mardi 14 décembre 2010

Les possessions

A la recherche des âmes (psychés) perdues. Le chamanisme, une culture de la guérison.

En 1964, le philosophe Cornélius CASTORIADIS, sur la base du matérialisme dialectique, met en forme ce que l’on appellera l’ANALYSE INSTITUTIONNELLE (AI). L’histoire ne se résume pas aux détenteurs du pouvoir, l’INSTITUE (Roi, Président, politiciens à vie, etc.) mais à un conflit permanent entre l’institué qui veut la pérennisation de ses avantages pour lui et sa famille et l’INSTITUANT où citoyen lambda qui veut le changement social. Le pouvoir qui s’incruste et le contre-pouvoir. En régime démocratique de l’oligarchie, la gestion des conflits ne passe pas par le bain de sang mais – en principe – par la négociation ou INSTITUTIONNALISATION, un compromis entre le pouvoir qui veut le statu quo et le contre-pouvoir qui veut l’intérêt de la collectivité. Mais le contre-pouvoir (syndicat par exemple) se fait « récupérer » à moyen terme et il faut attendre la levée dans la société d’une nouvelle vague instituante. Pour illustrer concrètement par un exemple belge, le citoyen se désintéresse de la politique car, entre Bert et Elio, au-delà du conflit ethnique excité par ces maîtres en politique, la proposition est entre la peste et le choléra : voulez-vous un gouvernement de droite avec la NVA et le MR ou de centre droite avec la social-démocratie, maîtresse en Wallonie en confisquant une image de la gauche dont il ne reste que de la fumée. Pour le secteur HORECA, notre bon maître Elio choisit de ne pas interdire (comme en Californie) la cigarette qui va tuer directement une partie de son peuple ; c’est transparent qu’il ne s’agit pas de l’intérêt du peuple mais de faire plaisir à des lobbyings du tabac.

L’époque de mai 1968, fut une brève et intense révolution normative des étudiants avec en corollaire la naissance de la PEDAGOGIE INSTITUTIONNELLE (Lapassade, Lourau, Hess, Lobrot,…), un mouvement dont je ferai partie dès 1973. La pédagogie institutionnelle (PI) interroge l’institution en permettant aux étudiants de conscientiser que la centralité de l’école, c’est eux et non les ministres et leurs réformes stupides ni les profs qui préfèrent « moffler » (sanctionner) plutôt que d’épanouir les jeunes et de veiller à leur émancipation sociale par le développement de leur esprit critique. Lorsque l’analyseur PI est appliqué dans l’entreprise, on parlera alors de SOCIANALYSE. Lourau va dialectiser l’AI avec d’une part sa partie externe, les institutions proprement dites et d’autre part, une partie interne (nos normes et valeurs conditionnées) qu’il appellera l’ANALYSE IMPLICATIONNELLE : qu’est-ce qui fait institution à l’intérieur de moi ? quels sont mes tabous et d’où viennent-ils ? On fait de l’AI, dit Lourau, chaque fois que l’on s’interroge, là où l’on est sur qui décide pour nous et contre nous ? Je poursuivrai ce chemin avec l’aspect psychosocial des HISTOIRES DE VIE qui disent en deux mots que la société d’une époque peut être lue dans nos histoires de vie et aussi que notre existence n’est pas limitée à notre vécu mais qu’elle inclut nos ancêtres, parfois sous forme de « fantômes »(l’objet de ma thèse en 1991). Je travaillerai dans ce secteur de la psychologie sociale comme formateur au CDGAI (Centre de Dynamique des Groupes et d’Analyse Institutionnelle) de l’université de Liège de 1991 à 1994 en animant la section AI et en continuant à m’autoformer aussi bien en psychogénéalogie (Abraham, Toröck, Dumas,.. ;) qu’en ethnopsychiatrie (Devereux, Nathan,.. ;) ainsi que dans le chamanisme de la transe (Lapassade, Bastide,…) et dans l’autohypnose (Janet, Erickson,…). Je m’intéresserai donc également à la sorcellerie, au fonctionnement à la croyance et aux rites d’initiation ou de possession. Je publierai chez L’Harmattan en 2005 l’état de mes recherches sous le titre « Une introduction à la psychologie relationnelle ».

Le rêve est une activité cérébrale nocturne (20’ toutes les deux heures de sommeil profond) qui est parfois une réminiscence de l’activité diurne, l’expression d’un autre moi infra-logique ou encore l’expression d’une perturbation comme les cauchemars. Bien avant l’ouvrage de FREUD « L’interprétation des rêves »(1899), socle de la psychanalyse, les chamans interprétaient les rêves avec une autre symbolique. Pour l’ethnopsychiatrie, la société viennoise bourgeoise de Freud des années 1900 date de plus d’un siècle et est partie prenante des rêves que l’on pouvait faire dans ces culture et époque définies. Cela deviendra un européocentrisme négligeant les autres cultures et/ou les autres époques. Par exemple, les préoccupations d’un indien Yanomami de l’Amazone ne sont pas gonflées de désir sexuel refoulé comme les névrosés que nous sommes. Bien sûr, ils vivent proches de la nature et avec leur corps et non de l’alcool, des calmants, des conditionnements télévisuels ou des drogues (Freud était un cocaïnomane et un coincé sexuel). A l’époque, il constituait l’exemple et les primitifs étaient méprisés ; aujourd’hui, nous sommes plus prudents dans nos certitudes.

Le psychosociologue et philosophe CASTORIADIS nous dit que : « A Salem, depuis 300 ans, les sorcières ont disparu ? » Où sont-elles passées et quelles sont les explications rationnelles de notre époque ? « Faites semblant de croire et bientôt vous croirez ! » disait PASCAL et c’est bien ce que démontre le diagramme de FISCHER repris par Edgar MORIN en établissant que toute hyper activité cérébrale dans le cadre d’une croyance métaphysique peut créer des illusions du genre « apparitions et voix » précédant des états de rupture mystique proches de la schizophrénie ou de l’extase.

Le diagramme de FISCHER constitue une explication psychosociale de la transe, des possessions et des hystéries collectives mais des observations sociobiologiques recoupent cette névrose collective. La lecture biomédicale ne contredit pas la lecture psychosociale mais la complète.

Le seigle cultivé en régions marécageuses et en saisons exceptionnellement chaudes (l’été 1682 par exemple) peut être colonisé par un champignon hallucinogène appelé l’ergot. Ce champignon noir en forme d’ergot de coq et ses spores mélangés avec de la farine peuvent se retrouver dans le pain et intoxiquer plusieurs personnes. L’action de l’ergot est une contraction des artères cérébrales (il est utilisé aujourd’hui comme antimigraineux) avec donc un manque de sang au cerveau, ce qui a comme conséquence physique des fourmillements sous la peau ainsi que des spasmes physiques et douloureux. Dans une étude réalisée dans une contamination récente à Pont St Esprit (France) dans les années 1950, on relate que des personnes se sont défenestrées sous l’effet de la douleur. Ce champignon donne aussi des hallucinations psychédéliques. Il fut synthétisé dans les années 1970 par le Dr HOFFMAN et connu dans les milieux hippies sous le nom de son acide de synthèse, le LSD (le léchage de timbres postes imprégnés).

Dans une époque profondément religieuse comme celle des migrants protestants aux Etats-Unis dans la période de cet été chaud et humide de 1682, lorsque l’on constate que des jeunes filles s’arquent sous une douleur non expliquée et racontent leurs visions, on parlera de possession satanique et de nombreuses intoxiquées seront pendues « preuve à l’appui » après des aveux sous la torture. Elles sont possédées par des diables et la vérification aléatoire de l’époque consiste à prendre un morceau de ce pain de seigle contaminé, à le tremper dans de l’urine de possédée et à le donner à manger à un chien affamé pour constater de visu que les mauvais esprits contaminent l’animal qui, après des comportements étranges, meurt.

Au jour d’aujourd’hui, on analyse mieux cette peur collective d’incompréhension combattue par la recherche de chèvre-émissaire et responsable de la torture et de la pendaison de ces milliers de femmes étiquetées de sorcières.

Le mal absolu n’est pas un Satan hypothétique mais le fonctionnement à la croyance religieuse (hier catholique puis et/ou protestante et aujourd’hui musulmane puis demain peut-être kibandiste ou créationniste ou évangéliste) ; l’obscurité renait toujours des cendres de la lumière. Les lectures sont certes différentes selon les représentations de l’ethnie et de l’époque mais la donnée invariante est bien de toujours faire porter le chapeau aux femmes, de les noyer, de les brûler, de les mutiler, de les pendre et au plus proche de nous avec l’obscurantisme des fondamentalistes islamistes, de les lapider pour adultère sans sanctionner le mâle complice, soit une énorme hypocrisie.

Le mal absolu donc est la peur et le fanatisme des dogmatismes. Si tout le monde dans un village énonce un responsable du « maugrée » des campagnes ( des bêtes qui meurent de façon inexplicable, des jeunes filles aux convulsions hystéroïdes et avec des hallucinations racontant l’apparition du diable avec un corps de singe, des pattes de coq et un visage humain ou des plafonds qui dégoulinent de sang), il n’en faut pas plus à des mentalités primitives pour se dégager rapidement de l’effroi, de la terreur en désignant des coupables. En politique, cela pourrait être le voisin linguistique, le juif, l’ennemi extérieur pour cacher les turpitudes d’une gestion intérieure incompétente et lamentable, par exemple 14-18, 40-45.

Je suis personnellement honteux d’être un être humain de ma seule race d’Homo Sapiens Sapiens incapable de juguler cet obscurantisme stupide, ce type d’hystérie collective que sont les religions, une névrose collective de l’humanité dira FREUD. Je pense que le seul remède à cette barbarie est l’instruction, l’éducation et la pensée scientifique avec bien entendu la valeur de tolérance vis-à-vis de ce que l’on ne comprend pas et qu’en général, on condamne.
Alexandra DAVID-NEEL, grande voyageuse occidentale aux confins du Tibet (vivant sous un mélange d’animisme Bön et de bouddhisme ésotérique) raconte, dans un de ses ouvrages, l’éducation d’un jeune moine. Le lama instructeur invite l’apprenti à méditer dans sa cellule pour visualiser sa divinité. Le jeune influencét par l’objectif se concentre et finira après un certain temps (au fil des jours ou des semaines)à voir ce qu’il veut voir et rapporte heureux son hallucination au lama. Celui-ci l’invite à poursuivre et à sentir les pieds de la divinité touchant son crâne (pas à sentir des pieds, quoique ?), ce qui arrivera bien sûr et ainsi, le lama mettra fin à l’instruction. Mais si par après, le jeune est travaillé par le doute et l’esprit critique et qu’il revient trouver son maître avec un questionnement critique du genre : « et s’il s’agissait d’illusions, de projections, de fantasmes ? », le maître réagit et l’enseignement initiatique de l’hypoactivité cérébrale peut commencer avec la méditation lorsque l’hyperactivité arrive à se tarir par la raison et la réflexion. (Cependant n’idéalisons pas le lamaïsme tibétain qui après avoir été polygame est, avec la réforme au XV des bonnets jaunes de Tsong-Kha-pa, devenu misogyne pour les moines célibataires. (Une femme ne peut serrer la main d’un lama ni s’asseoir sur son coussin, si cela arrive, on brule le coussin et rien n’est dit pour la main de l’impure.)

Cela dit, respectons la foi du charbonnier et si celui-ci veut voir des apparitions, c’est son chemin de mauvais trips. Rappelons-nous la possession hystérique de Jeanne la pucelle d’Orléans dite d’Arc qui entendit la voix de diable se faisant passer pour Dieu qui l’invitait à tuer des frères d’une autre ethnie que la française. C’est une vieille recette que les soldats allemands portaient aussi sur leur ceinturon : « Dieu est avec nous ! », soit des foutaises vraiment bêtes justifiant le meurtre d’autres êtres humains parce qu’ils sont croisés/musulmans ou anglais/catholiques.

Quelqu’un qui est possédé croit à son Dieu ou diable au point par exemple d’avoir dans sa chair les stigmates du Christ ou les signes de Satan. C’est pourquoi, l’ethnopsychiatrie ne prend pas ces hallucinations à la légère mais convoque, discute et négocie avec l’esprit possédant la personne comme si une entité invisible était là. De là, à croire, comme les africains, à l’existence réelle de doubles ou de multiples personnalités ou croire à l’hystérie, c’est nier les travaux de la psychologie scientifique dynamique. Lorsque qu’à l’inverse de l’ethnopsychiatrie, un exorciste ne discute pas calmement mais somme de façon véhémente le diable à sortir du possédé, il provoque ainsi un conflit ordinaire entre la folie passagère de l’excité et la folie du prêtre excitant (qui a peur).

Cela étant dit, il faut à présent comprendre le chamanisme ou les sorciers NGANGA comme une invitation à l’initiation parmi eux pour dépasser cette peur qui pousse aux hallucinations. Le chaman entre en catalepsie et demande à ce que personne ne touche à son corps pendant quelques jours car il se décorpore pour visiter les mondes des esprits (ceux d’en haut et ceux d’en bas) à la recherche de l’âme (psyché) perdue du malade et il y arrive par ses mises en scène car tout n’est qu’illusion et représentation.

Le sorcier NGANGA de l’Afrique équatoriale a lui une transe plus extravertie avec le groupe des initiés, un orchestre, des danseurs, sa transe sera un show. Puis il demande au patient s’il souhaite la seule guérison de sa problématique ou une initiation plus complète aux rites.. Le NGANGA comme le CHAMAN sont des guérisseurs utilisant des plantes médicinales et une psychologie interactive réduite parfois un peu sommairement à l’appellation « magie blanche ». L’argent n’a pas d’odeur et ils peuvent très bien pratiquer la « magie noire » de l’envoûtement à la demande.(jeteur de sorts). Cette pratique de psychologie en groupe et d’inter influence, je l’appelle la psychologie relationnelle à la mémoire de Pierre JANET, psychologue français condisciple de Freud au cours de Jean-Martin CHARCOT. Ce sera JANET qui inspirera en Californie l’école de Palo Alto de psychologie systémique.

Deux thèse s’affrontent à propos des possessions : l’ancienne école parle d’une dissociation (de l’hystérie aux personnalités multiples), donc le versus pathologique de FREUD ; l’autre parle des potentialités cérébrales dont nous n’avons pas tous conscience ni tous l’accès. Pierre JANET sera à la base de la psychologie systémique que l’on peut appeler moderne (Prigogine, Morin, Watzlawick,…) par rapport aux vieilles lunes de la psychanalyse aux relents, avec le divan, de secte laïque.
Pour JANET nos difficultés psychiques sont provoquées par des perturbations externes de stress (divorce, deuil d’un enfant, surcharge de travail, accident,…) alors que pour FREUD, il s’agit d’un refoulé inconscient de la petite enfance..

Pour les Occidentaux existent des problèmes psychiques internes comme les névroses et les psychoses et pour nos amis du sud, si des problèmes de vie et de mort se répètent, il s’agit d’agents externes (l’envoûtement), la question sera de trouver qui a volé ou mangé l’âme d’Untel ?La perte d’âme que le chaman va rechercher correspond aux mêmes symptômes externes que chez nous : une déprime, une perte de tonus, de goût et de volonté, la grosse fatigue, le repli sur soi,…
Notre courant central systémique qui recoupe bon nombre de disciplines actuelles (autohypnose, psychogénéalogie, ethnopsychiatrie,…) prend en compte les spécialisations différentes des deux hémisphères cérébraux.

L’un dit mâle, le gauche est le centre de la logique et du rationnel, l’autre dit femelle , le droit est le centre de l’intuition, de la créativité et du ressenti des émotions du corps. Notons qu’il s’agit de principes (le feu et l’eau) mais que chaque personne, quel que soit son genre sexuel ,est bien dotée des deux hémisphères.

Toutefois, selon les sexes effectifs, il y aurait des priorités : l’homme est plus analytique et la femme plus sensitive. L’homme voit les détails de l’écorce de l’arbre, la femme voit la poésie et la beauté de l’ensemble de la forêt. Selon le TAO chinois également, notre recherche permanente de perfectionnismes serait pour les hommes serait de comprendre leur part féminine avec l’eau et la lune du YIN obscur et inversement, pour les femmes, de comprendre leur part masculine avec le feu et le soleil du YANG lumineux (critères déposés il y a 3500 ans).

Notons en passant que le sexe fort, bien entendu celui des femmes a, avec le cerveau droit, une connexion plus intuitive avec le corps et il en va de même (tous sexes confondus) avec nos amis du tiers-monde qui peuvent plus facilement tomber en transe et devenir médium. Chez les mâles occidentaux, la raison et la pensée scientifique amènent paradoxalement des certitudes et considèrent ce versus peu exploré comme billevesée. La femme est plus réceptive tant aux acides du champignon « ergot de seigle » qu’à des perceptions symboliques de l’âme appelée de nos jours la psyché. Carl Gustav JUNG est le psychologue qui s’est avancé le plus loin dans ce genre d’hypothèses (proches du bouddhisme, du zen et du Tao) tout en se déclarant toujours scientifique scrupuleux. Il est difficile d’accepter des potentialités cérébrales non encore bien identifiées sans glisser dans l’une ou l’autre croyance de charlatan comme le spiritisme par exemple. Par ailleurs, observer un phénomène ne veut pas dire y projeter tout de suite des explications causales.

Avec l’autohypnose et la psychogénéalogie, nous pouvons rêver, comme les chamans, de nos ancêtres et les écouter, soit un autre inconscient que celui de FREUD et que JUNG appellerait l’inconscient collectif (les mythes) mais qu’il semblerait plus adéquat à notre époque d’appeler un inconscient familial, groupal ou clanique.

Lorsqu’un chaman voyage pour trouver l’âme d’un patient, peu importe le décorum avec l’animisme ; ce qui fait bouger est le SIGNIFIANT disait LACAN (l’enveloppe plutôt que la lettre), soit l’environnement psychosocial où tout le village chante, danse et entre en transe sur une musique syncopée et où le sujet perdu peut se retrouver entouré d’une famille et d’amis qui crachent sur son corps du lait ou d’autres substances puis le massent et le caressent pour que le groupe s’intègre à lui par le média du produit. Entre parenthèses, je suis - je pense - un bon exorciste car je ne crois pas ni à Dieu ni à diable, je n’ai nulle crainte des discours hystéroïdes et donc n’ayant pas de peur, je ne risque pas le genre de provocation des prêtres du temps jadis « Vade rétro Satanas ! » ; non, je préfère calmement, avec l’autohypnose, convoquer l’autre moi de celui qui me fait face et lui demander ses attentes pour qu’il le laisse en paix.

En Afrique, la possession peut être celle d’un Dieu (jamais le Dieu suprême NZAMBE rarement évoqué) - les brésiliens parleront d’un Saint - ou d’un génie de la brousse (Mamywata, génie des eaux par exemple). C’est un honneur de devenir son cheval porteur, l’homme ou la femme possédée énonce l’oracle ou même des conseils pour le propre cheval. Le troisième niveau est constitué des esprits malins inférieurs comme les DJINN (des morts sur champs de bataille, des noyés) ou encore les ancêtres qui réclament un sacrifice, un rituel. Nous occidentaux nous dépassons les hallucinations effrayantes de la personne tout en étant attentifs (l’attention flottante de FREUD) à ce que l’autre moi veut nous dire. Rien n’est évident et derrière les représentations explicites, il faut être capable d’interpréter les représentations implicites (là existe en soi un « crossing over » avec les bases de la psychanalyse).

Rappelons ici l’importance du TAO (DAO) avec le Tai’chi du YIN (femelle, rouge) et du YANG (mâle, blanc), le sombre des règles et le lumineux du sperme sont des principes dialectiques interdépendants. Il n’y a pas de lumière sans ombre et vice versa. Le moine bouddhiste du grand véhicule qui prie Bouddha (qui n’est pas un dieu) à la manière du bodhisattva Avalokitésvara c’est-à-dire en supportant les réincarnations (métempsychose) jusqu’à ce que les derniers hommes sortent de la souffrance récurrente (compassion) a aussi son côté ombre. De même, les moines du premier véhicule, en principe plus centrés sur leur propre salut (rédemption) dans leur religion sotériologique de l’Asie du Sud-est, se promènent tous (Cambodge, Laos, Thaïlande, Birmanie) avec dans leur ceinture un petit pénis en ivoire ou en bois pour déflorer, à la demande des parents, les petites filles, pourquoi cet animisme ?

Alors, il faudrait savoir si l’élément femelle est intouchable ou non pour des moines ? JUNG disait que lorsque l’on pouvait enfin accepter notre côté ombre, on pouvait également mieux percevoir notre côté lumière. J’attends toujours un discours aussi vrai de la part des prêtres ou lamas de toutes sortes mais en particulier les catholiques qui proclament « heureux les pauvres » en amassant les richesses de leurs actions FIAT et autres richesses du Vatican ou qui déforment la parole du Christ : « laissez venir à moi les petits enfants ! »pour des abus sexuels statistiquement plus significatifs chez les prêtres à la libido refoulée par l’exigence antinaturelle du célibat.

Pour en revenir aux grandes différences culturelles entre le sud et le nord, :, il peut exister à l’Occident un Trouble de la Personnalité Multiple (TPM) considéré par le DSM IV comme une « dissociation de l’identité ».
Ce trouble des personnalités multiples internes est à placer en discours croisé avec les transes de possession qui elles ont un facteur externe qui fait irruption dans la vie du sujet et s’y installe de façon quasi-permanente. Notons que les transes de groupe sont très codifiées et que quelqu’un qui entre en transe spontanée lors d’un rituel sera cadré et contrôlé pour que cet état modifié de conscience devienne, avec le groupe d’initiation, une possession ritualisée, donc culturellement définie par les croyances collectives du groupe et de l’époque. En Occident, le psychiatre admet le principe de dissociation du moi (le SPLITTING) comme mécanisme de défense par les personnalités multiples et au Brésil ou en Afrique, les gens croient que le monde est peuplé d’esprits désincarnés à la recherche de personnes présentant des capacités médiumniques.

Chez nous, l’histoire de vie peut expliquer la source d’un dédoublement tandis qu’au Brésil, les adeptes de l’UMBANDA (Candomblé) y trouvent les signes d’une spiritualité horizontale fraternelle avec les morts et non nécessairement transcendante. Pour l’exprimer autrement, chez nous, la dissociation est culturellement une pathologie endogène alors que dans les pays du sud, les troubles ne sont pas perçus comme symptômes mais comme des signes de sensibilité médiumnique invitant les « non malades » à être initiés et à devenir eux-mêmes chaman, une réalisation personnelle. La fameuse hystérie (dissociation pathologique) du Dr BREUER et de FREUD (1886) cède aujourd’hui la place à un mécanisme psychosocial normal et universel de protection du moi posé par JANET en 1889. Notons enfin que si chez les possédés, la dissociation est de type somnambulique (après un effacement de la mémoire à l’issue de la transe), chez les médiums et chamans professionnels, on devrait plutôt parler de possession lucide et maîtrisée.

En conclusion, dans son ouvrage « La science en action » Bruno LATOUR répète avec insistance que la science n’existe pas comme une matière figée dans le temps, elle est toujours en mouvement avec de nouvelles hypothèses. Il en va de même en psychologie cognitive, nous savons juste que notre cerveau n’est pas encore utilisé au maximum de ses possibilités. Par exemple, au niveau des « pseudopodes » du cerveau portant les globes oculaires et responsables de la vision, nous imaginions que quelqu’un ayant 10/10ème de vision a la vue la plus excellente. Il n’en est rien car on entraîne aux E-U des pilotes d’hélicoptère à voler en mode semi-obscur sans phare et on développe chez eux, avec forces migraines, une plus grande acuité visuelle : une vision de 14/10ème pour voir la nuit à la lueur lunaire par exemple.

Notre raison (YANG) ainsi que notre intuition et créativité (YIN) sont les faces lumières de notre cerveau mais il y a aussi notre face ombre avec les émotions négatives comme la haine, la jalousie, l’envie et les idées toutes faites que l’on nomme les préjugés (les stéréotypes pour les préjugés professionnels collectifs). On peut dire de la vérité qu’il en va comme de la science, elles sont relatives et jamais absolues. C’est à cela que nous invite Francisco VARELA, à la fois à la tolérance et à la curiosité. Le cognitiviste VARELA arrive avec une technologie spécifique à mettre en couleur les zones de notre cerveau qui s’excitent ou qui s’apaisent. Si nous articulons ses travaux avec le diagramme de Fischer, on pourrait conseiller à tous la pratique du zen ou du yoga pour « calmer nos tempêtes dans un cerveau » et dépasser des moments trop passionnels pour retrouver le rire et le détachement, le lâcher-prise, dit-on, avec tout ce qui nous fait souffrir y compris nos morts. Un adage populaire est éloquent en soi : « laissez-le partir ! » Il s’agit du fantôme d’un être cher que nous maintenons dans notre esprit et nous serions mieux s’il était dans la vacuité du cosmos.

Jean-Marie LANGE, 14.12.2010

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