jeudi 22 avril 2010

GROUPE D’AUTOFORMATION PSYCHOSOCIALE
Association pour le développement de l’autonomie et de la participation sociale
Siège social : 40, rue Saint-Lô, BE 5060 FALISOLLE,
Président Patrick LECEUX 0496/627678 patrick.leceux@mac.com
Coordination pédagogique Jean-Marie LANGE: gap.belgique@skynet.be ;
Groupe d'Autoformation Psychosociale : Formations des adultes et actions humanitaires.
L'association de formation des cadres GAP est une asbl spécialisée en management associatif et en prévention des conflits de groupe. Elle se veut résolument sans but lucratif; aussi, lorsqu'elle dégage un quelconque bénéfice, elle conçoit le projet d'une aide humanitaire technique et ciblée au Tiers Monde. Hier, il s'agissait de formations d'animateurs ruraux et d'animateurs de gestion au Mali et aujourd'hui, c'est l'aide à des associations locales à MAKAMBA au sud Burundi. Notre association n'est pas subsidiée par la coopération au développement de Belgique. Le GAP est un opérateur de terrain qui se réclame de l'application des droits de l'homme et ne se réfère à aucune confession et à aucun parti politique.
Site http://soutien.et.autonomie.free.fr Blog : http://gap-belgique.blogspot.com;
La Dynamique des Groupes (DG) pour une démocratie authentique
« Le problème de la pensée complexe est dès lors de penser ensemble, sans incohérence, deux idées pourtant contraires. Ce n’est possible que si l’on trouve, a) le méta-point de vue qui relativise la contradiction, b) l’inscription dans une boucle qui rende productive l’association des notions antagonistes devenues complémentaires. Ainsi pouvons-nous voir se dessiner un principe de pensée dans la transformation d’une disjonction ou alternative, irréductible sur le terrain de la pensée simplifiante, en liaison ou unité complexe. »[1] (MORIN E.)
La Dynamique des groupes restreints (20-21 personnes) a été étudiée par Kurt LEWIN dans une école d’éducateur à Bethel dans l’Etat du Maine (E-U). En 1947, LEWIN décède, ses successeurs reprennent ses travaux pour les relations d’équipe dans l’industrie et l’enseignement perd ainsi une magnifique ouverture vers une pédagogie participative. Notons pour information que LEWIN a été en 14-18 élève de l’école allemande de la GESTALT (psychologie de la forme) mais qu’aux Etats-Unis, la GESTALT en elle-même deviendra avec Friesz PERLS la gestalt-thérapie centrée sur la personne et son agressivité avec le groupe comme caisse de résonance alors que la DG travaille avec des acteurs impliqués dans un groupe dans l’ici et maintenant, ce qui n’est guère la même chose. Margaret MEAD, lors de l’effort de guerre pour le débarquement, commandera à LEWIN pour le compte des Etats-Unis une étude sur les habitudes alimentaires des ménagères, le problème étant que les bas morceaux du bœuf ne sont pas utilisés et donc qu’il existe un gaspillage des ressources qui seraient plus utiles dans l’effort d’armement.
LEWIN constitue deux groupes de ménagères, un groupe témoin (effet placebo) qui est matraqué de publicités patriotiques pour que ces ménagères utilisent aussi les bas-morceaux du bœuf (sur le moment, c’est OK, puis les habitudes reviennent) et un autre groupe à qui on ne dit pas ce qu’il faut faire mais que l’on intéresse à réfléchir au problème. Contrairement à la rumeur disant les citoyens un peu cons, il n’en est rien et les ménagères arrivent d’elles-mêmes aux conclusions logiques et rationnelles et proposent en plus des recettes pour convaincre les autres d’accommoder les bas-morceaux. Lorsqu’une équipe d’évaluation vient questionner les protagonistes six mois après, on constate que le groupe « publicité » est retourné à ses anciennes habitudes alors que le groupe « cobaye » continue à appliquer les comportements qu’il a lui-même trouvé. Ce fut une des premières lois fondamentales de la DG : « ON SOUTIENT LES PROJETS QUE L’ON A AIDE A CRÉER ! ».
Dans les écoles, les formateurs sont revenus à des exposés ex-cathedra avec le vernis des power-Points, dans les grosses entreprises, on utilise la DG pour aider à la motivation et convaincre ; dans le secteur de manipulation des masses par le média télévisuel, on détourne la DG en son contraire, l’individualisme par les shows de TV réalité comme KOH-LANTA(TF1) : « Il ne restera qu’un seul survivant ! ».
Nous avons alors avec le jeu télévisé une utilisation pour inverser le processus et montrer comme une normalité que l’homme est un loup pour l’homme, alors que la DG initiale, en passant par trois étapes dialectiques nécessaires, arrive à faire que les résultats d’un groupe sont supérieurs à la simple addition de ses parties.
On savait déjà en observant des groupes de rats que dans tout groupe il y a toujours les fonctions de leadership et de bouc-émissaire (pour détourner les mécontentements sur une tête de turc ou de kurde) et que, si par exemple dans un lot, on enlève ces deux joueurs de rôle, il va en émerger deux autres et ainsi de suite. Ce mécanisme élémentaire de groupe n’est plus de mise dans le contexte des relations humaines où selon les feed-back (rétroaction), nous pouvons avoir des réponses multiples et complexes.
Premier moment : l’UNIVERSALITE
Dans les premiers moments, d’un nouveau groupe, les gens sont un peu effrayés, ils perçoivent vaguement les autres formant un groupe hostile et montrent leur côté poli et bien élevé avec force sourire forcé, en se « regardant en chiens de faïence », sans se voir et en parlant pour éviter tout conflit à la troisième personne, (« il y en a ici qui ont dit… ! »).. Pas de tension apparente, donc pas de conflit.
Les gens ont horreur du conflit parce qu’ils assimilent cet état avec la violence et font donc tout ce qu’ils peuvent (y compris la soumission à l’autorité) pour fuir toute situation porteuse d’un conflit.
Pour dégeler l’atmosphère angélique, le formateur-animateur peut créer deux sous-groupes et les mettre en compétition (les jaunes et les rouges par exemple) ; aussitôt, la dynamique change et l’esprit de clocher se forge contre l’adversaire, l’ennemi. Ce que nous montre l’histoire du XX° (et les autres siècles) dans les macrocosmes trop souvent en guerre, dans la scission du sentiment amour-haine. Pourtant, ce qui fait tourner le monde, nous dit en substance HERACLITE, c’est le conflit (et non les boucheries de nos guerres modernes dites chirurgicales).
Deuxième moment : la PARTICULARITE
Lors d’un conflit interpersonnel, nous sommes toujours le bon/la bonne ou la victime et il en va de même en groupe, notre combativité est stimulée par l’hostilité que nous ressentons prétendument venant des autres. Pour empêcher cette agressivité de se dégrader en violence, le formateur va arrêter la montée en conflit et prôner la réconciliation en proposant des activités en grand groupe mais les affinités déjà établies resteront. Notons que lorsque deux amies ou un couple commencent ensemble une DG, ils forment déjà en soi un sous-groupe de repli et auront peu de chance d’apprendre sur les mécanismes du groupe. Notons également qu’une dynamique de groupe se vit dans l’ici et maintenant et il est peu conseillé de débuter les travaux avec par exemple une demi-journée de retard qui ne sera jamais comblée.
Comment est-il pensable de croire qu’un sous-groupe est bon et que l’autre , parce que culturellement différent, est mauvais (comme les réseaux scolaires par exemple) ? Il y a des bons et des stupides dans chaque groupe, sauf peut-être dans celui des élus de Dieu, choisis arbitrairement parmi l’ensemble des peuples de la terre. La recette pour faire une guerre permettant de camoufler une mauvaise gestion étatique par exemple est de monter l’opinion publique contre les voisins désignés ennemis (Les Wallons, les Maghrébins ?). Bien sûr, nous vivons à notre époque des provocations intolérables de la part des musulmans fondamentalistes qui sont nos hôtes, bien sûr les occidentaux ne perpétuent jamais d’attentat suicide aveugle dans les pays arabes, bien sûr imposer des rites barbares comme l’excision ou l’infibulation des petites filles est contraire aux droits de l’homme. Le foulard HIDJAB est un signe religieux qui ne doit pas devenir ostentatoire dans les services publics ouverts à tous ou chez nos représentants politiques qui représentent l’ensemble de la population et non la minorité marocaine infiltrée dans nos partis politiques MAIS je fais l’hypothèse que ces fanatiques religieux que l’on met en exergue sur la chaîne TV Al DJESIRA (pro-Al Quaida) ne sont nullement représentatifs de la grande majorité des musulmans pieux dont les coutumes traditionnelles ne sont pas dans l’irrespect des autres coutumes mais au contraire dans l’accueil bienveillant de l’étranger de passage. Je suis choqué lorsque l’on amalgame sans nuance les musulmans aux Talibans (résolument contre l’instruction des filles en Afghanistan).
Dans nos propres religions aliénantes, il y a eu aussi la barbarie de l’Inquisition contre les hérétiques, la Saint Barthélemy, les excommunications des mécréants, les croisades colonisatrices économiques et la mal-vie infiltrée dans les esprits par la pourriture de la culpabilisation instillée dans les confessionnaux. Donc, le musulman peu cultivé qui va dire « saleté de catholiques » et qui a une photo de Ben Laden dans son salon englobe une majorité d’honnêtes hommes et femmes dans les outrances de tous les clergés confondus se mêlant des affaires temporelles au lieu d’élévation spirituelle. L’idéal civilisationnel tout simple serait de respecter les croyances et non croyances de chacun plutôt que de vouloir le tuer parce qu’il ne pense pas comme nous ! Pour cela, il faudrait une école unique et neutre qui transmette à tous les enfants des connaissances et aussi une information la plus neutre possible sur les différents choix de conscience. Quel gouvernement laïque se vantant de la séparation de l’Etat et de la religion oserait interdire les écoles catholiques et les écoles coraniques pour que de jeunes enfants ne soient plus influencés à l’âge tendre sans connaissance des alternatives ?
Pour revenir au microcosme de la DG, le formateur, pour permettre aux individus de s’exprimer au-delà de l’éloquence des leaders qui s’imposent par la force de leur caractère, va lancer des mises en situation appelées jeu de rôle où l’on peut ainsi analyser tous une situation produite dans l’ici et maintenant sans s’embrouiller avec nos représentations du passé. Par exemple, à l’aide des petites maisons jouets, une équipe réunifiée est amenée à construire un village.
Il s’agit-là d’une surface de projection : par exemple, le jovial rassembleur (un rôle personnel construit ?) s’empare du café et le place au centre, l’introverti préfère une chaumière un peu à l’écart dans un bois, la dame rigide préfère des bâtiments carrés et fermés comme la police et la prison, etc. (mes exemples sont des caricatures bien entendu). Notons que, par la suite, il y aura peu d’échange d’affinité entre la gardienne de l’ordre et le barman (car leurs choix impliquent des options de vie ou de survie radicalement différentes) ; autrement dit, un groupe est la résultante de petits groupes d’affinité capables de travailler ensemble mais aussi de se dire les non-dits.
Ce sera là que le formateur va veiller à reformuler en termes de désaccord sans les jugements de valeur ou les expressions verbales de mépris qui assimilent l’autre à ses valeurs ou à ses propos du moment. Par exemple, on ne peut pas dire « tu es vraiment con ! » mais « je te respecte mais je ne suis pas en accord avec ce que tu viens de dire ! » puis argumenter. On découvre aussi que l’on peut travailler correctement en groupe sans pour cela s’aimer. De même, si un des membres du groupe n’est pas d’accord avec la majorité de celui-ci, c’est dommage mais nous ferons quand même le projet, plutôt que de subir la loi caprice du seul membre divergeant (la loi de la brebis égarée).
Dans les leaderships, il y a ceux qui veulent être chef (statut) et dont le rôle de commandant est au fil du temps peu apprécié quand par exemple, ils lancent des idées mais ne cherchent pas à se mobiliser pour les réaliser (beaucoup d’hommes politiques sont de ce type par exemple). Le groupe a une homéostasie régulatrice et va demander aux chefs autoproclamés qu’ils en fassent un peu moins tout en invitant les plus taiseux à enrichir le groupe de leurs réflexions et commentaires. Notons également, dans notre comparaison avec Koh-Lanta que s’il y a des épreuves souvent gagnées par des supers héros, cela va progressivement déplaire au reste du groupe. Dans ce jeu qui prône l’individualisme gagnant basé sur la lutte de « l’homme qui est un loup pour l’homme », il ne s’agit pas de former une équipe qui se dépasse par son organisation mais les membres sont invités à s’éliminer l’un l’autre pour qu’il n’y ait qu’un seul vainqueur. Dans ce jeu télévisuel, non seulement le côté émancipateur n’est pas évoqué mais les plus mauvais côtés des hommes sont exacerbés pour que les plus forts éliminent les plus faibles ou pour que les plus faibles s’unissent pour éliminer les plus forts dans un esprit de concurrence. S’il y a des gens francs et honnêtes (leaders naturels), il y aura des alliances, des coalitions soit pour les éliminer au conseil, soit pour saboter directement leur performance dans les jeux. Comme les jeux du cirque, le but de Koh-Lanta n’est pas de fonder un groupe harmonieux et de favoriser la coopération mais de divertir avec 14 personnes lâchées en mode de survie dans une nature paradisiaque et qui s’aperçoivent que le plus dur n’est pas de trouver de la nourriture mais de concilier les relations humaines.
Mais il existe aussi des leaders naturels qui se soucient des autres et de leurs opinions et qui peuvent eux être élus par consensus par après.
A l’inverse des premiers, ils ne prennent pas trop de place de parole et de décision (moins Moi-Je), ils savent écouter et argumenter tout en ménageant la susceptibilité de leurs compagnons. Notons ici un petit apport théorique : l’animateur est un « rôle », une fonction provisoire, il est le pouvoir délégué du groupe pour une séance tandis que le statut est un titre dans un organigramme. Il peut donc y avoir des directeurs pistonnés qui ont bien un poste statutaire mais pas de pouvoir car pas de savoir-faire en groupe.
Le troisième moment : la SINGULARITE
Les membres ont compris que sans organisation, ce seront toujours les « grandes gueules » pas nécessairement compétentes qui décideront, sans consultation démocratique. Alors, ils s’ORGANISENT avec un animateur (qui peut varier selon les compétences nécessaires), avec des objectifs fixés, une stratégie globale, des tactiques, une gestion du temps et une mémoire collective, c’est-à-dire un secrétariat tournant où les décisions sont actées noir sur blanc (le compte-rendu de réunion) et que chaque membre du groupe s’engage à respecter (le danger étant que, si après ce genre de prise de décision, le leader sauvage fait ce qui lui plaît en court-circuitant le travail d’élaboration du groupe, celui-ci va redevenir suiveur et amorphe par crainte des conflits).
En ce qui concerne les modes de prise de décision, le consensus de tous est un idéal mais il est difficile à obtenir. Le vote à la majorité simple est plus pratique mais aussi manipulable.
Par exemple, pour prendre dans mon background personnel, j’ai travaillé 8 ans pour Amnesty International ; lors d’une Assemblée Générale (AG) à 18h un jour à Namur, la réunion était mal conduite et à minuit, les décisions n’étaient toujours pas prises si bien que les gens s’en allaient fatigués. Ce fut lorsqu’il ne resta plus qu’une poignée de personnes que les prises de décision furent proposées et votées excluant ainsi la minorité que je représentais. Cela n’est pas de l’animation mais de la manipulation politique qui ne prend pas en compte le long terme et qui se prive ainsi d’une importante partie de la force du groupe. Le vote démocratique lui aussi peut faire des mécontents d’où l’importance de la cohérence, c'est-à-dire que les personnes qui se sont engagées dans une tâche et qui figurent avec leur nom dans le compte-rendu, réalisent bien la tâche promise. Un groupe, c’est un peu comme une chaîne, si un maillon n’est pas fiable, il n’y a plus de chaîne, plus de groupe d’où la nécessité d’exclure le membre immature qui récidive dans son défaut de responsabilité. Un groupe dans la SINGULARITE est authentique (on ne s’aime pas tous) et efficace (on peut compter sur tous), ce modèle de microcosme pourrait aisément se transposer aux autres microcosmes communaux.
Le néolibéralisme cependant a lui aussi compris le système et fait vivre à ses équipes de travailleurs des évènements fondateurs (rafting, sauts à l’élastique, team-building, etc.) pour son objectif de rendement (une équipe de vétérans qui ont un passé commun où ils en ont bavé ensemble).
Dans une formation en DG, la finalité est de conscientiser la nécessité d’élaborer des règles, les accepter scrupuleusement, les tester, puis les remettre en question avec des arguments objectifs pour améliorer le fonctionnement démocratique. Ainsi, lorsqu’un groupe prend forme, on conseille à la personne qui a la tâche d’animateur d’être souple sur le fond et ferme sur les règles. Ce sont de règles éprouvées de la dynamique des groupes (de Pékin à New-York) que je relaie après avoir enseigné celles-ci à l’université de Liège pendant cinq ans.
Remplacer le principe d’un chef autocratique par un conseil de prises de décision,, après l’Allemagne nazie que Kurt LEWIN avait fuie, c’était aussi un engagement social qui fut à la base des statuts de notre association de formation et d’aide aux tiers-monde (le GAP).
On va demander à celui qui gère l’animation du groupe de toujours respecter les trois principes de base de l’animation :
· DIRECTION : ne pas s’éloigner de l’objectif, de l’ordre du jour, ne pas confondre le moyen stratégique (four, moulin,…) avec la finalité ;
· FACILITATION : reformuler les idées de chacun de façon synthétique, réexpliquer une intervention trop longue ou touffue, faire des petites synthèses, gérer le temps et veiller à des prises de décisions avec des responsabilités personnalisées ;
· REGULATION : ne pas laisser monopoliser la parole par les plus verbeux ou ceux qui veulent diriger (parfois de façon inconsciente), donner la parole aux plus taiseux, vérifier s’il y a quelqu’un qui assume la fonction de secrétaire et donc ne pas laisser déraper le groupe dans de l’émotif ou le « pinaillage » sur des détails non significatifs.
Pour synthétiser : tout groupe en formation se pose la première question structurelle : « qui anime ? » puis « qui prend note ? » et avant de commencer la réunion que tous approuvent, les comptes-rendus antérieurs (il suffit de les lire) car sinon cela revient à une réunion du café du commerce où tous parlent sans s’écouter et personne ne fait rien, car il n’y a pas de conducteur de la réunion.
Notons enfin que tout groupe est comme un être vivant qui naît, se développe puis dégénère et il vaut mieux parfois saborder une structure ancienne qui est retombée dans la particularité, s’userait en conflits interpersonnels qu’essayer une quelconque réforme avec un contentieux. En clair, on ferme la structure moribonde et on en rouvre une nouvelle à côté, qui par exemple réaffirme les statuts initiaux, pour ne pas s’épuiser en querelles personnelles et stériles.
Un groupe se donne toujours des règles, l’important de cette approche DG est de transformer les règles implicites en règles explicites. Je commence souvent mes formations en DG par un jeu de rôle de mon collègue Robert DELHEZ. Il s’agit pour un groupe de six personnes de choisir sans méthode (puisque la formation commence) un nouveau directeur pour une maison de jeunes, chacun des six acteurs a le dossier des candidats et doit choisir en groupe et en vingt minutes. Un seul des acteurs a une consigne secrète : « Vous devez faire engager le candidat X ! », c’est-à-dire que, contrairement aux autres et aux observateurs, il a un projet froid et non la candide croyance partagée que tous sont des anges. Après le jeu, je demande aux acteurs et aux observateurs si le choix du candidat X leur paraît démocratique et après leurs acquiescements, je demande à mon « homme de paille » de lire à haute voix ses instructions secrètes avant d’ouvrir le débat. C’est pour cette raison que chaque fois que, dans un groupe, on nous dit pas de règle entre nous, je m’en vais car je n’ai pas de temps de vie à perdre en une pseudo-démocratie comme celle des partis politiques où des pré-réunions décisionnelles ont lieu avant l’AG. Pas de règle, signifie pas de règle explicite !
Dynamique des groupes et histoires de vie
La dynamique des groupes peut être utilisée aussi bien avec une finalité pédagogique avec les MEA (Méthodes d’Education Active) et les jeux de rôle permettant de renouer avec un gai savoir que dans une finalité thérapeutique car les tensions qui surgissent entre participants et sous-groupes sont des signaux de conflits informulés comme par exemple la maladie mentale. Pour cette finalité, on utilisera comme tactique plutôt le psychodrame qui travaille sur les émotions que le jeu de rôle qui travaille sur des processus. Le fondateur de la psychothérapie de groupe, Jacob Lévi MORENO (1889-1974), s’inspire de la catharsis développée par Aristote, une prise de conscience et une “purification” de la psyché.
Les formations en histoires de vie se situent aux confluents de ces deux sources, en permettant la libération des sentiments inhibés (pas le refoulé qui est l’objet de la psychanalyse) et en poursuivant la catharsis par une coéducation responsable aux interactions sociales, une finalité d’épanouissement personnel et d’émancipation sociale. Il s’agit d’une méthodologie douce qui repose sur la réappropriation de l’expression authentique des acteurs, un recadrage de la perception d’autrui et de la relation interpersonnelle, soit un travail d’accession à un “moi” plus sincère et plus profond.
L’écho positif des autres membres du groupe aide la personne en développement à se sentir moins seule dans sa souffrance psychique et/ou sociale, elle prend conscience que les autres aussi ont leurs problèmes et que les aliénations peuvent être dépassées.
Le rôle de l’apprentissage est important pour l’expérience consciente. Notre cerveau n’est pas un ordinateur mécanique mais possède une plasticité adaptative qui nous permet, par l’apprentissage, d’anticiper les conséquences de nos actes et donc de moduler nos réponses face à un environnement de groupe dynamique et mouvant. L’apprentissage par intégration de nouvelles perspectives (le conflit sociocognitif) modifie le poids de nos représentations dans notre conscience subjective et à l’autre bout du système mental, la prise de conscience amplifie les représentations importantes pour le contrôle souple de l’action ici et maintenant. La parole est nécessaire pour notre socialisation mais plus encore l’est l’action; c’est par l’agir que nous construisons notre perception du monde mais aussi notre monde. Le cortex permet le traitement des conflits en intégrant le contrôle moteur, le traitement cognitif et les questions affectives pour réaliser le meilleur choix d’action malgré les déterminismes, c’est-à-dire l’influence des facteurs socioculturels sur le raisonnement. Nos yeux et notre corps réagissent plus vite que notre esprit qui est toujours un peu décalé par rapport au stimulus; la pensée est une conscience interprétative ayant au préalable obtenu un consensus de diverses régions du cerveau dans un “espace de travail neural”, sorte de coordination. A ce système, il est nécessaire de coupler l’empreinte anthropologique et culturelle qui nous pousse à un fonctionnement à la croyance, à l’adaptation et à la répétition des comportements appris par l’observation directe de nos proches.
Cette catharsis est un soulagement en soi mais doit se poursuivre par une analyse de/en groupe qui va “recontextualiser” la problématique. Il y a utilisation de la double compétence cérébrale : l’émotion et l’intellectualisation (Yin & Yang). Ce travail sur le passé recomposé peut se poursuivre avec la généalogie, une recherche sur les spécificités de nos ancêtres, c’est la spécialisation d’une élève française de MORENO : Anne ANCELIN-SCHÜTZENBERGER avec la création de son outil, le génosociogramme. Il ne s’agit pas de trucs et ficelles technocratiques comme dans la PNL (Programmation Neuro-Linguistique); intervenir dans une formation en dynamique de groupe et en histoires de vie demande une formation de plusieurs années même pour les enseignants professionnels et les formateurs aguerris, il faut du doigté pour installer une ambiance sécurisante.
Un travail essentiel et primordial du formateur est d’induire des normes de tolérance et de non jugement de valeur. Lorsque, après un exercice structuré ou un jeu de rôle, la personne entend les analyses du groupe qui à l’inverse de nos mauvaises habitudes de la vie quotidienne ne sont pas faites de piques, de mesquineries et autres méchancetés verbales et non verbales (sourire moqueur, dédain, désapprobation, déni,...), des analyses de groupe faites de remarques ouvertes et positives, visant réellement un but constructif pour la personne, elle peut alors sortir du cercle vicieux du “faire semblant” et être - elle aussi - plus chaleureuse et plus libre.
Le groupe est plus intense qu’une confession en psychanalyse, la relation parlée, sentie et agie en groupe est une expérience émotionnelle forte car comme le dit Kurt LEWIN “le groupe est une addition supérieure à la somme arithmétique de ses parties”. Les gens ayant participé à des interactions relationnelles bien conduites sortent de l’expérience avec une meilleure façon de communiquer, une plus grande compréhension réciproque et un sentiment partagé, celui d’avoir vécu ensemble une vraie rencontre humaine.
Les cinq premières minutes de contact dans un groupe naissant sont importantes car des normes vont s'installer et le formateur va chercher à induire dès le départ un climat de confiance pour endiguer la peur de l'autre en groupe.







Par opposition au T-GROUP assez violent de l'époque de LEWIN [2], le formateur d'aujourd'hui par son attitude empathique invite le groupe à un fonctionnement tolérant. Il faut que les participants se sentent en confiance, soutenus et protégés par l'intervenant. On peut faire l'analogie entre un groupe naissant et un enfant qui a besoin de recevoir de la chaleur humaine, d'être regardé et reconnu pour pouvoir s'épanouir. L'acceptation inconditionnelle de l'autre, la congruence et l'empathie définies par Carl ROGERS sont des attitudes non verbales indispensables pour qu'il y ait communication d'abord en groupe (des individus juxtaposés) puis "de" groupe (des acteurs en interaction).
Dans une première partie de sensibilisation à la dynamique des groupes, le formateur anime et propose des actions et jeux de rôle mais si un échange sonne faux, l'animateur n'hésitera pas à utiliser son droit de veto pour arrêter la comédie. En effet, paradoxalement entrer dans un jeu de rôle demande à la fois de renouer avec son enfant intérieur et de "jouer sérieusement". Par exemple, un protagoniste qui - en se servant du jeu - se moquerait de ses partenaires, cela n'est pas tolérable.
En principe, un jeu de rôle est une mise en situation qui, après 15-20 minutes de jeu, permettra aux participants de pointer diverses observations (avec grilles fermées ou "attention flottante") à propos de ce vécu commun en groupe dans l'ici et maintenant. L'animateur conseille aux acteurs de ne pas intervenir dans un premier temps pour éviter les autojustifications oiseuses mais il n'oubliera pas dans un deuxième temps de les inviter à exprimer leur ressenti. Notons toutefois qu’il peut y avoir des dérapages, notamment une stagnation émotionnelle d’un “groupe fusionnel”, que Didier ANZIEU [3] appelle “l’illusion groupale”, où il est difficile de se quitter pour retrouver le monde de l’en-dehors du groupe. Ce phénomène est bien sûr largement exploité par les dérives sectaires...ou simplement religieuses.
Canevas structurel pour la dynamique des groupes
Pour éviter qu'un travail en groupe devienne une foire d'empoigne, il est courant en dynamique des groupes (DG) de poser en préalable quelques normes de fonctionnement pour faciliter les échanges; des petites règles formant un contrat tacite sont énoncées par le formateur:
· Présences régulières : dans un groupe qui se constitue, une seule personne absente va bouleverser l'ensemble des rapports implicites établis dans le groupe. De plus, comme on travaille sur du vécu, il est difficile de vraiment expliquer lors de son retour à l'absent ce qu'il a raté dans la dynamique,
le groupe a avancé dans son expérience spécifique et l'absent occasionnel va ressentir un manque, un décalage tout le reste de la session. C'est pourquoi, il est demandé d'être ponctuel et régulier : si, par exemple, il s'agit d'un module de quatre jours, il faut que celui qui s'y engage respecte son contrat et les autres sans faille.
· Authenticité et dire le non-dit : dans l'ici et maintenant du groupe avec des messages personnalisés, c'est-à-dire c'est JE qui s'adresse à TU sans avoir recours au "ON" impersonnel. Pour rester soi-même et exprimer librement son ressenti, il est cependant nécessaire de "mettre des gants" lorsque l'on s'adresse à l'autre. Si l'on ressent une émotion hostile, cela n'apporte rien à personne (même pas au sujet) d'insulter son interlocuteur et de laisser éclater sa colère. Nous-mêmes, lorsque l'on nous crie dessus, nous nous renfermons dans notre coquille (la cuirasse caractérielle de Wilhem REICH) et il n'y a plus de communication. Donc, sans nier le conflit ou les contentieux antérieurs inhérents à tous les rapports humains, il est nécessaire d'exprimer son désaccord avec des termes acceptables pour la susceptibilité de l'autre, un respect réciproque qui implique une auto-maîtrise de nos émotions.
· Communication de groupe et non "en groupe" : nous avons l'habitude de la communication interpersonnelle mais peu de pratique de la communication groupale. Lorsque par exemple, on regarde un film de Woody ALLEN où cinq personnes discutent ensemble, on s'aperçoit qu'il s'agit en fait de cinq monologues juxtaposés et chacun poursuit son récit sans se donner la peine d'écouter ceux des autres. En DG, il est bon de proscrire les apartés que l'on pourrait faire à un voisin lorsqu'un membre du groupe s'adresse à tous. Il est bon de délivrer notre message au groupe en regardant les autres et non nos pieds ou nos notes. Il est bon d'être attentif à ce que l'autre dit au point d'être capable de reformuler les principales idées qu'il a émises.
Règle de discrétion : cela concerne tout ce qui peut être dit de personnel dans le groupe et qui ne doit pas sortir du groupe. Il faut que les participants se sentent en sécurité sans déni (les apartés), sans moquerie ou ironie et sans risque que ce qu'ils confieraient en séance, quelqu'un de l'extérieur par après puisse en faire état contre l'un d'entre eux. Le climat convivial/sympa – s'identifier par les prénoms par exemple est nécessaire pour bousculer les statuts sociaux – n'est pas contradictoire avec une ambiance de travail concentrée.
Règle de restitution : parfois lors d'une pause, on repense au vécu de groupe et il nous vient une idée que l'on exprime à son voisin de tasse de café (il peut s'agir également d'une réflexion d'un entre deux week-ends par exemple). Lors de la reprise du travail, il est utile de rebasculer cette réflexion au groupe dans son entier. Il s'agit d'une mise en commun de nos ressources intellectuelles (l'effet multiplicateur du groupe) et cela évite aussi le fonctionnement en bruits de couloir où l'on dit en catimini et derrière une porte ce qu'il aurait fallu exprimer sans peur du conflit tout haut et à tous.
Règle d'abstention : le formateur est au service du groupe et donc au service de tous; au niveau symbolique inconscient, sa neutralité est nécessaire pour éviter les craintes et fantasmes d'être manipulé par une tendance quelconque à travers lui. L'équipe de formation en général va donc s'abstenir de rencontrer ou de fréquenter des participants "dans la vie courante" pendant la durée du travail.
Règle de non jugement : le formateur a pour finalité de permettre au groupe d'aller le plus loin possible dans sa communication et donc dans une autoformation réciproque de chaque membre du groupe. C'est pourquoi, contrairement au pédagogue, il ne va pas annoncer ses objectifs avant mais plutôt après une action de façon à ce que les participants puissent découvrir par eux-mêmes les mécanismes parfois occultés de la communication. Dans la même perspective, il peut provoquer/choquer le groupe pour susciter des remises en question sur des préjugés, stéréotypes et a priori. Or, notre société étant celle du zapping, il est courant que quelqu'un évalue une situation avant même que celle-ci ne soit complètement terminée. Le formateur n'est pas là pour se justifier constamment ni pour devenir un bouc émissaire commode et donc ses processus andragogiques sont sous sa seule responsabilité. Un temps en fin de formation sera consacré à la critique globale du dispositif par tous.
Autoformation impliquée : notre société technologique abuse du "power point" et jette de la poudre aux yeux dans des formations techniques parfois très chères pour faire au fond ce que l'on a toujours fait pour transmettre des matières : un cours ex-cathedra où une personne "supposée savoir" explique sa science à des sujets passifs et consommateurs (le modèle dominant/dominé néolibéral).

Le formateur Marcel LESNE parle de Mode de Transmission Pédagogique (MTP) et montre que l'exposé magistral que nous avons tous connu à l'école, ce qu'il appelle le MTP1, secrète l'ennui et ne permet pas à la personne de s'approprier un savoir trop désincarné. L'apprenant est réduit à un statut d'objet passif, une outre vide que le maître doit remplir. A cette pédagogie normative de la soumission, il oppose le MTP2 des Méthodes d'Education Active (MEA) où il va y avoir un dispositif analyseur actif (comme par exemple la médiation d'un jeu de rôle) pour créer une situation de vécu commune dans l'ici et maintenant que les participants vont ensemble analyser. Dans cette optique, le formateur est un animateur et l' apprenant a cette fois le statut de sujet s'appropriant ce qu'il juge utile pour lui et pour le fonctionnement ultérieur du groupe par le moyen des interactions. Marcel LESNE identifie enfin le MTP3 où le formateur s'efface pour devenir accompagnateur d'un groupe d'acteurs autonomes qui se passent des béquilles techniques et qui par le débat autorégulé progressent par compromis dans l'élaboration de projets communs. Une session équilibrée d'autoformation psychosociale se sert des trois MTP alternés au début (une praxis) pour se clore sur une pratique de MTP3 qui – en principe – doit se poursuivre en autogestion après le départ de l'équipe intervenante.

Le formateur peut montrer son implication en participant par exemple à la présentation du soi mais, par la suite, il ne prend pas part à l'action qu'il dirige pour rester à un lieu de méta communication d'une part et pour ne pas "manger" trop de place dans le groupe d'autre part. Il est au service du groupe et il serait malséant qu'il passe son temps à y raconter sa vie au fil des sessions. Il va veiller bien entendu à ce que tout le monde puisse s'exprimer et permettre sans obligation à une personne plus taiseuse de sortir de son isolement relatif en servant de caisse de résonance à ce qu'elle perçoit. Il s'agit donc aussi de pouvoir bénéficier de l'expérience des autres et de leurs points de vue spécifiques pour recadrer nos problématiques. A l’aide de différentes mises en situation apportées par le formateur, la dynamique des groupes consiste à se raconter en groupe non pas de façon structurée par le temps (du genre “je suis né le...”) mais en épinglant une préoccupation méthodologique ayant des répercussions sur le présent pour en réécrire la suite par un projet d'échanges de pratiques entre égaux. Il s'agit de provoquer un changement de type II c'est-à-dire de faire sauter les inhibitions et tabous qui bloquent le flux torrentiel de la vie. L'objectif visé est que le sujet retrouve sa particularité/intégrité/authenticité/naturalité, que la pulsion de vie coule à nouveau sans entrave dans une personne en harmonie avec son environnement, ce que Freud a appelé le principe de réalité. La distinction est dans le détachement par rapport aux émotions et aux passions. Regarder les événements que nous vivons sans vibrer avec ou à cause d'eux.
Il m'arrive une tuile, et alors ? Se tracasser fera-t-il avancer la situation ? Vivre en pleine conscience ne veut pas dire que l'on va magiquement ne plus subir des tracas mais seulement les regarder avec une certaine distance, les recadrer et conscientiser que le tracas que nous vivons a telle nature, tel effet sur nous mais qu'il n'est pas nous et qu'il n'est pas la fin du monde.
Les saboteurs d'une animation de groupe
Selon la grille d'observation des rôles en groupe d'après Chris ARGYRIS (traduction et adaptation de Anne ANCELIN SCHÜTZENBERGER), "l'obstructeur » (ou "blocker") entrave la progression du groupe et l'empêche d'avancer par divers moyens : entrave, bloque, fait traîner la discussion, revient sur ce qui a déjà été dit discuté et décidé, coupe les cheveux en quatre, sort continuellement hors champ et fait des remarques hors de propos, non pertinentes ("irrelevant"), n'ayant rien à voir avec la question." Comment un jeune animateur peut-il tenter de s'en sortir et de maintenir son objectif face à un saboteur (conscient ou inconscient) de sa réunion ? Notons qu'il est toujours plus facile de détruire un projet que d'aider à le construire et donc qu'il est facile - par un terrorisme intellectuel de la norme sauvage implicite - de casser une animation et/ou un projet se voulant démocratique et de briser une pensée positive. Par exemple, lorsqu'il s'agit d'une implication lors d'une dynamique des groupes (DG), il suffira à n'importe quel membre immature et peureux de disqualifier l'intervention d'un membre plus courageux et prenant des risques pour briser définitivement le fragile tissu de confiance. Nous faisons exister par nos représentations subjectives un réel qui ne l'était pas mais qui le devient. En effet, l'animateur – même s'il a demandé de ne pas faire des jugements de valeur de façon très explicite (du genre "je n'aime pas ton pull" est inqualifiable) va être détruit par le premier jugeur qui s'adressera à un participant pour l'évaluer. Un groupe, c'est comme une chaîne et c'est le maillon faible qui en détermine la solidité et la possibilité ou non de créer un projet commun ensemble. Imaginons qu'après l'intervention impliquée d'un tel, le destructeur dise tout haut une norme terroriste de son cru du genre "cela ne se fait pas de dire cela !", une allégation totalement gratuite (sans fondement négocié) pour casser l'engagement réciproque et qui va paralyser les prochaines interventions en permettant ainsi au saboteur de ne pas se sentir obligé lui aussi de s'impliquer avec la sincérité de celui qu'il a dénigré.
Le jugement de valeur classique d'un saboteur de réunion est dans la "projection" de ses peurs sur le reste du groupe qu'il dénonce. Par exemple : "je n'aime pas les jeux de rôle parce que ce sont des jugements" (alors que cette méthodologie sociale de la production d'un vécu "ici et maintenant" commun d'une situation dépassionalisée a été fondée justement pour contourner les jugements de valeur qui seront par contre privilégiés dans l'autre versant plus psychologique du psychodrame pour les analyser); ce genre de condamnation sans le constructivisme d'une contre-proposition alternative crédible (en lieu et place de ce que l'on veut détruire) est un facteur terroriste de destruction sans appel de la bonne volonté des autres du groupe au nom de notre peur de risquer de nous dévoiler.
De plus, en milieu scolaire, les sabotages les plus fréquents sont de "faire semblant de jouer le jeu" pour avoir "des points" (une crispation infantile par une minorité qui veut les avantages sans les responsabilités du mode de transmission pédagogique de type II de Marcel LESNE) par l'évaluation continue mais sans pour autant participer à la phase centrale de l'évaluation formative, de l'analyse mentale utilisant les fonctions supérieures de l'esprit pour apporter aux pairs (les autres participants du groupe) ses observations pertinentes. Certains sont tellement de mauvaise foi qu'ils vont - en se cachant derrière une auto absolution aberrante et trop pratique de timidité – ne pas dire un mot/une remarque/une réflexion d'apport à la recherche collective (ils sont là comme des pots uniquement pour être portés présents mais si, dans un autre contexte ils devaient payer assez cher ce type de formation, ils en voudraient alors pour leur argent). Ou pire encore, ils vont participer à un jeu de rôle de façon formaliste puis être dans l'obligation de partir pour l'essentiel de l'analyse alors que leur ressenti de joueur dans le jeu de rôle est incontournable. Lorsque par exemple un étudiant a le courage de se mettre au service du groupe pour une animation ponctuelle et didactique, comment peut-il ne pas devenir un bouc émissaire face à des bloqueurs malhonnêtes (pléonasme) voulant au fond contester son "rôle" démocratique (sans statut) pour peut-être "être Calife à la place du Calife" (le rêve d'IZNOGOUD) par des interventions de sabotage ? Qui alors assumera le leadership du groupe ?
Pour faire face à ce genre d'agression de pure destruction, nous préconisons aux jeunes, lorsqu'ils ont pris le risque positif d'animer un groupe de pair, trois attitudes préalables :
- Se donner un temps de réflexion avant de répondre.
- Demander au détracteur de reformuler sa question pour neutraliser son agressivité de premier jet.
- Ne jamais répondre de façon épidermique avec nos émotions.
Donc lorsque l'interpellation, souvent ad hominem/personnelle, a été reformulée et confirmée par le détracteur (dont, pour mémoire, l'intention implicite est de déstabiliser l'animateur parfois par simple jalousie), l'animateur va être tenté de demander à son agresseur – par une candeur touchante - ce qu'il aurait fait à sa place et donc lui donner ce pouvoir qu'il cherche à acquérir par la terreur. Ou encore il va essayer de se justifier par rapport aux pseudo arguments de son agresseur alors que l'enjeu n'est pas dans une clarification des propos mais dans la volonté de puissance, il tombe alors dans ce que l'on appelle la déviance "ping-pong" où l'animateur dialogue avec son contradicteur en oubliant l'objectif, sa mission de conducteur et l'intérêt général du groupe. Celui-ci va alors se désintéresser de la joute et glisser dans les apartés et être irrité de cette réunion qui se délite.
Les réponses tactiques idéales types de l'animateur seraient de faire écho au groupe de son ressenti et/ou de poser une "question reflet" en demandant au groupe concerné son avis avant de synthétiser la réponse du groupe au détracteur. La dernière hypothèse consiste à demander au groupe un vote de confiance pour son animation ou de confirmer le bien fondé de la critique dont il est l'objet (ce qui est fort rare) et si malgré tout, il était désavoué de partir en laissant au groupe le soin/la responsabilité de trouver en son sein un nouveau leadership…en espérant qu'il ne s'agisse pas du saboteur !
Jean-Marie LANGE, 1° novembre 2005 & 20 avril 2010



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[1] MORIN Edgar, La Méthode. I. La Nature de la Nature, Paris, Points, 1981, p.379.
[2] Quelques repères historiques :
Au début de la deuxième guerre mondiale en 1939, Kurt LEWIN (09.09.1890-12.02.1947) avec deux collègues Ronald LIPPITT et Ralph WHITE réalisent une recherche sur la gestion de groupe sous climats autocratiques, démocratiques, laxistes.
1942 – Carl ROGERS met au point sa thérapie centrée sur le client et son livre pivot "Le développement de la personne" sortira en français chez Dunod en 1965.
1945 – Kurt LEWIN fonde le Research Center for Group Dynamics au MIT (Massachusetts Institute of Technology près de Boston).
1947 – Naissance du Training-group ou T.group (First National Training et les premiers séminaires de sensibilisation aux relations humaines par Kenneth BENNE, Ronald LIPPITT et al, des collaborateurs de LEWIN à Béthel (Etat du Maine, USA).

[3] ANZIEU Didier, Le groupe et l’inconscient, l‘imaginaire groupal, Paris, Dunod, 1981 : “ L’illusion groupale représente une défense collective contre l’angoisse persécutrice commune dans une situation “invivable” et impossible. C'est une défense hypomaniaque. L’euphorie, la fête, que les participants connaissent alors, en est une preuve. La pulsion de mort ayant été “projetée” (sur un bouc émissaire, sur le groupe large, sur les ténèbres extérieures), les participants peuvent jouir d’éprouver entre eux un lien purement libidinal. Du point de vue topique, l’illusion groupale illustre le fonctionnement, dans les groupes, du Moi idéal.”(p. 84)

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