vendredi 9 avril 2010

CAPI n°27 Les surcharges du travail avec JANET

CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle N°27
GROUPE D’AUTOFORMATION PSYCHOSOCIALE
Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE: gap.belgique@skynet.be ;
Groupe d'Autoformation Psychosociale : Formations des adultes et actions humanitaires.
L'association de formation des cadres GAP est une asbl spécialisée en management associatif et en prévention des conflits de groupe. Elle se veut résolument sans but lucratif; aussi, lorsqu'elle dégage un quelconque bénéfice, elle conçoit le projet d'une aide humanitaire technique et ciblée au Tiers Monde. Hier, il s'agissait de formations d'animateurs ruraux et d'animateurs de gestion au Mali. Aujourd'hui, c'est l'aide à des associations locales à MAKAMBA au sud Burundi. Demain ce sera le soutien à des écoles fondamentales au pays DOGON (Mali). Notre association n'est pas subsidiée par la coopération au développement de Belgique. Le GAP est un opérateur de terrain qui se réclame de l'application des droits de l'homme et ne se réfère à aucune confession et à aucun parti politique.
Site http://soutien.et.autonomie.free.fr Blog : http://gap-belgique.blogspot.com;


CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle -
SOMMAIRE des précédents articles de cette revue bimensuelle de réflexions pédagogiques du GAP

N°1 – Janv-Fév. 2006 : Qu'est ce que le GAP ?
N°2 – Mars-Avril 06: Le cahier des offres de formation du GAP.
N°3 - Mai-Juin 06 : La colère des enseignants (gestion des conflits – opus 1)
N°4 – Juill.-août 06 : La pensée rationnelle (gestion des conflits – opus 2)
N°5 – Sept.-Oct.06 : Totem et tabou
N°6 – Nov. Déc. 06 : Jalousie et fonctionnement à la croyance (Médiation couple – opus 1)
N°7 – Janv.Fév. 07 : L'Avant-projet pédagogique BURUNDI
N°8 – Mars-Avril 07 : La Dynamique des Groupes, l'organisation sociale et l'homme de la singularité.
N°9 – Mai-Juin 07 : Histoire de vie en groupe et aide sociale (Proposition au Congrès international des professionnels francophones de l'intervention). Pédagogie du projet.
N°10 – Juillet-Août 07 : Rapport d'activité "Enfants de Kayoba" première phase "Voyage d'études et de faisabilité 2007"
N°11 – Sept.Oct.07 : Le chaman et le formateur
N°12 – Nov.Dec. 07 – L'identité personnelle, une insertion sociale ?
N°13 – Janv.Fév.08 – La genèse des alchimistes pour l'éducation à une spiritualité laïque
N°14 – Mars-avril 08 - Le travail des intervenants sociaux (1) : Pour une insertion sociale et multiculturelle citoyenne.
N°15 – Mai-Juin 08 – Le travail des intervenants sociaux (2) : Emploi, travail et méthodes d'intervention.
N°16 – Juillet-Août 08 – Le travail des intervenants sociaux (3) : Fantasme de toute puissance, démocratie ou génocide.
N°17 – Sept. Oct. 08 : La souffrance du désir et le détachement
N°18 – Nov. Déc.08 : Le stress et les consciences
N°19 – Janv-Fev 09 : Le triangle rouge de la lutte contre tous les racismes
N°20 – Mars-Avril 09 : La psychologie des émotions.
N°21- Mai-juin 09 : La raison sensible (combattre les fidèles au nom des infidèles).
N°22 – Juill-Août 09 : Le néant et l'être affamé
N°23 – Sept-Oct 09 : Multiculturalisme et autoformation
N°24 – Nov.-Dec.09 : Les Etats Modifiés de Conscience (extase, possession, hypnose et zen)
N°25 –Janv-Fev 2010 La matière, le vide, la nature, l'éducation
N°26 – Mars-Avril 2010 L'intelligence des femmes
N°27 - Mai-Juin 2010 Histoire de vie et dépression

CAPI – Cahiers d'Autoformation Psychosociale en Pédagogie institutionnelle N°27
HISTOIRE DE VIE ET DE DEPRESSION

Présentation du sujet

Les symptômes dépressifs sont en vrac tristesse, pleurs, pessimisme, perte de la capacité d'éprouver du plaisir, troubles de l'appétit, troubles psychomoteurs (ralentissement ou agitation), asthénie (fatigue), culpabilité, difficultés à se concentrer, perte de l'estime de soi, idées suicidaires, anxiété [1] ou peur et soucis injustifiées, irritabilité, insomnie et stress.

Selon la classification de Paul KIELHOLZ ( DSM-IV , 1994), il y aurait quatre axes :
- Axe somatogène : dépression organique (comme la démence sénile) et symptomatique (d'une maladie physique).
- Axe endogène : dépression schizo-affective, bipolaire (psychose maniaco-dépressive), unipolaire (phase dépressive sans phase maniaque) récidivantes et d'involution (aux périodes de ménopause par exemple).
- Axe psychogène : Dépression névrotique (névrose obsessionnelle),
Dépression d'épuisement (stress prolongé, burn-out, managers),
Dépression réactionnelle (à un évènement traumatique).

Les anxiolytiques ou benzodiazépines de la famille des chlordiazepoxide traitent les symptômes mais ne traitent pas la problématique sous-jacente. Une psychothérapie des émotions doit être envisagée pour la guérison du déprimé.

En France, la première enquête en France de l'INSERM sur les troubles psychologiques en médecine générale fut disponible en 1974-1975. Les troubles mentaux ET psychosociaux (problèmes d'adaptation familiale, sociale et professionnelle) se situent au second rang après les maladies cardiovasculaires. Les dépressions représentent entre ¼ (selon les généralistes) et 1/3 (selon les psychiatres) des troubles mentaux et psychosociaux et 71 % des troubles mentaux sont constitués de névroses et d'alcoolisme. Les femmes développent plutôt des symptômes névrotiques et les hommes des comportements alcooliques. L'alcoolisme "problématique" serait celui d'une consommation supérieure à 150 gr d'alcool éthylique/jour soit 10 bières, 1,5 l de vin ou 1/3 l de whisky. En Belgique, 300.000 personnes sont alcooliques soit 13 % de la population (4 hommes pour une femme) en priorité entre 21 et 34 ans[2].

On peut répartir la population avec d'une part :
· 15 % d'abstinents,
Et d'autre part, les alcooliques (dès deux verres de vin/jour) :
· 65 % de consommateurs normaux,
· 10 % de buveurs excessifs,
· 7 % de buveurs à problèmes,
· 3 % de dépendants.

La tripartition dépressive (endogène, psychogène, exogène) est progressivement abandonnée car le sujet n'est pas qu'un cas de pathologie sous-jacente, c'est un corps, un esprit et une personne et la qualification générique "d'humeur triste, de pessimisme et d'idées de suicide" n'apparaît plus que secondairement après les années 1970 pour céder la place à la triade :
· Un anxieux à calmer.
· Un insomniaque à endormir.
· Un asthénique à stimuler.

L'objet de ce texte est "psycho socialement" partial, car nous allons essayer de faire ressortir la maladie d'insuffisance propre à notre style de non vie mais de travail, qui crée le mal être d'un "pneu à regonfler". Dans notre modernité, la douleur morale cède la place à l'inhibition, une "baisse" du faire, la dépression apparaît moins comme l'envers d'une joie de vivre que comme une pathologie de l'action. Notre société consumériste peut ignorer superbement le mal de vivre décrit il y a plus de 100 ans par FREUD (l'essentiel est de consommer), notre civilisation néolibérale ne peut supporter la baisse de l'énergie libidinale captée par le travail, donc on va probablement s'orienter vers un dopage de masse. Soigner l'humeur d'un individu par une psychothérapie implique des prises de conscience sociopolitiques mais si on médicalise tout sans pathologie organique (qui seront des somatisations de conséquence) ne risque-t-on pas de voir les médications altérer la personnalité du sujet et bétonner sa "nervosité" ? Une petite contrariété et hop une pilule pour voir la vie en rose en restant apathique à l'injustice du monde et en disant "merci Big Brother" ?

La psychothérapie du déprimé se construit sur les quatre atouts d'une dynamique de groupe positive :
- le participant est écouté avec respect sans apartés et avec empathie de la part des autres participants,
- toutes les histoires de vie sont prises au sérieux,
- on conscientise – en écoutant les autres vécus – que d'autres sont dans des problématiques comparables,
- on recherche ensemble des pistes de solution solidaires et sociales.

L'intervenant va donc sur les récits rassurer, déculpabiliser, rendre de l'espoir, limiter les sources de stress et orienter vers les sources de plaisir. Pour ces objectifs, il peut utiliser des techniques de groupe de relaxation ainsi que du training autogène, du yoga et du zen. Au niveau de la représentation des peurs il peut utiliser l'élaboration de scénario catastrophe du genre "de quoi as-tu peur et qu'est-ce qui pourrait arriver de pire ?" Et au niveau d'une (re)motivation à l'action, il peut ouvrir le débat hors de l'aliénation "métro-boulot-dodo".

L'inconscient et la société

L'évolution actuelle du monde est à la "déconflictualisation" dans la psychiatrie comme dans le politique. Au niveau psychique, la personne - par le conflit – utilise une structure symbolique permettant de sublimer la division du moi constitutive de l'unité du sujet. L'impossible satisfaction du désir (aboutissant aux névroses) ne veut pas dire que le désir n'est pas important, celui de s'éduquer et de faire la révolution par exemple, ce qui nécessite une dimension relationnelle même si au fond on ne choisit ni son milieu socioculturel de naissance ni que l'on ne négocie sa vie. La psyché ("l'âme") et l'intersubjectivité sociale sont liées pour créer du sens (et ainsi éviter la dissociation identitaire des psychoses comme les schizophrénies par exemple).Le mal moderne qui s'infiltre aujourd'hui par perte de sens et de goût de vivre est nommé globalement "dépression".
Selon la dernière topique de l'inconscient de FREUD, le moi est une instance médiatrice entre notre animalité (le ça), notre composante mammifère (qui pour nous a des pulsions en distinction avec les animaux qui eux ont des instincts saisonniers, comme le rut par exemple) et la loi morale (le surmoi) qui nous permet de vivre en société mais qui hélas nous divise, nous angoisse et nous culpabilise. "La civilisation est construite sur la répression des instincts" dit FREUD (à une époque où on ne distinguait pas encore instinct et pulsion) et le problème pour le sujet est que la répression est vraiment trop lourde, au point par exemple que des sujets libres aliènent volontairement un tiers de leur existence dans du travail.
L'analyse de la psyché consiste à comprendre et accepter notre animalité ainsi que notre humanité en développant une éthique en lieu et place des morales religieuses qui attisent la culpabilité. Dépasser les notions de faute, les fantasmes infantiles et le concept scélérat du péché pour advenir à des valeurs éthiques adultes : "Là où est le ça, "je" dois advenir" signifie une cohabitation des deux instances et non le refoulement du ça. FREUD a déclaré sans ambiguïté que "la religion était une névrose obsessionnelle collective". Qu'il s'agisse de l'Islam modéré ou des intégristes, de la chrétienté, des sectes ou de l'animisme, c'est en fait le gourou et le système de domination par une structure hiérarchisée qui est dénoncé. FREUD était un juif athée et un laïque et la valeur principale de la laïcité est la tolérance (pas très originale puisqu'elle est calquée a contrario contre les intolérances de ceux qui ont une fois pour toutes la vérité révélée et qui doivent en convaincre les autres à coup de missiles tomawak, Pershing II ou Cruise). Cela signifie que tout laïque et tout particulièrement les psychosociologues sont respectueux des croyances de base de chacun.
C'est en acceptant comme valide (ce qui est différent de véridique) le récit d'un patient ensorcelés par des Djinns que Tobie NATHAN [3] dans sa clinique ethno psychiatrique arrive à soulager la souffrance d'un/une malheureux/se. Il faut donc être clair sur le fait que la sincérité d'un croyant quel qu'il soit (même celui qui adore "Les chaussettes noires") est à distinguer des manipulations institutionnelles des églises quelles qu'elles soient (y compris bouddhistes) pour le pouvoir (versant ombre de la pulsion dont le côté lumière du sexe et du plaisir a toujours été combattu par les églises).
Une attitude empathique d'acceptation inconditionnelle de l'autre ne doit cependant pas s'identifier avec les choix philosophiques de l'intervenant social. Il se doit de distinguer ses options spirituelles et celles du consultant et il en va de même en politique.
En effet, il est scandaleux d'entendre de la part du Président français Jacques CHIRAC une évocation religieuse face aux corps des soldats français tués lors des évènements de 2004 en Côte d'Ivoire, il fait bénir tout le monde et nie ainsi dans les faits le droit des soldats à la non croyance, il serait donc plus correct que ces leaders affichent si ils veulent leur croyance en privé mais ne les amalgament pas avec leur mission au service de tous.
L'instrumentalisation du monde

La libido est une énergie de vie captée et canalisée hier par le travail et aujourd'hui par les loisirs de masse.
Nous ne retenons pas l'ensemble des informations qui touchent nos cerveaux mais seulement ce que le philosophe HUSSERL appelle des "rétentions primaires" du Je-Ego conscience inscrit dans un flux temporel. La conscience phénoménologique retient des sélections pertinentes pour elle comme par exemple la note de musique suivant une autre dans une mélodie. Il y a les infos que je reçois et celles plus limitées que j'entends en fonction des prémisses culturels qui me constituent et des actes que je pose.
Ma mémoire est une "rétention secondaire" où je vais reconnaître comme familière et donc apprécier la mélodie précédemment entendue. BOURDIEU le montre très bien dans sa recherche à propos de "La distinction". Par exemple, si je n'aime pas la musique classique, c'est parce que celle-ci ne faisait pas partie de mon environnement familial, on pourrait parler d'un filtre socioculturel selon le milieu d'appartenance.
Cependant, nous appartenons tous à une même culture ethnique (bientôt nivelée sur le mode de la "coca-cola live") et les rétentions primaires et secondaires peuvent être surdéterminées par des "rétentions tertiaires" qui saturent notre quotidienneté grâce à l'infrastructure technologique de contrôle hyper industriel.
Nous sommes dans une ère de manipulation des foules, nous dit le psychosociologue Serge MOSCOVICI [4] entendue aujourd’hui comme psychologie de la désinformation, hier comme psychologie de l'information et avant-hier comme propagande (cf. HITLER et MUSSOLINI ).
“ Nous entrons dans un temps nouveau : celui du capitalisme total qui ne s’intéresse plus seulement aux biens et à leur capitalisation, ne se contente plus d’un contrôle social des corps, mais vise aussi, sous couvert de liberté, à un remodelage en profondeur des esprits. Tout doit rentrer dans l’orbe de la marchandise, toutes les régions et toutes les activités du monde, y compris les mécanismes de subjectivation. C’est pourquoi, devant ce danger absolu, l’heure est à la résistance, à toutes les formes de résistance qui défendent la culture, dans sa diversité, et la civilisation, dans ses acquis.”[5]
Les rétentions tertiaires sont – comme l'alphabet pour le langage – notre socle pour toute individuation psychique. Nous sommes conditionnés aux loisirs faciles et abrutissants de la télé et synchronisés pour aller tous aux toilettes lors de la pub entrecoupant un thriller par exemple. Ces technologies du loisir de masse altèrent nos échanges symboliques et nivèlent nos personnalités qui devraient être en principe libres de tourte contrainte.
La culture de masse est instrumentalisée et dispense ceux qui la subissent de penser. La sublimation de la pulsion aujourd'hui consiste à regarder; au lieu de faire quelque chose, les gens en regardent d'autres faire à leur place.
Les gens communiquent par internet sans avoir grand-chose à se dire et se rencontrent de moins en moins, on est en train de choisir une vie virtuelle par héros interposés stéréotypés et cela augmente ce que FREUD nommait déjà le "Malaise dans la civilisation"[6].
Devant leurs écrans, les internautes et/ou les vieux rivés à leur télé s'enferment dans une solitude désespérante. Il n'y a plus de fantasmes narcissiques et cela secrète en plus un profond ennui pour la chose publique.
La consommation à outrance comme le travail apportent de moins en moins de satisfaction sublimatoire et narcissique, la compulsion de répétition use même pendant les soldes.
ESTIME DE SOI OU DEPRESSION, LE FAUX CHOIX

L'histoire de vie est un questionnement du passé, une prise de distance réflexive avec notre trajectoire : quelle est ma vie ? Quels sont mes freins et tabous ? Quels sont mes désirs moteurs ?
L'image du miroir magique des autres

L'histoire de vie est un arrêt sur image pour conscientiser l'action du moment, dans l'ici et maintenant, pour élaborer des projets de vie plus satisfaisants (passé, présent, futur). Au fond, on questionne le self concept de l'identité pour la perspective créative d'un changement, vers l'invention d'un soi plus en harmonie, avec plus de plénitude.
Il s'agit d'une formation en développement personnel et en émancipation sociale aliant identité et action. Visualiser les images mentales de notre existence, se retrouver dans l'univers des sensations et des émotions (on pleure beaucoup) pour renouer avec des affects abandonnés ou délaissés (souvent par fuite) et se donner à soi-même des projets gagnables pour transformer des rêveries nostalgiques en une approche fragmentaire concrète plus positive mais nécessairement édulcorée car les souvenirs prennent hélas plus de couleur avec le temps.
Ce n'est donc pas par la seule réflexion intellectuelle que l'on change l'image de soi mais par des perceptions sensitives de l'imaginaire de soi qui resurgissent en émotions. Il y a donc le constructivisme de la perception, de la réflexion, de la sensation, de l'émotion puis de l'action, au fond du "body building" mental faisant fonctionner l'ensemble des associations complexes du corps, du système limbique et du cortex.
Trop souvent le principe de plaisir a été mis sous le boisseau au profit du principe de réalité : d'abord étudier pour jouir plus tard du plaisir d'un métier intéressant, ensuite travailler pour gagner de l'argent pour réaliser un projet de plaisir, ensuite travailler pour acquérir des biens, accumuler une épargne etc., etc. C'est l'histoire banale du travailleur perfectionniste imprégné de l'éthique de l'effort avec une conscience professionnelle disciplinée qui accepte toute sa vie d'être un travailleur sérieux au prix d'une souffrance acceptée mais non sue par la conscience pour jouir plus tard de la fierté du travail accompli et qui se fait casser par un petit chef vaniteux ou encore licencié pour rendement insuffisant. Et donc parfois cette aliénation coopérant crève d'elle-même, parfois sous les coups d'une injustice d'évaluation et la dépression arrive.
Il en va de même dans la famille qu'au travail, où la conscientisation "je n'aime pas faire la vaisselle" va s'estomper dans la routine ménagère tout comme les rêves du couple qui après l'exaltation amoureuse des deux premières années, va vivre sur sa lancée encore 3 à 5 ans avant de sombrer dans un fonctionnement pragmatique sans fantaisie : le prix à payer pour la stabilité d'une famille implique-t-il vraiment d'être raisonnable au point de ne plus rêver, de jouer et de s'amuser ? Ne restera-t-il que le climat noir des romans de ZOLA ("L'assommoir", "La terre", etc.) ? Je me propose par la présente analyse d'étayer que notre avenir sera bien pire sur un plan du mal-être psychologique, il sera blanc – mais comme DASH plus blanc que blanc – le vide de cette torture moderne que l'on appelle la privation sensorielle (pas de bruit, pas de toucher et pas de couleur).
La lutte des classes contre la bourgeoisie et l'oppresseur ou tyran de jadis était commode pour l'estime de soi. Auparavant, on pouvait dire que l'on n'était pas né au bon endroit et que c'était la faute externe du destin, aujourd'hui la détresse existentielle est plus profonde car le sujet peut également culpabiliser sa prétendue propre connerie.
Aujourd'hui l'ennemi est partout et ce sera parfois la meilleure amie qui dira "je n'aime pas ton pull", le proche qui devient l'évaluateur de nos performances. Nous sommes tous susceptibles et avides de signaux de reconnaissance mais nous nous comportons vis-à-vis de l'autre comme un éléphant dans le magasin de porcelaine de sa susceptibilité. Parfois de façon inconsciente mais aussi parfois de façon semi consciente pour se rehausser par un jeu psychologique identifié par l'analyse transactionnelle du type "je suis OK, les autres non !" en le diminuant, voire en le dénigrant (un mode d'action qui semblerait plus élaboré chez les femmes, sans sexisme conscient de ma part, pensais-je), ce qui conduit en fait à cette nouvelle maladie sociale du harcèlement moral au travail ou dans la famille.
Avant donc, il y avait le destin social historique des petits ouvriers, une fatalité, puis par une légère ouverture de l'ascenseur social dû à l'école et à l'Education Permanente, le poids s'est alourdi pour les exclus qui d'une part ne peuvent s'inventer un projet de vie que dans un répertoire modeste et qui d'autre part ont à présent le sentiment d'être responsables de leur insuffisance. En effet, les discours d'égalité des chances, d'autonomie et de volonté de réussir ont eu comme effet pervers d'enfoncer le clou du malheur sans fond dû à ma propre incompétence à l'effort.
Le travail de revalidation de projets délaissés est aussi et avant tout un travail de reconstruction et de reconnaissance du soi par le redéploiement de l'estime de soi. Nous avons engrangé dans notre mémoire des tas de souvenir et la ré invocation des images de soi mémorisées (identity relience, Stryker, Burke, 2000) va graviter toujours autour de ce besoin d'être reconnu dans le regard de l'autre. Nous sommes tous avides d'approbation, d'admiration, d'amour vis-à-vis de nous tout en étant trop souvent avares pour donner à autrui cette même demande de reconnaissance qui submerge nos sociétés.
La société virtuelle de l'image télévisuelle construite pour l'audimat et non pour le bonheur des gens, nous montre un peuple jeune, beau, intelligent et sexy et nous sommes déçus lorsque nous regardons autour de nous Place St Lambert. Que nous soyons laids, pauvres, vieux, bêtes et sans talent n'y change rien, nous avons besoin d'exister dans une image positive reflétée par autrui.
En cas de perte de l'image sur l'antenne de notre sensibilité, nous allons "sauver la face" (E. GOFFMAN [7]) et nous inventer le scénario de vie d'une identité extravertie froide, opératoire et efficace pour ritualiser hors émotion le contexte des échanges ou bien d'une identité intravertie, fermée, rêveuse, mystique et imaginaire qui peut glisser en névroses ou pire en psychoses. Les "Types psychologiques" [8]de C.G. JUNG (introverti-extraverti) seraient donc des réponses compensatoires d'adaptation dues à un manque de caresse de reconnaissance pour masquer nos frustrations individualo-sociales.
Les dépressions de la société du travail

"DEPRESSION : Etat mental morbide caractérisé par de la lassitude, du découragement, de la fatigabilité et s'accompagnant fréquemment d'une anxiété plus ou moins marquée. Forme minime de la mélancolie."[9]
Pour Pierre JANET, la psychasthénie est une insuffisance de la constitution, une baisse de la tension psychologique, l'humain étant un vivant animal. Pour FREUD [10], la dépression serait due à l'angoisse suscitée par la culpabilité, l'humain étant un être de parole à l'intérieur d'un vivant animal.
Dans une perspective, l'insuffisance est du dehors et proche de la biologie et dans l'autre la dépression est du dedans de la psyché, mais comment penser un être sans corps ?
Les médecins soignent le dehors de la personne et parlent de douleur : dans un autre espace-temps, les gourous, les psychanalystes et les exorcistes soignent le dedans par la morale, la cure rituelle et la religion et parlent de souffrance et les psychosociologues forment à affronter aussi bien les conflits internes (du soi à soi) que les conflits externes et parlent du mal de vivre.
L'homme en adéquation avec lui-même (de la psyché au Moi-peau) sera celui qui peut se créer une éthique sans dieu et un équilibre raisonnable entre ses conflits intrapsychiques et sociaux. Michel FOUCAULT [11]dans "Histoire de la folie" déclarait que la maladie mentale est liée à l'individualité, que la folie a posé problème lorsque l'homme ne se laissa plus vivre seulement comme mammifère mais s'est perçu comme une entité indéterminée ayant sa propre organisation personnelle et sociale (le Dieu de BUSH par exemple).
Autrement dit, la perte d'une extériorité divine qui veille sur nous et nous dit ce qu'il faut faire est une perte du sens et la folie est une maladie de la liberté, une liberté de choix dont on ne sait que faire.
La société moderne en créant l'idéal de la personne autonome avec la démocratie a en même temps créé son contraire symbolique le fou; la société postmoderne en créant l'individualité avec la consommation a aussi créé le drogué. Entre le fou et le drogué deux siècles de psychiatrie où l'on parlera successivement d'aliénation (asiles) puis de névroses (psychanalyse) puis de dépressions (benzodiazépines). Les développements des troubles de la personnalité, souffrance de l'esprit, s'appelleront mélancolie ou douleur morale, neurasthénie, dépression. Le français Jules SEGLAS (psychiatre de la Salpêtrière) définit la mélancolie/dépression comme une douleur sans délire et avec conscience qui se réduit à un sentiment d'impuissance.


Dès 1940, il existe donc des folies avec désordre de l'intelligence (hystérie, maniaco-dépression, schizophrénie) et des folies sans désordre de l'intelligence où l'affect [12], l'émotion et l'humeur sont frappés. La psychiatrie va elle également distinguer des maladies touchant l'affect et l'humeur et d'autres touchant le jugement ou représentation.
Auparavant, vers 1830, la mélancolie était une maladie de la grandeur d'âme des riches et un siècle plus tard les classes laborieuses ont droit eux à la neurasthénie puisqu'on parle alors de misère affective, morale et matérielle. "La maladie qui n'est chez le vulgaire, que la déchéance, n'est chez les grands chercheurs d'idées que prédispositions naturelles au sublime."[13]
La fin du XIX voit une "distinction"(BOURDIEU) à propos des troubles de l'esprit entre la clientèle bourgeoise de la médecine libérale et la prolifération des asiles – centres fermés – pour pauvres. La neurasthénie est à la mode autant pour les savants (comme CHARCOT par exemple) que pour la presse. C'est à l'époque un trouble exogène fonctionnel, un événement externe qui provoque une réaction interne et pathologique de la personne. La maladie à la mode n'est donc plus la mélancolie des oisifs mais la neurasthénie (l'Américain Georges BEARD est l'inventeur du concept).
La dépression neurasthénique résulte d'une fatigue provoquée par la trépidation des temps nouveaux, de l'industrialisation, des concentrations urbaines et de la nervosité ambiante tout azimut. Elle n'est plus due à une dégénérescence de la population et à la paresse mais à un épuisement nerveux, un stress dû à la vie moderne. Elle peut être produite aussi bien par un excès de fatigue physique au travail que par un surmenage intellectuel d'étudiant.
La dépression s'est répandue dans notre monde aussi rapidement que les antidépresseurs. Les électrochocs des asiles d'aliénés ont cédé la place au PROZAC car nous sommes très nombreux a être aliénés par la souffrance psychique (surtout aux USA).
Avant, il y avait des règles structurelles pour le bon comportement des sexes et des classes sociales populaires mais les règles d'autorité, de conformité et les normes disciplinaires ne veulent plus rien dire. Nous avons été des militants des droits de l'homme mais ceux-ci ont été compris comme des droits sans devoirs, droit de consommer tout et tout de suite même à crédit et droit à devenir soi-même en se fichant des autres.
Le développement personnel d'une autonomie responsable est devenu une maladie car l'évaluation n'est plus l'épanouissement personnel mais les critiques mesquines des autres et surtout l'autocritique du sur-moi, un sentiment d'insuffisance par rapport à l'Idéal du moi, de ne plus être à la hauteur au lit comme au boulot, d'où cette inappétence à continuer à vivre et ce décrochage massif en pré pension de mes collègues enseignants qui en ont "marre"des réformes stupides pour épargner et de cette vie de fou qui nous aliène.
Il faut travailler plus vite, mieux et dans des conditions qui se désagrègent (comme la surpopulation des classes). L'enseignement est le métier où il y a le plus de suicide et de dépression (même si, paraît-il, ce sont des faignants qui ont trois mois de congé).
Il n'y a plus, comme avant les années 1960/1970, un censeur extérieur, un phallus qui dicte la loi du permis et de l'interdit, le sujet doit s'évaluer lui-même à partir de ses propres ressources. La tradition et la peur du gendarme ont été balayées par l'individualité angoissée, même dans les entreprises, on préfère la prise d'initiative que la docilité. On estime d'un collaborateur sa capacité à rebondir et ses aptitudes mentales à résoudre de lui-même les dysfonctionnements auparavant gérés par le couperet répressif de la loi. La culpabilisation s'efface avec l'Eglise et le Pape qui s'effondre sur lui-même, pour être remplacée par la responsabilité qui puise dans les ressources psychiques d'un sujet sans modèle ce qui l'épuise. La dépression remplace la répression mais il était plus facile de lutter pour la joie de vive lorsque le tyran était externe et social.
La dépression, c'est le ressort cassé du lapin mécanique fatigué qui n'a plus de batteries duracel longue durée. Les symptômes généraux sont donc la tristesse, l'asthénie (fatigue), le biorythme ralenti et l'inhibition de l'action.
Comme une mouche collée sur un ruban de glu, l'esprit regrette le temps du péché car il est happé par son dedans, l'intériorité cachée qui se manifeste et qui crie son dégoût d'une vie pareille, c'est parce que cela crie à l'intérieur que l'on ne l'entend plus à l'extérieur.
Il serait bon que l'humain ne fasse plus rien que chasser un peu pour se nourrir travailler en jouant 3 h par jour (comme les peuples primitifs étudiés par Marshall SAHLINS [14]), regarder le fleuve couler et utiliser sa force en jeux sexuels entre adultes consentants, ravis et non évaluateurs. Mais à la place : il va se retrancher de la joie et redoubler sa dépression par des assuétudes (tabac, alcool, drogues, prozac, somnifères). Le drogué n'est pas plus libre : il est esclave de son addiction. La dépendance n'est pas que dans les produits, elle peut être aussi par exemple dans le travail sans limite, une compulsion de répétition. Si la névrose était le fruit de la culpabilité, la dépression est le fruit de la fatigue d'entreprendre constamment à devenir soi, sans guide.
Si FREUD (1856-1939) a été très vulgarisé en Occident par sa vision dynamique de l'inconscient, on ignore parfois que JANET (1859-1947) – un philosophe devenu médecin par amour de la psychologie – est à la base de l'Ecole de Palo Alto avec d'une part sa conception d'un hémisphère cérébral gauche logique et d'un hémisphère droit poétique et intuitif et d'autre part par sa conception des automatismes psychologiques ou scénarii.
Ces deux psychologues sont remarquables l'un comme l'autre mais leur théorie est pratiquement inversée au sujet de l'angoisse.
Comme nous l'avons déjà écrit pour FREUD, elle est la résultante de la culpabilité sur laquelle il va construire son système oedipien. Pour JANET par contre l'angoisse serait produite par la dépression, un aboutissement.
A la base pour JANET, il y a une fatigue d'être soi appelée dépression et celle-ci peut évoluer soit vers des troubles de la personnalité comme l'hystérie, soit vers des troubles de la VOLONTE qu'il nomme psychasthénies.
"Selon JANET, une névrose est une maladie des fonctions et non des organes, plus exactement de la partie supérieure de ces fonctions, "leur adaptation aux circonstances présentes"(…) Le sujet a, par définition, le sens de la loi, mais la loi qui est en lui ne lui permet pas de regarder le ciel étoilé au-dessus de sa tête d'un œil serein : sa cage de fer s'appelle la division de soi."[15]
L'homme aurait une certaine quantité d'énergie psychique (force psychologique) à la naissance et une certaine capacité à l'utiliser ou non (tension psychologique). Si la synthèse entre la force et la volonté ne se fait pas, il y a insuffisance psychologique et la personne est entraînée dans des automatismes répétitifs. Par l'hypnose (qui sera développée ensuite en Californie par Milton ERICKSON), il va former ses sujets à augmenter leurs capacité d'action en enrichissant les ressources de l'esprit. L'hypnose (abandonnée par FREUD) est une technique de l'oubli du déficit pour "réparer" l'esprit en le désinfectant de ses nuisances et possessions. Autrement dit, comme dans le chamanisme ou chez les guérisseurs africains Ngaanga, raconter son histoire de vie et mettre à plat ses dysfonctionnements SUBJECTIFS pour la réécrire de façon satisfaisante.
Le déprimé est épuisé par les dépenses psychiques de son conflit interne exogène (de représentation) alors que pour FREUD et BREUER (Etudes sur l'hystérie en 1896), il ne s'agit pas d'un problème de dédoublement des représentations entre soi et soi mais de réminiscence infantile. Notons à ce propos qu'une psychanalyse - travaillant sur l'inconscient des profondeurs de la petite enfance – peut durer parfois 8 à 12 ans et plus (sans se rendre compte qu'il y a une assuétude à la cure) alors que l'analyse systémique (thérapies brèves) issue de la filiation de JANET dure cinq séances environ (JANET – BATESON – ERICKSON – WATZLAWICK – GARCIA – DUMAS – MELCHIOR, etc…).
Pour une approche comme pour l'autre, la guérison n'est pas un retour à un état antérieur mais un remaniement des représentations pour rendre plus vivables les contradictions existentielles. La caractéristique de la psychanalyse est de traiter les symptômes endogènes, c'est-à-dire les représentations refoulées à l'origine des psychonévroses (hystérie, névrose obsessionnelle, phobie). Les psychonévroses viennent du dedans alors que les névroses ont des motifs exogènes venus donc du dehors comme un traumatisme.
Pour JANET, il y a une faiblesse de force qu'il faut compenser en éliminant les souvenirs parasitaires alors que pour FREUD, il y a une autre force intentionnelle (le grand Autre de l'inconscient). Pour l'un, des automatismes mentaux et pour l'autre, un inconscient refoulé depuis l'enfance. JANET travaille sur le symptôme systémique qui épuise et FREUD sur le malade à la fois agent et victime de son conflit intrapsychique.
La revanche posthume de JANET sur FREUD, c'est qu'il y a une autonomisation externe du syndrome dépressif et qu'il n'est pas nécessaire d'en faire un lien diagnostic avec une pathologie sous-jacente psychique pour travailler la dépression. L'action chimique des médicaments modifie les symptômes mais n'élucide pas les causes. Les neuroleptiques agissent sur les syndromes et les antidépresseurs ont une action suspensive mais peuvent aussi remanier la personnalité.
Il y a une différence entre une action pathogénique et une action éthologique. Il y a une différence entre le symptôme que l'on a et la personnalité que l'on est.
Les médicaments traitent l'humain comme un animal vivant et en se limitant aux comportements observables (béhaviorisme), les psychiatres font de la médecine vétérinaire. Les médecins qui dans un hôpital ne voient pas le malade dans son lit mais uniquement le cas clinique et les données de la biopsie ratent la relation thérapeutique chamaniste.
En 1962, la clinique du TAVISTOCK INSTITUTE à Londres organise une conférence internationale sur la formation psychologique des médecins (une seconde aura lieu à Paris en 1964) et dès 1965, les psychothérapies de groupe prennent leur essor avec outre la psychanalyse freudienne et jungienne, le courant des techniques d'approche relationnelle depuis le "rêve éveillé" (FREUD), le "training autogène" (SCHULTZ), les relaxations (yoga) et "l'hypnose" (ERICKSON).
L'initiation des médecins à la relation humaine dans la pratique quotidienne apparaît dès 1959 avec le groupe BALINT et la Société médicale des groupes BALINT est fondée en 1967.
Sans nier que les molécules (comme la chlorpromazine,l'imipramine et autres antidépressifs de la classe des tricycliques ou de l'iproniazide de la classe des IMAO, inhibiteurs de la monoamine oxydase ou encore du prozac de la classe des ISRS, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) ont une action sur les symptômes comme l'anxiété, les tensions émotionnelles, l'insomnie et les états dépressifs.
Elles ne sont que des palliatifs et les causes tant biologiques que psychologiques doivent être trouvées et travaillées, notamment par les psychothérapies.
Rappelons donc à ce propos la grande nuance entre FREUD et JANET :
1) Il existe des dépressions héréditaires et récidivantes du type des mélancolies basées sur des facteurs endogènes comme des antécédents familiaux ou une structure maniaco-dépressive de la personne et un désir de mort renforçant l'idée que l'on est une surcharge pour autrui et conduisant aux suicides.
2) Il existe des dépressions exogènes (les plus nombreuses) liées soit à des événements externes déclenchants (surcharge de travail, burn-out, choc post traumatique par exemple), soit à un écho avec une psychonévrose de défense lorsque l'évènement externe est peu important et que la dépression est le symptôme de conflits psychologiques inconscients (motif psychogène)..

Les dépressions névrotiques réactionnelles dues à des incitants externes suscitent tristesse, douleur morale, dévalorisation de soi et inhibition de l'action.
otre problème de civilisation actuel dans nos sociétés dites du "bien-être" est que l'on passe des médicaments pour malades à des médicaments dit de confort (non remboursés par la sécurité sociale), des composés chimiques non toxiques pour gens en bonne santé physique (sans pathologie) pour faciliter le "bien-être" mais SANS volonté d'identifier et de traiter les causes du mal de vivre.
Les névrosés ont cédé le terrain aux "états limites" (borderline) avec des difficultés relationnelles par manque de peps. Le sujet victime d'une insuffisance à être soi va se réfugier dans les drogues, l'alcool, la boulimie et depuis 1990 dans l'abus d'internet. Le sujet avec son vide intérieur est poussé à se rassurer souvent en changeant ses objets : séduction, difficulté à s'engager dans des relations affectivement stables, impulsion, instabilité générale…et cette détresse des nouvelles histoires de vie est masquée derrière les réussites professionnelles, la socialisation de surface, les bonnes relations familiales/parentales.
En synthèse, pour FREUD l'angoisse me dit que je franchis un interdit et me divise : maladie du conflit et de la culpabilité et pour JANET, c'est la fatigue d'être soi qui me vide et inhibe mon action : maladie de l'insuffisance et de la responsabilité. Je trouve FREUD passionnant au point d'avoir lu toute son œuvre (sauf les correspondances) mais la vie étant faite de choix donc de responsabilité, je vais à présent me centrer sur l'héritage psychologique de JANET : les dépressions et JANET

Jean-Marie LANGE,
19 janvier 2005

Les dépressions et JANET

La dépression et le burn-out sont dû à une surcharge de travail et à une insuffisance psychologique (« incomplétude » dit JANET) à faire face au « poids de la vie »(FERRAT) ?

« Quand on réfléchit bien au fait que ce qui préoccupe avant tout le primate, c’est le sexe, le territoire et la hiérarchie, la réflexion sur le sens semble futile. Certes, on arguera sans doute du fait que l’homme aspire à un sens qui va au-delà des pulsions. Mais je rétorque que c’est à la fois très vrai et très faux : le sens, c’est encore de la pulsion, c’est même la pulsion portée à son plus haut degré d’accomplissement, en ce qu’elle utilise le moyen le plus performant, la compréhension, pour arriver à ses fins.(…) l’intelligence nous offre la possibilité de la complexité sans fondement, de la pensée sans utilité, de la beauté sans fonction. »[16]

Si FREUD a étudié les psychonévroses de la petite enfant ainsi que l’hystérie, Pierre JANET (1859-1947) lui s’est concentré sur la psychasthénie et les obsessions. Rappelons que nous sommes tous des névrosés (ne fut-ce que par le traumatisme de la naissance) et qu’il y a une marge entre les « tendances » et les obsessions maladives. Pour l’insuffisante force à être soi, JANET distingue :
· Les idées obsédantes : les scrupules, les manies, des blocages d’origine exogène (péché) alors que les obsessions sont endogènes.
· Les agitations forcées motrices et/ou émotionnelles : les ruminations mentales (« ressasser »), les terreurs anxieuses, les angoisses physiologiques (sueurs, diarrhée,…), les angoisses mentales (ne pas être mature).
· Les stigmates psychasthéniques peuvent être l’indécision dans l’action, la non maîtrise du temps, le besoin d’excitation pour sentir l’émotion, l’indolence, l’irrésolution, le fait d’être toujours en retard, le désordre de l’écriture, la fatigue, la misonéime (incapacité de s’adapter à des choses nouvelles), des éclipses mentales, de la mélancolie, de l’apathie, le besoin d’être dirigé.
Cet ensemble de traits rassemblés sous le chapeau de la névrose obsessionnelle est l’une des deux grandes névroses humaines avec celle de l’hystérie étudiée particulièrement par CHARCOT et FREUD.

Pour JANET, sous les symptômes de dépression physique et/ou morale, il s’agit d’une faiblesse du tonus vital psychologique (non du tonus musculaire), un sentiment de manque, d’incomplétude, un développement de l’anxiété et des manies jusqu’à la névrose obsessionnelle. Il peut exister des phobies (peur) d’objet, de situation (agoraphobie) ou de fonction. Ces anxiétés peuvent être doublées de tics. Les sujets sensibles sont apparemment d’un niveau intellectuel élevé. Certains ont des obsessions fantasmées sacrilèges (donc en opposition à la religion), d’autres criminelles, d’autres encore d’être laids, etc., ce sont en général des scrupules, très différents de l’idée fixe qui peut entraîner des croyances, tout comme chez les hystériques. Les scrupuleux n’arrivent pas eux à des hallucinations complètes, ils se savent jouet d’une image absurde sans pouvoir la chasser ; ce sont des ébauches d’hallucinations. Alors que les hystériques, victimes d’hallucinations exogènes peuvent passer à l’acte rapidement et sans hésitation, convaincus de la suggestion, l’obsession par contre, est, elle, endogène ; le scrupuleux a besoin de se tourmenter, c’est un « péché » à expier. Les agitations répétitives peuvent être des tics ou des actes à refaire comme conjuration mais ce sont aussi des ruminations mentales d’où la tendance aux somnifères pour les insomniaques ruminateurs d’idées.

En cas d’angoisse exceptionnelle, il peut y avoir des troubles du tractus abdominal ou de la tachycardie par exemple, des sueurs, des troubles respiratoires, des cauchemars. Les stigmates d’incomplétude peuvent être le manque de confiance en soi dans les aptitudes relationnelles, l’angoisse du doute, des sentiments de dépersonnalisation. Les obsessionnels sont réfractaires à l’hypnose et à la suggestion, ils sont sensibles à la fatigue, à l’arrêt de l’instruction, à la timidité, à la mélancolie, ce sont des scrupuleux de l’honnêteté.

JANET se différencie de FREUD dès l’orientation des approches ; chez JANET, il y a une description holistique du sujet et de ses conduites, ce qui sera également le cas de la gestalt/dynamique des groupes de Kurt LEWIN et de la psychologie systémique d’Edgar MORIN, d’Ilya PRIGOGINE et de l’Ecole de Palo Alto (Californie).

JANET s’affirmera dans les années 1920 (soit 20 ans après FREUD et son best-seller « L’interprétation des rêves ») : il n’y a pas de détermination exclusivement sexuelle des obsessions ! Cela rejoint également la distinguo marquée de la libido entre FREUD et JUNG (qui fut le dauphin de FREUD). La libido chez JUNG est l’énergie vitale (ou son manque) qui s’exprime par l’énergétique psychologique et ne se réduit pas à la seule pulsion sexuelle (elle l’englobe).

JANET refuse ce qui fut autrefois une scission claire entre la folie et la raison cartésienne. Les névrosés peuvent parler très logiquement de leur souffrance et sont à plaindre alors que les psychotiques vivent dans un autre monde sans cette conscientisation de leur clivage.. JANET refuse les symboles de FREUD et sa démarche associative aléatoire(lapsus, jeux de mots inconscients,…), la psychologie, dit-il, n’est pas une herméneutique mais une énergétique.

Le pivot de la pensée de JANET est de réintégrer le poids de notre civilisation du mal à être, soit la dialectique du réprimé par l’excès de force auquel il oppose sa faiblesse psychologique du déficit de sa force, « pas assez » pour être docile. ETRE, C’EST AGIR et CRÉER, dit-il. Les idées fixes reproduisent des résolutions prises jadis lorsqu’elles avaient un sens alors qu’aujourd’hui, même si elles sont économiques, elles sont inadéquates. Il y a dans notre cerveau une partie répétitive pour les phénomènes automatiques (conduire son véhicule par exemple) et une partie décisionnelle pour ajuster l’action en feed-back à la situation et c’est celle-ci qui fait parfois défaut dans le phénomène synthétique du choix de la pensée. Le psychasthénique n’a pas de rétrécissement du champ de la conscience comme observé chez FREUD pour les hystériques. Le syndrome déficitaire du psychasthénique est au niveau décisionnel une absence de force de la volonté à résoudre une situation concrète du réel. Pourtant, la conscience est action, ce qui signifie réaction à une situation urgente exigeant les bonnes réponses, les bonnes réparties au moment présent.

Le sujet n’est pas vraiment obsédé mais bloqué dans le vouloir, d’où cette répétitivité d’anciens scénarii non probants. Il souffre d’incomplétude avec des idées conscientisées de honte, de crime et d’autodépréciation (voilà pourquoi –sans haine ni violence – je combats avec énergie l’église catholique vaticane que je n’amalgame pas avec la sincérité des croyants mais comme leur exploiteur, le sabre et le goupillon) qui l’empêche de se décider à agir. De même, le psychasthénique souffre non pas par indifférence mais par insuffisance à exprimer son émotivité( qui donc est refoulée), aussi va-t-il remplacer une construction émotive par une somatisation : des dérangements des viscères qui épuisent le sujet et le résignent à ne pas affronter ses conflits.

Pour comprendre cette altération de la fonction du réel (émotions cachées et fatigue), il faut accepter au départ l’idée de la baisse de la tension psychologique. L’action demande une concentration mentale pour l’effectuation de la synthèse mentale alors que l’agitation motrice fébrile et/ou la rêverie sont du domaine de la « basse tension », une inhibition de la volonté de l’action avec une dérivation énergétique de la force nécessaire dans une dissipation nerveuse et motrice.

Aujourd’hui, avec la psychologie cognitive, on sait qu’un mauvais fonctionnement du circuit de la noradrénaline et de la sérotonine joue un rôle dans les troubles obsessionnels compulsifs » les TOC. Les sujets ont conscience d’un état qui n’est pas adéquat et ils cherchent à en sortir par un travail surajouté, une forme de vie intérieure qui n’arrive pas à la prise de décision, soit un épuisement cérébral. Il ne faut donc pas rejeter d’office la solution médicamenteuse[17] et donc l’utilisation de certaines molécules comme la clomipramine par exemple qui est un antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine.
Les critiques de Sartre, de James et de Bergson vis-à-vis de JANET

BERGSON et JANET se rejoignent souvent mais avec des nuances. Pour BERGSON (1896) dans « Matière et Mémoire », il y a différence entre perception et souvenir. La perception pure est l’esprit sans la mémoire, le souvenir pur n’intéresse que le cerveau et non le corps. La vie psychique évolue donc entre la mémoire qui enregistre les évènements de vie qui se déroulent et la perception sensori-motrice où l’esprit se mobilise pour l’action en réponse à une situation externe.

Dans le cerveau, il y a un tri entre les souvenirs inutiles qui sont oubliés (refoulés) car pouvant devenir inhibiteurs d’action. Il y a donc une collaboration entre les souvenirs significatifs (cognition) et le comportement moteur.. Lorsque par contre, il y a relâchement, une diminution de notre attention de vie externe, il va alors y avoir une totale inhibition du comportement. BERGSON présente les extrêmes avec « l’impulsif » qui vit tout entier dans le présent et réagit au quart de tour et « le rêveur » qui vit tout entier dans le passé, deux formes d’aliénation : l’homme d’action normal a le sens du réel et trie les souvenirs utiles et mobilisables. Cela rejoint assez bien ce que JANET écrit en 1923 :« Savoir jouir du présent, de ce qu’il y a de beau et de bon dans le présent, est une opération mentale qui semble très difficile et qui doit être rapprochée de l’action et de l’attention au réel. »[18]

BERGSON et JANET sont aussi en accord avec le sentiment de « déjà vu » : il s’agit d’une perception à laquelle manque le caractère du présent, on croit donc la répéter, elle a l’apparence du passé. JANET le raconte en ces termes : la psychasthénie avec son affranchissement de la synthèse psychologique passe à un état de conscience automatique et la perception se dédouble, une ombre qui dérive vers le passé tandis que l’action se déroule vers l’avenir : « je suis déjà passé ici et j’y ai déjà vécu cela ! », soit deux jets symétriques : la perception et le souvenir anticipé avec une impression de différence dans le temps.

JANET essaye de percevoir l’homme holistique mais il est influencé par le béhaviorisme de son époque (psychologie du comportement observable) et reste donc mécaniste alors que la psychologie systémique de l’homme d’aujourd’hui est, elle, tout à fait holistique et complexe. JANET reste dans le linéaire stimulus-réponse, ce sera la principale critique de SARTRE et des phénoménologistes à son encontre. SARTRE avait déjà rejeté la « théorie périphérique » de William JAMES : « une mère est triste parce qu’elle pleure ! » ainsi que l’autre bord, l’intellectualisme incapable de rendre compte de la complexité des émotions.

Pour JAMES, l’état de conscience est la conscience que nous prenons de la manifestation physiologique (pleurs), l’émotion serait le sentiment venu d’une perception du corps, soit un choc en retour. Pour SARTRE par contre, l’émotion recèle à la fois les désordres du corps et notre compréhension débouchant sur une structure organisée de notre action psychologique réfléchie dans notre être au monde. Pour JANET, l’émotion est une conduite d’échec, un phénomène inhibiteur : « L’émotion, cette suppression brusque de tout acte adapté, de toute recherche d’adaptation, ce désordre, cette diffusion des agitations de tout l’organisme, autrement dit une régression brutale vers des conduites inférieures. »[19]. SARTRE comprend JANET sans perdre de vue la complexité des réactions. Il écrit également que lorsque nous ne pouvons tenir une conduite supérieure adaptée (la compréhension), l’énergie psychique libérée prend une conduite inférieure (l’émotion, les pleurs,…un autre chemin) qui requiert de l’entité une tension psychologique moindre. Par exemple, face au lion qui nous attaque, s’évanouir, une dérivation de la conduite structurée de fuite.

SARTRE est donc partiellement en accord avec cette lecture mais reproche à JAMES comme à JANET la seule perspective physicaliste : quid de l’impact du psychisme sur l’émotion ? Tenons compte de l’évolution temporelle des connaissances pour à la fois reconnaître le côté aléatoire des interprétations de la méthode associative freudienne : comment le thérapeute pourrait-il contrôler son contre-transfert inconscient ? et le côté mécaniste de JANET pour comprendre la complexité de la problématique avec Henri LABORIT.

Henri LABORIT et le cognitivisme
Nous avons donc un conflit qui ,dans sa perspective interne est la résultante d’une inhibition d’action par es contradictions neuronales faisant que certaines poussent à l’action et d’autres à son inhibition, ce qui secrète de l’inquiétude puis de l’angoisse/anxiété. Mais en-deçà de ce conflit interne sur des niveaux différents entre le système adrénalo-sympathique et le système hypophyso-surrénal, il y a aussi la contrainte externe.
Pour les tribus d’Amazonie qui travaillent 2 h/jour, il y a peu de névroses et peu de stress pour d éclencher des réactions de défense : fuite, lutte ou inhibition d’action. Il y a dans la gestion du travail aujourd’hui et donc dans le management agressif des stimuli conditionnants qui annoncent d’une part une situation d’agression et de souffrance journalière et d’autre part le déni des efforts accomplis antérieurement pour être efficace, une non reconnaissance du « travail bien fait. »

L’humain vit dans ses créations imaginaires, comme le petit chein qui agite sa queue en signe de contentement s’il est heureux, s’il réalise ou s’il désire et est reconnu dans la qualité de son travail. Tout manager conscient de ce mécanisme devrait bannir ses projections critiques et déborder de compliments pour motiver son équipe. Pourtant, la civilisation industrielle n’a pas le temps de cette prise en considération qui susciterait à peu de frais un état de bien-être favorable (un susucre) à la bonne marche de l’organisation. Il existe déjà de fait l’envie et la frustration entre l’allocation du chômeur et les sommes colossales de pension de retraite des députés européens ; si en plus on y ajoute des critiques constantes et non constructives de la hiérarchie bureaucratique, cela fait surcharge. Pour illustrer par un exemple concret, en 40 ans de carrière d’enseignement , j’ai reçu deux compliments de directeurs de catégorie et pour des initiatives visant la performance de mon institution ,une kyrielle de lettres de blâme de ma Direction générale dont la fonction est – il faut le reconnaître – de punir, donc de démotiver (le bâton et jamais la carotte).

Il y a donc une surenchère dans la surcharge effective de travail par le « toujours plus produire en quantité pour le même salaire » et une surcharge affective par cette angoisse de frustration de ne pas recevoir une caresse pour avoir rapporté la baballe et ainsi ne pas agiter notre petite queue (je suis toujours dans l’allégorie du chien, pas besoin de ricaner). Les entreprises se nourrissent de la compétition interpersonnelle et non du bien-être de leurs employés. Les travailleurs sont évalués par des grilles pseudo-objectives qui sont en fait des jugements de valeur (parfois contradictoires) que les dominants transgressent eux allègrement, renforçant ainsi ce sentiment du « trop injuste ! ». Pour illustrer à nouveau par un exemple pris dans mon expérience professionnelle de l’enseignement, celui-ci s’est développé par les pédagogies participatives mais a été récupéré par l’instrumentalisation et les nouvelles technologiques électroniques (une confusion entre un service public de qualité et un rendement de quantité), soit pour l’enseignant un déni de son savoir-faire et un racket économique le poussant à s’équiper à ses frais d’un ordinateur, d’une imprimante, etc. en plus de ses frais de déplacement et des critiques acerbes, sous le silence glacial du contre-pouvoir syndical qui, sous prétexte de ne pas s’occuper de pédagogie, ne s’occupe de rien du tout.

Le travailleur trop critiqué répond soit par une contre-attaque qualifiée alors d’agressive (comme si l’agressivité institutionnelle n’était pas première partout) ou pire pour lui par une inhibition de l’action. J’ai vu des collègues brisés qui donnaient leurs heures comme des zombies en attendant la retraite et en n’apportant plus rien aux apprenants que du « faux semblant ». Cela n’arriverait pas si nous avions des hiérarchies compétentes parce que formées au lieu de la corruption banalisée et généralisée du piston et du népotisme (mon obsession compulsive). LABORIT[20] nous dit : « que la seule raison d’être d’un être, c’est d’être. », autrement dit l’égoïsme est une loi intrinsèque des systèmes vivants, dès lors pourquoi ne pas apprendre à travailler en coopération par l’analyse stratégique des besoins de chacun en lieu et place de la compétition ?

L’homme est le seul animal à savoir qu’il doit mourir.. L’angoisse existentielle rassemble en elle toutes les autres formes d’angoisse. Il y a un conflit majeur entre le désir de survivre (ne pas mourir) et l’interdiction totale d’action ; pour ajouter à cette angoisse, le sujet assiste à sa décrépitude par son vieillissement. Les tentations de l’occultation de l’angoisse de la mort par la pensée magique seront exploitées par les dominants. L’enjeu est de comment faire consentir les dominés au travail obligatoire alors que chaque heure de vie est précieuse ? Avec les jeux sportifs organisées, l’étouffement culturel télévisé, les reality show, les gadgets, les pubs et les nouvelles autos,…Les enfants prisonniers du narcissisme parental sont priés de s’intégrer encore plus dans cette société de l’illusion par la consommation de signes ostentatoires de richesse et de développer les affections mentales corrélatives qui s’en développent. Il y a bien sûr des altérations héréditaires mais ce sera surtout les altérations acquises à la suite du rapport laborieux du sujet avec son environnement (métro-boulot-dodo).

Pour éviter l’inhibition de l’action : la fuite ou la lutte. La fuite peut se faire par le suicide ou la drogue ou encore par la démence. La GESTALT est l’expression de la colère enfouie en tapant sur un coussin par exemple mais il existe aussi la lutte directe en tapant sur les autres supporters lors des matchs, en brûlant des voitures en stationnement ou plus sage en utilisant son excès d’énergie par le jogging. La violence en elle-même ne sert à rien, sauf à se défouler.
L’alternative à la fuite et à la lutte serait de créer, de sublimer la pulsion non assouvie par des créations pas toujours reconnues du vivant de la personne.

Le mal à être va être soigné par la psychothérapie, souvent par la psychanalyse pour rendre l’individu à nouveau conforme aux normes, pour permettre à l’individu d’être lui-même dans le contexte fixé par les dominants et rarement pour agir avec une agressivité défensive sur l’environnement social. On soigne les symptômes de la lésion de façon mécanique/instrumentale sans touché à l’origine de l’affection, la surexploitation de la nature et des humains mis au travail. Par exemple pour traiter un ulcère, on va pratiquer chez le sujet une gastrotomie…au lien de simplement éloigner sa belle-mère de son environnement sociale direct.

Pour conclure sommairement
Avec le zen et le cognitivisme, nous savons qu’un organisme est un grand vide avec quelques particules ayant une masse et que nous pouvons toucher. LE vide entre les atomes et les molécules ont des particules ; des photons, des neutrinos, de l’énergie de masse. De même dans les noyaux atomiques, au-delà des protons et des neutrons, il y a les quarks mis en relation par des particules vectrices sans masse, les gluons. Il y a donc des grains de matière ainsi que le vide énergétique qui les entoure. Il faudrait pouvoir identifier les différents niveaux d’organisation et leurs interactions complexes et nous espèce est encore trop jeune pour percevoir cette vue d’ensemble de l’énergie et de la matière. Nous sommes toujours au stade de nos constructions mentales imaginaires qui inhibent l’action par le discours larmoyant répétitif « que nous sommes malheureux ! », soi des représentations émotives habillées par le cerveau. Notre conscience est piégée par les représentations linéaires du temps et de l’espace.

Les dépressions et JANET
La dépression et le burn-out sont dû à une surcharge de travail et à une insuffisance psychologique (« incomplétude » dit JANET) à faire face au « poids de la vie »(FERRAT) ?
« Quand on réfléchit bien au fait que ce qui préoccupe avant tout le primate, c’est le sexe, le territoire et la hiérarchie, la réflexion sur le sens semble futile. Certes, on arguera sans doute du fait que l’homme aspire à un sens qui va au-delà des pulsions. Mais je rétorque que c’est à la fois très vrai et très faux : le sens, c’est encore de la pulsion, c’est même la pulsion portée à son plus haut degré d’accomplissement, en ce qu’elle utilise le moyen le plus performant, la compréhension, pour arriver à ses fins.(…) l’intelligence nous offre la possibilité de la complexité sans fondement, de la pensée sans utilité, de la beauté sans fonction. »[21]
Si FREUD a étudié les psychonévroses de la petite enfant ainsi que l’hystérie, Pierre JANET (1859-1947) lui s’est concentré sur la psychasthénie et les obsessions. Rappelons que nous sommes tous des névrosés (ne fut-ce que par le traumatisme de la naissance) et qu’il y a une marge entre les « tendances » et les obsessions maladives. Pour l’insuffisante force à être soi, JANET distingue :
· Les idées obsédantes : les scrupules, les manies, des blocages d’origine exogène (péché) alors que les obsessions sont endogènes.
· Les agitations forcées motrices et/ou émotionnelles : les ruminations mentales (« ressasser »), les terreurs anxieuses, les angoisses physiologiques (sueurs, diarrhée,…), les angoisses mentales (ne pas être mature).
· Les stigmates psychasthéniques peuvent être l’indécision dans l’action, la non maîtrise du temps, le besoin d’excitation pour sentir l’émotion, l’indolence, l’irrésolution, le fait d’être toujours en retard, le désordre de l’écriture, la fatigue, la misonéime (incapacité de s’adapter à des choses nouvelles), des éclipses mentales, de la mélancolie, de l’apathie, le besoin d’être dirigé.
Cet ensemble de traits rassemblés sous le chapeau de la névrose obsessionnelle est l’une des deux grandes névroses humaines avec celle de l’hystérie étudiée particulièrement par CHARCOT et FREUD.
Pour JANET, sous les symptômes de dépression physique et/ou morale, il s’agit d’une faiblesse du tonus vital psychologique (non du tonus musculaire), un sentiment de manque, d’incomplétude, un développement de l’anxiété et des manies jusqu’à la névrose obsessionnelle. Il peut exister des phobies (peur) d’objet, de situation (agoraphobie) ou de fonction. Ces anxiétés peuvent être doublées de tics. Les sujets sensibles sont apparemment d’un niveau intellectuel élevé. Certains ont des obsessions fantasmées sacrilèges (donc en opposition à la religion), d’autres criminelles, d’autres encore d’être laids, etc., ce sont en général des scrupules, très différents de l’idée fixe qui peut entraîner des croyances, tout comme chez les hystériques. Les scrupuleux n’arrivent pas eux à des hallucinations complètes, ils se savent jouet d’une image absurde sans pouvoir la chasser ; ce sont des ébauches d’hallucinations. Alors que les hystériques, victimes d’hallucinations exogènes peuvent passer à l’acte rapidement et sans hésitation, convaincus de la suggestion, l’obsession par contre, est, elle, endogène ; le scrupuleux a besoin de se tourmenter, c’est un « péché » à expier. Les agitations répétitives peuvent être des tics ou des actes à refaire comme conjuration mais ce sont aussi des ruminations mentales d’où la tendance aux somnifères pour les insomniaques ruminateurs d’idées.
En cas d’angoisse exceptionnelle, il peut y avoir des troubles du tractus abdominal ou de la tachycardie par exemple, des sueurs, des troubles respiratoires, des cauchemars. Les stigmates d’incomplétude peuvent être le manque de confiance en soi dans les aptitudes relationnelles, l’angoisse du doute, des sentiments de dépersonnalisation. Les obsessionnels sont réfractaires à l’hypnose et à la suggestion, ils sont sensibles à la fatigue, à l’arrêt de l’instruction, à la timidité, à la mélancolie, ce sont des scrupuleux de l’honnêteté.
JANET se différencie de FREUD dès l’orientation des approches ; chez JANET, il y a une description holistique du sujet et de ses conduites, ce qui sera également le cas de la gestalt/dynamique des groupes de Kurt LEWIN et de la psychologie systémique d’Edgar MORIN, d’Ilya PRIGOGINE et de l’Ecole de Palo Alto (Californie).
JANET s’affirmera dans les années 1920 (soit 20 ans après FREUD et son best-seller « L’interprétation des rêves ») : il n’y a pas de détermination exclusivement sexuelle des obsessions ! Cela rejoint également la distinguo marquée de la libido entre FREUD et JUNG (qui fut le dauphin de FREUD). La libido chez JUNG est l’énergie vitale (ou son manque) qui s’exprime par l’énergétique psychologique et ne se réduit pas à la seule pulsion sexuelle (elle l’englobe).
JANET refuse ce qui fut autrefois une scission claire entre la folie et la raison cartésienne. Les névrosés peuvent parler très logiquement de leur souffrance et sont à plaindre alors que les psychotiques vivent dans un autre monde sans cette conscientisation de leur clivage.. JANET refuse les symboles de FREUD et sa démarche associative aléatoire(lapsus, jeux de mots inconscients,…), la psychologie, dit-il, n’est pas une herméneutique mais une énergétique.
Le pivot de la pensée de JANET est de réintégrer le poids de notre civilisation du mal à être, soit la dialectique du réprimé par l’excès de force auquel il oppose sa faiblesse psychologique du déficit de sa force, « pas assez » pour être docile. ETRE, C’EST AGIR et CRÉER, dit-il. Les idées fixes reproduisent des résolutions prises jadis lorsqu’elles avaient un sens alors qu’aujourd’hui, même si elles sont économiques, elles sont inadéquates. Il y a dans notre cerveau une partie répétitive pour les phénomènes automatiques (conduire son véhicule par exemple) et une partie décisionnelle pour ajuster l’action en feed-back à la situation et c’est celle-ci qui fait parfois défaut dans le phénomène synthétique du choix de la pensée. Le psychasthénique n’a pas de rétrécissement du champ de la conscience comme observé chez FREUD pour les hystériques. Le syndrome déficitaire du psychasthénique est au niveau décisionnel une absence de force de la volonté à résoudre une situation concrète du réel. Pourtant, la conscience est action, ce qui signifie réaction à une situation urgente exigeant les bonnes réponses, les bonnes réparties au moment présent.
Le sujet n’est pas vraiment obsédé mais bloqué dans le vouloir, d’où cette répétitivité d’anciens scénarii non probants. Il souffre d’incomplétude avec des idées conscientisées de honte, de crime et d’autodépréciation (voilà pourquoi –sans haine ni violence – je combats avec énergie l’église catholique vaticane que je n’amalgame pas avec la sincérité des croyants mais comme leur exploiteur, le sabre et le goupillon) qui l’empêche de se décider à agir. De même, le psychasthénique souffre non pas par indifférence mais par insuffisance à exprimer son émotivité( qui donc est refoulée), aussi va-t-il remplacer une construction émotive par une somatisation : des dérangements des viscères qui épuisent le sujet et le résignent à ne pas affronter ses conflits.
Pour comprendre cette altération de la fonction du réel (émotions cachées et fatigue), il faut accepter au départ l’idée de la baisse de la tension psychologique. L’action demande une concentration mentale pour l’effectuation de la synthèse mentale alors que l’agitation motrice fébrile et/ou la rêverie sont du domaine de la « basse tension », une inhibition de la volonté de l’action avec une dérivation énergétique de la force nécessaire dans une dissipation nerveuse et motrice.
Aujourd’hui, avec la psychologie cognitive, on sait qu’un mauvais fonctionnement du circuit de la noradrénaline et de la sérotonine joue un rôle dans les troubles obsessionnels compulsifs » les TOC. Les sujets ont conscience d’un état qui n’est pas adéquat et ils cherchent à en sortir par un travail surajouté, une forme de vie intérieure qui n’arrive pas à la prise de décision, soit un épuisement cérébral.
Il ne faut donc pas rejeter d’office la solution médicamenteuse[22] et donc l’utilisation de certaines molécules comme la clomipramine par exemple qui est un antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine.
Les critiques de Sartre, de James et de Bergson vis-à-vis de JANET
BERGSON et JANET se rejoignent souvent mais avec des nuances. Pour BERGSON (1896) dans « Matière et Mémoire », il y a différence entre perception et souvenir. La perception pure est l’esprit sans la mémoire, le souvenir pur n’intéresse que le cerveau et non le corps. La vie psychique évolue donc entre la mémoire qui enregistre les évènements de vie qui se déroulent et la perception sensori-motrice où l’esprit se mobilise pour l’action en réponse à une situation externe. Dans le cerveau, il y a un tri entre les souvenirs inutiles qui sont oubliés (refoulés) car pouvant devenir inhibiteurs d’action. Il y a donc une collaboration entre les souvenirs significatifs (cognition) et le comportement moteur.. Lorsque par contre, il y a relâchement, une diminution de notre attention de vie externe, il va alors y avoir une totale inhibition du comportement. BERGSON présente les extrêmes avec « l’impulsif » qui vit tout entier dans le présent et réagit au quart de tour et « le rêveur » qui vit tout entier dans le passé, deux formes d’aliénation : l’homme d’action normal a le sens du réel et trie les souvenirs utiles et mobilisables. Cela rejoint assez bien ce que JANET écrit en 1923 :« Savoir jouir du présent, de ce qu’il y a de beau et de bon dans le présent, est une opération mentale qui semble très difficile et qui doit être rapprochée de l’action et de l’attention au réel. »[23]
BERGSON et JANET sont aussi en accord avec le sentiment de « déjà vu » : il s’agit d’une perception à laquelle manque le caractère du présent, on croit donc la répéter, elle a l’apparence du passé. JANET le raconte en ces termes : la psychasthénie avec son affranchissement de la synthèse psychologique passe à un état de conscience automatique et la perception se dédouble, une ombre qui dérive vers le passé tandis que l’action se déroule vers l’avenir : « je suis déjà passé ici et j’y ai déjà vécu cela ! », soit deux jets symétriques : la perception et le souvenir anticipé avec une impression de différence dans le temps.
JANET essaye de percevoir l’homme holistique mais il est influencé par le béhaviorisme de son époque (psychologie du comportement observable) et reste donc mécaniste alors que la psychologie systémique de l’homme d’aujourd’hui est, elle, tout à fait holistique et complexe. JANET reste dans le linéaire stimulus-réponse, ce sera la principale critique de SARTRE et des phénoménologistes à son encontre. SARTRE avait déjà rejeté la « théorie périphérique » de William JAMES : « une mère est triste parce qu’elle pleure ! » ainsi que l’autre bord, l’intellectualisme incapable de rendre compte de la complexité des émotions.
Pour JAMES, l’état de conscience est la conscience que nous prenons de la manifestation physiologique (pleurs), l’émotion serait le sentiment venu d’une perception du corps, soit un choc en retour. Pour SARTRE par contre, l’émotion recèle à la fois les désordres du corps et notre compréhension débouchant sur une structure organisée de notre action psychologique réfléchie dans notre être au monde. Pour JANET, l’émotion est une conduite d’échec, un phénomène inhibiteur : « L’émotion, cette suppression brusque de tout acte adapté, de toute recherche d’adaptation, ce désordre, cette diffusion des agitations de tout l’organisme, autrement dit une régression brutale vers des conduites inférieures. »[24].
SARTRE comprend JANET sans perdre de vue la complexité des réactions. Il écrit également que lorsque nous ne pouvons tenir une conduite supérieure adaptée (la compréhension), l’énergie psychique libérée prend une conduite inférieure (l’émotion, les pleurs,…un autre chemin) qui requiert de l’entité une tension psychologique moindre. Par exemple, face au lion qui nous attaque, s’évanouir, une dérivation de la conduite structurée de fuite.
SARTRE est donc partiellement en accord avec cette lecture mais reproche à JAMES comme à JANET la seule perspective physicaliste : quid de l’impact du psychisme sur l’émotion ? Tenons compte de l’évolution temporelle des connaissances pour à la fois reconnaître le côté aléatoire des interprétations de la méthode associative freudienne : comment le thérapeute pourrait-il contrôler son contre-transfert inconscient ? et le côté mécaniste de JANET pour comprendre la complexité de la problématique avec Henri LABORIT.
Henri LABORIT et le cognitivisme
Nous avons donc un conflit qui ,dans sa perspective interne est la résultante d’une inhibition d’action par es contradictions neuronales faisant que certaines poussent à l’action et d’autres à son inhibition, ce qui secrète de l’inquiétude puis de l’angoisse/anxiété. Mais en-deçà de ce conflit interne sur des niveaux différents entre le système adrénalo-sympathique et le système hypophyso-surrénal, il y a aussi la contrainte externe. Pour les tribus d’Amazonie qui travaillent 2 h/jour, il y a peu de névroses et peu de stress pour d éclencher des réactions de défense : fuite, lutte ou inhibition d’action. Il y a dans la gestion du travail aujourd’hui et donc dans le management agressif des stimuli conditionnants qui annoncent d’une part une situation d’agression et de souffrance journalière et d’autre part le déni des efforts accomplis antérieurement pour être efficace, une non reconnaissance du « travail bien fait. »
L’humain vit dans ses créations imaginaires, comme le petit chein qui agite sa queue en signe de contentement s’il est heureux, s’il réalise ou s’il désire et est reconnu dans la qualité de son travail. Tout manager conscient de ce mécanisme devrait bannir ses projections critiques et déborder de compliments pour motiver son équipe. Pourtant, la civilisation industrielle n’a pas le temps de cette prise en considération qui susciterait à peu de frais un état de bien-être favorable (un susucre) à la bonne marche de l’organisation. Il existe déjà de fait l’envie et la frustration entre l’allocation du chômeur et les sommes colossales de pension de retraite des députés européens ; si en plus on y ajoute des critiques constantes et non constructives de la hiérarchie bureaucratique, cela fait surcharge. Pour illustrer par un exemple concret, en 40 ans de carrière d’enseignement , j’ai reçu deux compliments de directeurs de catégorie et pour des initiatives visant la performance de mon institution ,une kyrielle de lettres de blâme de ma Direction générale dont la fonction est – il faut le reconnaître – de punir, donc de démotiver (le bâton et jamais la carotte).
Il y a donc une surenchère dans la surcharge effective de travail par le « toujours plus produire en quantité pour le même salaire » et une surcharge affective par cette angoisse de frustration de ne pas recevoir une caresse pour avoir rapporté la baballe et ainsi ne pas agiter notre petite queue (je suis toujours dans l’allégorie du chien, pas besoin de ricaner). Les entreprises se nourrissent de la compétition interpersonnelle et non du bien-être de leurs employés. Les travailleurs sont évalués par des grilles pseudo-objectives qui sont en fait des jugements de valeur (parfois contradictoires) que les dominants transgressent eux allègrement, renforçant ainsi ce sentiment du « trop injuste ! ». Pour illustrer à nouveau par un exemple pris dans mon expérience professionnelle de l’enseignement, celui-ci s’est développé par les pédagogies participatives mais a été récupéré par l’instrumentalisation et les nouvelles technologiques électroniques (une confusion entre un service public de qualité et un rendement de quantité), soit pour l’enseignant un déni de son savoir-faire et un racket économique le poussant à s’équiper à ses frais d’un ordinateur, d’une imprimante, etc. en plus de ses frais de déplacement et des critiques acerbes, sous le silence glacial du contre-pouvoir syndical qui, sous prétexte de ne pas s’occuper de pédagogie, ne s’occupe de rien du tout.
Le travailleur trop critiqué répond soit par une contre-attaque qualifiée alors d’agressive (comme si l’agressivité institutionnelle n’était pas première partout) ou pire pour lui par une inhibition de l’action. J’ai vu des collègues brisés qui donnaient leurs heures comme des zombies en attendant la retraite et en n’apportant plus rien aux apprenants que du « faux semblant ».
Cela n’arriverait pas si nous avions des hiérarchies compétentes parce que formées au lieu de la corruption banalisée et généralisée du piston et du népotisme (mon obsession compulsive). LABORIT[25] nous dit : « que la seule raison d’être d’un être, c’est d’être. », autrement dit l’égoïsme est une loi intrinsèque des systèmes vivants, dès lors pourquoi ne pas apprendre à travailler en coopération par l’analyse stratégique des besoins de chacun en lieu et place de la compétition ?
L’homme est le seul animal à savoir qu’il doit mourir.. L’angoisse existentielle rassemble en elle toutes les autres formes d’angoisse. Il y a un conflit majeur entre le désir de survivre (ne pas mourir) et l’interdiction totale d’action ; pour ajouter à cette angoisse, le sujet assiste à sa décrépitude par son vieillissement. Les tentations de l’occultation de l’angoisse de la mort par la pensée magique seront exploitées par les dominants. L’enjeu est de savoir comment obtenir le consentement des dominés au travail obligatoire alors que chaque heure de vie est précieuse ? Avec les jeux sportifs organisés, l’étouffement culturel télévisé, les reality shows les gadgets, les pubs et les nouvelles autos,…Les enfants prisonniers du narcissisme parental sont priés de s’intégrer encore davantage dans cette société de l’illusion par la consommation de signes ostentatoires de richesse et de développer les affections mentales corrélatives qui en résultent. Il y a bien sûr des altérations héréditaires mais ce sera surtout les altérations acquises à la suite du rapport laborieux du sujet avec son environnement (métro-boulot-dodo).
Pour éviter l’inhibition de l’action ( la fuite ou la lutte), la fuite peut se faire par le suicide ou la drogue ou encore par la démence. La GESTALT est l’expression de la colère enfouie en tapant sur un coussin par exemple mais il existe aussi la lutte directe en tapant sur les autres supporters lors des matchs, en brûlant des voitures en stationnement ou plus sage en utilisant son excès d’énergie par le jogging. La violence en elle-même ne sert à rien, sauf à se défouler. L’alternative à la fuite et à la lutte serait de créer, de sublimer la pulsion non assouvie par des créations pas toujours reconnues du vivant de la personne.
Le mal à être va être soigné par la psychothérapie, souvent par la psychanalyse pour rendre l’individu à nouveau conforme aux normes, pour lui permettre d’être lui-même dans le contexte fixé par les dominants et rarement pour agir avec une agressivité défensive sur l’environnement social. On soigne les symptômes de la lésion de façon mécanique/instrumentale sans toucher à l’origine de l’affection, la surexploitation de la nature et des humains mis au travail. Par exemple pour traiter un ulcère, on va pratiquer chez le sujet une gastrotomie…au lieu de simplement éloigner sa belle-mère de son environnement social direct.
Pour conclure sommairement
Avec le zen et le cognitivisme, nous savons qu’un organisme est un grand vide avec quelques particules ayant une masse et que nous pouvons toucher. Le vide entre les atomes et les molécules est peuplé de particules : des photons, des neutrinos, de l’énergie de masse. De même dans les noyaux atomiques, au-delà des protons et des neutrons, il y a les quarks mis en relation par des particules vectrices sans masse, les gluons. Il y a donc des grains de matière ainsi que le vide énergétique qui les entoure. Il faudrait pouvoir identifier les différents niveaux d’organisation et leurs interactions complexes mais notre espèce est encore trop jeune pour percevoir cette vue d’ensemble de l’énergie et de la matière. Nous sommes toujours au stade de nos constructions mentales imaginaires qui inhibent l’action par le discours larmoyant répétitif « que nous sommes malheureux ! », soit des représentations émotives habillées par le cerveau. Notre conscience est piégée par les représentations linéaires du temps et de l’espace.


Jean-Marie Lange, 8 avril 2010

[1] "ANXIETE : malaise à la fois psychique et physique caractérisé par une crainte diffuse, un sentiment d'insécurité, de malheur imminent. On réserve plutôt le nm d'angoisse aux sensations physiques qui accompagnent l'anxiété (striction thoracique, troubles vasomoteurs, etc.). Dans la pratique, les deux termes sont synonymes." PIERON Henri, Vocabulaire de la psychologie, Paris, PUF, 1979.
" ANGOISSE AUTOMATIQUE : réaction du sujet chaque fois qu'il se trouve dans une situation traumatique, c'est-à-dire soumis à un afflux d'excitations, d'origine externe ou interne, qu'il est incapable de maîtriser. L'angoisse automatique s'oppose pour Freud au signal d'angoisse." LAPLANCHE J. et PONTALIS J.B., Vocabulaire de la psychanalyse, Paris, PUF, 1981.
"SIGNAL D'ANGOISSE : c'est à la colère, à la punition du sur-moi, à la perte d'amour de sa part, que le moi donne valeur de danger et à quoi il répond par le signal d'angoisse. Il m'est apparu que la transformation ultime de cette angoisse devant le sur-moi était l'angoisse de mort (angoisse pour la vie), l'angoisse devant la projection du sur-moi dans les puissances du destin." FREUD S., Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, PUF, 2002, p. 53.

[2] Source : Syllabus du Pr. M. ANSSEAU, Psychiatrie, 2ème Doctorat en médecine, ULG, 1996-1997.

[3] "Le cadre contient toutes les inductions qui, une fois exprimées, permettent à l'analyste de considérer que tout ce qui se déroule dans l'espace analytique est naturel et non pas induit par lui. Cependant, le psychanalyste installe dans le cadre quelque chose de plus subtil et d'impalpable: son référentiel théorique. Ce en quoi un psychanalyste est malgré tout un Occidental monothéiste à peu près rationaliste. Cet élément que l'on pourrait appeler la mère du psychanalyste ou, selon le mot de FREUD, sa sorcière (la métapsychologie), est omniprésente et pourtant si difficile à décrire. Il est ce qui fait, par exemple, qu'au-delà des querelles d'école et des subtilités techniques, l'inconscient est dedans : dans les neurones, dans la tête, dans le sexe, dans le corps, dans l'histoire familiale,dans la psyché ou que sais-je encore, mais dans un dedans opposé à un dehors. Alors que dans le registre de la sorcellerie africaine, quelle que soit, par ailleurs, la diversité de ses expressions singulières, le mécanisme de la négativité est dehors." NATHAN Tobie, Le sperme du diable, Paris, PUF, 1995, P.81-82.
[4] “Les galaxies humaines charrient des multitudes d’individus ayant rompu avec le réseau des traditions et des croyances, perdu tout contact avec les institutions vernaculaires et tout lien avec leur communauté. Des individus qui se retrouvent isolés et anonymes. Découpés de leur tissu social, ils sont entraîné dans l’orbite du travail fragmentaire, dans le cycle des média et des consommations, selon un modèle, nommons-le américain, qui leur est étranger.” MOSCOVICI Serge, L’âge des foules, Paris, Fayard, 1981, p. 499-500.
[5] DUFOUR Dany-Robert (philosophe, professeur à l’université Paris-VIII), article “Servitude de l’homme libéré”, Le MONDE diplomatique , Octobre 2003, (extrait de “L’Art de réduire les têtes”, Paris, Denoël, 2003).

[6] FREUD Sigmund : " Une autre technique de défense contre la souffrance recourt aux déplacements de la libido, tels que les permet notre appareil psychique et grâce auxquels il gagne tant en souplesse. Le problème consiste à transposer de telle sorte les objectifs des instincts que le monde extérieur ne puisse plus leur opposer de déni ou s'opposer à leur satisfaction. Leur sublimation est ici d'un grand secours. On obtient en ce sens le résultat le plus complet quand on s'entend à retirer du labeur intellectuel et de l'activité de l'esprit une somme suffisamment élevée de plaisir. La destinée alors ne peut plus grand-chose contre vous." Malaise dans la civilisation, Paris, PUF, 1989, p. 24-25.
[7] GOFFMAN Irving, La mise en scène de la vie quotidienne, 2 tomes, Paris, De Minuit, 1973.

[8] JUNG Carl Gustav, Types psychologiques, Genève, Georg, 1993.

[9] PIERON Henri, Vocabulaire de la psychologie, Paris, PUF, 1979.

[10] FREUD Sigmund, Inhibition, symptôme et angoisse, Paris, Quadrige, PUF, 1993 : " Dans la plupart des cas l'énoncé véritable de la motion pulsionnelle agressive n'est absolument pas connu du moi (…) Le sur-moi se comporte comme si aucun refoulement n'avait eu lieu et il traite le moi sur la base de cette présupposition. Le moi qui, d'un côté, se sait non coupable ne peut de l'autre côté, qu'éprouver un sentiment de culpabilité et porter une responsabilité qu'il ne sait pas s'expliquer."(p.32-33) "Exprimé de façon plus générale, c'est à la colère, à la punition du sur-moi, à la perte d'amour de sa part, que le moi donne valeur de danger et à quoi il répond par le signal d'angoisse."(p.53)

[11] FOUCAULT Michel, Histoire de la folie à l'âge classique, Paris, Gallimard, 1974; Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1976.

[12] "L'angoisse est en premier lieu quelque chose de ressenti. Nous l'appelons état d'affect, bien que nous ne sachions pas ce qu'est un affect. Elle a en tant que sensation le caractère de déplaisir le plus manifeste mais nous ne pouvons appeler angoisse n'importe quel déplaisir." FREUD, Inhibition,…,ibid., p.45.

[13] PELLETAN Eugène, politicien radical cité dans ZELDIN T. Histoire des passions françaises, Paris, Seuil/points, 1979, p. 5.
[14] SAHLINS Marshall, Age de pierre, âge d'abondance. L'économie des sociétés primitives, Paris, Gallimard, 1978.

[15] EHRENBERG Alain, La fatigue d'être soi. Dépression et société, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 53 et 58.
[16] BARBERY Muriel, L’élégance du hérisson, Paris, Gallimard, 2006, p.312.
[17] « Beaucoup des activités des glandes endocrines sont orchestrées par une glande située à la base du cerveau, l’hypophyse. L’hypophyse dépend elle-même d’une région primitive du système nerveux central, l’hypothalamus. Ce dernier secrète des hormones libératrices commandant la libération par l’hypophyse de certaines de ses hormones et il constitue la commande extérieure – ou servomécanisme – du système endocrinien comme le cortisol ( glucocorticoïdes) par les surrénales. Chez les déprimés en « inhibition d’action » le taux de glucocorticoïdes plasmatiques est très élevé car l’hypophyse ne répond plus à la rétroaction négative qu’ils provoquent. »(il n’y a plus d’homéostasie du système) LABORIT Henri, La légende des comportements, Paris, Flammarion, 1994, p.35
[18] JANET Pierre « La tension psychologique et ses oscillations »p.928 in présentation page XXIV de « Les obsessions et la psychasthénie », tome 1, Paris, L’Harmattan,2005.

[19] JANET P., Ibid., p.XXIX ainsi que dans « De l’angoisse à l’extase » Paris, F. Alcan, 1928, p. 467-468.
[20] LABORIT Henri, La légende des comportements, Paris, Flammarion, 1994.
[21] BARBERY Muriel, L’élégance du hérisson, Paris, Gallimard, 2006, p.312.
[22] « Beaucoup des activités des glandes endocrines sont orchestrées par une glande située à la base du cerveau, l’hypophyse. L’hypophyse dépend elle-même d’une région primitive du système nerveux central, l’hypothalamus. Ce dernier secrète des hormones libératrices commandant la libération par l’hypophyse de certaines de ses hormones et il constitue la commande extérieure – ou servomécanisme – du système endocrinien comme le cortisol ( glucocorticoïdes) par les surrénales. Chez les déprimés en « inhibition d’action » le taux de glucocorticoïdes plasmatiques est très élevé car l’hypophyse ne répond plus à la rétroaction négative qu’ils provoquent. »(il n’y a plus d’homéostasie du système) LABORIT Henri, La légende des comportements, Paris, Flammarion, 1994, p.35
[23] JANET Pierre « La tension psychologique et ses oscillations »p.928 in présentation page XXIV de « Les obsessions et la psychasthénie », tome 1, Paris, L’Harmattan,2005.

[24] JANET P., Ibid., p.XXIX ainsi que dans « De l’angoisse à l’extase » Paris, F. Alcan, 1928, p. 467-468.
[25] LABORIT Henri, La légende des comportements, Paris, Flammarion, 1994.

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