delà de l'ego et de l'agressivité animale, en interêtre avec les autres et le cosmos.
"La PHILIA est un amour inné et universel pour son semblable, un amour qui permet de vivre en convivialité avec autrui, de vouloir son bien sans rien attendre en retour. De telles facultés sont celles qui font des hommes des êtres altruistes par essence, faits pour vivre en communauté, en société. L'amour et la sociabilité ont donc, en nous, la même origine. L'énergie affective, qui anime tout lien productif avec son semblable, est celle qui valorise en l'autre ce qu'il a de bon, qui choisit l'entraide, les relations mutuelles, la réciprocité, la complémentarité des efforts, au détriment des rapports de forces et de la tristement célèbre "lutte pour la vie" que l'on croyait, à la faveur des théories darwiniennes, inévitables."[14]
Nous sommes toujours dans le "faire", dans l'excitation qui est occupation car travail ou distraction nous occupent en permanence l'esprit. La méditation, c'est l'arrêt de toutes les activités étourdissantes du cerveau : ne pas penser mais aussi ne pas ressentir ces paquets d'émotions qui d'habitude nous submergent par les sensations. Ce n'est qu'après "avoir perçu notre axe" que nous pourrons rejoindre l'action de façon subtilement différente.
Pour le regard extérieur, rien n'est changé mais pour l'acteur, il y a la pleine conscience de sa position dans l'ici et maintenant du monde et l'interaction avec son système relationnel qui l'influence MAIS qu'il influence tout autant en étant présent à ce qu'il fait. Pour (re)devenir acteur présent, il faut donc en préalable se vider de tout ce qui - facticement - nous remplit, c'est-à-dire mettre entre parenthèse nos représentations usuelles et préjugés (les habitus et les croyances) qui nous servent de médium pour interpréter le monde et nous servir de boussole de certitudes.
On n'a pas besoin de toucher "le fond de la piscine" pour donner un coup de talon et ainsi remonter à l'air libre, on peut faire le vide sans subir la pression, sans devoir vivre l'impression d'un trop plein : " Ce vide qui est en réalité un plein va remodeler notre manière d'être au monde et nous rendre capables de considérer les choses et les êtres avec des yeux neufs.(...) Le vide est en quelque sorte un trop-plein d'attention. Il peut être considéré comme la condition de cette dernière : plus je suis
libre de toute préoccupation autre que celle exigée par le présent et mieux je suis attentif à la totalité de ce qui se présente."[15] "Le fond de la piscine" est une image collée aux états dépressifs mais qui peut aussi être une allégorie pour diverses situations problématiques.
"Il existe plusieurs symptômes de l'état dépressif : Distorsion du rythme réglant l'ordre naturel: sommeil/veille, faim/satiété, et bien entendu, les catégories plus allégoriques telles que le rythme des saisons et l'opposition vie/mort. La décharge motrice incontrôlée : l'analyse mythologique a parfaitement établi l'équivalence entre la perte d'âme (disparition de la vitalité, dépression) et la décharge motrice incontrôlée. Le miroir vide : le miroir constitue la visualisation privilégiée de la dépression, plus particulièrement dans la terreur du miroir vide (disparition du "self"). Il semble être l'inverse du masque (persona) qui assure la permanence du visage de l'objet."[16]
Médiation et adaptation : recadrer le possible de l'histoire

"Endormira-t-on les populations par la médiation "chloroforme", en leur donnant l'illusion d'un pouvoir donné à une échelle extrêmement réduite ? Ou bien grâce à cette mise en forme, les populations pourront-elles se réveiller pour construire ensemble, avec leur perception d'un "équilibre juste", le monde de leur plaisir, de leur renoncement pour l'autre et de leur
désir ?"[17]
Lors de recherches à propos de l'échec scolaire et des histoires de vie, on a pu constater que les étudiants n'ayant pas eu de difficultés n'ont pour ainsi dire pas d'histoire, pas de souvenir particulier au sujet de leur scolarité tranquille. On a également pu relever comme invariant que les jeunes qui ont dû se battre pour en sortir (des filières scolaires de relégation par exemple) développaient une plus forte personnalité.
Les travaux d'Ernest Rossi, collaborateur d'Erickson, ont montré que les perturbations qui affectent un organisme vivant lui donnent plus d'énergie combative pour surmonter la crise d'adaptation.
"L'idée importante est que le bruit, les perturbations aléatoires ou les désordres, dans un système vivant, peuvent en fait augmenter la force ou l'amplitude des signaux de la vie. Comme cela nous semble étrange, surtout quand traditionnellement on a toujours affirmé le contraire ! La résonance stochastique est un moyen par lequel la vie a appris à convertir, à de nombreux niveaux, l'énergie aléatoire du bruit en organisation et en information, depuis le niveau moléculaire jusqu'au système nerveux central."[18]
Et que - corrélativement - les personnes coincées dans un état routinier devenaient inadaptées à l'évolution de la vie (par des symptômes névrotiques par exemple) et fonctionnaient sur un mode répétitif de la plainte larmoyante, celle d'un ego amplifié qui pleure sans cesse sur lui-même.
C'est le travail de l'accompagnant (formateur ou thérapeute) de provoquer la création de nouveaux états de conscience pour recadrer l'histoire de vie et relancer la fonction adaptative. C'était la pédagogie créative chère à Milton Erickson : recréer du "bruit" par des chocs de provocation (paradoxes, confusions et autres effets de surprise). La finalité d'un accompagnant n'est pas seulement de réduire un symptôme par l'hypnose ou par des explications ("l'explication est une partie de la guérison" disaient Freud et Breuer) mais que la personne prenne conscience de son jeu social, qui n'est pas son authenticité. Pour se référer à l'Ecole de Palo Alto, il ne s'agit pas de provoquer un changement de type I c'est-à-dire de modifier seulement une représentation: "Erickson soulignait que la manière habituelle de concevoir l'hypnose comme une méthode de suggestion directe ou de programmation était vraiment une conception erronée et mal informée sur la manière de pratiquer la thérapie."[19]
Il s'agit de provoquer un changement de type II, c'est-à-dire de faire sauter les inhibitions et tabous qui bloquent le flux torrentiel de la vie. L'objectif visé - en thérapie comme en formation de développement personnel - est que le sujet retrouve sa particularité-intégrité-authenticité-naturalité, que la pulsion de vie coule à nouveau sans entrave dans une personne en harmonie avec son environnement, ce que Freud a appelé le principe de réalité.
"Le principe de réalité forme couple avec le principe de plaisir qu'il modifie : dans la mesure où il réussit à s'imposer comme principe régulateur, la recherche de la satisfaction ne s'effectue plus par les voies les plus courtes, mais elle emprunte des détours et ajourne son résultat en fonction des conditions imposées par le monde extérieur.(...) Le principe de réalité correspond à toute une série d'adaptations que l'appareil psychique doit subir : développement des fonctions conscientes, attention, jugement, mémoire.(...) le passage du principe de plaisir au principe de réalité ne supprime pas pour autant le premier. D'une part, le principe de réalité assure l'obtention dans le réel des satisfactions, d'autre part, le principe de plaisir continue à régner dans l'inconscient."[20]
La distinction est dans le détachement par rapport aux émotions et aux passions. Regarder les événements que nous vivons sans vibrer avec ou à cause d'eux.
Il m'arrive une tuile, et alors ? Se tracasser fera-t-il avancer la situation ? Vivre en pleine conscience ne veut pas dire que l'on va magiquement ne plus subir des tracas mais seulement les regarder avec une certaine distance, les recadrer et conscientiser que le tracas que nous vivons a telle nature, tel effet sur nous mais qu'il n'est pas nous et qu'il n'est pas la fin du monde.
"Le réel n'est réel que saturé de valeurs. Or les valeurs ne sont valeurs que saturées d'affectivité. Ainsi, notre réalité est une co-création où l'affectivité apporte sa part. Il y a relation à la fois complémentaire et antagoniste entre nos deux sources de réalité, la rationnelle et l'affective.(...) L'affectivité comporte une dimension qui prend forme d'inquiétude, d'anxiété, de détresse, déjà présentes dans le monde animal, et qui, dans le monde humain, s'approfondit en angoisse et s'exacerbe en horreur. L'angoisse de la mort se vit comme angoisse de l'existence. Cette angoisse peut être refoulée par les participations affectives, par l'Amour, mais sans jamais être vraiment liquidée. L'angoisse de l'anéantissement de soi-même s'exaspère en horreur de la décomposition."[21]
Le caractère dramatique et l'importance de ce que nous vivons sont dans le refus produit par les formations mentales de notre esprit. Au lieu de nous opposer à l'inéluctable (la mort par exemple), pouvoir dire OUI à tout ce qui vient et que nous ne pouvons contrôler. Par exemple ne pas essayer de plier l'autre à notre image mais l'accepter dans son altérité radicale, une entité différente mais non séparée de notre océan d'humanité.
Le vulcanologue Haroun Tazzief disait que - à l'échelle du cosmos - nos existences sont comparables à des fourmis sur la pente d'un volcan, soit une manière de relativiser la trop grosse importance octroyée à notre très petit ego sans pour autant nier la réalité de la souffrance que nous vivons dans nos têtes...de fourmis.
Un projet cohérent de développement personnel serait d'accepter la vie comme elle vient avec ses aléas et "être comme la rose sans pourquoi" (Heidegger) pour recadrer la subjectivité angoissée de nos petits tracas de créatures éphémères. Ce projet d'apaisement du Soi n'est pas contradictoire avec un agir de citoyen responsable vis-à-vis de la seule terre commune que nous ayons tous, donc de combattre "sine ire et odio" (sans colère ni haine) toutes les guerres et toutes les injustices sociales.
Les Etats Modifiés de Conscience (EMC)

"La tâche est d'élargir notre raison pour la rendre capable de comprendre ce qui en nous et dans les autres précède et excède la raison."
(Maurice MERLEAU-PONTY)
1. Possession, hypnose et ethnopsychiatrie

"L'apparition d'une croyance culturelle (sorcellerie, esprit, etc.) est une concrétisation de ce qu'on pourrait appeler "enveloppe d'un sujet", car c'est de là qu'un sujet discriminera les "nôtres des "autres". Il s'agit bien d'un processus actif de délimitation. Dans l'univers psychique, les croyances culturelles sont seulement comparables au système immunitaire qui distingue biologiquement - et toujours de manière active - le "soi" du "non-soi". Les croyances ne sont strictement pas abordables par des questions; ce ne sont pas des contenus ! Gérant des liens, elles ne sont susceptibles d'être investiguées que par leur mise en acte."[22]
Les états d'hypoactivité psychique, où le cerveau est proche du sommeil paradoxal (les ondes alpha) sont des transes de "détachement", par exemple l'hypnose et les diverses formes de méditation mais aussi les états cataleptiques des chamans. Les sorciers asiatiques demandent que l'on ne touche pas à leur corps en sommeil "comme la mort" car ils sont - en principe - en voyage de décorporation soit dans le monde des esprits, soit en ballade dans notre monde par la prise de possession (sic) du corps d'un oiseau costaud (aigle, milan, corbeau,...). Que l'on soit crédule ou non aux explications fournies par le magicien n'altère en rien la puissance d'influence symbolique sur le client-patient.
Les états d'hyperactivité psychique sont des transes à caractère mystique, par exemple le ravissement presque orgasmique de Sainte Thérèse d'Avila mais aussi l'extase des derviches tourneurs du soufisme et les cultes de possession africain ou brésilien (le Vaudou au Togo-Bénin, les Zars en Ethiopie, les Orixas du candomblé,etc...).
Il y a un lien invisible entre la possession, l'hystérie et le mimétisme (on s'identifie tellement à notre modèle que l'on en prend les tics de langage). Devenir un "cheval de l'esprit Nya" chez les Minyanka du Mali, c'est être possédé par un des esprits (Oywalé, Kuntigi ou Bankaraba), l'esprit parle par la bouche de la personne en transe mais sa voix est autre que la sienne, ce sera en Occident le cas des personnalités multiples ayant chacune leur voix.
"L'hystérie est le nom ordinaire de la simulation, qui dans son sens clinique n'est ni feinte ni artifice, mais la traduction d'un état psychique en symptôme physique.(...) Nous-mêmes, dans nos passages d'une personnalité à une autre, sous l'effet de la colère ou de l'amour, nous vivons hystériquement nos états psychiques, lesquels s'incarnent en une personnalité particulière qui devient pour un temps notre personne." [23] Le côté hystérie doublé de l'influence des phérormones explique par exemple le dernier cas de pseudo-sorcellerie en France : les religieuses du Couvent de Loudun tombaient dans des espèces de crises d'épilepsie collective (en se roulant par terre) lors de la visite du prêtre mâle attitré au Couvent...et qui ne pouvait être que l'émanation d'un pauvre diable !
En Côte d'Ivoire, au pays des "mangeuses d'âme", le prophète Sébim Odjo (mélange d'inspiration chrétienne et musulmane qui prêche l'abandon des "fétiches" comme les missionnaires colonisateurs) explique à ses patients atteints de troubles psychiques les causes de leur mal-être : la jalousie, la sorcellerie et surtout la rancune. Ses thérapies atteignent de bons
résultats. [24]
L'ethnopsychanalyste Tobie Nathan pratique également une application de cette dialectique hypnose/auto-hypnose par l'utilisation des rituels et des croyances traditionnelles dans le cadre de l'institution hospitalière.

"La sorcellerie a toujours comme but la destruction de la vie sous toutes ses formes. L'acte de sorcellerie est toujours un acte de mort : meurtre et cannibalisme sorcier, destruction de la richesse, de la fertilité, de la créativité de l'autre. Rien d'étonnant alors à ce que le constat d'un acte de sorcellerie déclenche chez la victime une terreur indescriptible. C'est pourquoi l'acte de sorcellerie est souvent évoqué par sa conséquence, c'est-à-dire la frayeur de la victime."[25]
Nathan et son équipe pluri-ethnique vont prendre au sérieux les traditions magiques du patient au point de lui prescrire des remèdes contre le maraboutage ou envoûtement, une étiologie sorcière contre les Djiinn. Par exemple, pour transférer un mal de possession, dormir avec, sous l'oreiller, un oeuf de poule fécondé puis, après trois semaines, lors d'une séance de mise en scène avec des formules incantatoires, on le brise et le substrat intérieur chargé de la maladie est noir et nauséabond (le foetus du poussin non couvé en putréfaction).
Il ne s'agit nullement de manquer de respect à une personne naïve persuadée d'une quelconque croyance mais de la délivrer pragmatiquement de sa souffrance psychique.
En Occident, le magnétisme de Mesmer a été démonté comme pure illusion, ce qui n'empêche toujours pas aujourd'hui l'effet bénéfique de l'imposition des mains par un rebouteux consulté par un malade "condamné" par la médecine scientifique. Il a été démontré que l'effet placebo (un simple comprimé de sucre par exemple) était parfois tout aussi efficace qu'un médicament réel.
La prise en compte de l'aspect imaginaire et/ou symbolique de l'humain, au-delà (et non en-deça) d'une rationalité trop aseptisée, peut agir de façon significative. En histoire de vie, la loyauté invisible dans la famille fait que certaines dates d'anniversaire de décès d'ancêtre par exemple peuvent avoir un impact concret sur la personne qui atteint l'âge en question. L'homme est un système complexe qui ne peut se réduire ni à son intellect ni à ses émotions mais qui est bel et bien "possédé" par diverses strates inconscientes.
La pensée scientifique aujourd'hui ne peut plus se réduire à la seule preuve matérielle. Tout en réfutant les explications magiques et surnaturelles, elle considère des faits recoupés même si on ignore encore leur mécanisme de production.
2. Etats Modifiés de Conscience (EMC) et analyse systémique

Notre cerveau est sous-utilisé, par exemple des recherches militaires arrivent à stimuler celui-ci pour la vision de nuit des pilotes d'hélicoptères. Quelqu'un qui possède 9/10ème de vision a une vue excellente mais en forçant le cerveau de ces pilotes à s'adapter via le nerf optique à la vision nocturne, les chercheurs arrivent à développer chez ceux-ci un coefficient visuel de 14/10ème...avec maux de tête assurés.
Un EMC peut être stimulé par une dynamique de groupe entraînante comme dans la plupart des cas de possession collective au Brésil où le phénomène groupe est déterminant pour la "contamination" des influences (hyperactivité cérébrale) mais cela peut être aussi autoproduit par le yoga, le training autogène, l'hypnose, la méditation (hypoactivité cérébrale).
"Notre conscience normale n'est qu'un type particulier de conscience, séparé, comme par une fine membrane, de plusieurs autres, qui attendent le moment favorable pour entrer en jeu. Nous pouvons traverser la vie sans soupçonner leur existence; mais en présence du stimulant convenable, ils apparaissent réels et complets."[26]
Les humains perçoivent souvent qu'ils étaient auparavant très bien lorsqu'ils tombent malades ou ont des ennuis. Pouvoir conscientiser, dans l'ici et maintenant, que l'on va bien, que l'on respire, que le soleil est beau est un excellent remède à la morosité et à la souffrance psychique du manque dû au désir insatiable. L'homme souffre parce qu'il ne vit pas l'instant qui vient mais espère dans les lendemains qui chantent.
"La carte n'est pas le territoire" signifie en fait pour les systémistes qu'il ne faut pas amalgamer les choses avec nos représentations toujours subjectives de ces choses.
La carte géographique est un outil de survie pour l'explorateur d'une "terra incognita" mais elle est aussi un nutriment cellulosique pour le ruminant qui l'a ramassée sur l'herbe et la broute. Le même objet est donc fonction des motivations spécifiques de l'utilisateur. Par exemple, une main disséquée par le biologiste peut être aussi une main qui frappe ou caresse et/ou celle qui écrit ces réflexions.
La focalisation analytique est une des erreurs récurrentes des scientifiques trop matérialistes car lorsque nous avons décidé d'étudier telle réalité, celle-ci apparaît à notre conscience et notre esprit trop orienté vers l'objet de sa recherche particulière n'a plus la capacité d'observer avec une "attention flottante" (Freud) les lectures contradictoires environnantes.

3. Inconscients et méditations

Nous n'avons que rarement la pleine conscience de nos actes : l'homme est un génie technologique, nous allons sur la lune et accomplissons d'autres prouesses comme par exemple celle de délivrer des bombes de 6/7 tonnes en Afghanistan et nous sommes comme des petits enfants en ce qui concerne les échanges relationnels. Dans un conflit interpersonnel par exemple, nous pensons toujours que c'est nous "le bon" ou "la victime" et que c'est l'autre qui a tort. Notre problème communicationnel n'est pas constitué par l'honnêteté intellectuelle de la reconnaissance de nos propres faiblesses et/ou de nos propos outranciers mais celui de manquer de tolérance pour l'altérité radicale de l'autre, nous voudrions toujours que l'autre se conforme à l'image que nous avons de lui : "Sois comme je veux que tu sois" disons-nous inconsciemment. On a terriblement besoin d'être reconnu dans le regard de l'autre mais en fait nous mêmes nous refusons de lui reconnaître sa différence. Le monde est peuplé d'ego qui disent tous : "Un milliard de petits chinois et moi ! et moi ! émoi !"
Les thérapeutes comme les sorciers mettent en scène la demande égotique des gens et provoquent des catharsis émotionnelles, celles-ci vont de la transe collective de possession au New Age en passant par toutes les thérapies corporelles : rebirth, cri primal, bioénergie, gestalt,...pour ensuite - s'il ne s'agit pas d'apprenti-sorcier qui se contentent du "cri" - influencer la personne à émerger de sa représentation de souffrance. Mais cette expression corporelle des années 1970 est maintenant devenue norme obligée au point de devenir une sorte de terrorisme anti-intellectuel de l'"interdiction de penser", d'intellectualiser, de réfléchir. La voie du milieu consiste à développer à la fois la lucidité de notre esprit critique et le ressenti distancié de nos affects.
En communication, on peut tout dire des non-dits, des tabous, des secrets de famille pour autant qu'il y ait toujours de la courtoisie, qui est l'expression de la valeur de respect de l'autre dans les échanges. Exprimer une émotion, un sentiment comme la colère vis-à-vis de l'autre par exemple, ce n'est pas de la communication mais les cris de notre partie animale qui n'accepte aucune frustration.
"Dans l'arrière-fond de la passion, il y a l'instinct qui porte l'union, la volonté d'être complètement un avec quelque chose. Mais la passion a une qualité hystérique névrotique, qui ignore le véritable état d'union, et veut posséder pour devenir unie. Si nous voulons communiquer avec quelqu'un, il nous faut respecter l'existence de l'autre personne, aussi bien que le processus de communication.(...) Vous pouvez être complètement piégés par le désir de possession, dans un sens spirituel ou matériel. Vous pouvez vouloir plus que ce que vous avez. Vous êtes complètement enveloppés dans le désir, ce qui produit automatiquement une sorte de stupidité et d'ignorance."[27]
Les croyances des hommes sont toutes respectables et peuvent constituer parfois des leurres néfastes ou des consolations mystiques à la frontière de l'extase ( de la fusion avec la divinité). Les églises, elles, sont des constructions institutionnelles et culturelles d'un patrimoine commun de l'humanité. Par exemple, passer du catholicisme au bouddhisme c'est seulement modifier en surface un référentiel liturgique. C'est changer les apparences (ce que Watzlawick appelle un changement I) et non de sens (le changement II). Si vous rencontrer le Bouddha, il faut le tuer diront les érudits bouddhistes qui ne s'attachent pas aux apparences et ne peuvent donc en principe être aliénés dans un quelconque "isme". Le paradoxe est que ceux qui comprennent les "dits du Bouddha" ne peuvent en aucun cas croire en une déité et en une religion.
La pratique zen de la pleine conscience vise au contraire de se distancier de nos émotions pour les comprendre et les re-cadrer par la prise en compte de notre insertion dans un système environnement dans lequel tous les acteurs que nous sommes interagissent.
Si je veux par exemple lutter contre la cynique mondialisation libérale, il est important certes de manifester démocratiquement mon opinion (au sommet de Laeken par exemple) sinon je suis complice par lâcheté de l'exploitation de nos frères humains les plus démunis. Mais cette responsabilisation sociale n'est nullement contradictoire avec un travail de développement du savoir être de ma petite personne. Si je veux améliorer le monde de mon époque, je dois aussi dialectiquement "balayer devant ma porte" et m'améliorer moi-même pour affiner la qualité positive de mes contacts relationnels avec autrui.
"La méditation est une technique par laquelle il s'agit d'atteindre une pleine conscience et sensation de tout ce qui advient; le méditant doit être un observateur conscient qui observe ce qui lui arrive sans s'y impliquer. Il s'agit d'être conscient de ce qui est en train de se produire sans penser à ce qui est en train de se passer jusqu'à produire l'évanouissement de cette perception, en évitant de s'identifier avec la réaction à ce qui vous advient. C'est, dans le langage du bouddhisme, le vipassana: attention dénudée face aux sensations, sentiments, pensées et réactions à ce qui advient."[28]
Par la méditation par exemple, la prise en compte de ma rage, jusque-là inconsciente, va m'ouvrir à une spiritualité matérialiste, celle de la fraternité humaine : il n'y a pas le monde d'un côté et moi de l'autre parce que je suis le monde. Nous sommes tous en interrelation et le non autocontrôle de mon agressivité "cri" augmente celle de tous les occupants de la planète.


"Lorsque notre colère est placée sous les feux de la vigilance, elle perd aussitôt en partie sa nature destructrice. Etant en colère, nous ne sommes habituellement pas très enclins à revenir à nous-mêmes. Nous tenons à penser à la personne qui nous a mis en colère, à ses côtés haïssables(...). Sa malhonnêteté et ses côtés haïssables peuvent être réels, imaginaires ou exagérés, peu importe, la racine du problème est la colère elle-même, de sorte qu'il faut faire une volte-face et regarder avant tout à l'intérieur de nous. A la manière d'un pompier, nous devons répandre de l'eau sur le brasier, non pas perdre du temps à rechercher l'incendiaire. Nous avons besoin de la colère, comme le jardinier a besoin de compost. Savoir l'accepter, c'est déjà avoir une certaine mesure de paix et de joie.(...) La colère est enracinée dans notre incompréhension de nous-mêmes ainsi que dans les causes profondes et immédiates, qui ont provoqué cet état déplaisant; mais aussi dans le désir, la vanité, l'agitation et les soupçons. Les racines de notre colère sont donc en nous-mêmes, les êtres proches ou moins proches n'étant que des causes secondaires."[29]
Par un travail personnel de longue haleine, nous pouvons modifier nos états perturbés de conscience par le détachement de l'envie, du désir et de la bêtise.
"Notre conscience est une petite flamme vacillante qui elle-même se fait duper par la fausse conscience, mais c'est la veilleuse dont dispose notre existence somnambule. L'éveil au-delà du somnambulisme qu'a demandé Siddhârta Cakyamuni ne peut être que l'au-delà du sommeil : le néant. Ne cherchons ni à dormir totalement ni à nous "éveiller" totalement. Sachons que cette vie est à la fois ce qu'il y a de plus illusoire et de plus réel, de plus précieux et de plus vain (...). Nous sommes certes voués à l'errance, mais nous ne sommes pas inéluctablement condamnés à l'erreur, à l'illusion. Nous avons des éclairs de lucidité, des moments de liberté, malgré toutes ces servitudes et d'une certaine façon grâce à elles."[30]
4. L'esprit sain

René Descartes faisait une dichotomie entre le corps et l'esprit. Les matérialistes scientistes disent - à propos de l'esprit -que ce n'est rien d'autre que du corps, de la matière, des molécules.
"La prétendue "magie" de la suggestion hypnothérapeutique opère tout comme beaucoup d'autres variables psychosociales qui peuvent influencer nos rythmes psychobiologiques naturels de performance et de guérison à tous les niveaux, depuis le niveau cognitivo-comportemental jusqu'à la biologie moléculaire de l'expression génétique. Les différents niveaux de l'esprit et du comportement sont liés au cerveau, au corps et aux gènes. Ils communiquent les uns avec les autres. Les "molécules messagères" de l'esprit et du corps parlent le même langage !"[31]
Les systémistes d'aujourd'hui, eux, parleront de propriétés émergentes d'un système. L'esprit est issu du corps et y reste fort attaché (les gènes, les hormones, les phérormones,...) mais n'est pas/plus tout à fait le corps...au moins pour des gens ayant de l'esprit ? C'est pourquoi, au nom d'une prétendue pureté scientifique, nous ne pouvons plus effectuer ce rejet si pratique des approches holistiques de notre conscience en recherche. "Le XXI° siècle sera spiritualiste ou ne sera pas" avait prophétisé Malraux. Notre temps investit la méditation, le yoga, les EMC, l'hypnose en lieu et place de la prière, de la foi et des rites.
On sait aujourd'hui qu'il y a des communications psychocorporelles : avec des appareils de contrôle scientifiques, on sait qu'un yogi peut diminuer les battements de son coeur, qu'un méditant peut modifier les ondes de son cerveau, etc. Au niveau de la créativité, il peut y avoir des insights de conscience pendant le "sommeil paradoxal"[32]. On peut formuler l'hypothèse que par l'ARNm le corps pourrait produire des protéines favorisant le développement de l'esprit par de nouvelles prises de conscience non obligatoirement mystiques.
L'humain est un système auto-organisé en perpétuel évolution par ses contacts environnementaux, l'assujettissement, les émotions, la compétition mais aussi la communication et la coopération.
Dans un très beau film d'Etienne Chatiliez "TANGUY" (2001), au-delà d'une comédie amusante de la quotidienneté, c'est la mise en exergue de nos tragédies usuelles que ce "sociologue" a mis en scène avec brio. On voit le père (André Dussolier) de ce jeune homme de 28 ans vivant toujours chez ses parents (Eric Berger) entrer dans un état pré-catatonique lorsqu'il apprend que ce fils "non prodigue" l'assigne en justice de paix pour faire valoir ses droits (non élémentaires) à être nourri et logé à vie par ses parents au nom d'un code de justice dépassé. Cette grande prestation des acteurs parents ( la mère étant jouée par Sabine Azéma) d'avoir "la chique coupée" est ce que Pierre Janet appelait l'"abaissement du niveau mental".
Face à un traumatisme violent ou face à un événement émotionnel intense, on perd, dit-il, la structuration de sa conscience; on perd son âme, diront les africains (les "mangeuses d'âmes" étant des sorcières). L'esprit trop bouleversé n'est plus capable de digérer de façon appropriée le fait vécu. Ce brouillage de nos repères émotifs sécurisants peut évoluer vers des maladies psychologiques ou psychosomatiques (le cancer par exemple ?) disait Janet. Il y a - chez le blessé affectif - perte de réaction, d'initiative, lassitude du genre "grosse fatigue".
Pourtant, c'est à partir de la théorie des catastrophes du mathématicien René Thom [33], des modélisatisations mathématiques concernant la dynamique abrupte de "point de singularité dégénéré"(cusp), que la psychologie a rebondi pour expliquer les changements de type II - pas nécessairement positifs - de l'existence (l'ambivalence amour/haine, les sautes d'humeur, les états maniaques puis dépressifs, le mal-être, le stress, les compétences professionnelles, certains divorces, les phobies, etc..).
La psychothérapie traditionnelle envisage de détendre, de calmer l'anxiété et autres excitations émotionnelles alors que les systémistes (auto-hypnose, histoires de vie, thérapies brèves,...) prescrivent le symptôme pour provoquer une crise, une catharsis émotionnelle, un état critique de l'équilibre rationnel (comme les KOAN du zen) pour basculer d'une routine comportementale insatisfaisante à un état d'éveil plus adapté.
"Nous pourrions faire l'hypothèse que le point cusp est la source, la matrice, le chaos originel à partir desquels émergent la conscience, la capacité à résoudre des problèmes et la guérison. De toute évidence, une petite impulsion thérapeutique au niveau du point cusp aurait la capacité de modifier profondément le comportement, en bien comme en mal."[34]
Freud a abandonné la piste de l'hypnose (qu'il a apprise de Jean-Martin Charcot à l'Hôpital de La Salpêtrière à Paris) au profit de la psychanalyse car, disait-il, après son "réveil", le patient ne se souvient de rien et donc aucun travail conscient n'a été fait par lui. Cette remarque est très importante pour le développement personnel qui ne peut se satisfaire d'une "induction hypnotique" limitée à la manipulation extérieure d'un thérapeute sur un patient-objet. L'hypnothérapeute traditionnel, comme le prêtre, tente de manipuler de l'extérieur des paramètres d'ordre interne et personnel du sujet pour les transmuter en paramètres d'ordre externe et social de l'homme assujetti. C'est au sujet lui-même de faire sa propre analyse, disait Freud. Cette lucidité d'un grand laïque est à rapprocher de ses condamnations sans appel de tous les systèmes de croyance. Les religions qui orchestrent les croyances sont créatrices de paramètres de contrôle pour la psyché des assujettis.
Face à nos multiples tracas qui nous gâtent la vie, le conseil de la psychologie bouddhiste est de "lâcher prise", c'est une manière de renouer avec l'intuition et la subjectivité de l'observateur interne inconscient tapis au fond de nous (le Bouddha?). Alors que nos réflexions et perceptions se trouvent encore dans les limbes de la cogitation, une petite voix intérieure dit "Eurêka!": nous avons trouvé une solution correcte mais nous ne savons pas encore très bien l'argumenter et l'exprimer. D'où l'importance des histoires de vie pour "trouver les mots pour le dire" (Marie Cardinal).
Les moments de décrochage mental que l'on peut développer dans un travail de transe méditative peuvent aussi survenir dans notre vie quotidienne. Monsieur qui conduit son véhicule machinalement et qui s'étonne d'être arrivé à sa destination était perdu dans ses pensées mais ne pourrait pas exprimer celles-ci. Madame qui, dans son bain, se détend et reste les yeux dans le vague au-dessus de la mousse,etc. Dans ces moments d'absence, nous sommes en réalité présents à nous-mêmes, à notre être intérieur par une sorte de rêverie éveillée mais destressé des préoccupations permanentes.
Il y a une importante distinction entre la confusion mentale qui nous fait rabâcher de façon compulsive l'énormité de nos tracas (relatifs) et le détachement du "lâcher prise" où l'on s'arrête de courir dans nos têtes et dans nos actes pour rassembler "nos esprits" avant de parler vrai. Les angoissés, eux, n'ont pas le pouvoir de cette nuance fondamentale : la possibilité d'être tranquille pour un moment pour censurer les choix inopportuns. La conscience en fait ne choisit pas, elle inhibe juste la bêtise réactionnelle spontanée et animale de notre très petit ego.
Les prises de conscience et les nouvelles cognitions de l'éducation permanente sont particulières au sujet; en tenant toujours compte du contexte et du milieu socio-culturel de vie, il ne peut y avoir, comme disait Freud, qu'un travail d'appropriation volontaire de notre identité personnelle et sociale. Que ce soit par l'auto-hypnose ou par la méditation, seul le constructivisme du sujet est acceptable. La distinction entre le thérapeute paternaliste et l'intervenant psychosocial est dans l'action de recadrage d'un récit de vie en vue d'une modification des centres d'attention du sujet par lui-même. C'est lui et lui seul qui peut reconsidérer son problème, son histoire de vie et y trouver ses propres réponses, ses réorientations éventuelles.
Jean-Marie Lange,
2.01.2002.
EMC 2° partie - Les possessions psychologiques - 2006

"Reconnaître le pouvoir de l'imagination, c'est exister autrement que dans la pensée religieuse, c'est-à-dire par soi-même et pour soi-même, dans l'affirmation d'une individualité qui s'affranchit du prêt-à-penser environnant."(Jacques-Antoine MALAREWICZ[35])

Hypothèse

L'hypothèse que nous allons tenter de développer à l'aide de quelques clarifications conceptuelles et historiques est celle de la représentation psychique de nos émotions et désirs dans une perspective adogmatique mais aussi d'ouverture de tolérance vers un enseignement transculturel. L'homme est un être conditionné par les déterminismes de son époque (culture, économie, religion dominante). Les philosophes comme BOUDDHA ou encore comme André GIDE recommandent que l'on s'écarte de leur pensée pour développer par notre esprit critique un libre examen. "Sois à toi-même ton propre flambeau", dit le Bouddha; "Nathanaël, jette mon livre et suis ta propre voie!", dit GIDE dans "Les nourritures terrestres".

Nous avons tous des préjugés, des certitudes et des stéréotypes de groupe; nous pouvons donc rêver une pensée scientifique en sciences humaines mais elle ne sera jamais totalement objective. Nous ne pouvons jamais nous débarrasser de nos prémisses et prétendre à la vérité mais nous pouvons, entre honnêtes hommes, confronter nos points de vue pour trouver par l'intersubjectivité une certaine validité à l'une ou l'autre proposition, dit Jürgen HABERMAS.

Pour pratiquer le libre examen, il faut pouvoir écouter les autres pensées et celles qui nous paraissent dissonantes voire choquantes pour réaliser sur le socle des diverses propositions alternatives (y compris sur la nôtre initiale) une liberté rationnelle de choix. Par exemple, une des missions de l'enseignant en Haute Ecole est de choquer les apprenants, de provoquer en groupe-classe des conflits sociocognitifs argumentés pour que l'étudiant apprenne par lui-même à penser, à apprendre et à devenir libre et autonome autant que faire se peut. Notons avec Max WEBER qu'il nous faut distinguer l'éthique de conviction et pratiquer la tolérance pour les croyants sincères ayant la foi du charbonnier tout en n'oubliant pas l'éthique de responsabilité (collective) et donc refuser la lâcheté d'une complicité politique de compromission avec les terroristes islamiques qui veulent imposer par la force leur vision du monde (bombes humaines, mise à sac des ambassades danoises, lapidation et apartheid des femmes, interdiction de la liberté de pensée et d'opinion pour les infidèles qui osent faire des caricatures du pape) ainsi que le refus de la soumission à une minorité économique, dans un esprit de résistance pour l'avenir et pour la propreté climatique de la planète, héritage pour les générations futures. Le jour où dans mon existence, je rencontrerai un religieux/moine qui reconnaît l'erreur (et les siennes [36]) comme fondement humain et qui demande humblement d'apprendre des autres au lieu de vouloir toujours prêcher son unique vérité aux autres, alors, ce jour là, je serai illuminé par une confiance en l'homme que mon scepticisme refuse. Le conditionnement opérant est un dressage mimétique où l'on va reproduire chez nous les chancres de la religion chrétienne : la culpabilisation et la conviction du péché, de la faute, ce qui va nous faire refouler le principe de plaisir notamment sexuel et celui-ci provoquera en nous des perturbations psychiques comme par exemple des apparitions, hallucinations, dédoublement de la personnalité au point de nous faire croire que nous sommes possédés par des démons ou des anges qui nous pénètrent – nous les femmes – de leur épée de feu comme des bêtes dragons.
Par compassion, prions mes frères pour que la belle nonnette entrée dans la fleur de son âge au couvent ne se réveille jamais de son aliénation car cela doit être bien triste si elle se réveille sexagénaire en conscientisant qu'elle a renoncé aux plaisirs de la chair inventés par son Dieu pour l'unique vie qu'elle aurait pu vivre dans la joie. Amen.

Magie blanche et noire

Mes amis africains, quelle que soit leur religion officielle, vivent toujours sous la terreur de l'animisme et son versus "magie noire" de la terreur sorcière. Le Ngaanga est un guérisseur pratiquant la "magie blanche" (mais il peut aussi pratiquer la noire) avec une fine connaissance des plantes remèdes et surtout une maîtrise de la psychothérapie individuelle comme de groupe, des effets placebo (que nous connaissons bien : par exemple, rien que le simple fait d'avoir été consulté un médecin et nous nous portons déjà mieux) mis en scène par des cauris et des incantations comme le font les marabouts d'importation qui exploitent la crédulité de nos régions comme en Afrique mais surtout les psychodrames collectifs pour soigner le malade et sa peur en l'insérant dans un tissu de chaleur humaine, la collectivité du village qui aide le guérisseur lors d'un "exorcisme". Au fond, ce n'est pas l'influence du bonimenteur mais l'affectivité que le malade ressent de la part des gens tout autour de lui avec leurs chants, danses et tambours.

La pratique des guérisseurs africains (ngaanga) et/ou asiatiques (chaman) est en redécouverte par les Occidentaux depuis les travaux de l'ethnopsychiatre Georges DEVEREUX et surtout de son élève Tobie NATHAN et de la clinique pluriethnique de l'ethnopsychiatrie.

Toutefois, le savoir-faire du désenvoûtement des Djinns et autres esprits vaudou ou candomblé par exemple, ne doit pas nous occulter la face de l'obscurantisme maffieux que constituent la sorcellerie et les jeteurs de sorts pouvant par la persuasion faire mourir de peur bleue et/ou assassiner sur commande par le poison n'importe quel villageois qui est jalousé par son voisin. Je fais l'hypothèse que l'imagination collective est féroce et contagieuse, les croyances sont la névrose obsessionnelle de l'humanité disait FREUD. De plus, nous vivons dans un "village planétaire" (Marshall McLUAN) où l'information médiatique circule très vite.

Dans notre histoire rurale, ce genre de chèvres-émissaires que représentaient des vieilles femmes seules, pauvres et pas très malignes dans nos campagnes étaient de mèche avec le malin avant de se faire torturer et brûler. Puis, lors de la colonisation et des bons pères blancs missionnaires, ces histoires d'épouvante ont été transposées en Afrique. En ce qui concerne le besoin de l'aveu, notons que pour une fois dans son existence cette créature insignifiante et abandonnée est sous les projecteurs de la presse et se saoule de cette reconnaissance, prête à avouer n'importe quelle absurdité (sans la moindre preuve) pour rester "intéressante" aux yeux d'autrui.

Au niveau de l'anthropologie, une théorie évoque à partir d'un cercle initial, des cercles concentriques de plus en plus larges de rayonnement. On peut par exemple relever la pratique superstitieuse de planter des clous dans un vieil arbre pour conjurer, chez nous en Europe, un sort. On retrouve dès le XVI° des fétiches à clous dans la région des Kongo, zone de commerce et d'échange avec les comptoirs portugais : les "fétiches" (concept inventé par les portugais) sont des statuettes magiques (nkisi) dans lesquelles on enfonce des clous ou des lames. Or, mis à part ces ethnies du Royaume du Kongo, on ne retrouvera pas ce style particulier. La norme d'une statuette magique serait plutôt un évidemment ventral rectangulaire sur la statuette pour y placer des "médicaments" magiques (sperme, sang, cordon ombilical, etc.) et fermer le tout par une sorte de bitume, ce qui évoluera ensuite par une enveloppage de toile de sac ou de tissus (et évite souvent de sculpter en détail les bras et les mains d'un nkisi).

L'arroseur religieux arrosé par la magie

Ce qui obsède les humains, c'est l'angoisse existentielle qui s'exprime dans le souci de son devenir éphémère par sa mort inéluctable ainsi que le deuil toujours difficile d'un être cher (et chair) et dans la vie relationnelle par la peur de la perte de l'amour, non pas la sexualité qui est un accessoire incontournable mais non suffisant mais l'affectivité réciproque entre des êtres peureux qui ont peur de la nuit.

L'amour se fonde sur le besoin de notre propre reconnaissance dans le regard d'un autre, si possible de l'autre sexe selon les lois fondamentales de la nature et de ses complétudes dialectiques mais aussi pourquoi pas par une réelle affection homosexuelle (si elle n'est pas crispée sur un trouble et donc si elle est non exclusive comme les bateaux modernes) car l'affect est, je me répète, supra dominant sur le sexe.

Après quatre journées résidentielles d'une formation en histoire de vie où donc les dominances sont bien de toute éternité la vie et la mort, j'en sors comme formateur épuisé mais toujours enrichi par une authentique relation humaine entre co-chercheurs de vérité. Selon une information télévisuelle non recoupée, 17% des français vivent dans la solitude car la cohabitation est difficile dans la quotidienneté. La solitude est une solution de facilité qui engendre à moyen terme des souffrances à un point tel que : - soit les gens s'anesthésient dans les drogues du genre prozac, alcool, somnifères, etc.; - soit cèdent au mirage des sirènes, aux bobards de n'importe quel "charlatan". Je feuillette un journal "toutes boîtes" de Liège (Passe-partout n°4 du 25 – 31.01.06) et je découvre un tsunami de requins qui – venus d'Afrique – exploitent la misère humaine des "petits blancs" : pas moins de 68 petites annonces de voyants et autres Marabouts Mamadou qui promettent par exemple : " grâce à mon don héréditaire, je te rends ton amie, fidèle et soumise à ta volonté.". J'épingle ici la plus énorme car se coupant – par un opportunisme imbécile – de la plus grosse moitié de sa clientèle potentielle : les femmes.

Soixante-huit offres pour ce marché juteux de la magie (les offres pour du rêve pornographique sont moins spectaculaires) et d'une parapsychologie de bazar parce qu'au début du XX° siècle, les sciences humaines et tout particulièrement la psychologie se sont crispées sur un ostracisme scientifique de la preuve excluant dans le même sac la psychanalyse et les foutaises spirites au lieu de faire l'exact contraire et de s'ouvrir avec circonspection certes (une vérification expérimentée intersubjective et recoupée) sur cet espace alors inconnu de l'émotion. Les neuro-cognitivistes comme Francisco VARELA ou encore Antonio DAMASIO ouvrent enfin dans les milieux universitaires et scientifiques cette porte d'office condamnée entre les croyances religieuses et les rationalistes scientifiques.

Les protestants américains font des guerres préventives aux musulmans et ceux-ci se font haïr par le monde pour leurs attentats terroristes sanglants : la violence et la haine toujours au nom d'un Dieu imposé dont l'on ne peut même pas - par humour - en faire une caricature sous peine de représailles disproportionnées avec un déni total des droits de l'homme. Le retour du religieux annoncé par MALRAUX est un cauchemar où des sectes primaires et de nouveaux gourous avides de pouvoir qui veulent s'enrichir en s'appuyant sur la crédulité suscitée par la misère sexuelle des peuples et qui se bousculent pour prendre la place vide de sens des religions dominantes.

Sans me prendre pour un combattant illustre de la liberté, "J'ACCUSE" les milieux académiques qui à force de purisme rationaliste ont évacué de toute application psychologique scientifique l'intervention psychosociale et ethno psychiatrique. "J'ACCUSE" la mystification de tous ces voyants et sorciers de pacotille que j'étudie de façon systémique depuis des décennies et que je distincte des guérisseurs tribaux opérant dans un contexte social donné. La souffrance psychique est une réalité et certains hommes sans âme (dans le sens jungien du terme) exploitent cette pauvreté de l'âme et le "non sens" de notre "civilisation" néolibérale desséchée sur la pensée unique du profit, donc de l'exploitation de l'homme par l'homme.

. "Faites semblant de croire et bientôt vous croirez!" disait PASCAL et donc l'hypnose et l'autohypnose se fondent sur la suggestion et rien d'autre. Par exemple, l'amnésie d'après hypnose n'existait que parce qu'elle avait été suggérée à l'hypnotisé par l'hypnotiseur pendant la transe[37] .

La femme rédemptrice de l'humanité

Lors de mes formations d'adultes en "histoire de vie", je constate depuis vingt ans que 90 % des stagiaires sont des femmes. Je suis probablement gauchi par ma subjectivité masculine engagée car - sans pour autant idéaliser les femmes comme vierges et mères alors qu'elles peuvent être aussi perverses que les hommes dans la métamorphose de haine des couples – je considère qu'en général, les femmes sont beaucoup plus authentiques que les hommes. La rumeur dit que l'homme chasseur est plus tourné vers l'extériorité de sa famille, la conquête et le monde carriériste alors qu'en fait, il est prosaïquement un carencé affectif qui a été conditionné pour "ne pas pleurer".

La femme est le premier sexe, elle est le sexe du plaisir, de la joie de vivre et de la vie qu'elle donne. Elle se remet plus sincèrement en question que l'homme et elle se donne entièrement – dans une dépossession d'elle-même pour son mâle d'abord pour ses enfants ensuite. Notons également que ce sont les femmes qui choisissent les mâles – tant pour la bagatelle que pour le lien affectif plus permanent – et ce sont elles aussi qui les quittent par désamour, les apparences machistes de l'abandon sont trompeuses.

La femme est le cœur de la psychologie relationnelle et plurielle, elle aspire aux contacts tous azimuts et reproche régulièrement à l'homme son mutisme, son retrait solitaire. Un peu comme si pour l'homme, après avoir assuré sa propriété garantissant sa paternité par la fidélité du partenaire et apaisé sa soif sexuelle, l'autre, la femelle et sa passionnante altérité l'intéressait moins que son livre, ses sports et ses amis. Certains hommes ne s'aperçoivent de la dégradation relationnelle que lorsque les femmes les quittent et ils opèrent alors un retour de séduction trop souvent un peu trop tard.

Dans les formations en développement personnel par la dynamiques des groupes et les histoires de vie, à partir d'un certain âge, les femmes seules sont légions et souhaiteraient rencontrer quelqu'un pour un autre bout de chemin de vie et de l'autre bord des sexes les hommes vieillissants préfèrent eux rester seuls (et mal entretenus) même s'ils conservent la nostalgie du sexe féminin. (Je fais l'hypothèse que les hommes sont plus attachés par le sexe, ce qui les empêche d'ouvrir leur hémisphère droit sur la totalité relationnelle.). Ils choisissent de renoncer aux femmes par lassitude et parce que le relationnel avec la spécificité féminine est vraiment trop complexe et ennuyeuse pour eux. Les clubs anglais interdits aux femmes montrent cette partie émergée de l'iceberg de l'affect gelé des hommes et en Asie, les hommes qui choisissent de devenir moines et de s'isoler dans des monastères en sont une autre variante. L'homme est lâche et ne veut pas s'annihiler dans une fusion même partielle avec l'autre, il est toujours d'accord de s'accoupler et de former un couple où il est le dominant incontesté. Par contre, il est réticent vis-à-vis des femmes qui ne sont plus des esclaves dociles mais des individus singuliers, des femmes qui affirment leur personnalité.

La libération psychique de la femme qui découvre (et/ou dévoile sous la burka) son identité est le corollaire opposé à la soumission traditionnelle bien pratique et donc générateur de rupture, de division, d'éclatement. Entre l'aliénation quasi religieuse à l'époux et la solitude quasi instituée, il existe une voie du milieu : celle des conflits acceptés qui peuvent parfois déboucher sur des compromis (et en cas d'échec sur des comprimés). L'autre de la femme n'a pas à passer d'un machisme brutal et stupide à une guimauve gluante, il doit rester lui et continuer aussi à s'affirmer dans sa différence par les "crises altéritaires" du couple. L'intérêt d'un partenariat de couple n'est ni dans la terreur d'une répression machiste ni dans la routine mécanique d'ennui mais dans le jeu relationnel et les débats parfois vifs qui nous ouvrent, homme et femme, vers de nouvelles perspectives en bousculant les certitudes et l'équilibre momentané pour l'émergence d'un renouveau d'intérêt entre sujets autonomes et libres.

L'ennemi le plus affiché de la femme n'est pas l'homme sexué mais l'homme religieux. Il y a de tous temps une haine méthodique (et méthodiste outre Atlantique) vis-à-vis d'Eve et des porteuses de vie (sexe et enfantement) par ceux qui voudraient assurer un pouvoir totalitaire sur les âmes.

La femme est joyeuse et sent bon la vie (au propre comme au figuré), c'est pourquoi elle est la principale cible des prêtres. Elle est aqueuse et chaude (à l'état de nature non altéré par les religions), c'est pourquoi ils ont pris la déplorable habitude de la faire sécher sur un bûcher.

Survol en balai de la petite histoire des sorcières

L'enfermement de la femme "seule" dans la représentation d'une sorcière maléfique et lubrique s'étale à partir de la fin du Moyen Age, s'épanouit à la Renaissance et s'étiole à partir du XVIII° siècle. Depuis le XII° s., l'Eglise poursuit la construction méthodique d'un ennemi affiché, un contre-pouvoir diabolique (les forces du mal) contre lequel les croyants doivent se battre au lieu de réfléchir.
Tous les croyants sont respectables et l'éthique de conviction (Max WEBER) implique pour les non croyants la valeur de tolérance mais l'éthique de responsabilité (développée par le même sociologue Max WEBER) invite, elle, à combattre toutes les peurs superstitieuses et leur récupération instituée par des sectes ou des églises selon le développement et l'emprise des gourous et prêtres.

La tarte à la crème de tout pouvoir est de manipuler les foules contre un ennemi commun. La bête immonde de LE PEN, fils naturel de l'hallucinée Jeanne D'ARC et anti-arabe n'est que l'erzat des Croisades et celles-ci dont le symbole la croix était bien un instrument de torture, ont supprimé des vies pour soi-disant libérer un tombeau mais surtout pour se construire des fiefs précoloniaux. L'écœurante institution de la très sainte église catholique entre ces deux moments historiques (les Croisades et le néonazisme en passant par Pie XII, le collabo) fut l'horreur de l'Inquisition.

Toutes les peurs obscurantistes (qui existent toujours en Afrique profonde) sont cohérentes avec l'angoisse humaine et le conditionnement de référence des époques passées. La pensée scientifique moderne n'existait pas (basée sur des faits expérimentés en sciences exactes et des recoupements intersubjectifs en études longitudinales en sciences humaines, comme la psychologie). Le balbutiement rationaliste se limitait au "Discours sur la méthode" de René DESCARTES : ce n'est pas parce que nous déclarons en préambule le doute systématique et fournissons sans preuve l'existence de Dieu que l'on peut pour autant parler d'un esprit critique en lieu et place d'un esprit frappeur.

Une recherche basée sur une analyse multifactorielle et des études comparatives et formulant une synthèse se voulant la plus objective possible serait toujours aujourd'hui soumise à vérification/falsification. La vérité, nous dit Edgar Morin, doit vivre à la température de sa propre auto dissolution, elle sera toujours relative et contingente de son époque.

Le diable dans le chapitre de la genèse de l'Ancien Testament, c'est le désir de savoir par la transgression de la soumission et la cueillette du fruit défendu (le meilleur). Le malin a alors la forme de la divinité la plus archaïque : le serpent. Le serpent est le maître des forêts vierges, il se confond avec les lianes, tout comme le bâton de Moïse chez Pharaon peut se transformer en serpent. Au Mexique, chez les Aztèques, ce sera QUETZALCOAT, le serpent à plume.

Mais notre diable à nous, selon notre spécificité culturelle, naît à la fin du Moyen Age au XII°s. Il provient de diverses mythologies de l'Antiquité gréco-romaine et prendra le statut d'un ange déchu : Satan, le matricule 666.

Satan est une puissance pour focaliser le mal et l'ennemi extérieur pour la religion catholique qui s'organise en église et puissance temporelle par l'universalisation des rituels. Il n'est plus la bestialité (genre faune aux pieds d'ongulés avec des cornes, une queue et qui sent le bouc) mais – surtout à la Renaissance – un esprit malin et intelligent qui veut renverser le trône des bons (Dieu et son fils), un paradoxe de puissance et de contre-pouvoir virtuel si on croit à l'omnipotence et à l'infaillibilité de Dieu le bon. La nécromancie (voyantes et devins) se transforme en gens d'armes "suppôt de Satan" (la formule est jolie et évoque les suppositoires de Sodome), il ne s'agit plus de rassurer en prédisant un meilleur avenir mais de lancer des maléfices pour mettre des bâtons dans les roues de l'œuvre de Dieu le bon. De même les magiciens, mages et alchimistes cèdent la place aux magiciennes (une profession qui se féminise perd de son crédit et de son salaire, dit-on dans l'enseignement) et à leurs subalternes, les sorcières : 80 % des condamnés à mort seront des femmes !


Selon la remarquable recherche historique du psychologue Jacques-Antoine MALAREWICZ (référentiel central pour ce chapitre), ce sera le 20 avril 1233 que le pape Gregoire IX confie à l'ordre des frères Dominicains l'éradication physique des "Parfaits", l'hérésie cathare du Languedoc, l'ébauche d'une procédure d'élimination physique qui portera ses fruits de mort deux siècles après juste avant la première "chasse aux sorcières" non communiste mais intercontinentale et œcuménique (car les protestants se joindront au carnage avec autant de fanatisme).

Ce sera en 1326 que le pape Jean XXII pond sa bulle "Super illius specula" formant un arc de feu et de sang entre l'hérésie et la sorcellerie. La persécution organisée et systématique par la religion de la magie, de l'animisme, du paganisme et des païens concurrents en général (des divinités de la forêt au culte chtonien) se radicalise donc au XIV° s. Ce sera en 1484 que le pape Innocent VIII avec sa bulle "Sumis desiderantes affectibus" lance le ballon de méthane explicite de la haine et de la condamnation des femmes non conformes.

Le racisme de la Renaissance est axé sur l'androcentrisme : Adam sorti de la glèbe est une créature de Dieu et Eve sortie d'une côte courbe d'Adam est un sous-produit par lequel la faute originelle est arrivée. Selon Pierre NODE, démonologue du XVI°, la femme est influençable et vulnérable dans son corps et dans son esprit (les grenouilles de bénitiers ?). Si l'homme apprécie le sexe, la femme elle est d'une concupiscence bien supérieure : " elle est séductrice et perverse, elle manipule et attire par son sexe les hommes car elle est elle-même manipulée par le diable", nous dit l'expert.

La sorcière dans les villages est une femme seule (parfois une veuve) et marginale qui supporte mal la solitude et donc qui peut se servir de ses pouvoirs pour séduire les hommes mariés (qui eux ne sont que de pauvres victimes bien entendu). De plus, s'il y a un problème aux récoltes et aux bêtes, ce sera le "MAUGRE", une mauvaise intention de "qui nous savons", dit la rumeur. Qu'elle soit une herboriste guérisseuse ou une rebouteuse n'y changera rien, elle brûlera sur le bûcher comme en enfer. On ne sait plus qui est le plus diabolique dans cette terreur de propagande, tout particulièrement au milieu du XV° (1487) après la sortie d'un ouvrage technique pour l'Inquisition : Le Marteau des sorcières ou Malleus Maleficarum rédigé par les dominicains rhénan Henri INSTITORIS et Jacob SPRENGER.

Les preuves ne sont pas fournies aux yeux de tous par des prodigues fabuleux démontrant le pacte des sorcières avec le diable (le terme miracle sent bon puisque c'est pour les bons, le terme prodigue lui sent le souffre), ni par des "effets spéciaux" (genre "Carrie" avec tonnes de sang et de vomissures) pour les possédées mais de simples représentations suggérées par le diable et exprimées par des "femmes stupides, crédules, bavardes, jalouses, impressionnables, malicieuses et infidèles", nous dit l'impartial démonologue.

Les sorcières sont des femmes issues du peuple, sans charisme particulier, illettrées et incapables de réflexions intellectuelles (cf. les mangeuses d'âme) mais elles "connaissent" Satan les nuits de Sabbat (de minuit à trois heures du matin). Le démon se fait d'abord succube (mâle) puis ensuite incube (femelle) et la sorcière, fille d'Eve et de Lilith, après "commerce" avec le diable reviendra au village comme une ville tentatrice. Notons la prédominance significative de la séduction sur la sexualité dans cette fantasmagorie meurtrière des deux frères dominicains. Pour lutter contre cette épidémie d'hérésie, la torture (abolie en 866 par le pape Nicolas 1er) sera rétablie en 1252 par le pape Innocent IV et sa bulle "Ad extirpenda".

Les quatre derniers grands procès en sorcellerie en France seront : Aix-en-Provence (1609-1611), Loudun (1632-1640), Louviers (1642-1647) et Auxonne (1658-1663). Des jeunes femmes joyeuses et pleines de vie cloîtrées par leur famille et travaillées par le désir inconscient d'être comblées par le pénis d'un beau curé (par la voie olfactive de phérormones masculines) vont "feindre de tomber dans des convulsions et s'exercer à faire des contorsions et des postures de leurs corps". Notons le fil du rasoir entre les démons lubriques qui choisissent l'esthétique et les archanges dotés d'un beau pénis (épée de feu) qui s'incarnent sous les traits d'un laid curé.

L'affaire de Loudun par exemple, bien étudiée par Edgar Morin et d'autres sociologues, est un règlement de compte pour disqualifier l'Abbé Urbain GRANDIER qui aurait exprimé des propos séditieux à l'encontre du Cardinal RICHELIEU. Il va être accusé par l'Abbesse Sœur Jeanne des Anges, Mère du couvent des Ursulines avec la complicité des autres religieuses.
Le canular tournera court puis sera repris sur l'instance de Jean-Martin de LAUBARDEMONT, conseiller du roi et homme de Richelieu. Le procès débute en juillet 1634, on fait parler les diables sous la question et GRANDIER sera brûlé vif le jour de son jugement le 18 août 1634.

La Mère supérieure va être par après une nouvelle fois exorcisée par le Révérend Père Jean-Joseph SURIN dont le modèle spirituel est Sainte Thérèse d'Avila. Les psychologues Gabriel LEGUE et Gilles de la TOURETTE sont formels au sujet de ce prêtre : " c'était une sorte d'illuminé et (…) un hystérique nettement caractérisé."[38] Pour Jean-Martin CHARCOT, la prieure de Loudun est sans équivoque comme Sainte Thérèse : une hystérique. Les hallucinations visuelles construites à partir des fantasmes érotiques de la religieuse sont aujourd'hui une banalité pour la psychanalyse et l'ethnopsychiatrie.

Les Etats modifiés de Conscience (EMC)

Dans les cas de possession des chamans bouriates étudiés par le sociologue allemand Max WEBER et l'anthropologue Mircea ELIADE, ceux-ci restent parfaitement immobiles et entrent dans une transe de type méditation où leur âme (esprit) quitte leur corps à la recherche de l'âme perdue de leur malade. Le corps peut rester plusieurs jours en catalepsie avec les fonctions vitales ralenties.

Cette "décorporation" est discrète à l'encontre des cultes de possession du Vaudou, des Yoruba, des Mynianka, etc., soit de la plupart des ethnies africaines d'Afrique ou du Brésil qui sont, elles, plus spectaculaires, extroverties.[39]

Comme dans le cas des possédées de Loudun, on remarque des mouvements hachés et désordonnés, une contamination de la transe d'un ou deux individus au reste du groupe (hystérie collective), une abondante saponification de salive qui déborde de la bouche comme le symptôme de la rage, des voix différentes de celui ou celle qui est le cheval du Dieu et un ou plusieurs oracles qui s'expriment par l'intermédiaire du cheval, une voyance genre Pythie de Delphes. Le culte de possession au Mali a été admirablement étudié et filmé (VHS RTBF) par l'anthropologue Jean-Paul COLLEYNS.
L'étude psychologique la plus remarquable de cette extériorisation phénoménologique de la psyché est celle de Georges LAPASSADE dans ses ouvrages "Transes" et "EMC" [40].

Pour le psychiatre et psychothérapeute MALARAREWICZ, nous sommes partis d'une procédure anti-cathare pour asseoir – par la terreur – la dominance de l'église catholique et ce fut une répétition, un rodage pour l'Inquisition qui du XII au XVIII° a fait plus de 60.000 victimes en France. Les victimes expiatoires étaient donc à l'époque des sorcières vieilles et décrépies qui ont passé de mode. La possession fut la deuxième époque avec un changement radical de statut car les possédées étaient non plus les instigatrices de Sabbat mais – de classes plus aisées – les victimes des démons.
Notons qu'un des sept démons [41] le léviatan est celui que l'on retrouve avec Carl Gustav JUNG dans le Hâta YOGA avec le chakra de l'eau, le calice féminin de la sexualité. De là le chemin est tout tracé pour que de possédées, les femmes névrosées deviennent des hystériques, une pseudo maladie qui a fondé la clinique psychothérapeutique et psychanalytique (premier ouvrage cosigné en 1886 par le Dr BREUER et S. FREUD[42] ), l'hystérie est déclarée aujourd'hui dépassée.


L'ethnopsychiatrie et l'observation participante de Georges DEVEREUX et Tobie NATHAN

"Nous pouvons réduire artificiellement nos angoisses en considérant la torture des prisonniers simplement comme une "coutume", ne niant donc implicitement que ces pratiques aient quelque rapport avec des êtres de chair et de sang, avec lesquels nous aurions à nous identifier. En augmentant délibérément la distance sociale entre soi et les indigènes, l'ethnologue peut ignorer ses propres angoisses et étudier leurs coutumes comme si la culture n'affectait pas la vie humaine; cependant, il est inutile de préciser que les angoisses ainsi niées se reportent sur d'autres sujets. De nombreux culturologues sont hostiles à ceux qui étudiant la coutume en rapport avec l'homme, principalement parce que cette approche plus compréhensive menace de réintroduire l'élément humain (psychologique) anxiogène dans leur monde – soigneusement stérilisé d'affect -, de "pures" coutumes et institutions."[43]

FREUD a construit sa méthode d'investigation, la psychanalyse, sur le concept du transfert. Pou l'ethnopsychiatre DEVEREUX, c'est l'analyse du contre-transfert de l'observateur qui est significative. Le meilleur informateur du comportement ne peut être que nous-mêmes et nos réactions auto critiquées systématiquement. Au fond analyser nos propres angoisses et inhibitions face aux événements extérieurs, y compris l'écho affectif que le transfert du patient sur nous provoque en nous.

Malgré notre désir de créativité et d'ouverture d'esprit, nous ne pouvons pas échapper à l'influence des modèles culturels de notre époque et de notre ethnie. Ces modèles nous enseignent comment être conforme et comment nous rebeller contre eux. Un modèle alternatif qui utilise juste une défense inconsciente est autodestructeur mais s'il est utilisé consciemment et représente une sublimation, il peut être fécond. "L'observateur s'observe constamment en train d'observer" nous dit MORIN. Nous pouvons observer les mœurs d'un peuple lointain mais pas toujours conscientiser les aveuglements idéologiques de notre propre culture dans laquelle nous baignons depuis la tendre enfance.
La question de la recherche participante est dans la nature de notre idéologie : est-elle induite par le code brutal, négatif et irrationnel du surmoi ou induite par les fantasmes de maîtrise de l'Idéal du moi ?

L'analyse instrumentale nous fournit des données, des résultats statistiques mais le nombre de "bits" zéro ou un ne parle pas le langage des émotions, il est nécessaire en sciences humaines que l'observateur en tire une hypothèse technique avec son intuition : pouvoir dire au lecteur par exemple : "pour moi, subjectivement, cela signifie que…". Quels que soient les filtres que nous inventons pour limiter notre subjectivité (et neutraliser notre angoisse), il y a toujours le moment du choix, de la décision qui nous fait privilégier dans une contradiction dialectique un pôle à l'autre.

Le scientifique qui se pense observateur neutre pour étudier une relation humaine est un croyant objectiviste car il y aura toujours interaction entre l'acteur et l'observateur. En sciences du comportement, trois axes s'enchevêtrent : le comportement de l'acteur, les perturbations produites par la présence de l'observateur et les réactions de l'observateur, aussi bien ses angoisses que ses choix d'attribution d'un sens à ce qu'il voit. La pseudo neutralité d'un chercheur en sciences humaines est hypocrisie et perte de temps, la seule pratique utile pour créer une science de l'humanité est celle où les hommes sont à l'écoute de leur propre humanité et de ce qu'ils ressentent au fond du cœur en lien avec le sujet non aseptisé de leur étude.

Le comportement de l'homme est complexe et ne peut être réduit à un éclatement des variables et à une simplification linéaire stimulus-réponse comme dans les sciences "exactes". Les résultats statistiques tout comme les bilans comptables et les équations mathématiques ne disent rien, n'ont aucun sens brut; la finalité première est dans leur interprétation et peut-être aussi de créer un bluff intimidant, tout comme les jargons savants et technocratiques. On peut être psychologue sans réaliser un X carré ou autres équations statistiques, tout comme on peut être un excellent statisticien sans être psychologue.

Lors d'un entretien en face à face dans une relation thérapeutique de pouvoir, le patient apprend plus sur l'analyste que le contraire car l'analyste en faisant beaucoup d'effort pour cacher sa particularité révèle indirectement par son déguisement la forme de ce qui est caché. Quel que soit l'art
de la dissimulation de l'intervenant il échouera dans son leurre car le mécanisme parlera de lui-même. La seule technique d'approche relationnelle fiable est celle où l'on reste authentiquement soi-même.

Un diététicien qui calcule les calories d'une ration alimentaire pour un sujet boulimique se trompe d'objet. Peut-être l'obèse a-t-il aussi un désordre endocrinien mais son principal cri est : "je m'empiffre de douceurs parce que personne ne m'aime !" Il en va de même lorsque l'on réprime le substrat culturel de quelqu'un d'une autre ethnie. Le médecin physicaliste qui dit à un africain que les Djinns sont des conneries étouffe l'identité de soi du sujet et l'aspect relationnel. Le sujet va protester par une résistance non-dite, il va se renfermer, à cette dévalorisation de sa conscience culturelle. Mais le pire frein à une relation thérapeutique est dans le déni de notre impact de stimulus par cette condamnation.

Nous ne nous connaissons pas assez nous-mêmes et nous n'avons pas (plus) envie de nous remettre en question d'où notre masque (de blanc) derrière une doctrine du genre "FREUD a dit…". La perception du contre-transfert est une dialectique où lorsque le patient déclare : "Quoi, vous n'êtes qu'un vieil homme au nez crochu, ridé, voûté et gras !", il faut pouvoir entendre à la fois le conflit porté par l'ironie triomphante et dédaigneuse et la réalité du Soi physique dont nous offrons l'image et donc ne pas y répondre du tac au tac avec une répartie revancharde mais s'interroger tout haut sur ce courroux reçu et ce qu'il évoque dans notre cœur. Puis seulement après "digestion rapide zen" et en exprimant le non-dit de façon courtoise, transparente et non agressive, analyser globalement l'implicite de cette transaction, ce que DEVEREUX appelle la méta communication. Ce sera par ce type d'interaction vraie que l'observateur – sans tomber dans une polémique stérile – peut initier chez l'autre de nouvelles attitudes plus pertinentes et donc infléchir un comportement trop carré, trop jugeur, trop blessant.

Nous sommes à l'opposé du béhaviorisme et de la psychologie du comportement de SKINNER; si le rat est privé de raisonnement, le chercheur lui doit pouvoir récupérer le sien pour développer une pensée créatrice et non-conformiste (vis-à-vis des protocoles scientifiques par exemple). Dans une recherche action, on réintroduit la vie et on intègre l'observateur dans ce qu'il observe sans scotomiser les variables dérangeantes, comme des éléments anxiogènes, en les qualifiant de biais expérimentaux. Il n'y a pas un observateur et un rat décervelé mais deux personnes en réciprocité : si dans la théorie de l'information, on élimine les "bruits", ici au contraire, on les étudiera avec attention. Si le nourrisson n'a pas de réponse à ses appels, il ne perçoit pas qu'il y a peut-être simplement une absence mais que ce défaut de réponse est un signe de méchanceté voire de mort à son encontre. Il en va de même face au silence de l'analyste qui peut s'interpréter comme transfert négatif de mort et augmenter la culpabilisation vis-à-vis du désir inexprimé du patient de voir l'analyste mort (cf. la castration oedipienne), nous dit DEVEREUX.

" Cela n'est et ne peut être le but de la psychanalyse ni d'aucune autre science du comportement. Le couteau de castration, réel ou symbolique, a joué pendant bien trop longtemps un rôle souverain dans l'évolution des sociétés oppressives et brutalement centrées sur le Surmoi, reposant sur des masses de mutilés physiques, affectifs et intellectuels parfaitement découragés. Elles ressemblent aux sociétés d'abeilles qui reposent sur le travail des abeilles ouvrières soumises à une castration hormonale par un régime restreint. Il est grand temps de se rendre compte qu'une société et une culture qui ne peuvent faire face à la spontanéité des êtres vivants qu'en la tronquant brutalement va aussi rapidement à sa perte qu'une science qui cherche l'objectivité sur l'homme au prix de sa dépersonnalisation."[44]

Tobie NATHAN, le père de l'ethnopsychiatrie de groupe parlant de son maître DEVEREUX précise que ce dernier lorsqu'il parle en positif de la psychanalyse se réfère à la psychanalyse américaine très différente de la psychanalyse française de Jacques LACAN qui mise sur la déstructuration du sujet jusqu'à laisser émerger une révolte intérieure. Pour DEVEREUX (et la psychanalyse américaine, selon Nathan), c'est l'inverse qui est mis en œuvre. En psychanalyse européenne, on pourrait caricaturer en disant que si un patient ne guérit pas, "c'est de sa faute !".

DEVEREUX précise aussi que si, sur un plan individuel, il faut aider les névrosés à surmonter leur malheur; sur le plan social, il est important de travailler l'autoformation des personnes en bonne santé afin d'augmenter leurs potentialités en renforçant leurs sublimations. L'intervenant psychosocial qui étudie l'homme sait qu'il s'étudie aussi lui-même de façon permanente, une autoanalyse constante.

Les théoriciens de la psychanalyse ont oublié que le départ était un système de postulats et on découvre parfois à notre époque des études qui sont un construct d'abstraction et de concepts ne reposant sur aucun fait. "L'inconscient est structuré comme un langage" dit LACAN et donc, comme en mathématique, aussi langage, on peut faire dire n'importe quoi de façon grammaticale et cela n'est plus une description se voulant objective de la réalité et donc cela n'est pas légitimant comme science, fut-elle humaine et "molle". Donc la psychanalyse qui traite des concepts comme s'ils étaient des réalités est bien plus une mythologie qu'un traitement ethnopsychiatrique d'une possession par un Djinn"tonique" car la guérison peut être avec d'autres chemins observable avant la mort du patient. L'inconscient n'est pas observable puisque s'il devient observable, il cesse d'être inconscient. Mais dans d'autres cultures, des personnes non analysées comme les poètes et les chamans par exemple ont un sens de l'inconscient et l'utilisent avec une grande habileté.

Une empreinte de pas sur le sable est un message qui ne dit rien de pertinent sur les émotions de la personne mais la transformation de ce qui est envoyé par mon nerf optique en données aux cerveaux va interagir avec ce qui est perçu/reçu/admis par mon esprit. Ce qui dans un contexte donné (la cure par exemple) peut être traité comme étant "dedans" peut dans un autre contexte culturel (la transe par exemple) être traité comme étant "dehors".
Les évènements intérieurs les plus cohérents sont ceux de la psyché de l'observateur plutôt que ses projections sur l'autre et ses explications théoriques.

DEVEREUX évoque le principe d'exclusion de BOHR (1934, 1937) pour dire en quelque sorte que plus on veut étudier de manière structurée un phénomène et plus celui-ci s'atténue au point de disparaître. Cette théorie, reprise en 1947, dite de BOHR et de JORDAN, a démontré que si on veut étudier la vie de façon radicale, on pénètre si loin dans l'organisme que l'on perturbe son état essentiel et que l'on détruit la vie que l'on voulait étudier. Une explication totale d'un phénomène est une réduction instrumentale qui implique la négation de son existence. Toute étude psychologique qui essaie d'exclure le vécu soit en transformant le sujet en une "préparation expérimentale" soit en éliminant la conscience awaraness de ses explications personnelles équivaut à une liquidation qui dissout le sujet que l'on voulait étudier. L'étude réelle d'une "préparation" ne fournit d'information que sur des préparations et non sur des rats ou des hommes.

L'ethnopsychiatrie va résulter d'une loi française de 1974 sur le regroupement familial des populations migrantes. C'est en 1979 que Tobie NATHAN a créé sa première consultation d'ethnopsychiatrie de groupe à l'hôpital Avicenne à Bobigny. Lorsqu'une dame malienne enceinte et étant passée en dessous d'un arbre près d'un puit se sent possédée par un Djin qui a pénétré par son vagin, le médecin cartésien se fâche et la rabroue pour ses enfantillages. NATHAN au contraire va écouter la patiente avec sérieux en lui parlant selon la coutume (tout le monde sait que les Djins se laissent tomber des arbres lorsqu'on passe en-dessous et à proximité d'un point d'eau) et de plus dans sa langue car il réalise ses consultations avec toute une équipe plurilingue donc capable de parler aussi bien wolof que bambara que peul. Il va ainsi réhabiliter l'éthologie sorcière des guérisseurs et s'adresser à l'esprit qui possède la patiente. En effet lorsque l'on est possédé par un esprit (souvent lors d'une transe), on devient en quelque sorte le "cheval du dieu" et celui-ci se présente par la bouche du possédé, on dit 'Habra ou présentification du melk ou propriétaire du cheval."VOIR" (au-delà de nos résistances culturelles) la personne possédée, c'est voir le sujet comme un fond duquel se détache ce qui est sur elle, par exemple un œil qui ne fonctionne pas de la même manière que l'autre. L'intervenant occidental doit jouer le jeu à fond, devenir homme de théâtre, se fondre dans la peau du personnage guérisseur et y croire et c'est seulement ainsi que le melk peut se présenter devant lui. Il s'agit d'envisager cet être avec le même sérieux que les populations qui le connaissent, ce n'est pas de la moquerie ou de la parapsychologie de superstition dont un universitaire très con pourrait se gausser mais c'est entrer dans la relation selon les normes et valeurs de l'autre.

Il est plus intéressant pour guérir le patient possédé de s'intéresser à l'autre de lui, de l'identifier et de lui demander ses intentions et ses exigences pour qu'il laisse le patient en paix (les bases de l'exorcisme en quelque sorte); il faut prendre l'être ou les êtres possesseurs au sérieux et parler avec eux. C'est également la pratique de l'autohypnose de Milton ERICKSON qui parle avec l'inconscient de son patient.

Un groupe (y compris un groupe professionnel comme les psychologues) doit pouvoir se jauger à la souplesse de sa dynamique de groupe, à sa capacité à intégrer les particularités apportées par les nouveaux membres. La psychanalyse semble être morte avec FREUD car personne n'a écrit avec évolution sur cette théorie du maître, uniquement des évangiles. La psychologie occidentale est une initiation à la déception : on comprend que l'existence est bien plus pauvre que ce qu'on l'avait imaginé, on accepte la désillusion au nom du principe de réalité. La psychologie orthodoxe (mais juive) est un oeuvre d'appauvrissement du monde, un grand nettoyage avec détergent pour faire disparaître notre colère. Le but est la poursuite des démons pour les éliminer (vade rétro satana) alors que dans la clinique des thérapeutes de l'autre monde, on fait au contraire une place pour les reconnaître et leur rendre un culte : les démons présentifient la colère et l'expliquent et la nier est insensé !

"Est-ce à ta propre nature que la psychanalyse t'initie ? Quand tu soumets un homme yoruba à une initiation yoruba, tu obtiens un Yoruba. Maintenant, lorsque tu soumets un quidam à une initiation psychanalytique, tu obtiens quoi ? Un défenseur de la cause ! C'est par ce phénomène que la psychanalyse ressemble à une secte. (…) Qu'est-ce qu'une secte? Ce n'est pas le fait qu'on initie les gens qui caractérise une secte, pas davantage le fait qu'on les trompe…C'est qu'on fabrique des personnes ex nihilo, qui ne correspondent pas à leur "nature" – du coup, elles ne peuvent vivre qu'entre elles, parce qu'elles n'ont de semblables qu'à l'intérieur de la secte."[45]

A la suite de DEVEREUX, NATHAN se sert de sa thérapie pour désenvoûter des victimes de secte comme les trop connus "Témoins de Jéhovah" ou "Eglise de la scientologie" de Ron Hubbard auteur de science fiction. En effet, ce n'est pas parce qu'une personne a réussi à sortir de l'emprise physique d'une secte qu'elle en est débarrassée, il faut encore que la secte sorte de l'esprit de la personne. Le travail de NATHAN est donc de reconstruire la façon dont la secte a organisé son système de capture pour restituer le processus mental autonome à la personne et l'aider ainsi à se reconstruire de l'extérieur vers l'intérieur.


Jean-Marie LANGE,
08 février 2006.

Etats Modifiés de Conscience (EMC) et constructions mentales (3ème partie – 2009)

En sciences humaines, pourquoi voulons-nous toujours expliquer ce que nous ne comprenons
pas? La peur et l'angoisse du vide ? La science est toujours en action, donc en mouvement et l'obscurantisme et les superstitions en constituent le pôle dialectique opposé. Mais entre ces extrêmes, pourquoi ne pas accepter un no man's land de phénomènes inexpliqués dans l'état actuel de notre civilisation ? Notre problème est d'arrêter d'observer, d'étudier lorsque cela nous paraît être mystérieux, voire mystique, ce qui sous-entend que des phénomènes comme l'extase, la possession et les apparitions ne pourraient pas être en lien avec notre esprit?

Introduction : beatniks et power flower hippies

"Ce que j'avais tenté dans mon désir de m'arracher à mes racines occidentales pour mieux me fondre dans un univers exotique spirituel équivalait au fond à renoncer avant terme à ma créativité. Pour créer, il faut demeurer dans le monde auquel on appartient."
(Mircea ELIADE[ii] )

Vers 1965-1966, dans les pas de Jacques de Kerouac, nous étions des jeunes voyageant partout en stop à la recherché d'un ailleurs qui était au fond de nous mais peut-on le savoir lorsque l'on a 16-17 ans. Très près de cette route beatnik, une nouvelle vague fleurie débarqua de Californie avec une recherche plus axée sur une spiritualité asiatique.

Les motifs étaient similaires : fuir cette société rigide et autoritaire de la consommation naissante et du profit économique généralisé (Jean BAUDRILLARD [iii]) mais les finalités étaient je pense, différentes, nous avions les voyages de par le monde et la communication avec d'autres cultures tandis que les "Hippies", malgré un discours social de changement "Peace and love", étaient le plus souvent des accrocs de la fumette (marihuana) puis de drogues plus hallucinogènes ensuite. Nous étions certes des non-violents utopistes et manifestants contre les oligarchies mais non baba cool comme le hippy à la conscience fumeuse, en quête de rédemption religieuse individualiste, par l'exil sur les routes de Katmandou.

Il n'y a jamais de dichotomie bon/méchant simplificatrice dans la nature humaine, par exemple les méchants colonialistes et les "bons sauvages" à la Jean-Jacques ROUSSEAU. Les yogis, shadous vishnouïstes, gourous, lamas et moines d'Orient ont donc vu débarqué dans leurs ashrams ou monastères ce nouveau type de routards des années 1968 avec un déni inconscient de leur propre imprégnation culturelle (et la fragilité de leur flore intestinale) et un ravissement préformaté pour les cultes et sectes d'Orient. Hare Krisna !

Si nous arrivions à prendre de la distance avec l'ethnocentrisme occidental, nous pourrions alors essayer de concevoir ce que les autochtones pouvaient percevoir de ces nouveaux sahibs. Maintenant encore un "long nez", un blanc qui voyage hors des sentiers battus au tiers-monde ne suscite pas nécessairement de la sympathie car les locaux voient d'abord du fric sur pattes. Trop souvent, le sourire est forcé car l'homme blanc, toubabou ou mondelé est perçu avec les caractéristiques de ce que lui-même veut fuir, le confort éhonté non écologique des sociétés occidentales. Il faut 20 Kg de soja pour fabriquer un kilo de bœuf, nos céréales nourrissent nos troupeaux alors qu'il y a insuffisance alimentaire au tiers-monde.

Pour conserver notre fil rouge des représentations mentales et des états modifiés de conscience, cet engouement oriental était en partie absurde; par exemple, suivre l'enseignement d'un seul gourou, dans une obéissance sans question, c'est favoriser le phénomène sectaire et c'est aussi renier notre culture hellénistique ainsi que l'éclairage des Lumières avec le "savoir dire non !" validé par les droits de l'homme.

Pour comprendre au-delà de nos dogmes libertaires, nous avons suivi plusieurs retraites auprès du moine vietnamien THICH NHAT HANH [iv] (à Dieulivol, dans le Lot en France) pour apprendre la méditation zen. Mais nous y avons vu aussi la kermesse au château de Moulinsart (Tintin) et des activités récréatives de camp de vacances ainsi qu'une pensée parfois désuète et jugeante indigne de nos niveaux en philosophie et en psychologie. Les moines veulent nous apprendre la psychologie mais sans écouter ce que nous psychologues occidentaux avons à dire, une pédagogie de l'inculcation et non de l'échange autoformatif. Toutefois, si nous ne "voulons pas tout, tout de suite" à l'américaine la méthodologie de la méditation zen épurée donc des falbalas religieux bouddhistes est un outil mental non opposé à notre pensée critique. Il est évident que la méditation est une discipline longue et ardue pour domestiquer progressivement notre cerveau à s'arrêter de penser à toutes sortes de futilités. Les Néandertaliens ont cohabité avec les Homo Sapiens, il en a été de même pour la fleur au fusil entre les beatniks et les hippies jusqu'au virage des sectes et des drogues.
Dès les années 1966-68 à New-York, Timothy LEARY annonce sa nouvelle religion : "League for Spiritual Discovery" mieux connue par les initiales d'un acide de synthèse, le LSD. Celui-ci se consomme en léchant un timbre poste, comme une ostie psychédélique, un autre chemin que l'apprentissage lent de la méditation pour atteindre des EMC. Les lécheurs d'acide y arrivent dans l'immédiat et ils en ressortent avec une frustration de dépendance pire que nos assuétudes aux grands vins de France ou d'Italie.

Notons en passant que les EMC n'ont rien de mystérieux, nous faisons naturellement des transes légères de détachement lorsque nous conduisons machinalement notre voiture ou lorsque nous nous détendons dans un bain chaud.

Nous distinguons donc l'hypoactivité mentale du zen des transcendances religieuses qui sont toutes des hyperactivités mentales extatiques avec ou sans drogue ainsi que des religions sans dieu comme le bouddhisme avec une quête d'un Nirvana aussi noir que l'absolu de la mort pour certains alors que pour les bouddhistes virtuoses, le nirvana côtoie le samsara de la vie quotidienne. On ne peut se défaire de sa culture d'origine mais on peut l'enrichir sans pour autant faire des profits économiques ou de l'ethnocentrisme occidental comme oriental. "Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie", nous dit l'anthropologue Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques.

La mystique sauvage[v]

FREUD était un juif athée et cela transparaît dans ses textes où la raison logique domine. Son homologue Jung va plus loin dans ses hypothèses mais apparaît aussi dès lors dans son époque comme moins scientifique. Pour FREUD [vi] , le mysticisme est lié avec le narcissisme du sujet et aussi dans le stade qui précède, celui du Moi-Idéal de fusion anténatale avec la mère, avec le sentiment océanique. Dans nos archétypes culturels occidentaux, il y a trois puissances, nous dit JUNG[vii] : la force du Phallus (Dieu le père), la Sagesse du St Esprit et la Beauté de la fille (ou du fils) mais cela ne colle pas avec les autres représentations archétypales de l'humanité. Par exemple, le mandala tibétain est toujours un carré (un palais avec 4 portes), la quatrième porte étant notre réconciliation avec l'ombre, l'obscur, la volonté de vivre. On pourrait ainsi imaginer qu'accepter nos peurs, nos terreurs en enlevant les masques pour regarder non seulement la beauté mais la laideur (des points de vue subjectifs) de l'humanité, c'est en quelque sorte l'accepter avec la cruauté de la nature (le petit de la gazelle à moitié sorti de la matrice et qui est déjà déchiré par les dents et les griffes du guépard). Notre quatrième pilier sans masque est le SELF, l'authenticité sans état d'âme, au-delà de la joie et de la tristesse de SPINOZA avec l'énergie MANA.

Dépressions

Pour le psychanalyste MASSON[viii], les textes indiens des Védas baigneraient la vie mystique dans un climat émotionnel dépressif (souffrance, douleur, impermanence, dépersonnalisation, déréalisation, aspiration à ne plus être,…)Ce n'est pas moi qui suis déprimé, aurait pu dire le BOUDDHA, c'est la réalité qui est déprimante. Nous retrouvons cette ambiance morose dans la clinique, notamment la psychose maniaco-dépressive, symptôme de mécanisme de défense vis-à-vis de traumatismes affectifs de la petite enfance.

Les mystiques en tant qu'individus seraient des névrosés qui se servent de l'imaginaire religieux ambiant (c'est-à-dire de la culture locale de l'époque) pour une reliance au monde malgré la misère de leur petite enfance et pour conserver une participation minimale à la vie sociale. En Inde, il y a aussi les éléments consolateurs des vies antérieures et la métempsycose de la réincarnation inlassable et si, l'on a un très bon karma de son vivant (une vie de saint), peut-être le nirvana ou extinction totale selon le principe du même nom de Freud.

MASSON évoque un quatrième critère des "formations réactionnelles" celui de la joie brève mais éclatante de l'extase. Cette joie excessive peut être la dénégation de l'angoisse mais cette émotion peut aussi être celle du chercheur qui trouve (Euréka !).

Notons qu'une personnalité borderline dépressive n'est pas pour autant en dépression (selon Janet) mais, devant une lucidité dépassant celle des personnes ordinaires conformistes, peut évoluer vers le mysticisme ou son opposé la philosophie pessimiste. Nuançons la béatitude : lors d'une troisième retraite de méditation zen d'une semaine, j'ai rencontré un jeune homme qui était émerveillé de toutes les coïncidences et coincé des zygomatiques dans l'archétype des béats souriants. Je sais bien que je ne suis qu'une vague éphémère d'une vie qui retournera un jour à l'océan mais cela ne me réjouit nullement, je n'ai pas de sentiment océanique, je veux vivre l'instant ici et maintenant.


Douleurs et souffrance

Par commodité, nous n'abordons ici que des douleurs physiques en laissant entre parenthèses les souffrances psychiques et mentales car trop en dépendance avec nos représentations.

La douleur est monotone dans sa structure et se donne à voir dans son intensité variable et ses rythmes de croissance ou de plateau (vive ou sourde, intermittente, fulgurante, continue,…). Elle est liée par une stimulation localisée au début à son endroit de perception (pressions, piqûres, tensions, frottements,…) puis cette localisation précise a tendance à s'estomper lorsqu'elle croit en intensité. La douleur commence donc par une sensation mais elle se heurte à l'opposition de l'entité qui se raidit contre elle, la refuse en vain. La douleur est donc une lutte entre le corps et un envahisseur hostile avant de s'y résigner. Notons, quel que soit le mal, qu'il y aura une composante psychique engrammée dans le cerveau. Par exemple, un bon vivant souffrant de la goutte (cristaux d'azote) au gros orteil et amputé de la jambe à la suite d'un accident continuera à souffrir de la goutte même s'il accepte le fait qu'il est unijambiste. Le terme souffrance en français est plus limpide étymologiquement : "subir passivement", "endurer", "supporter".

Le douloureux donne lieu à un refus de l'entité car il indique à moyen terme la mort. Pour Epicure, il faut distinguer les désirs-envies (façon Freud, c'est-à-dire qui sont des désirs toujours insatisfaits car une fois que l'on possède l'objet de son envie, il n'a plus de charme et on aspire à un autre désir) et les besoins qui eux participent à notre survie (respirer, boire, manger,…); autrement dit, tout ce qui va vers la destruction de notre être, de notre volonté de vivre est "mauvais".. La douleur est un avertissement halluciné de la propre mort de la monade intérieure et dramatisé par notre conception linéaire du temps. On a deux fois plus mal lorsque l'on se tracasse à propos de notre douleur, dit un dicton.

Mais qu'est-ce que l'entité personnelle, la personnalité en regard de la vie en général. Nous sommes cristallisés dans notre esprit en une monade alors que nous évoluons dans les bourrasques des forces naturelles et cosmiques. Qu'est-ce qu'une douleur du corps propre de la fourmi lorsqu'un ras de marée ou un glissement de terrain en fait disparaître des milliers ? Nous évaluons notre douleur dans notre moi incarné dans notre forme et notre conscience. Si nous distinguons avec SHIVA, la forme Moi et le vivant, on peut alors dire que ce dernier demeure un et indivisible lorsqu'il affirme la vie contre l'entropie environnementale.

Notre conscience de soi est un amour narcissique irréfléchi et sans limites. Le sujet se préfère au reste de l'univers et les autres peuvent ainsi être considérés comme des matériaux à exploiter par le sujet pour lui éviter de périr avant l'heure.

Etats modifiés de conscience

Une bouffée d'angoisse peut saisir le mystique, le plonger dans la stupeur et l'effroi du réveil de sa somnolence quotidienne puis le relais antidouleur va être pris par le ravissement extatique (apparitions, voix, changement de l'environnement, etc.). Après l'extase, le sujet retombe dans un détachement mélancolique, un désenchantement du monde et un attrait pour l'ascétisme religieux couplé à un désinvestissement libidinal.

L'ivresse psychédélique du LSD peut provoquer un EMC tout comme des facteurs naturels : privation sensorielle, isolement d'une retraite, ennui, hypnose de l'autoroute, lavage de cerveau, hystérie de groupe, orgie, panique, prière assidue, concentration sur une tâche, méditation sur un mantra, jeune, insomnie, danse, apparition. On pourrait classer ce listing non exhaustif entre les phénomènes de vidange de la conscience (monotonie de la tâche) et son contrôle, la mobilisation totale de la conscience sous l'emprise d'une situation de danger.

Les EMC peuvent s'accompagner de caractères parapsychologiques comme l'état de transe, la "sortie du corps", l'impression de dédoublement, les hallucinations, le copain invisible soit les personnalités multiples.

Les personnes qui tombent inopinément dans un EMC ne cherchent qu'à regagner la berge la plus proche; alors que ceux qui ont provoqué en eux l'EMC restent dans cet élément pour l'explorer et mobiliser les énergies vitales. Avec l'éclairage de la psychopathologie, on peut constater des symptômes hystériques chez de nombreux mystiques doués pour l'extase avec des douleurs fantômes OU au contraire des endroits du corps insensibles à la douleur (hyperesthésie des possédés), des contractures et des paralysies sélectives (repris didactiquement dans la forme des masques de certaines ethnies africaines).
La parole et la marche sont altérées, on peut trouver une anorexie prolongée, des hallucinations ou des paroles dans la tête (parfois des chants d'oiseaux).Certains hyper cérébraux et donc grands mystiques vont jusqu'à développer les stigmates du Christ en croix.

Madeleine est une malade traitée pendant cinq ans (1896-1901) par Pierre JANET [ix] à La Pitié-La Salpêtrière de Paris, d'une grande dévotion avec des moments extatiques et souffrant de contractures (elle marche sur la pointe des pieds).

JANET s'intéresse à son discours (écrit, oral et corporel) constitué par un mélange d'effusions lyriques et d'aspects délirants puérils. JANET parle d'énergétisme psychique (comme JUNG) et notamment de déficit énergétique à la synthèse mentale. Il élabore le concept de "tension psychologique" dont l'absence inhibe la réalisation correcte d'une conduite.

Madeleine passe de façon cyclique par cinq stades : un état
- d'équilibre (la normalité)
- de consolation (catatonie, joie puis extase),
- de torture, souffrance morale (Satan cherche à la violer),
- de sécheresse, d'ascétisme (peur du plaisir),
- de tentation (marcher sur la pointe des pieds pour arriver à la lévitation).

Pour Janet, la psychasthénie est une atrophie du sens social. Madeleine s'interdit toute satisfaction sexuelle mais le refoulé fait retour dans son discours avec, pour décrire ses extases, un langage au contenu sexuel latent. Madeleine est inhibée par l'action, alors elle s'enferme dans ses pensées. Son ravissement est une manipulation de sa propre pensée plutôt que d'agir. Elle renonce à intervenir dans le monde extérieur, l'affectivité immobile au lieu de l'action. Pour elle, l'extase est une "économie libidinale" plus facile. JANET ne considère pas le plaisir ou la douleur à l'état pur mais l'affectivité en mouvement, celle qui lance l'action et constamment de nouveaux objectifs. Pour lui, les sentiments (non les émotions) sont des régulateurs d'action.

Le classement de FISCHER

Edgar MORIN [x] rejoint le psychologue Pierre JANET en citant dans son ouvrage "La connaissance de la connaissance" la cartographie des états méditatifs et extatiques de FISCHER. A l'état de veille normale, notre cerveau peut être en routine journalière (légèrement excité) ou en relaxation. Si on poursuit la voie de l'excitation cérébrale, nous aurons alors une sensibilité plus fine pouvant conduire à la créativité artistique (le masque) mais parfois, si l'on n'y prend garde, à l'anxiété (angoisse). L'état de surexcitation suivant peut donner des hallucinations voire des états schizophréniques, autistiques allant jusqu'à la catatonie comme le montre l'hébétude de certains masques LEGA, puis au "rapt mystique" de l'extase religieuse dont Sainte Thérèse d'Avila est le modèle type dans notre culture.

Sur le chemin inverse, si nous cultivons le calme profond par la méditation zazen, nous pouvons aller vers une hypoactivité cérébrale comme les fakirs yogi. La méditation zen est une autre démarche pour atteindre une fondation psychologique mais elle peut aussi être dangereuse pour les dépressifs. La première phase est Samatha, la détente, le relâchement, le lâcher-prise : essayer de ne plus penser mais sentir. La seconde phase est Vipassana, il s'agit de se concentrer sur un point précis, une sorte de contemplation non hystéroïde, une fusion avec ce qui nous entoure sans le sentiment océanique. Si nous sommes en développement personnel, deux chemins sont alors possibles : lever la tête et contempler le vide du cosmos avec la sérénité de faire partie de l'ensemble ou baisser la tête, voir un trou profond (le vide) et y tomber si nous sommes dans un état dépressif ! Le SAMADHI du Yoga est le summum de cette hypoactivité. Notons à partir de FISCHER que les extrêmes se rejoignent par un anneau de Moëbius où l'on peut enlever ses masques pour être soi-même dans l'authenticité de l'instant.

Nous pouvons percevoir fugitivement, par la voie spirituelle ou son contraire, la volonté de vivre sans masque c'est-à-dire sans sens, sans raison d'être que la vie en elle-même mais bien vite pour notre survie mentale représentative, le couvercle retombe et nous saurons dans notre mémoire que nous avons perçu les quatre piliers mais très vite nous aurons remis le masque.

En résumé avec Georges LAPASSADE [xi] , les EMC comme phénomènes ont six critères communs : rupture du cours ordinaire des pensées, flou avec l'environnement quotidien, angoisse, sentiment d'un autre espace-temps et émerveillement, retour impromptu dans la "réalité", réadaptation difficile aux conditions ordinaires.
Les EMC recoupent trois idées forces interdépendantes :
· La perception d'une autre réalité moins terne que l'existence sociale et le monde sensible,
· Les contingences de nos vies répétitives et sans repère dans une finalité qui nous échappe (au-delà du "bon et mauvais"),
· La conscience fraternelle d'un seul et même élan vital, avec des émotions partagées dans l'humanitude mais aussi par extension à tout le monde vivant.

Les conditions nécessaires mais non suffisantes sont :
- une fragilisation de l'être lié à une maladie, une opération, une épreuve de vie, une crise,
- une résilience face à cette défaillance des mécanismes de défense permettant une diffraction de la conscience,
- une préparation par un soutien de groupe (transe) ou de la prise de plantes psychotropes ou encore par une méditation longue,
- la liquéfaction de la pensée conceptuelle,
- l'interprétation post-expérience dans l'ordre du psychoculturel et des déterminismes sociaux de la personne.

Le lâcher prise et la joie du sage

Notre conscience d'être un élément microscopique de l'univers participe de notre intellect raisonnant en lien avec les affects et le corps : nous avons toujours une représentation intellectuelle ET émotionnelle de notre univers (non limité à un Dieu anthropomorphe qui n'aurait d'autre activité que celle d'écouter inlassablement nos prières mesquines). Nous étions ce cosmos lorsque nous ignorions le monde extérieur à notre moi-peau (ANZIEU[xii] ) au stade intra-utérin, auquel les suicidaires aspirent de façon inconsciente. Il reste des traces de ce passage évolutif dans notre inconscient, je fais l'hypothèse que les grands mystiques doivent mieux conserver en mémoire une ouverture de leur histoire prénatale. Un Moi moins délimité que celui de notre confrontation aux autres et aux déterminismes sociaux mais, au contraire, sans nécessairement de déité ajoutée, une sensation océanique qui les relie au grand Tout.

Les sentiments (joie, tristesse,…) sont des moteurs qui tendent à réguler les efforts par homéostasie (équilibre), un feed-back d'autorégulation qui est déréglé chez le malade mental; les ravissements énormes sont incongrus, nous dit JANET[xiii].
La joie est fonctionnelle, elle procure à l'énergie psychique mobilisée et non entièrement dépensée une sorte d'exutoire. Chez les perturbés de l'humeur, cette joie vient à vide, pour elle-même comme si elle constituait une fin en soi, donc une joie déplacée annonciatrice de défaites ou de désillusions car il n'y a aucune victoire dans cette réjouissance (pas même un magnifique coucher de soleil) mais un gaspillage des forces.

La joie du zen est différente de celle du mystique. Lorsqu'une personne est en état d'extase, de pure félicité, elle est transportée dans son "bonheur" et les souffrances passées ou à venir, pour elle comme pour les autres, ne sont plus domaine de la conscience : "tout est bien !". La personne en transe extatique s'arrache au monde, au temps et à son individualité ainsi qu'au social et à ses atrocités (génocides par exemple).

Par contre, dans les états non paroxystiques, paradoxe de la vie affective, la joie ne se laisse pas réduire à un état d'âme flash dans un être lui-même éphémère. La joie du sage se passe aussi de mots (le doigt du Bouddha montrant la lune), elle résonne avec la compassion et le bien des autres humains, donc est engagée contre son pôle antagoniste du mal, de la souffrance et de la négation des autres. La joie est sans discours mais non pas sans la conscience du malheur des êtres, la vie affective concrète se déploie sur l'interaction entre la joie et son fantôme.

Lorsque nos sociologues et philosophes occidentaux comme LAPASSADE, SCHOPENHAUER[xiv] ou NIETZSCHE[xv] se sont intéressés à la pensée orientale du bouddhisme pour virtuoses, ils n'ont pas perçu que les deux pôles (l'extase et le samadhi) coexistaient aux extrémités de cette bande de Moëbius du schéma de Fischer comme dans l'espace courbe de l'oméga. En effet, certains croyants bouddhistes par exemple peuvent répéter des milliers de fois le mantra "Om Mané Padmé Oum" et entrer en transe puis en extase mystique et découvrir la joie excitée et éphémère de la sortie du monde alors qu'à l'opposé, des moines se taisent, lâchent prise, observent et découvrent parfois la joie simple et permanente de l'entrée dans le monde, ils sont alors le monde.

Jean-Marie LANGE,
09.09.2009.
(1ère partie EMC et hypnose, 02.01.2002)

[1] Morin Edgar, L'identité humaine, La méthode 5. L'humanité de l'humanité, Paris, Seuil,
Novembre 2001, p.100.
[2] Castaneda Carlos, Le voyage à Ixtlan, Les leçons de don Juan, Paris, Folio/essais, 1988, p.117-118.
[3] Cioran E. M., Précis de décomposition, Paris, TEL Gallimard, 2000, p.39.
[4] Freud Sigmund, L'interprétation des rêves, Paris, PUF, 1926, 1987, p. 491.
[5] Lapassade Georges, Les états modifiés de conscience, Paris, PUF, 1987, p. 114, citant Tart Ch., Altered States of Consciousness, New York, John Wiley, 1969 et Hilgard E.R., Divided consciousness : multiple controls in human thought and action, New York, Wiley & Sons, 1977..
[6] Source : Tart Ch., States of Consciousness, New York, E.P. Dutton, 1975.
[7] Morin Edgar, L'identité humaine, La méthode 5. L'humanité de l'humanité, Paris, Seuil,
2001, p.77.
[8] Rossi Ernest L., Du symptôme à la lumière. La nouvelle dynamique des systèmes auto-organisés en hypnothérapie, Bruxelles, Satas, 2001, p.403.
[9] Roustang François, La Fin de la plainte, Paris, Odile Jacob, 2001, p.102.
[10] Tenenbaum Sylvie, L'hypnose érickonienne : Un sommeil qui éveille, Paris, InterEditions,
1996, p.31-32.
[11] Anzieu D. & Martin J.Y., La dynamique des groupes restreints, Paris, PUF, 1968.

[12] Melchior Thierry, Créer le réel. Hypnose et thérapie, Paris, Seuil, 1998, p.471.
[13] Lapassade Georges, La transe, Paris, PUF, 1990, p.13.
[14] Canault Nina, Comment le désir de naître vient au foetus, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, p.166.
[15] Roustang François, La Fin de la plainte, Paris, Odile Jacob, 2001, P.157.
[16] Nathan Tobie, Psychanalyse païenne, Paris, Odile Jacob, 1995, p.124.
[17] Dahan Jocelyne et al., Les médiations, la médiation, coll. Trajets, Toulouse, Erès, 1999, p.296.
[18] Rossi Ernest L., Du symptôme à la lumière, La nouvelle dynamique des systèmes auto-organisés en hypnothérapie, Bruxelles, Satas, 2001, p.105.
[19] Erickson M., et Rossi E., Hypnotherapy : An Exploratory Casebook, New York, Irvington, 1979, p.288.
[20] Laplanche J. & Pontalis J.B., Vocabulaire de la psychanalyse, Paris , PUF, 1981, p. 336.
[21] Morin Edgar, L'identité humaine, La méthode 5. L'humanité de l'humanité, Paris, Seuil,
2001, p.111-112-113.
[22] Nathan Tobie, ...fier de n'avoir ni pays, ni amis, quelle sottise c'était. Principes d'ethnopsychanalyse, Aubenas d'Ardèche, La pensée sauvage, 1993, p.98.
[23] Morin Edgar, L'identité humaine, La méthode 5. L'humanité de l'humanité, Paris, Seuil,
2001, p. 83.
[24] Source : Colleyn Jean-Paul, Nkpiti, la rancune et le prophète, Bruxelles, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1989.
[25] Nathan T., Le sperme du diable, Paris, PUF, 1995, p.118.
[26] James William, L'expérience religieuse : essai de psychologie descriptive, Paris, Alcan, 1926, p. 66.
[27] Chögyam Trungpa, Pratique de la voie tibétaine, Au-delà du matérialisme spirituel, Paris, Points, 1976, 1991, p.234-235.
[28] Lapassade Georges, Les états modifiés de conscience, Paris, PUF, 1987, p.47-48
[29] Thich Nhat Hanh, La sérénité de l'instant, St Jean-de-Braye, Dangles, 1996, p.64-65-69.
[30] Morin Edgar, La méthode 5. L'humanité de l'humanité. L'identité humaine, Paris, Seuil, 2001, p.264.
[31] Rossi Ernest Laurence, Du symptôme à la lumière, La nouvelle dynamique des systèmes auto-organisés en hypnothérapie, Bruxelles, Satas, 2001, p. 391.
[32] Au bout de cycles de sommeil profond d'environ 1h30', pendant une vingtaine de minutes, nous rêvons. Cet état d'activation cérébrale peut se constater par les mouvements oculaires rapides (REM) de dessous les paupières du dormeur et par le tracé d'un électroencéphalogramme (EEG) où les ondes cérébrales sont proches de celles de veille.
[33] Thom R., Modèles mathématiques de la morphogénèse, Paris, C. Bourgeois, 1981.
[34] Rossi Ernest Laurence, Du symptôme à la lumière, La nouvelle dynamique des systèmes auto-organisés en hypnothérapie, Bruxelles, Satas, 2001, p. 129.
[35] MALAREWICZ Jacques-Antoine, LA FEMME POSSEDEE. Sorcières, hystériques et personnalités multiples. Postface d'Edgar Morin, Paris, Robert Laffont, 2005, p. 83.
[36] THICH NHAT HANH, dans son ouvrage "Le cœur des enseignements du Bouddha", Paris, La Table Ronde, 2000, donne un exemple énorme de la culpabilisation religieuse, une méchanceté psychique sournoise bien moins innocente qu'un verre de vin : " Un jour, à Londres, une femme m'a dit qu'elle buvait deux verres de vin par semaine depuis vingt ans et que cela ne lui avait jamais fait aucun mal. Pourquoi devrais-je y renoncer ?" m'a-t-elle demandé. Je lui ai dit : "C'est vrai que deux verres de vin ne vous font pas de mal. Mais êtes-vous sûre qu'ils ne font pas de mal à vos enfants ? Vous n'avez peut-être pas de graine d'alcoolisme en vous, mais qui sait s'il n'y a pas de graines d'alcoolisme en vos enfants. Si vous renoncez au vin vous le ferez non seulement pour vous-même, mais aussi pour vos enfants et la société." Cette femme a compris ce que je voulais dire, et, le lendemain matin, elle a reçu formellement les cinq entraînements à la pleine conscience.(…) S'abstenir de boire un premier verre de vin est la forme de protection la plus élevée. Ce faisant, vous vous protégez vous-même et tous les autres en même temps."(p.126)
[37] "Comme les ethnotranses de vision et de possession, les ethnotranses extatiques impliquent deux composantes : un état modifié de conscience particulier nommé EXTASE, d'une part, et d'autre part la collectivisation et la ritualisation de cet état. William JAMES (1906) considère que "la vie religieuse a sa racine dans l'expérience mystique". Comme son tempérament, dit-il, ne le porte pas au mysticisme, il ne peut en parler que "d'après les autres", c'est-à-dire à partir des textes de ceux qui en on l'expérience.(…) JAMES dégage neuf traits essentiels de l'expérience extatique : l'unité indifférenciée du sujet et du monde, la perte du sens habituel de l'espace et du temps, le sens du sacré, le sentiment de certitude absolue de la connaissance attachée à l'expérience vécue, l'aspect paradoxal de l'expérience, l'ineffabilité, le caractère transitoire, un sentiment profond de l'ordre de l'amour, des changements positifs de comportement et d'attitude maintenus après cette expérience." LAPASSADE Georges, La transe, Que sais-je ?, Paris, PUF, 1990, p. 47-48.

[38] "Le jésuite pris lui-même de délire érotique, et en proie à des attaques d'hystérie, ne lui laissait de repos ni jour ni nuit. Il la faisait mettre complètement nue devant lui et, sous prétexte de châtier Isaacaron, le démon de l'impureté dont elle ne pouvait se débarrasser il lui ordonnait de s'administrer la discipline. Jeanne exécutait l'ordre de cet halluciné." Gabriel Légué et Gilles de la Tourette (tous deux élèves de CHARCOT) préfacent selon leur analyse psychopathologique l'ouvrage "Sœur Jeanne des Anges, Autobiographie d'une hystérique possédée", Grenoble, 1886, Jérôme Million, 1990, p30 & 44, cité par MALAREWICZ, La femme possédée, ibid., p. 59 et 61.

[39] "(On distingue) les transes de vision – du chamanisme et de l'ensemble des cultures amérindiennes – et les transes rituelles de possession.(…) La transe de possession rituelle suppose que, dans le rite, des esprits puissants et autoritaires vont agir à la place des femmes dominées. En outre, les femmes qui fréquentent ces cérémonies sont celles qui rencontrent le plus de difficultés dans l'adaptation à leurs nouvelles conditions de vie; elles ont alors recours à l'évasion dans l'imaginaire qui leur est offerte par ces cérémonies. Chaque type de transe peut être analysé comme une réponse à des stress qui diffèrent selon les formes de société et la place des groupes dans ces sociétés. La transe de vision est une expérience tandis que la transe de possession permet l'exhibition d'une performance publique : un public lui est indispensable." LAPASSADE Georges, Les états modifiés de conscience, Nodules, PUF, 1987, p. 87-89.

[40] "L'induction hypnotique est l'aboutissement "laïcisé" des techniques d'exorcisme comportant la mise en transe des possédés avec l'intention d'expulser les démons qui les tourmentent; l'induction psychédélique en laboratoire se situe dans le prolongement de traditions qu'on rencontre un peu partout dans le monde – traditions qui impliquent une connaissance des effets hallucinogènes de certaines plantes; l'induction mystique, telle qu'on la pratique dans diverses formes de méditations, est l'aboutissement d'une très ancienne tradition de pratiques religieuses." LAPASSADE Georges, Les états modifiés de conscience, Paris, Nodules, PUF, 1987, p. 29.


[41] "Sœur Jeanne des Anges a été possédée par sept diable, dont trois furent chassé le samedi 20 mai 1634 (et firent pour signe de leur sortie, trois ouvertures en son côté droit), il s'agissait d'ASMODEE des Throsnes, d'AMAN des Puissances, de GREZIL des Throsnes, les quatre autres sont LEVIATAN des Séraphins, qui a sa résidence au milieu du front et a promis pour signe d'y faire une croix de sang, BEHEMOTH des Throsnes, qui a sa résidence en l'estomac et a promis pour signe d'enlever la fille de deux pieds de haut, BALAAM des Dominations qui a sa résidence à la seconde côte du côté droit et pour signe doit écrire sur la main gauche de la fille son nom qui y doit demeurer toute sa vie. ISAACARON des Puissances a sa résidence sous la dernière côte du côté droit, et pour signe a promis de fendre le gros doigt de la main gauche, autant qu'en emporte l'ongle des deux côtés." La demonomanie de Lodvn, La flèche, chez George Griveau, 1634, p. 57; cité par MALAREWICCZ,
p. 82,

[42] BREUER Joseph, FREUD Sigmund, Etudes sur l'hystérie, Paris, PUF, 2000 : "Nous transformerons notre patient en collaborateur et l'amènerons à s'étudier lui-même avec l'intérêt objectif propre aux chercheurs. C'est ainsi que nous parviendrons à étouffer une résistance fondée sur l'affectivité."(p. 228).

DEVEREUX Georges, De l'angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris, Flammarion, 1986, p.134.
[44] DEVEREUX, ibid, p. 228.
[45] CLEMENT Catherine & NATHAN Tobie, Le Divan et le Grigri, Paris, Odile Jacob, 2005, p. 117-118.
[i] MORIN Edgar, L'identité humaine, La Méthode 5 "L'humanité de l'l'humanité", Paris, Seuil, 2001 : "L'ensemble constitué par les dualités internes, la pluralité d'inconscients, la multiplicité d'instances cérébrales et psychiques, les pluralités mentales séparées en compartiments s'entre-ignorant, la division bien connue mais pertinente entre le cœur et la raison, tout cela permet ou détermine des phénomènes apparemment paradoxaux qui sont la bonne-mauvaise foi, la simulation au sens clinique, c'est-à-dire sincère, le mensonge à soi-même ou self-deception, où nous réussissons à nous tromper, nous aveugler sur ce qui nous gêne ou nous lèse."(p.100)

[ii] ELIADE M., Mémoires I. Les promesses de l'équinoxe, Paris, Gallimard, 1980, p. 281.

[iii] BAUDRILLARD J., La société de consommation, Paris, Gallimard, 1979.

[iv] THICH NHAT HANH, Transformation et guérison, Paris, A. Michel, 1997.

[v] HULIN Michel, La mystique sauvage, Paris, PUF, 1993.

[vi] FREUD Sigmund, L'homme Moïse et la religion monothéiste, trois essais, Paris, Gallimard, 1989.
FREUD S., Malaise dans la civilisation, Paris, PUF, 1989.
FREUD S., L'avenir d'une illusion, Paris, PUF, 1991.

[vii] JUNG C.C., L'homme à la découverte de son âme, Genève, du Mont Blanc, 1970.
JUNG C.G., Métamorphoses de l'âme et ses symboles, Paris; Livre de Poche/Références, 1996.
JUNG C.G., Dialectique du Moi et de l'Inconscient, Paris, Gallimard, 1981
JUNG C.G., L'Energétique psychique, Paris, Le Livre de Poche, 2003.
JUNG C.G., Commentaire sur le Mystère de la fleur d'or, Paris, Albin Michel, 2003.
JUNG C.G., Psychologie du yoga de la Kundalinî, Paris, Albin Michel, 2005.
JUNG C.G. & KERENYI C., Introduction à l'essence de la mythologie, Paris, PBP, 2005.
MOACANIN R., C.G. JUNG et la sagesse tibétaine, Paris, Le Relié, 2001.

[viii] MASSON J. M., The oceanic Feeling, The origins of Religious Sentiment in Ancient India, Dordrecht (Holland), D. Reidel, 1980.

[ix] JANET Pierre, De l'angoisse à l'extase, Paris, Alcan, 1926.

[x] MORIN E. Le vif du sujet, Paris, Seuil, 1969.
MORIN E., Science avec conscience, Paris, Points Sciences, 1990.
MORIN E., La méthode, tome 1, La nature de la nature, Paris, Points, 1981.
MORIN E., La méthode, tome 2, La vie de la vie, Paris, Points, 1985.
MORIN E., La méthode, tome 3, La connaissance de la connaissance, Paris, Points, 1992.
MORIN E., La méthode, tome 4, Les idées des idées, Paris, Points, 1994.
MORIN E., La méthode, tome 5, L'humanité de l'humanité, Paris, Seuil, 2001.
MORIN E., La méthode, tome 6, Ethique, Paris, Seuil, 2004.
MORIN E., La tête bien faite, Paris, Seuil, 1999.
MORIN E., Les 7 savoirs nécessaires à l'éducation du futur, Paris, Seuil, 2000.

[xi] LAPASSADE G., Les Etats Modifiés de Conscience, Paris, PUF, 1987.

[xii] ANZIEU D., Le Penser, Du Moi-peau au Moi-pensant, Paris, Dunod, 1994.

[xiii] JANET Pierre, De l'angoisse à l'extase, Paris, Alcan, 1926 : " C'est ainsi qu'unipolaire en droit, la joie devient bipolaire en fait. En un sens, cette discrépance du fait et du droit – qui constitue toute la substance du mal – ne peut être qu'apparence. Mais la ténacité de cette apparence équivaut dans les faits à une réalité à part entière car, une fois constituée, elle structure toute sensibilité humaine, lui conférant un caractère irrécusablement dichotomique. Elle n'a donc de chance d'être surmontée, en tout état de cause, que démontée dans son mécanisme et éclairée dans sa genèse.(…) On pose la question du mal à l'intérieur du champ mental déjà structuré par les fausses évidences de la dichotomie bon/mauvais. Nous nous efforçons ici, au contraire, de ressaisir le sens du mot à l'état naissant."(p.207)

[xiv] SCHOPENHAUER A., Le monde comme volonté et comme représentation, Paris, PUF, 2003.

[xv] NIETZSCHE Friedrich, L'Antéchrist suivi de Ecce Homo, Paris, Folio, 2008 :" Le bouddhisme est la seule religion positiviste qui nous montre l'Histoire, et même dans sa théorie de la connaissance (un strict phénoménisme) – il ne dit plus : "guerre au péché", mais, rendant à la réalité ce qui lui est dû : "guerre à la souffrance". Il a déjà laissé derrière lui – et c'est ce qui le différencie radicalement du christianisme – l'automystification des conceptions morales; il se trouve, pour employer mon langage, outre bien et mal.
Les deux faits physiologiques sur lesquels il repose et qu'il ne perd jamais de vue sont : premièrement une hyperexcitabilité de la sensibilité; qui se traduit par une aptitude raffinée à la souffrance, puis un caractère hyper cérébral, une trop longue existence parmi les abstractions et les opérations logiques, au cours de laquelle l'instinct personnel a été désavantagé au profit de l'"impersonnel". En raison de ces conditions physiologiques, une dépression s'est créée : c'est contre elle que le Bouddha prend des mesures d'hygiène."(p.30-31)