Le fonctionnement à la croyance : la nocivité de toutes les religions
"D'en haut de vos très blanches loges
Les voyez-vous qui s'interrogent
Millions de fourmis qui pataugent
La tête tournée vers les cieux ?
Sommes-nous seuls dans cette histoire
Les seuls à continuer à croire
Regardons-nous vers le bon phare
Ou le ciel est-il vide et creux ?"
(Le chêne liège - Francis CABREL - "Des roses et des orties", 2008)
"Il est difficile de croire, par exemple, que la santé soit améliorée par l'état semi-permanent de culpabilité morbide dont souffrent les catholiques dotés d'une fragilité humaine normale et d'une intelligence inférieure à la normale. Il n'est peut-être pas juste de faire une distinction pour les catholiques. Toutes les religions sont les mêmes : la religion, c'est fondamentalement la culpabilité, avec des jours de fêtes différents."(Richard DAWKINS)[1]
Introduction subjective
J'ai été élevé dans le mensonge, personne ne m'a dit la vérité révélée et comment pourrais-je faire partie d'une poignée d'élus (Les Témoins de Jéhovah, par exemple) sur des critères obscurs au détriment de l'immense majorité des non-élus. Je n'ai pas de certitude, de dogme ni de communauté qui me dirait depuis ma plus tendre enfance que je suis entouré d'ennemis (une façon de créer une personnalité paranoïde), une communauté qui me guiderait par la prière à ne pas donner mon sang, à ne pas manger l'animal totem (le cochon), qui me protégerait même si je n'ai rien demandé en choisissant pour moi mes études et mes loisirs (pas de TV, pas de sortie Rock, pas de vin, pas de sexe, pas de rire).
Je suis un mécréant, merci mon Dieu de m'avoir permis de croquer la pomme de la connaissance pour fuir les fonctionnements religieux. Je dis mon Dieu par boutade car je suis résolument athée mais lorsque j'aurai vu un quelconque signe cohérent de cette présence silencieuse, je deviendrai agnostique ou peut-être même combattant anti-Dieu car les massacres et génocides sont des déluges très rapprochés et il faudrait alors combattre ce mal enfin identifié.
Pour l'instant présent, je suis libre; mon corps pourrira et il n'y aura même pas d'âme pour lui survivre. Je vis ici et maintenant et ce que je suis est le résultat de mon histoire de vie (avec mes déterminismes socioculturels) et des relations avec les êtres que j'ai choisi de côtoyer (aimer tout le monde est une lâcheté). J'étudierai jusqu'à mon dernier souffle et je serai seul dans mon cercueil mais entretemps, la fraternité et l'amour de l'humanité sont mes choix lucides pour me perfectionner en luttant contre mes tendances animales à la domination et à l'exploitation d'autrui.
Sigmund FREUD
Dans "Totem et tabou", FREUD [2]émet une hypothèse intéressante sur la horde primitive. Le père de la tribu peut être compris non seulement dans un sens familial mais aussi dans le sens du pouvoir du Phallus, de celui qui guide et dirige, par exemple le chasseur le plus fort ou le plus habile. Au Néolithique, celui-ci étant donc le plus fort au niveau physique et/ou au niveau stratégique peut élaborer une alliance de groupe pour la chasse au mammouths, une battue pour piéger les mammouths au bord d'une falaise où le troupeau se pousse et se bouscule et où certains tombent et se tuent. Il suffit alors de récupérer la viande pour la ramener au campement.
Il est un peu normal que le chef-père-héros s'approprie les meilleurs morceaux de viande (la glande thyroïde par exemple). Puis il est logique aussi, chez ces hominidés polygames, qu'il choisisse les plus intéressantes des femelles (les vieilles qui savent coudre ?). Pourtant, ce qui était vrai au Néolithique l'est toujours aujourd'hui : l'exercice du pouvoir use et corrompt. Ainsi les autres chasseurs, frères, sont jaloux et frustrés des prérogatives du chef qui augmentent et se répètent dans le temps.
On ne peut rien y faire, il est le plus fort ! A moins de s'unir et de l'attaquer tous ensemble, ce qui fut fait. "L'union fait la force" dit la devise de la Belgique; ainsi, la société s'est construite sur le meurtre du père. Notons que FREUD reprendra ce raisonnement pour fonder sa psychanalyse sur le complexe d'Œdipe, une dérive ethnocentriste car, de par le monde, existent d'autres systèmes que la triangulation de la famille restreinte des Occidentaux.
On le mangea pour prendre sa force (communion cannibalisée), puis on le regretta; il manqua au groupe comme excellent stratège, il y eut donc la naissance de ce sentiment d'affection et d'envie, l'ambivalence amour/haine envers le chef que l'on avait tué. Dans le groupe, un chasseur "petit futé" proposa aux autres d'entrer en communication avec le MANA (la force) de l'ancêtre (animisme), à la condition que les autres chassent à sa place. Et dans la foulée il s'accapara la plus belle grotte, les plus jeunes femmes et les meilleurs morceaux de viande, pas pour lui mais pour faire des sacrifices. De cet accord est donc né la première caste, celle des prêtres qui avaient le privilège de servir d'intercesseurs entre le peuple et les mânes des ancêtres et aussi de traduire les volontés des morts.
Si l'on avait pu tuer le père de sang, avec l'organisation ecclésiastique parasite naissante, cela devient impossible puisqu'il est dans "l'au-delà". Cette caste qui deviendra les Brâhmanes en Inde s'allia les meilleurs guerriers pour servir de police et ce fut la deuxième caste, soit l'alliance de l'épée et du goupillon que nous connaissons depuis des millénaires de civilisation et qu'Etienne de la Boétie, l'ami de Montaigne, a dénoncé comme un système aux nombreux pieds d'argile que seront les travailleurs aliénés croyants.
Notons que pour FREUD : "la religion est une névrose obsessionnelle collective" et effectivement, si nous n'acceptons pas nos pulsions (le ça) comme une composante de notre nature sans pour autant les assouvir, celles-ci refoulées dans l'inconscient ressortiront en névroses et en psychoses. Cela dit, une vie sexuelle épanouie ne suffit pas, il faut encore gérer le surplus de cette énergie psychique par la sublimation créative, soit la pratique quotidienne des étudiants et des artistes.
Henri BERGSON
Nous ne sommes pas nés sur une page blanche mais dans une communauté qui a des règles considérées comme obligations. L'obligation principale était de se soucier du bien commun : au moi individuel devait se surajouter le "moi social". Devoir individuel et morale sociale pour la solidarité sont des lois nécessaires pour la vie en civilisation. Après l'actuelle crise de repères, on pourrait espérer (parmi d'autres possibles) que le sujet se soucie de son moi psychique pour le dépassement de sa pulsion de domination et de l'humanité avec les valeurs d'égalité, de liberté et de fraternité. A titre d'illustration, on peut dire que le néolibéralisme, la richesse ostentatoire du Vatican et les parachutes dorés des chefs d'entreprise ou des élus du parti socialiste belge remerciés sont des actions contraires à toutes morales.
Notre culture n'est pas autour de nous à nous surveiller; elle est en nous, intégrée à notre personnalité. BERGSON cite KIPLING et ce garde-forestier dans la jungle indienne qui tous les soirs s'habille avec smoking pour le dîner pour conserver ses traditions britanniques et son sens de la dignité. Le moi social évolue en ce que nous appellerions aujourd'hui notre conscience civique. C'est par la fréquentation des autres, de notre famille, de notre métier que nous inscrivons en nous de façon indélébile des prescriptions et des obligations pour l'insertion sociale.
Transgresser les règles nous perturbe; aussi les prêtres vont-ils se servir de ce levier inconscient pour manipuler nos consciences sur le substrat de nos déterminismes sociaux, pour que nous nous sentions le plus souvent possible en faute. C'est la conscience malheureuse du péché originel (dont n'a jamais parlé Jésus).
Une bonne intégration, selon BERGSON[3], consiste à domestiquer l'indiscipline naturelle de l'enfant pour l'intégrer à nos normes civilisationnelles. Aujourd'hui, l'Occident est en crise car les vagues de migrants musulmans intégristes veulent notre aide financière mais ne veulent pas respecter nos normes (sujettes à caution comme toutes les normes, y compris celles de nos invités envers leurs femmes) mais surtout veulent nous imposer les leurs sur notre sol (le foulard) en se servant de nos droits de l'homme que, pour la plupart, ils méprisent. En cette fin septembre 2009 dans la commune de Molenbeek, la forte communauté marocaine en terrain conquis crée des émeutes avec la police et nos lois. S'insérer demande à tous des efforts et constitue la clé invisible pour la réussite des études supérieures, pour trouver un appartement hors des ghettos ethniques, pour trouver un emploi où l'employeur considère son employé parce que celui-ci le considère également (la bonne éducation disait-on auparavant).
Les temps sont troublés et en France comme en Belgique, nous voyons le parcage en ghettos des immigrés qui veulent rester entre eux dans des cités de non-droit où, plutôt que de descendre les poubelles, on jette les ordures par les fenêtres, on tague les murs d'escalier, on détruit les ascenseurs, on propose de la drogue aux très jeunes et on terrorise les jeunes filles du même groupe ethnique lorsqu'elles portent des jupes et que leurs vélos ne sont pas voilés.
Respecter les autres même lorsque le gendarme n'est pas là est un acte de résistance à nous-mêmes, à notre égoïsme et à notre paresse pour l'intérêt de tous. Je vis dans un petit appart où il fait bon vivre car les voisins n'ont pas les pratiques barbares que je viens d'énoncer et je milite depuis toujours contre le racisme (en particulier celui envers les femmes maghrébines à qui on refuse la dignité des hommes).
Les êtres intelligents agissent sur eux-mêmes pour limiter leurs désirs par la raison, l'intelligence.
Quelles sont les diverses attitudes des citoyens devant l'obéissance ?
1. L'immense majorité des hommes dans les sociétés instituées par les Eglises et le pouvoir obéissent aux lois (pas toujours équitables) par la menace de la répression d'un bras armé. Transgresser la loi aura des conséquences judiciaires et policières. Michel FOUCAULT[4] l'a bien montré dans "Surveiller et punir" : la torture sur la place publique, l'emprisonnement et la peine capitale ne sont pas pour les déviants mais pour servir d'exemple au peuple qui voudrait penser par lui-même. Nous sommes élevés dans la soumission aux normes "il faut parce qu'il faut", c'est devenu une habitude sociale.
2. La société s'organise par l'élaboration toujours provisoire de ses institutions formant les lois. La cité humaine n'est ni une ruche ni une fourmilière, elle est de forme variable et ouverte au changement. Un contre-pouvoir peut négocier car nous savons par le langage échanger et choisir avec la valeur de la liberté. Le conditionnement social automatique, dans les sociétés à tradition orale, va être dépassé, dans nos sociétés mondiales de consommation par les acquis de l'expérience et la transparence d'un "village planétaire" (Mc LUHAN) Les habitudes séculaires pieuses persistent mais ne sont plus des tabous indépassables, l'obligation des traditions côtoie l'organisation moderne du monde. La morale se métamorphose en une éthique a minima : respecter la vie et la propriété de l'autre. Notons toutefois que cette ébauche d'éthique n'inclut pas la fraternité et vole en éclat dès qu'une tension guerrière se manifeste où l'autre redevient alors l'ennemi (pillage, viol et meurtre).
3. Nous avons commencé par aimer notre famille, notre clan puis notre nation, nous pouvons rêver qu'un jour, nous aimerons aussi le genre humain dans son ensemble, où un homme ne tirera plus pour tuer un autre homme, où nos groupes fermés avec la peur de l'inconnu à l'extérieur (les sans-papiers par exemple) deviendront des groupes ouverts sur la diversité, la courtoisie et le respect des cultures de chacun. Un gros effort reste à faire pour respecter les cultures occidentales. Cela impliquerait un brusque changement de dépassement des chapelles en les limitant à des maisons closes (églises, temples et mosquées par exemple). La morale d'eau bénite (charité, dévouement, sacrifice,…) devrait se transformer en de sereins droits de l'homme pour tous, le droit à la dignité et à la raison de penser ce que l'on désire sans peur de quelques fous tueurs. L'utopie n'est pas une aberration, mais une possibilité de créativité, un simple projet pariant sur le bon côté des hommes pour une gestion plus saine de nos sociétés.
Frédéric LENOIR
LENOIR [5], par ailleurs grand connaisseur des textes bouddhistes, explique l'anticléricalisme du Christ à partir des contradictions des Evangiles. Le regard qu'il pose sur Jésus est celui de l'authenticité de l'homme. Que l'on soit croyant ou non, au sens réel ou au sens symbolique, ce ne sont pas nos déclarations et/ou nos réalisations qui sont à retenir mais les moments où l'on a su rester vrai et dire le non-dit, la parrêsia.
L'expérience de notre vie nous conduit à des choix qui modèleront nos attitudes et nos comportements : "être pour soi sa propre lumière"(Bouddha) ou devenir bien conforme pour jouir des miettes des puissants, par exemple réussir une carrière universitaire dans le cercle fermé des professeurs de facultés ou avec de bons pistons politiques ou encore plus grave il y a une soixantaine d'années ne pas résister à l'oppression nazie et choisir la collaboration. L'église de Pie XII, malgré son service de renseignements sur les camps d'extermination avait choisi de se taire d'ignorer la SHOAH et ses 6 millions de morts, des humains exterminés sans la moindre réaction de la hiérarchie ecclésiastique du Vatican.
En 325, au Concile œcuménique de Nicée, l'Empereur romain CONSTANTIN choisit le christianisme comme religion d'Etat contre sa doctrine rivale de l'époque, l'arianisme, il se fera même baptiser sur son lit de mort. Les catholiques de l'époque, de persécutés deviennent persécuteurs au nom de leur foi, un remake que joueront les successeurs de Mahomet environ 650 après JC avec la DJIHAD [6] (guerre sainte qui consiste à convertir par la force l'infidèle). En Inde aussi, on verra des villages qui se massacrent entre eux parce que l'un est sectateur de Shiva et l'autre de Vishnou alors que, pour les Brahmanes, avec Brahma, c'est la même trinité. Les catholiques eux aussi ont pris goût à torturer et tuer les parfaits non-conformes. (L'Inquisition ne sera supprimée qu'au XVII°). En 391, THEODOSE 1er établit officiellement le christianisme comme religion d'Etat et interdit les cultes païens. En 1453, ce sera la chute de Constantinople et de l'Empire romain d'Orient et la naissance du droit d'ingérence des papes dans les affaires temporelles.
Pour ne pas faire de jaloux, notons qu'outre la DJIHAD islamique et l'INQUISITION [7] chrétienne, la religion juive de la TORAH n'était pas en reste non plus au niveau rigidité et terreur. Pour ses adeptes, il n'y a pas de Christ philosophe, juste un révolutionnaire qui veut devenir roi des juifs et sur lequel l'acharnement des prêtres [8]n'aura nulle limite.
Jésus, fils de Marie [9], fréquentera diverses femmes mais restera célibataire. Il s'oppose à la lapidation de la femme adultère (peu de progrès depuis chez les pieux musulmans) et refuse les lois religieuses et politiques, ce qui fera du clergé (lié au pouvoir romain) son ennemi. Contrairement aux lois de la TORAH ("œil pour œil"), Jésus refuse les provocations et les incitations à la violence, les méchants sont ceux qui ont mal à leur vie. Il sera le modèle de la non-violence de Gandhi.
Le Christ a initié la démarche psychologique de rechercher une spiritualité dans la personne du sujet lui-même. Il n'y a de philosophie chrétienne que du non-sens puisque c'est une foi basée sur des dogmes (une théologie). Aujourd'hui, chez les penseurs humanistes successeurs de Jésus, il reste une éthique désacralisée et sans Dieu (Spinoza). Le message du sage Jésus est dans le social : développer la liberté individuelle et dans l'interne : se découvrir une vie spirituelle non croyante.
Outre ces résistants à qui nous voulons rester fidèles en mémoire - avec "Les Territoires de la mémoire", depuis ce demi-siècle de civilisation - de nombreuses familles ont été massacrées (croyants et athées) et torturées pour rester fidèles à la dignité des hommes. Ce ne sera qu'en 1948 que l'ONU donnera une loi de principe : la Déclaration des droits de l'homme.
Friedrich NIETZSCHE
NIETZSCHE évoque JAHVE le Dieu d'Israël comme l'expression par le peuple juif de sa propre puissance et de la joie d'être un peuple fort, confiant en la nature. Ils priaient leur Dieu de la justice pour avoir de la pluie et comme auto-approbation de bonne conscience d'eux-mêmes. Mais là aussi, les prêtres changèrent ce symbole d'amour-propre collectif pour le dénaturer à leur profit en son contraire. L'idée de Dieu s'instrumentalisa par la soumission au clergé qui fit de JAVHE un Dieu jaloux et vindicatif qui ne supportait pas la désobéissance que l'on appela "péché" et les autres peuples non circoncis dont il fallait abattre les ashrams (autels).
Il y eut donc une inversion de cause et d'effet et le Dieu qui aide et qui inspire la confiance en soi devint le Dieu qui exige avec une causalité antinaturelle, c'est-à-dire contre nature avec par exemple une morale sexuelle très fermée entre élus, un changement entre une morale normative concrète qui régule la cité en une morale abstraite opposée à la pulsion de vie avec promesse d'une rédemption post mortem pour les plus conformes et l'enfer châtiment pour les résistants : la carotte et le bâton. Ainsi s'installa, nous dit NIETZSCHE, ce type humain parasite, le prêtre, qui ne prospère par la mauvaise conscience qu'au détriment des autres humains et de la vie naturelle, ce que l'on perçoit mieux au Tibet avec le lamaïsme, les lamas mendiants et oisifs apprenant par cœur les prières pour chasser les démons, caste supérieure et nourrie par la classe paysanne en échange de ces prières.
Lorsque Jésus prêcha son chemin avec notamment les Béatitudes ("Heureux les pauvres,…"), il courrouça la caste dominante des prêtres d'Israël en voulant créer un autre Royaume.[10] Pour NIETZSCHE, après l'assassinat de ce surhomme, les théologiens transformèrent les sermons de ce BOUDDHA du Proche-Orient pour aviver la propagande chrétienne, avec la notion de mal et de péché, autrement dit inverser un message oral d'amour en la vie et la lumière en un catéchisme de croyances culpabilisatrices et de dogmes fanatiques. "Une religion, c'est une secte qui a réussi", dit la sociologue Anne Morelli. Notons en passant que le concept de "surhomme" a été dévoyé bien après les écrits du philosophe par le "petit homme" Hitler et ses hordes de nazis se servant de la pureté de la race aryenne pour légitimiser l'assassinat en série du peuple ayant crucifié le Christ. Et la bête immonde qui veut dominer le monde n'est pas morte en nous; pensons aux génocides dans l'ex-Yougoslavie ainsi qu'au Rwanda et au Burundi. Le christianisme a lancé lui aussi une lutte à mort contre les penseurs de l'humanité qualifiés d'hérétiques. Dès qu'il y a un fonctionnement à la croyance rigidifiée en un système religieux ou laïque (le National-socialisme, le stalinisme, les Khmers rouges,…), il y a le règne de la pulsion de mort et des millions d'hommes en mourront de mort violente.
Les religions en général ont jeté l'anathème sur les forces de vie de la nature et, à partir des instincts belliqueux, ont propagé le concept du mal et le statut de méchants ne faisant qu'obéir aux ordres (Eichmann à son procès de Jérusalem). Même chez certains intellectuels, ce mal sournois, qui combat la liberté de la vie, a perverti les raisonnements en leur enseignant à ressentir les valeurs des esprits libres comme des péchés. Il est antinomique de se déclarer scientifique croyant car un scientifique ne peut que cultiver le doute systématique même en ses plus intimes certitudes.
Notons que pour ce philosophe pessimiste, une seule religion est positiviste à son époque : c'est le bouddhisme[11]. Nous ne pouvons être en accord avec son optimisme et confondre l'enseignement oral du BOUDDHA avec la doctrine de récupération religieuse. Le bouddhisme de virtuoses et d'érudits exporté en Occident est une regrettable erreur. Au Tibet, cela reste un ramassis de cultes superstitieux et d'obscurantisme. Pour illustrer cette opinion, dans un monastère (mais ce fut la même disposition partout), j'ai demandé à un lama: "pourquoi les bibliothèques sont-elles situées à 1m20 du sol?" et celui-ci me répondit qu'en se courbant, les paysans ignares peuvent passer en-dessous et ainsi recevoir par osmose les enseignements apocryphes. En effet, comme Jésus, le BOUDDHA n'a jamais écrit une seule ligne.
Michel HULIN
Si je veux diriger une nation sans prendre en compte les diverses tendances traversant la société (ce qui serait alors une véritable démocratie), je vais susciter des contradictions puis une grogne contre moi. La seule solution classique nous dit la psychologie des foules de Serge MOSCOVICI, c'est d'attirer l'attention du peuple, d'orienter le regard de la foule vers l'ennemi qui est à notre frontière et/ou à l'intérieur (maccarthisme).
L'ennemi ? C'est le juif ! disaient les nazis. L'ennemi ? C'est le HUTU, non le TUTSI se répondent les deux ethnies dominantes du Rwanda et du Burundi. L'ennemi ? C'est l'ex-colonisateur dit le despote du tiers-monde qui détourne la richesse nationale de son pays à son seul profit. L'ennemi ? C'est l'Etat d'Israël et l'Impérialisme américain dit le dictateur iranien qui a truqué ses élections.
L'ennemi, c'est l'OTAN disent les terroristes fondamentalistes afghans. Etc. etc. En réalité, l'ennemi est en nous, ce sont nos préjugés et notre désir de nous privilégier nous et notre petite vie égoïste au détriment des autres, de tous les autres.
Lorsque l'église catholique de Constantin s'accapare un message philosophique d'amour pour en faire un message de haine, d'intolérance et d'autoflagellation, elle invente SATAN, l'axe du mal. La dichotomie du diable et du bon Dieu permettra, comme nous l'avons dit, la torture et les meurtres de l'Inquisition ainsi que les guerres de religion. "Dieu est avec nous" était gravé sur les boucles des ceintures des envahisseurs allemands en 1940. "GOTT MITUNS!" et les autres sont le mal, le mauvais.
Au niveau symbolique, il est nécessaire de prendre en compte avec la Trinité, la force de SATAN comme composante intrinsèque. Le bien et le mal ne peuvent s'annihiler, ce sont les deux pôles composant une contradiction et ils ne peuvent que s'englober et se dépasser. Le bien ne pourra triompher du mal qu'en l'acceptant avec un regard moins dichotomique dans un autre regard conceptuel. Le "vouloir vivre" et la conscience morale doivent coexister et se recadrer pour sortir de l'obscurantisme (des illusions et de l'ignorance). Le code moral d'une époque est toujours relatif, pensons à la masturbation du temps de l'ère victorienne. Le BOUDDHA conseille d'éviter les extrêmes (le sacrifice et l'égoïsme) pour trouver la voie du milieu.
Pour revenir à la dialectique "par delà bien et mal", JUNG dira de même : nous devons accepter notre part d'ombre et de désirs cachés pour devenir lumineux; une lumière, un éclairage sur l'essentiel aurait dit également Friedrich. Nous sommes tous potentiellement violents et tueurs selon le contexte (plus de 170 tués par l'armée en Guinée, ce jour lors d'une manifestation pacifiste). L'entraînement des militaires consiste en un lavage de cerveau pour substituer l'acte de tuer comme un soldat mécanique à la vertu du penser. L'ennemi est en nous, il suffit de faire appel à la bête intérieure et à la colère enfouie pour faire de chacun un tueur. Le psychologue social Stanley MILGRAM l'a prouvé dans sa recherche "Soumission à l'autorité". Bien sûr, il n'est pas facile de faire égorger au couteau un bébé par un soldat car il va y avoir blocage de ses représentations mentales par la non-violence souriante du bébé qui lui rappelle le sien. Par contre, on peut le driller et le placer dans un bombardier en lui disant d'appuyer sur le bouton de largage lorsqu'on lui en intimera l'ordre et ce sera alors des milliers de bébés qu'il tuera, sans les voir, grâce à la distance d'un bouton poussoir et de son conditionnement infantile : "nous sommes les bons et eux les méchants!".
Selon HULIN [12], le vivant est en soi la réalité perçue et la réalité percevant. Etre soi est le bien de la vie, la paix avec soi, la réconciliation de notre Moi clivé. Il y a au départ le narcissisme puis la conquête du l'hors-Moi. Vivre se transforme d'être en faire pour annexer le non-moi du monde extérieur, tâche bien sûr vouée à l'échec. Faut-il vraiment réussir dans la vie ou réussir sa vie, ce n'est pas la même chose. Changer le monde est une tâche qui nous dépasse et augmente aussi l'angoisse de notre impuissance en nous faisant perdre de vue le plaisir simple d'exister et de nous engager contre les injustices…AVEC LES AUTRES : la pensée ET l'action sociale.
En conclusion
Il faut se battre hors de nos replis frileux contre l'obscurantisme, contre la misère et les excès avides des hommes même s'ils se disent nos frères, ce qui est une contradiction essentielle entre la pensée exprimée et l'action concrète. Je n'ai pas de gourou ni de ligne directrice rassurante, je cherche la vérité avec des méthodes scientifiques et donc je remets tout en question chaque fois que je comprends mieux la nature de la vie dans le cosmos. Je suis un libre penseur pratiquant le libre arbitre de mes seuls choix. Mon symbole de vie est "apprendre". Depuis SOCRATE "Connais-toi toi-même !" et BOUDDHA "Sois à toi-même ta propre lumière!" jusqu'à John DEWEY "apprendre à apprendre", un moyen mais pour quelle finalité ? Sinon celle d'ériger la cathédrale de l'humanité ?
Jeune, j'ai eu comme idole un agriculteur de la liste "retour à Liège" dont le symbole personnel était "l'argent". Il a été récupéré par le parti dominant de Wallonie (un parti qui dérape en récupérant tous les contre-pouvoirs y compris syndicaux). Il a fait une brillante carrière politique comme David s'opposant au Goliath flamand tout en faisant fortune avec un salaire plantureux et surtout des cumuls de mandats en pagaille. Lors de sa "retraite" (son éviction ?), il a exigé - légalement - de notre petite région en crise depuis 2008 un parachute doré de plus de 500.000 euros (20 millions de francs belges comme prime principale plus d'autres avantages); après le soutien surréaliste du fédéral aux banques, cela fait coûteux pour les contribuables et les pensionnés. Cette soif de l'or, c'est pour quelle finalité au fond ? Lui mettra-t-on ses billets avec lui dans son cercueil avec un petit mot du genre "Après la Californie, l'extrème-droite a progressé et plus de travailleurs encore ont été désabusés"
Lorsque les philosophes nous invitent à nous perfectionner, c'est pour moi de la compréhension des ressorts de notre propre entité qu'il s'agit, à savoir réconcilier la raison et les émotions, lutter contre les religions aliénantes (les autres sont encore à inventer) tout en développant notre spiritualité immanente et, à partir de cette paix intérieure, se soucier des enfants et des pauvres, bref de l'humanité en souffrance tout particulièrement au tiers-monde pour un devoir éducationnel vis-à-vis des enfants qui survivront aux famines. Voilà ce qui nous rassemble : la liberté de pensée dans la dignité de tous, l'égalité de l'interdépendance (ce que l'un gagne en excès, l'autre le perd en mourant de faim) et la fraternité/solidarité d'une seule et unique humanité. Mes frères, vivons debout selon notre axe en disant le non-dit.
Tout est souffrance, dit le BOUDDHA, l'impermanence (savoir que nous allons mourir), le caractère complexe et antagoniste intra-sujet entre le plaisir et la responsabilité, la vacuité (de notre personnalité inventée, nous ne sommes que des agrégats) et enfin avec le vide de l'impuissance à être soi puisque nous évoluons constamment par delà bien et mal. Vouloir vivre n'est pas la même chose que le fonctionnement à la croyance de vouloir être soi.
Le renoncement à nous affirmer à tout prix contre l'ordre du monde et aux dépens d'autrui serait un énorme soulagement. "Lorsque tu as traversé la rivière, pourquoi porter ta barque sur ton dos ?" Le BOUDDHA nous invite ainsi à lâcher-prise et à ne plus nous tracasser de l'efficacité ou non de nos actions. Vivons l'instant en pleine conscience dans l'ici et maintenant.
Jean-Marie LANGE, 29.09.2009
[1] "DAWKINS Richard, Pour en finir avec Dieu, Paris, Tempus, 2009, p. 214.
[2] FREUD S., L'homme Moïse et la religion monothéiste, trois essais, Paris, Gallimard, 1989.
FREUD S., Totem et tabou, Paris, pbp, 1989.
FREUD S., Malaise dans la civilisation, Paris, PUF, 1989.
FREUD S., L'avenir d'une illusion, Paris, PUF, 1991.
[3] BERGSON Henri, Les deux sources de la morale et de la religion, Paris, PUF, 1932, 2008 : " L'ensemble des citoyens, c'est-à-dire le peuple, est souverain. Telle est la démocratie théorique. Elle proclame la liberté, réclame l'égalité et réconcilie ces deux sœurs ennemies en leur rappelant qu'elles sont sœurs, en mettant au-dessus de tout la fraternité.(…) Comment demander une définition de la liberté et de l'égalité, alors que l'avenir doit rester ouvert à tous les progrès, notamment à la création de conditions nouvelles où deviendront possibles des formes de liberté et d'égalité aujourd'hui irréalisables, peut-être inconcevables ? On ne peut que tracer des cadres, ils se rempliront de mieux en mieux si la fraternité y pourvoit.(…) Chacune des phrases de la Déclaration des droits de l'homme est un défi jeté à un abus. Il s'agissait d'en finir avec des souffrances intolérables."(p. 300-301).
[4] FOUCAULT M. Surveiller et punir, Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1976.
[5] LENOIR Fréderic, Le Christ philosophe, Paris, Plon, 2007.
[6] Au VII° siècle, les conquêtes musulmanes, réduisent l'empire byzantin, dont Rome dépend depuis un siècle. Jérusalem et Antioche tombent en 638, puis Alexandrie (642), Carthage (698), les "Arabes" avancent en Espagne jusqu'à Tolède (711) et seront arrêtés à Poitiers en 732 par Charles MARTEL, son fils PEPIN le bref viendra défendre Rome et le fils de PEPIN, CHARLEMAGNE sera intronisé en 800 à Rome. En 853, c'est la contre-offensive avec le Pape Léon IV qui lance la première croisade contre l'envahisseur musulman et les croisés massacreront au passage les communautés juives. Jérusalem est repris le 15 juillet 1099. Huit croisades seront organisées entre 1095 et 1270, une avant-première des colonisations.
[7] Le 08.02.1232, le Pape Grégoire IX crée l'Inquisition puis son successeur en 1244, le Pape Innocent IV crée la torture légale de l'Inquisition pour extirper l'aveu envers les déviants : cathares, vaudois, franciscains, béguines et enfin aux sorcières. De 1483 à 1498, le dominicain espagnol Tomas de TORQUEMADA instruira plus de 100.000 meurtres prémédités et légalisés par procès. La fureur sauvage du christianisme, après l'Inquisition, sévira en génocides contres les indiens d'Amérique (1492) puis par l'instauration à l'échelon mondial de l'esclavage du peuple noir (la controverse de VALLADOLID en 1550)
[8] A l'époque de Jésus de Nazareth, les juifs adorateurs de JAHVE et suiveurs de la TORAH sont divisés en quatre castes : les SADDUCEENS notables et prêtres érudits qui professent qu'il n'y a ni ange, ni esprit, ni résurrection. Les PHARISIENS majoritaires qui professent l'exact contraire et sont obsédés par la pureté (pas de contact avec les païens). Les ESSENIENS sont des ascètes contemplatifs vivant en communauté dans le désert et qui rejettent l'autorité du Temple de DAVID et les diverses fêtes. Et les ZELOTES, des révoltés qui prônent au nom de Dieu la violence armée (l'équivalent des fanatiques islamistes aujourd'hui).
[9] Marie eut Jésus comme premier-né par l'intercession du Saint Esprit, puis de père inconnu 4 autres fils et 2 filles. Comme dans les généalogies de l'Ancien Testament, les noms des sœurs de Jésus restent inconnus (êtres inférieurs par les menstrues) et ses frères seront nommés Jacques, Joseph/Jodet, Jude et Simon.
[10] NIETZSCHE Friedrich., L'Antéchrist suivi de Ecce Homo, Paris, Folio, 2008 : " Je ne vois pas contre quoi pouvait être dirigé le soulèvement dont Jésus est tenu, à raison ou à tort, pour l'instigateur, si ce n'était un
soulèvement contre l'Eglise juive, Eglise étant pris dans le sens où nous comprenons aujourd'hui ce mot. C'était un soulèvement contre la hiérarchie de la société – non contre sa corruption, mais contre la caste, le privilège, l'ordre, la formule, c'était l'incroyance en ces "hommes supérieurs", le "non" proclamé contre tout ce qui est prêtre et théologien."(p.40).
[11] NIETZSCHE F., ibid., "Le bouddhisme est la seule religion positiviste que nous montre l'Histoire et même dans sa théorie de la connaissance, le bouddhisme ne dit plus - "guerre au péché", mais, rendant à la réalité ce qui lui est dû :" guerre à la souffrance". Il a déjà laissé derrière lui – et c'est ce qui le différencie radicalement du christianisme – l'automystification des conceptions morales; il se trouve, pour employer mon langage, outre bien et mal. Les deux faits physiologiques sur lesquels il repose et qu'il ne perd jamais de vue sont : premièrement une hyperexcitabilité de la sensibilité, qui se traduit par une aptitude raffinée à la souffrance, puis un caractère hypercérébral, une trop longue existence parmi les abstractions et les opérations logiques, au cours de laquelle l'instinct personnel a été désavantagé au profit de l'"impersonnel". En raison de ces conditions physiologiques, une dépression s'est créée : c'est contre elle que le BOUDDHA prend des mesures d'hygiène."(p.30-31)
[12] HULIN Michel, La mystique sauvage, Paris, PUF, 1993 : "La conscience morale n'a pas de devoir sur la dimension de la souffrance qui est coextensive aux rapports humains : en transcendant l'opposition Moi-autrui et dans l'exacte mesure où elle y parvient, elle supprime ou du moins allège les diverses souffrances psychiques liées à l'égoïsme, à la volonté de puissance, à l'incompréhension mutuelle des hommes. Elle est, en revanche, sans effet sur ce noyau dur de la souffrance qui tient à l'incarnation et à la temporalité. Tendue comme elle est vers l'idéal d'une vie heureuse pour tous, la conscience morale reste désarmée face aux accidents, à la perte d'un être cher, à toutes ces formes d'un processus de radicale dépossession de soi qui culmine dans la mort. Elle est donc acculée à reconnaître qu'en un sens c'est toujours le mal qui a le dernier mot. C'est pourquoi l'existence même du mal constitue pour elle un problème insoluble, ou plutôt un mystère devant lequel elle est tentée de "se réfugier dans la volonté de Dieu, cet asile de l'ignorance"(Spinoza)."(p.234).
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